En présence d'enfant mineur sous administration légale
En présence d'enfant mineur sous administration légale
Le changement de régime matrimonial : une protection contrôlée
- Que reste-t-il de l'immutabilité des conventions matrimoniales ? - La loi du 13 juillet 1965 rompait avec le principe d'immutabilité absolue du régime matrimonial
mais, le changement n'étant autorisé que dans « l'intérêt de la famille », imposait que ce point fût contrôlé par le juge. C'est ainsi que l'homologation judiciaire, alors systématique, attestait de cette conformité. L'article 1397 du Code civil impose, encore aujourd'hui, que le changement soit conforme à l'intérêt de la famille dont la jurisprudence a défini le contenu, par ses décisions d'homologation mais, plus encore, de refus d'homologation (V. infra, Sous-section I, § II, nos
et s.). Ce système de contrôle a priori de la conformité du changement de régime à l'intérêt de la famille, né d'un compromis législatif entre les tenants de l'immutabilité et ceux qui prônaient l'abandon de ce principe a, très rapidement
, suscité la critique
.
La réforme opérée par la loi du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, peut-être lue comme une demi-mesure, car le principe du contrôle a priori par l'homologation judiciaire n'y est nullement supprimé. Simplement, il n'est plus toujours systématique :
Dans la majorité des cas, le seul accord des époux suffit à réaliser le changement sauf lorsque des tiers souhaitent en subordonner l'efficacité au contrôle du juge. Dûment informés, par une notification pour les enfants majeurs et ceux qui avaient été parties au contrat d'origine, par une publicité pour les créanciers, ils peuvent « s'opposer à la modification dans le délai de trois mois ». S'ils restent taisants, le changement de régime prendra effet par le seul accord, solennel, des époux, à la date où il a été fait. S'ils exercent le droit de critique qui leur est offert, les époux qui persisteraient devront se soumettre à la procédure d'homologation, comme par le passé. Le changement ne prendra effet, dans ce cas, que par cette homologation et à sa date. Le critère du contrôle, lorsqu'il est sollicité, reste celui de l'intérêt de la famille.
Il était alors apparu difficile, voire impossible d'offrir aux enfants mineurs placés sous l'administration légale de l'un ou des époux ce même droit de critique. Qui pour juger de l'opportunité de s'opposer ou exercer ce droit en leur nom, alors qu'au moins l'un de leurs représentants légaux (et, le plus souvent, les deux) est partie au contrat objet de cette éventuelle critique ? La difficulté à surmonter l'opposition d'intérêt avait conduit à laisser ce point en suspens. En présence d'un enfant mineur, le changement de régime matrimonial de ses parents (ou de l'un d'eux) restait systématiquement soumis à la procédure d'homologation telle qu'elle avait été conçue en 1965.
La loi du 23 mars 2019 se donne pour ambition de résoudre cette difficulté en supprimant ce dernier cas d'homologation systématique
: l'homologation judiciaire disparaît même en présence d'enfant mineur sous administration légale
. Pour que les intérêtsde cet enfant soient, malgré tout, défendus, est substituée à la demande d'homologation systématique une procédure inédite : le notaire devra alerter le juge des tutelles s'il estime les intérêts de l'enfant menacés… par les conséquences de l'acte dont il est, lui-même, le rédacteur !
Ainsi, les changements de régime matrimonial établis après l'entrée en vigueur de la loi (le 25 mars 2019) ne seront plus soumis à homologation en présence d'enfants mineurs sous administration légale. Contrairement aux enfants majeurs, ni l'enfant mineur ni personne pour lui n'exercera de droit de critique. Le notaire, rédacteur de l'acte, se voit confier un nouveau rôle (Sous-section I). La réforme ne répond cependant pas à toutes les difficultés que soulevait la loi de 2006 et, comme lors de celle de 2006, le sort des changements de régime qui, établis avant son entrée en vigueur, auraient dû être homologués, mais ne l'étaient pas encore le 25 mars 2019, est objet de débat (Sous-section II).
La suppression de la procédure d'homologation et le nouveau rôle d'alerte du notaire
Focus sur les nouveaux textes
C. civ., art. 1397, al. 5 : « Lorsque l'un ou l'autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l'administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 387-3 du Code civil. »
C. civ., art. 387-3 : « À l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable.
Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l'un d'eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci.
Les tiers qui ont informé le juge de la situation ne sont pas garants de la gestion des biens du mineur faite par l'administrateur légal. »
Les questions non résolues ou mal résolues
La loi nouvelle laisse sans réponse l'une des questions nées de la précédente réforme de l'article 1397 du Code civil (celle du 23 juin 2006) : lorsqu'un enfant du couple est décédé laissant lui-même des enfants, faut-il reconnaître un droit d'opposition aux petits-enfants ? Dans l'affirmative, comment faire s'ils sont mineurs ? (§ I).