Avant-propos de Olivier HERRNBERGER, Président du 117e Congrès des notaires de France
Président du 117e Congrès des notaires de France
« Vu qu’il n’y a richesse ni de force que d’hommes »
Jean Bodin, la République
La dématérialisation est en chemin, et irrigue chaque jour un peu plus toutes les strates de la société.
L’ordinateur et les logiciels sont des outils. Ils devraient à ce titre rester sans effet sur le contenu de la règle de droit, de la même manière que l’évolution de la voiture, quelle que soit l’autonomie qu’elle peut atteindre, devrait rester sans incidence sur le Code de la route que son conducteur doit respecter.
Et pourtant...
Ces outils emportent des modifications profondes des comportements. Plus encore, ils impactent la relation du citoyen avec les autorités publiques, certaines démarches officielles ne pouvant s’effectuer que par l’intermédiaire de la machine.
Les données personnelles sont devenues une valeur économique que l’on s’arrache et les traces laissées sur la toile bousculent la vie privée.
Il se développe de nouveaux actifs, de nouvelles œuvres d’art et de nouvelles manières d’échanger des consentements, totalement déconnectés de toute appréhension matérielle.
Les algorithmes, enfin, permettent d’envisager une automatisation dans la décision de contracter ou dans l’exécution du contrat, qui n’étaient pas envisagés par le Code civil.
Cette révolution nous interpelle : Citoyen comme Juriste.
Comme Citoyen d’abord, car quelle est la place dans le corps social de celui qui n’a pas accès à internet ou qui ne sait pas l’utiliser et ne peut plus exercer aucun droit ni faire aucune démarche ?
Comme Juriste aussi, car notre dépendance à la maitrise de l’ordinateur renouvelle la question de la perte des facultés cognitives et ces nouveaux actifs patrimoniaux comme les nouvelles manières de contracter se télescopent avec les canons du Code civil.
L’univers dématérialisé devrait-il nous conduire à un « grand soir du Droit » dans lequel tous les principes juridiques seraient à réécrire ?
Le choix du thème, « le numérique, l’Homme et le droit » répond à cette interpellation :
- d’abord en plaçant l’Homme – avec une majuscule, c’est à dire l’être humain – au centre de la discussion. Le numérique comme le droit ne sont pas une fin en soi. Seul l’Homme en est une. C’est pourquoi nous avons associé à nos travaux un sociologue, le professeur Dominique Boullier, pour construire nos réflexions de juristes à partir des attentes et des craintes du corps social ;
- ensuite en démontrant que les principes sur lesquels notre droit est construit ne sont pas dépassés et que celui-ci dispose des moyens d’accueillir ces nouveaux actifs et ces nouveaux contrats pour les utiliser avec le même niveau de sécurité que celui qui existe dans le monde matériel ;
- enfin en faisant apparaître que la dématérialisation ne rend pas obsolètes les professions du droit – au premier rang desquelles les notaires – chargées de conseiller, d’accompagner et de sécuriser les échanges. Bien au contraire, les risques attachés à l’instantanéité et à l’absence de représentation physique du consentement ou des actifs rendent encore plus nécessaires la présence de ces passeurs.
L’équipe du 117 e Congrès a été conduite avec talent et élégance par Olivier Boudeville, notaire à Rouen et rapporteur général, et appuyée avec une excellence et une bienveillance de tous les instants par Manuella Bourassin, agrégée des universités et professeur à Paris Nanterre.
Elle vous propose un voyage au cœur de la dématérialisation, qui vous invite à en démystifier les contours et à vérifier que notre système de droit est armé pour en accueillir les innovations.
Cette équipe de notaires bénévoles a consacré deux années à ce travail, pour apporter sa pierre à l’amélioration de notre droit. Ces professionnels sont la preuve vivante de l’engagement permanent du Notariat français au service de la société.