Les atteintes aux procédures civiles d'exécution

Les atteintes aux procédures civiles d'exécution

Le smart contract symbolise la liberté individuelle des cocontractants dans l'organisation de leur relation. Dans cette logique, son automaticité force l'exécution en ce qu'une fois programmé, il ne peut plus être stoppé, rendant sa réalisation inéluctable. Un tel processus favorise l'exécution forcée du contrat, mais la soustrait aux tiers auxquels l'État confie traditionnellement la force exécutoire (juges et huissiers en tête). Il interroge sur la contractualisation de la contrainte (§ I) et, plus fondamentalement, sur la souveraineté de l'État (§ II) .

Le smart contract et la contractualisation de la contrainte

Les procédures d'exécution sont d'ordre public. « L'État a le monopole de la violence légitime » C. Brenner, La présence de l'État dans les rapports contractuels entre les citoyens : l'exécution forcée des contrats : JCP N 2019, 1092, no 1. . Il existe peu de possibilités de déroger à cette règle. Toutefois, le créancier a l'initiative de la procédure (A) et certaines clauses permettent aux parties d'organiser une justice privée (B) .

L'initiative du créancier dans les procédures d'exécution forcée

? Le discernement du créancier à l'origine des procédures d'exécution forcée. ? Les procédures d'exécution ont pour objet de permettre au créancier d'obtenir le paiement sans le concours du débiteur. En revanche, le créancier a un rôle important à jouer, car c'est lui qui impulse la procédure. Sans son intervention, l'absence d'exécution est sans conséquence pour le débiteur. Le créancier est juge de l'opportunité des poursuites civiles. Une nouvelle fois, le discernement humain est mis en avant pour déterminer la pertinence de mobiliser telle règle ou sanction.
Le mécanisme du smart contract s'oppose de nouveau au droit positif. Utiliser le smart contract dans le cadre des procédures d'exécution consiste à programmer l'envoi de la mise en demeure préalable. L'automatisation écarte le créancier de cette phase, l'obligeant à se prononcer sur la suite à donner en cas d'inexécution dès la conclusion du contrat. L'idéologie smart contractuelle ne conçoit l'absence d'envoi de la mise en demeure que comme le résultat de la négligence humaine. La réalité est souvent différente. Le créancier peut seulement vouloir adapter sa réaction à la non-exécution en termes de délai comme d'intensité V. supra, no . .

Le droit individuel du créancier à l'exécution reconnu par le droit européen

Dans l'arrêt Hornsby Grèce , la Cour européenne des droits de l'homme étend la portée de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme à l'exécution des décisions de justice. Elle découvre un droit à l'exécution dont le créancier est titulaire par sa seule qualité. L'État n'ayant pas mis en œuvre les moyens pour faire respecter le jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée et de la force exécutoire doit être condamné.
Le droit européen reconnaît ainsi le droit individuel du créancier à l'exécution. Peu importe la forme de cette mise en œuvre. L'accent est mis sur le droit du créancier et non sur la protection du débiteur. Cela « pousse naturellement à la revendication d'un dépouillement des formes et d'une efficacité toujours plus grande de l'exécution ».

Les clauses contractuelles organisant une justice privée

Les parties peuvent mettre en place une forme de justice privée par la stipulation de clauses organisant la sanction du contractant défaillant. Toutefois, ces clauses ont souvent une portée limitée. La clause pénale est révisable en justice (C. civ., art. 1231-5">Lien). En matière de sûretés, l'encadrement du pacte commissoire est très important (C. civ., art. 2348">Lien, 2459">Lien, 2460">Lien et 2365">Lien ; C. com., art. L. 622-7">Lien, L. 631-14">Lien et L. 641-3">Lien) et la clause de voie parée est interdite (C. civ., art. 2346">Lien et 2458">Lien ; CPC ex., art. L. 311-3">Lien).
Le contrat est l'accord des parties. Le smart contract en soustrait l'exécution à leur volonté. Son automaticité est sa force. L'exécution du contrat ne relève pas du bon vouloir du débiteur ni même du créancier, mais de l'accomplissement de conditions prédéfinies. Soutenue par la blockchain, l'opération ne peut pas être validée en cas d'insolvabilité de l'une des parties. En effet, la chaîne de blocs permet la confirmation du contenu du porte-monnaie électronique avec les transactions réalisées, et le smart contract ne peut être implémenté que si la somme engagée est disponible. Cette fonction autoexécutante est à l'origine de l'effet disruptif du smart contract. Le tiers séquestre n'est plus indispensable. La somme nécessaire à l'exécution du contrat est captée par le smart contract. Elle est libérée lors de la réunion des conditions V. supra, no . . À l'inverse, l'absence de réunion des conditions permet de rétablir les parties dans leur état initial et d'automatiser les sanctions prévues conventionnellement. Un tel contexte est propice à l'organisation d'une justice privée dont l'exercice est encadré dans le contrat.

L'« astreinte conventionnelle » et la clause pénale

L'astreinte peut être fixée contractuellement. Elle consiste en une pénalité par jour de retard dans l'exécution d'une obligation, suffisamment importante pour être dissuasive. Elle a une valeur préventive. Il s'agit de vaincre une éventuelle résistance à l'exécution d'une obligation. La clause pénale consiste à prévoir des dommages et intérêts conventionnels en cas de manquement à ses obligations par l'une des parties. L'une n'est pas exclusive de l'autre. L'astreinte contraint en incitant à une exécution rapide. La clause pénale sanctionne l'inexécution. Toutes deux ont un caractère comminatoire patent. Pour cette raison, la jurisprudence qualifie la clause d'astreinte de clause pénale. Leur révision en cas d'excès se fonde sur l'article 1231-5 du Code civil (C. civ., art. 1231-5). Prévoir l'exécution d'une clause pénale et/ou d'une clause d'astreinte par le biais d'un smart contract est envisageable. L'absence d'exécution entraîne une indemnisation forfaitaire ou par jour de retard, voire les deux.
Programmer une telle clause présente trois inconvénients majeurs.
L'article 1231-5 du Code civil (C. civ., art. 1231-5) n'envisage pas d'autre indemnisation que le versement d'une somme d'argent. Un processus entièrement mis en place sur une blockchain aboutit à un paiement en cryptoactifs et non en monnaie proprement dite.
Dans sa fonction de registre, la blockchain permet de tracer la provenance de chaque unité de cryptoactif pour vérifier sa disponibilité avant d'engager une opération. Prévoir l'exécution d'une clause pénale par un smart contract suggère l'immobilisation de la pénalité dans l'attente de l'exécution de l'obligation : si l'obligation est exécutée, la somme est restituée au débiteur ; dans le cas contraire, elle est remise au créancier. La confiscation de cette somme dans l'attente de la réalisation du contrat est une garantie pour le créancier, mais elle ne s'impose pas en droit. S'agissant de l'astreinte, l'immobilisation d'une somme dans le cadre du processus smart contractuel semble encore plus inadéquate, puisqu'il est impossible de déterminer à l'avance le nombre de jours pendant lesquels une obligation restera éventuellement inexécutée.
Le dernier inconvénient est lié au pouvoir du juge, absent du processus smart contractuel. Or, la loi permet au juge de modérer ou d'augmenter la pénalité si elle est manifestement excessive ou dérisoire ou l'adapter lorsque l'obligation a été partiellement exécutée (C. civ., art. 1231-5, al. 2 et 3). Cette appréciation judiciaire se trouve évincée par la rigidité du code informatique, lequel n'a pourtant pas la capacité d'apprécier la justesse de la pénalité fixée par les parties. Dans la mesure où il est interdit de déroger contractuellement à la révision judiciaire des clauses pénales (C. civ., art. 1231-5, al. 4), la licéité du smart contract est ici douteuse.

Approfondissement au regard des clauses de voie parée et du pacte commissoire

? L'interdiction de la clause de voie parée. ? La clause de voie parée est celle par laquelle le constituant d'une sûreté réelle consent au créancier gagiste, nanti ou hypothécaire la possibilité de procéder à la vente du bien grevé, sans suivre les formalités de saisie. Autrefois fréquente dans les contrats de prêt, elle permettait de faire exception à la loi dès le commandement de payer demeuré infructueux Assoc. H. Capitant, G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 13e éd., 2020, p. 1071. . En adjoignant un smart contract à une telle clause, le système devient impitoyable. L'automatisation pourrait concerner non seulement la mise en demeure mais également, par exemple, la saisine du notaire choisi au préalable par les parties pour réaliser la vente aux enchères du bien hypothéqué en cas de défaillance du débiteur. Cependant, les articles 2458, alinéa 2 du Code civil (C. civ., art. 2458, al. 2">Lien) et L. 311-3 du Code des procédures civiles d'exécution (CPC ex., art. L. 311-3">Lien) interdisent la clause de voie parée en matière immobilière. Elle est également prohibée en matière mobilière (C. civ., art. 2346">Lien) Assoc. H. Capitant, G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 13e éd., 2020, p. 1071. .
Sur le papier, le mécanisme est infaillible. Cependant, il se heurte à plusieurs obstacles liés à la qualification juridique du pacte commissoire mais aussi à ses conséquences, notamment en droit des sûretés et des entreprises en difficulté.
  • La qualification juridique du pacte commissoire : assimilée à une dation en paiement, la réalisation du pacte commissoire nécessite la purge des droits de préemption. L'immédiateté du transfert de propriété est donc utopique.
  • Les conséquences juridiques du pacte commissoire incompatibles avec le droit des sûretés et des entreprises en difficulté : le droit des sûretés appelle principalement des remarques touchant à la dépossession et à l'opposabilité aux tiers, ainsi qu'aux délais d'exécution. La dimension collective du droit des entreprises en difficulté s'oppose également à l'automatisation du pacte commissoire.
La stipulation d'un pacte commissoire n'empêche pas plus le débiteur de disposer de son bien. Dans cette hypothèse d'aliénation du bien grevé à un tiers, la mise en œuvre automatisée du pacte commissoire au moyen d'un smart contract est plus radicale que l'exercice d'un droit de suite. Le créancier se voit transférer la propriété du bien, le tiers étant corrélativement exproprié. En matière immobilière, la seule inscription du pacte commissoire sur la blockchain ne vaut pas opposabilité aux tiers ; la créance assortie d'un pacte commissoire uniquement inscrite sur la blockchain est inefficace puisqu'elle ne confère pas de droit de préférence. Seule la publicité foncière le permet. Au moment de la réalisation du pacte commissoire, la plénitude du transfert de propriété est subordonnée à son constat par acte notarié publié au service de la publicité foncière. La blockchain ne rendant pas le transfert de propriété opposable aux tiers, un smart contract ne garantit en rien les droits du créancier en matière immobilière.
Un smart contract interdit au créancier de différer la mise à exécution du pacte commissoire si elle n'a pas été prévue dans le contrat initial. Pourtant, un délai de grâce peut être demandé par le débiteur défaillant dans les conditions de l'article 1343-5 du Code civil (C. civ., art. 1343-5">Lien). Il ne peut porter que sur une créance devenue exigible. Un smart contract s'exécutant immédiatement au jour de la défaillance empêche le débiteur d'user de cette possibilité. À l'inverse, un smart contract différé ou ayant maintenu une mise en demeure permet au débiteur de demander au juge un délai de paiement. L'appréciation du juge est factuelle. Il considère les situations respectives du débiteur et du créancier. L'octroi d'un délai de grâce fait obstacle au pacte commissoire. En revanche, si ce dernier est automatisé via un smart contract et qu'un délai est accordé postérieurement, le code est inarrêtable. Le transfert de propriété sera inscrit sur la blockchain.
? La portée limitée du pacte commissoire. ? L'ordonnance du 23 mars 2006 Ord. no 2006-346, 23 mars 2006, relative aux sûretés : JO 24 mars 2006, no 71, p. 4475, texte no 29. a autorisé le pacte commissoire. En prévoyant cette clause, le créancier se fait consentir le droit de s'approprier la chose affectée en garantie en cas de non-paiement à l'échéance. Au premier abord, l'automatisation sied parfaitement à l'effet radical d'une telle stipulation. L'exécution du pacte a lieu de plein droit en cas de défaillance du débiteur sans que son accord soit nécessaire. Si la date de transfert de propriété n'est pas mentionnée expressément dans le contrat de sûreté, le défaut d'exécution de l'obligation garantie constitue son fait générateur. Les parties peuvent écarter expressément la mise en demeure préalable à la réalisation du pacte. Un expert est nommé amiablement ou judiciairement pour déterminer la valeur du bien grevé comparativement à celle de la créance impayée (C. civ., art. 2348">Lien et 2460">Lien). Si elle est supérieure, la différence est versée au débiteur défaillant ou consignée s'il existe d'autres créanciers garantis sur le même bien. La nomination de l'expert peut avoir lieu dès la conclusion du contrat. Le risque pour le débiteur est d'accepter celui désigné par le créancier sans l'avoir vraiment choisi.
Bien que le pacte commissoire puisse être mis en œuvre de la seule volonté du créancier, un acte est souvent nécessaire pour constater le transfert de propriété Rapport du 107e Congrès des notaires de France, Cannes, 2011, Le financement : les moyens de ses projets, la maîtrise des risques, no 3187. . Sauf à ce que le débiteur accepte de signer cet acte, l'intervention du juge sera indispensable, rompant l'automaticité souhaitée. Le smart contract propose une alternative intéressante.
Le pacte commissoire peut être prévu dans le cadre d'un gage, un nantissement, une hypothèque ou une antichrèse. Seule l'antichrèse dépossède inévitablement le débiteur de son bien au bénéfice du créancier. Elle est la moins courante des garanties auxquelles un pacte commissoire peut être adjoint. En l'absence de dépossession Facultative en matière de gage, l'absence de dépossession est nécessaire dans le cadre d'un nantissement ou d'une hypothèque. , le processus smart contractuel, aussi efficace soit-il, ne garantit pas la remise de la chose. Seul le transfert de propriété est constaté sur la blockchain. En revanche, le créancier ne peut pas bénéficier matériellement du bien de manière certaine au jour du transfert. Sauf peut-être, dans l'exemple de la voiture connectée, si le véhicule est immobilisé au moyen d'une serrure connectée. En outre, l'inscription du transfert de propriété sur la blockchain ne rend nullement opposable aux tiers le droit du créancier sur un immeuble faute de satisfaire aux exigences de la publicité foncière.
L'ouverture d'une procédure collective s'oppose à la conclusion et à la réalisation d'un pacte commissoire (C. com., art. L. 622-7">Lien, L. 631-14">Lien et L. 641-3">Lien). L'exécution automatique d'un pacte commissoire par un smart contract en dépit de l'ouverture d'une procédure est donc illicite. En effet, le smart contract est étranger à la dimension collective des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Individualiste, il applique le contrat uniquement, sans regard sur la situation prise dans sa globalité V. supra, no . .

<strong><em>Smart contract</em></strong> et pacte commissoire

Si le débiteur ne paie pas à l'échéance, alors la propriété du bien X, affecté en garantie, sera transférée immédiatement au créancier.

Si le bien X a une valeur supérieure à la dette, alors la différence entre la valeur du bien et celle de la dette sera versée au débiteur en ethers.

Le contrat fiat devra prévoir expressément l'absence de mise en demeure.

En se projetant dans un avenir proche, imaginons le cas du véhicule connecté.

Il est apte à communiquer les éléments pour être assuré directement auprès d'une compagnie d'assurance (marque, modèle, puissance, année, kilométrage, <em>etc.</em>). Équipé de capteurs, il pourra également communiquer s'il a connu quelques petits incidents de parcours devant être pris en compte pour l'évaluation.

Le pacte commissoire pourrait donc s'exécuter de la manière suivante : si le débiteur ne paie pas à l'échéance, alors le changement de la carte grise au nom du créancier se déclenche automatiquement. Les données du véhicule sont adressées à un oracle désigné par les parties (<em>L'Argus</em> par exemple) déterminant si une soulte doit être versée au débiteur ou s'il existe un reliquat de créance.

Le smart contract et la souveraineté de l'État

? La liberté contractuelle et la souveraineté. ? En vertu de la liberté contractuelle, le smart contract fixe les conditions d'exécution du contrat dès sa conclusion. Le processus étant inarrêtable, l'adopter revient à substituer la volonté des parties aux procédures civiles d'exécution. Partant de la thèse libertarienne selon laquelle l'équilibre du contrat résulte de la seule rencontre des volontés, la présence de l'État dans les relations privées est inutile. Le consentement des parties suffirait à mettre en place un système alternatif. Toutefois, l'attribution au contrat de la force exécutoire Tout contrat valablement formé a une force obligatoire. En revanche, la force exécutoire permettant de recourir à la force publique résulte de l'un des titres visés par l'art. L. 111-3 du Code des procédures civiles d'exécution, notamment un acte notarié ou un jugement. est un acte d'autorité et de souveraineté appartenant à l'État. L'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 l'énonce clairement : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ». L'État exerce sa mission régalienne au titre de la sécurité qu'il doit à chaque citoyen C. Brenner, La présence de l'État dans les rapports contractuels entre les citoyens : l'exécution forcée des contrats : JCP N 2019, 1092, no 15. .
? La dimension collective de la souveraineté. ? L'État est omniprésent tout au long de la procédure d'exécution. Le titre exécutoire délivré préalablement s'analyse en un permis d'exécuter sans lequel le créancier ne peut pas agir en exécution forcée (CPC ex., art. L. 111-2">Lien). Il ne peut être délivré que par un représentant de l'État, juge, officier public, administration publique ou délégataire d'une mission de service public. L'huissier de justice prête son concours à la mise en œuvre de la procédure d'exécution. La présence de l'État a vocation à contrôler l'usage de l'exécution forcée. Chacun des représentants de l'État incarne la nation. À ce titre, il est l'autorité de confiance protégeant l'intérêt public.
Le smart contract défend quant à lui l'efficacité du contrat dans l'intérêt privé du créancier. Son indépendance par rapport aux parties au stade de l'exécution du contrat garantit la réalisation des obligations prévues initialement. Le processus rend le paiement inévitable même si elles ne le souhaitent plus. L'absence de volonté dans cet intervalle s'apparente à une exécution forcée. En revanche, la collectivité des participants à la blockchain détient un rôle différent de la nation. L'État souverain sollicité par le créancier a le devoir d'intervenir. Mais cela ne se fait pas sans contrôle. Les représentants ou délégataires de l'État vérifient le respect de la sécurité des parties et la conformité à l'ordre public. Le smart contract n'opère pas d'autre vérification que la réunion des conditions prévues initialement. Les garanties proposées sont notamment distinctes de celles que procure l'authenticité.
? L'unicité de la souveraineté. ? La souveraineté s'apparente à un pouvoir central unique. La souveraineté est déléguée mais pas concurrencée. Elle s'oppose à la « féodalité ». Désignant le démembrement de la puissance publique, la féodalité se manifeste à la fin de l'Empire carolingien par la décentralisation des prérogatives de puissance publique. Le commandement, la perception de l'impôt, le monopole de la monnaie, la justice se répartissent alors entre le pouvoir central et les seigneuries. Cette dissociation de la mission régalienne de l'État n'est pas sans rappeler la promesse faite par la blockchain. S'érigeant en autorité de confiance, elle vise à réaliser des transactions en dehors de tout contrôle étatique. Elle apparaît comme une résurgence de la décomposition politique N. Laurent-Bonne, La reféodalisation du droit par la blockchain : Dalloz IP/IT 2019, p. 416. tendant à affaiblir le rôle de l'État. Elle est une forme de féodalité.
L'idéologie smart contractuelle procède de la même logique libertarienne V. supra, no . . À l'image du suzerain qui, détenant les terres, détient les prérogatives de puissance publique, aucune séparation n'est établie entre le fait et le droit. La partie faible donne sa confiance à un code informatique créé par la partie forte. Le smart contract entérine le rapport de force établi naturellement entre le créancier et le débiteur. La puissance économique supplante la puissance publique.
« La féodalité désigne un double phénomène d'atomisation de la puissance publique et de contractualisation du lien social » N. Laurent-Bonne, La reféodalisation du droit par la blockchain : Dalloz IP/IT 2019, p. 416. . Mais les seules volontés privées ne peuvent pas contractualiser la contrainte. Elles peuvent tout au plus prévoir un système alternatif lorsque la loi le permet V. supra, nos et s. .
Au premier abord attrayante, la justice privée résultant de l'automaticité du smart contract doit être observée avec de la hauteur. La situation de fragilité imposée au débiteur peut avoir des incidences au-delà du contrat lui-même, lesquelles s'observent dans les procédures d'insolvabilité.

L'éclatement de l'intérêt public au sein de la favorise les intérêts individuels.