Le champ d'application du droit de préférence des riverains

Le champ d'application du droit de préférence des riverains

La nature des propriétés susceptibles de faire l'objet du droit de préférence mérite d'être précisée (§ I), avant d'envisager les titulaires de ce droit (§ II), et d'analyser enfin les opérations concernées (§ III).

La nature des biens vendus

– Première condition : une propriété boisée au cadastre. – Pour ouvrir le droit de préférence des voisins, les biens vendus doivent être classés en nature de bois au cadastre (C. for., art. L. 331-19, al. 1). La vente d'une propriété boisée non classée au cadastre en nature de bois et forêts n'ouvre pas le droit de préférence. Ainsi, la distinction entre propriété boisée ou non s'apprécie au regard d'un élément objectif : le classement cadastral. La matrice cadastrale, document fiscal, devient source de droits civils.
L'information figure dans la colonne intitulée « GR/SS GR » ou « G et S/G » (groupe/sous-groupe) de la matrice. Les typologies cadastrales résultent de l'article 18 d'une instruction du 31 décembre 1908 1500113661230. La cinquième catégorie concerne les bois et forêts. Elle est elle-même subdivisée en dix sous-groupes : futaies feuillues, futaies mixtes, futaies résineuses, taillis sous futaies, taillis simple, peupleraies, oseraies, formations forestières méditerranéennes, futaies résineuses des Landes, formations forestières tropicales 1502097749237.
Sur les dix sous-groupes, seuls les sept premiers sont repris sur les matrices cadastrales 1506587292515, sous une nomenclature comportant deux initiales : BF : futaie feuillue ; BT : taillis simple ; BM : futaie mixte ; BO : oseraie ; BP : peupleraie ; BR : futaie résineuse ; BS : taillis sous futaie 1506584008084.
À défaut de référence à un sous-groupe comprenant deux initiales, le classement boisé résulte de la simple lettre « B » signifiant « Bois », situation fréquente dans les matrices cadastrales. Cette initiale « B » rassemble toutes les formations boisées n'entrant pas dans un sous-groupe disposant d'initiales propres. La lettre B est parfois suivie de deux chiffres renvoyant à l'année de reboisement 1506588480125. Il arrive qu'après les initiales de la colonne « GR/SS GR » (ou « G et S/G ») suive le type de culture dans la colonne « NAT CULT » ou « CULT. SPEC » 1506588589409.
Toutes les parcelles relevant de la cinquième catégorie sont concernées par le droit de préférence 1500275244210. La coupe rase des arbres ou leur destruction par incendie ou tempête ne modifie pas la destination d'une parcelle forestière.
A contrario, le droit de préférence ne s'applique pas aux biens relevant de la sixième catégorie 1500276065820, comprenant notamment la lande boisée (LB au cadastre), étape intermédiaire entre la lande et la forêt 1500274801474. Le classement cadastral permet d'exclure du droit de préférence les parcelles boisées ne figurant pas dans le groupe 5. Par exemple, les châtaigneraies ou les noyeraies sont rattachées soit au groupe 3 dans les régions où elles sont exploitées principalement en vue de la récolte des fruits, soit au groupe 5 quand elles sont surtout destinées à la production du bois 1500295422182.
La lecture de la matrice cadastrale permet ainsi de déterminer si la vente ouvre ou non le droit de préférence. Si la parcelle ayant une référence cadastrale unique fait l'objet d'un double classement (par ex., bois et terre), il y a lieu de considérer que la vente entre dans le champ d'application du droit de préférence, le texte n'exigeant pas l'exclusivité du classement 1501502699691. Il convient également de vérifier le caractère matériellement boisé du terrain en raison des exceptions suivantes.

Boisé au cadastre : comment être sûr ?

Le droit de préférence doit être purgé si le bien est classé dans la catégorie « Bois » à la matrice cadastrale, les autres conditions prévues par les textes étant remplies par ailleurs et sous réserve des biens mixtes 1506591448358. Dans la colonne « GR/SS GR » ou « G et S/G » (signifiant groupe/sous-groupe) de la matrice cadastrale, les initiales à retenir pour le classement « Bois », commençant toutes par la lettre B, sont limitativement : BF, BT, BM, BO, BP, BR, BS (sous-groupes du bois) ou simplement B (pour bois), éventuellement suivi de chiffres renvoyant à l'année de reboisement (B 09 : reboisement après la tempête Klaus de janvier 2009). Le droit de préférence ne joue pas avec les initiales LB (landes boisées) relevant de la sixième catégorie fiscale « Landes ».
– Exception : « les biens mixtes ». – Le droit de préférence ne s'applique pas si la partie boisée du bien vendu représente moins de la moitié de la surface totale d'un terrain classé entièrement en nature de bois au cadastre (C. for., art. L. 331-21, 7°). Pour apprécier la prépondérance de la partie non boisée d'un terrain, composé lui-même d'une ou plusieurs parcelles cadastrales 1500298348734, il convient d'en réaliser une appréciation in concreto. Le notaire ou un expert peut s'en charger. Une photographie satellite ou des sites internet tels que Géoportail sont utiles à ce titre. Par ailleurs, en cas d'autorisation de défrichement notifiée au propriétaire, la parcelle est considérée avoir perdu son caractère boisé, que les opérations de défrichement aient été réalisées ou non 1500320951407.
Le droit de préférence est également écarté en cas de vente d'une propriété comportant une ou plusieurs parcelles classées au cadastre en nature de bois et un ou plusieurs autres biens bâtis ou non (C. for., art. L. 331-21, 8°). Cette seconde exception n'implique pas une prépondérance de la partie non boisée. Elle suppose néanmoins une pluralité de parcelles cadastrales 1500298619716. Cette hypothèse est fréquente en pratique. La vente d'une propriété bâtie comprenant une parcelle cadastrale non classée en nature de bois et une autre classée boisée au cadastre ne donne pas ouverture au droit de préférence. La solution est identique par exemple en cas de vente d'une parcelle cadastrale classée terre ou prairie avec une parcelle cadastrale classée boisée.
– Seconde condition : une propriété de moins de quatre hectares. – Le droit de préférence des voisins s'applique uniquement si la surface de la propriété forestière vendue est inférieure à quatre hectares. La vente peut porter sur des parcelles riveraines ou dispersées. Elles peuvent être situées sur la même commune, des communes voisines, ou être plus éloignées les unes des autres. Si le cumul des surfaces vendues est supérieur ou égal à quatre hectares, la vente échappe au droit de préférence, même si chacune des parcelles la composant est inférieure à quatre hectares, sans avoir à rechercher si elles forment une unité foncière ou un îlot 1500295916972. Si la surface totale est inférieure à quatre hectares, le droit de préférence doit être purgé. Néanmoins, il n'est pas nécessaire de diviser la vente et le prix lorsque les parcelles sont dispersées 1500323521035.

Les titulaires du droit de préférence

– Un propriétaire. – L'objectif est la lutte contre le morcellement de la forêt. Ainsi, seul le propriétaire d'une parcelle boisée contiguë bénéficie du droit de préférence (C. for., art. L. 331-19, al. 1). En cas d'indivision, chaque indivisaire bénéficie d'un droit individuel de préférence. Par conséquent, la vente est notifiée à tous les indivisaires. Si la propriété voisine fait l'objet d'un démembrement, le nu-propriétaire est titulaire du droit. En revanche, n'ayant pas la qualité de propriétaire, l'usufruitier ne bénéficie pas du droit de préférence 1500884834802. Cette solution est à approuver, l'objectif recherché étant le regroupement de la propriété forestière que seul le nu-propriétaire est en mesure d'assurer.
– Cas particulier des biens non délimités (BND). – Si la parcelle forestière vendue se situe dans un BND, le droit de préférence est ouvert à tous les propriétaires du BND et aux propriétaires des parcelles boisées contiguës à la parcelle BND. Si la parcelle boisée vendue est voisine d'un BND boisé, le droit de préférence est ouvert à tous les propriétaires du BND 1506174780052.
– Boisement de la parcelle. – La parcelle contiguë doit être boisée. À la différence de la propriété vendue, le classement cadastral de la parcelle riveraine est indifférent. Cette solution est toutefois débattue 1512229393347. Seul le caractère effectivement boisé du bien voisin est pris en compte 1500301551097. Si la parcelle voisine n'est que partiellement boisée, le droit de préférence s'applique dès lors que la partie boisée est contiguë à la propriété vendue 1500896699449. La parcelle ayant fait l'objet d'une coupe à blanc conserve son caractère forestier. En effet, seul le défrichement régulier fait perdre son caractère forestier à la parcelle (C. for., art. L. 341-1) 1500322311780.
– Contiguïté de la parcelle. – La parcelle est nécessairement contiguë à la propriété vendue. Il suffit qu'une partie de parcelle de la propriété vendue soit contiguë à une parcelle boisée pour ouvrir le droit de préférence sur le tout. La notion de contiguïté forestière mérite d'être précisée 1500305407707. Elle implique en effet que la propriété vendue jouxte la parcelle boisée, ne serait-ce que par un angle. Par ailleurs, les parcelles séparées par une allée 1509301108028, un chemin d'exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 162-1) 1500305524419ou un cours d'eau non domanial sont contiguës (le chemin ou le cours d'eau appartiennent aux riverains). En revanche, les voies publiques (route, autoroute, rivière, canal de navigation, voie ferrée, etc.) séparant les parcelles rompent la contiguïté, à l'exception des chemins ruraux (C. rur. pêche marit., art. L. 161-1) 1517843717215. En résumé, la notion de contiguïté s'apprécie au regard de la possibilité de communauté d'exploitation 1501579488681. Cette notion de contiguïté est à rapprocher de celle de parcelles attenantes au titre de la législation sur le défrichement 1511021500606. Elle se distingue de celle de terrains d'un seul tenant au titre des associations communales de chasse 1511021688442.
– Exceptions tenant à la personne de l'acquéreur. – Le droit de préférence ne s'applique pas aux ventes consenties au profit de certaines personnes, en raison de leurs qualités propres ou du cadre de leur action (C. for., art. L. 331-21).
Il s'agit de la vente :
  • consentie au propriétaire d'une parcelle contiguë en nature de bois et forêt. Le regroupement de parcelles se réalisant, il est en effet inutile d'ouvrir le droit aux autres riverains. La circonstance que l'acquéreur soit nu-propriétaire ou indivisaire de la parcelle contiguë n'est pas de nature à modifier la solution. Si l'acquéreur est propriétaire d'un BND boisé voisin, il n'y a pas lieu d'ouvrir le droit de préférence 1506175095869. En revanche, la vente consentie à l'usufruitier de la parcelle contiguë nécessite la purge du droit de préférence des voisins 1500321309149. Si la propriété vendue est constituée de parcelles non contiguës entre elles, la vente de l'ensemble au profit d'un propriétaire d'une parcelle boisée contiguë à une seule des parcelles vendues n'ouvre pas le droit de préférence 1500322815236 ;
  • intervenant dans le cadre de l'aménagement foncier agricole et forestier (C. rur. pêche marit., art. L. 123-1 et s.), visant précisément à lutter contre le morcellement forestier 1500896927251 ;
  • consentie au conjoint, partenaire pacsé, concubin, ou aux parents et alliés du vendeur jusqu'au quatrième degré ;
  • réalisée dans le cadre de la mise en œuvre d'un projet déclaré d'utilité publique ;
  • au profit du coïndivisaire quand elle porte sur tout ou partie des droits indivis de parcelles dont la vente devrait en principe être soumise au droit de préférence ;
  • de l'usufruit au nu-propriétaire, et inversement, de la nue-propriété à l'usufruitier ;
  • au profit d'un exploitant de carrières ou d'un propriétaire de terrains à usage de carrières, lorsque la parcelle se situe en contiguïté d'un périmètre d'exploitation déterminé par arrêté préfectoral.
Il convient de noter que la vente à une commune bénéficiant d'un droit de préférence 1501864074085ne fait pas partie des exceptions prévues par l'article L. 331-21 du Code forestier. Au surplus, en cas de notification des droits de préférence aux voisins et à la commune, le vendeur choisit librement l'acquéreur parmi ceux ayant exercé leur droit (C. for., art. L. 331-24, al. 3).

Les opérations concernées

– Les ventes. – Le droit de préférence des voisins s'applique en cas de vente (C. for., art. L. 331-19), peu important les modalités de paiement du prix (comptant, à terme ou encore moyennant rente viagère). La notion de vente s'entend strictement. Ainsi, les autres mutations à titre onéreux telles que l'échange, l'apport en société, la licitation, le partage d'indivision ou de société, ne sont pas soumises à ce droit de priorité. Les mutations à titre gratuit échappent également au droit de préférence. Il convient néanmoins de réserver les cas de fraude, révélés par exemple en matière d'échange par le montant disproportionné de la soulte au regard de la valeur des biens.
En matière de ventes publiques, volontaires ou forcées, il convient de purger le droit de préférence 1500820228168, sauf à ce que l'adjudicataire puisse se prévaloir d'une exemption prévue à l'article L. 331-21 du Code forestier 1500818480367. À défaut de texte spécifique organisant la substitution du dernier enchérisseur, il est nécessaire de prévoir une condition suspensive de non-exercice du droit de préférence des voisins dans le cahier des charges, et d'effectuer ensuite les formalités légales de publicité 1500818023610.
– Droits indivis et démembrés. – La vente de droits indivis et de droits réels de jouissance est soumise au droit de préférence (C. for., art. L. 331-19). Il convient néanmoins de rappeler que la cession au profit du coïndivisaire, du nu-propriétaire en cas de vente de l'usufruit et de l'usufruitier en cas de vente de la nue-propriété, échappe au droit de priorité (C. for., art. L. 331-21, 5° et 6°).
– Hiérarchisation des droits de priorité. – Les droits de préemption publics (commune, département, etc.) et de la SAFER priment le droit de préférence des riverains (C. for., art. L. 331-19, al. 6). Cette solution est applicable au droit de préemption du fermier malgré l'absence de disposition explicite dans le texte 1502269894313. Ce droit de préférence est également écarté en cas de rétrocession d'un terrain boisé par la SAFER ou une personne morale de droit public faisant suite à une préemption. En revanche, la rétrocession faisant suite à une acquisition amiable ouvre le droit de préférence aux voisins. Enfin, ce droit de préférence d'origine légale prime tout droit de préférence conventionnel, sauf application d'un cas d'exclusion.
– Les mutations éligibles. – Le taux réduit s'applique aux mutations à titre onéreux. Ainsi, il s'agit essentiellement des ventes et des apports.
Toutefois, les opérations conclues entre un cédant et un cessionnaire ayant des liens de dépendance ne sont pas éligibles (CGI, art. 210 F, al. 6).
– Les biens éligibles. – La cession porte sur des locaux à usage de bureau, commercial ou industriel 1499615025801. Ils doivent se trouver dans des communes situées dans des zones caractérisées par un déséquilibre particulièrement important entre l'offre et la demande de logements.
Les locaux forment un seul ensemble immobilier ou une partie autonome d'un immeuble plus important. Le taux réduit s'applique sur l'ensemble, y compris le terrain d'assise, les cours, passages et les dépendances indispensables.
À l'inverse, une pièce à usage de bureau dans un logement n'est pas éligible au dispositif.