La mise en œuvre du droit de préférence des voisins

La mise en œuvre du droit de préférence des voisins

Le vendeur procède d'abord à la notification de la vente projetée (§ I). L'exercice du droit de préférence du voisin est ensuite encadré (§ II), avant la réalisation du contrat de vente (§ III).

La notification

– Contenu, auteur et nature juridique de la notification. – Le vendeur notifie le prix et les conditions de la vente projetée (C. for., art. L. 331-19, al. 2). Les parcelles vendues sont bien entendu précisées 1500888597603. En cas de pluralité de notifications, il est judicieux d'informer les bénéficiaires de la faculté accordée au vendeur de choisir librement l'acquéreur parmi ceux ayant exercé le droit de préférence (C. for., art. L. 331-19, al. 4). Tout autre renseignement utile figure dans la notification. Il s'agit notamment de l'existence de servitudes, de contrats en cours, de baux, de coupes de bois, de contrats ou charte Natura 2000, ou encore d'engagements fiscaux. En revanche, l'identité de l'acquéreur ne fait pas partie des mentions obligatoires.
La notification est effectuée par le vendeur. À ce titre, il est regrettable que le texte ne prévoie pas de mandat légal en faveur du notaire. En pratique, le notaire en charge du dossier effectue le plus souvent cette formalité après avoir obtenu un mandat écrit du vendeur 1511705390281.
Une réponse ministérielle précise que la notification vaut offre de vente 1500823795725. Mais s'il s'agit d'une offre de vente, sa nature est particulière dans la mesure où, en cas de pluralité de personnes déclarant exercer le droit de préférence, le vendeur conserve le droit de choisir l'acquéreur (C. for., art. L. 331-19, al. 4). Ainsi, la situation n'est pas strictement comparable à celle prévalant en matière de droit de préemption urbain ou de droit de préemption de la SAFER, en raison de la pluralité de bénéficiaires à rang égal. Pour autant, le vendeur n'a pas a priori la possibilité de refuser de vendre après exercice du droit de préférence 1512240298674. En présence d'un vendeur refusant de choisir l'acquéreur, le juge n'est pas en mesure de se substituer au vendeur. Il aurait néanmoins la faculté de le contraindre à effectuer son choix sous astreinte.

Contenu de la notification

La notification au voisin contient :

Il est opportun d'informer les bénéficiaires que la notification est effectuée sous réserve d'autre(s) titulaire(s) d'un droit de priorité pouvant les primer ou les concurrencer.

– Lettre recommandée ou remise contre récépissé. – Le vendeur notifie le prix et les conditions de la vente projetée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à chaque titulaire du droit de préférence ou par remise contre récépissé (C. for., art. L. 331-19, al. 2). Les destinataires de la notification sont les propriétaires voisins référencés au cadastre. L'envoi est effectué aux adresses figurant au cadastre. Il n'y a pas lieu de procéder à des vérifications particulières à ce titre 1500889320179. Le vendeur est néanmoins tenu d'envoyer la notification à l'adresse effective des propriétaires voisins s'il en a connaissance 1500885614153. En cas d'indivision, la notification est effectuée à chaque indivisaire 1500888775958. En présence d'un BND voisin, chaque propriétaire du BND doit recevoir la notification 1506175319568.
– Affichage en mairie et journal d'annonces légales. – Au principe de la lettre recommandée, le texte prévoit une alternative lorsque le nombre de notifications est supérieur ou égal à dix. Dans ce cas, le vendeur peut afficher en mairie la liste des parcelles vendues, le prix et les conditions projetées pendant un mois. Il procède également à une insertion dans un journal d'annonces légales (C. for., art. L. 331-19, al. 2). Ces deux formalités, cumulatives, se substituent alors purement et simplement aux notifications.
Pour apprécier le seuil de dix, tous les voisins titulaires du droit de préférence sont comptés 1500890474699. En revanche, la commune titulaire d'un droit de préférence fondé sur une disposition spéciale (C. rur. pêche marit., art. L. 331-24) 1500890590900n'est pas prise en considération 1500890665204.
L'affichage est effectué dans la mairie de la commune de situation des biens, et, en cas de pluralité de communes, dans chaque mairie concernée 1500890973635. La justification de l'affichage en mairie résulte d'une attestation délivrée par le maire.

L'exercice du droit de préférence

– Deux mois à compter de la notification. – Chaque titulaire dispose d'un délai de deux mois pour faire connaître au vendeur sa décision d'exercer le droit de préférence par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par remise contre récépissé (C. for., art. L. 331-19, al. 3) 1500901186010. Si la notification résulte de l'affichage en mairie, le délai court à compter du premier jour de l'affichage, attesté le cas échéant par le maire. L'insertion légale ne fait courir aucun délai. Néanmoins, si l'insertion est pratiquée postérieurement à l'affichage en mairie, il convient d'indiquer le délai de réponse dans l'insertion, et de s'assurer d'un temps restant à courir raisonnable. En pratique, il est préférable de réaliser l'insertion avant l'affichage en mairie.
Si la notification est effectuée par récépissé contre remise, le délai court à compter de la date du récépissé.
– Difficultés spécifiques de la lettre recommandée. – Si la notification est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le délai court à compter de la notification, entendue comme la date de présentation si le titulaire est en mesure de recevoir la lettre 1500901677996. Si la documentation cadastrale est erronée (adresse ancienne, erreur sur l'identité du propriétaire, etc.), l'enveloppe est retournée à son expéditeur. En toute hypothèse, le vendeur doit être en mesure de justifier de l'accomplissement des formalités. Par précaution, il est judicieux d'annexer à l'acte de vente la copie des lettres, des accusés réception et des enveloppes de notifications retournées à l'expéditeur. Le voisin exerçant le droit de préférence forestier doit faire connaître sa décision au vendeur dans le délai de deux mois de la notification. S'il répond par lettre recommandée, le titulaire doit s'assurer que son courrier est remis au vendeur dans le délai de deux mois. À défaut, il risque la forclusion de sa réponse.
– Exercice du droit de préférence aux prix et conditions de la notification. – Le titulaire du droit de préférence n'a pas la faculté de négocier le prix. Soit il acquiert aux conditions de la notification, soit la vente se réalise au profit de l'acquéreur initial. Par ailleurs, la lettre d'exercice du droit de préférence précise obligatoirement que le droit de préférence est exercé aux prix et conditions indiqués par le vendeur (C. for., art. L. 331-19,al. 3). Il importe en effet que le vendeur ne puisse pas déduire du contenu de la réponse que le titulaire du droit entend discuter le prix ou les conditions de la vente. Dans ce cas, l'exercice du droit de préférence n'est pas valable.

La réalisation de la vente

– Choix de l'acquéreur. – Lorsque plusieurs propriétaires de parcelles boisées contiguës exercent leur droit de préférence, le vendeur choisit librement celui auquel il vend le bien (C. for., art. L. 331-19, al. 4). Il est recommandé d'en informer les autres candidats, cette formalité n'étant toutefois pas prévue par les textes.
– Délai pour régulariser l'acte de vente. – Le délai pour régulariser l'acte de vente est fixé à quatre mois à compter de la réception de la déclaration d'exercice du droit de préférence (C. for., art. L. 331-19, al. 5). Passé ce délai, l'exercice du droit de préférence n'est plus opposable au vendeur en cas de défaillance de l'acquéreur 1511707057883. Ce délai, allongé de deux à quatre mois par la loi d'avenir agricole du 13 octobre 2014, est suffisant pour purger le cas échéant les autres droits de priorité tels que celui de la SAFER (la notification à la SAFER devant comporter l'identité de l'acquéreur : C. rur. pêche marit., art. R. 141-2-1).
Si le bénéficiaire choisi par le vendeur fait défaut dans le délai légal, ce dernier ne serait pas tenu de vendre à un autre voisin ayant exercé son droit 1501752011559.
– Sanction en cas de violation du droit de préférence. – Toute vente opérée au mépris du droit de préférence forestier des voisins est susceptible d'annulation (C. for., art. L. 331-20). L'action doit être intentée dans les cinq ans 1512233077291. Seuls les bénéficiaires du droit et leurs ayants droit peuvent exercer l'action en nullité. Le voisin lésé ne peut pas être substitué à l'acquéreur, mais seulement solliciter, outre l'annulation de la vente, des dommages et intérêts s'il justifie d'un préjudice 1501760617384.