L'usufruit des bois et forêts

L'usufruit des bois et forêts

En droit commun, l'usufruitier a droit aux fruits (C. civ., art. 582). Le fruit naturel est produit spontanément par la terre, le fruit industriel étant obtenu par la culture (C. civ., art. 583). La substance de la chose doit être conservée (C. civ., art. 578). Corrélativement, le nu-propriétaire a droit aux produits de la chose représentant une partie du capital. Le produit s'oppose au fruit dans la mesure où il n'est pas périodique et où son prélèvement altère la substance de la chose 1495286277649.
Pour définir les droits de l'usufruitier sur la forêt, la distinction entre fruits et produits ne va pas de soi. L'usufruitier doit recevoir le revenu régulier des forêts. Or, le croît annuel de l'arbre ne se distribue pas, ne se prélève pas. Il s'agrège à l'arbre lui-même pour en former une partie. Le gain périodique de l'arbre se capitalise. L'arbre est coupé pour être exploité plusieurs dizaines d'années plus tard, voire plus d'un siècle après. Cette caractéristique propre au cycle biologique de l'arbre rend la conception classique de l'usufruit inadaptée à la forêt.
Pour tenir compte de la singularité des arbres et du mode de plantation (taillis et futaies), le Code civil, depuis sa promulgation en 1804, répartit les droits sur les arbres entre l'usufruitier et le nu-propriétaire selon le mode d'exploitation (Sous-section I). Quant aux charges de la forêt, l'absence de dispositions légales particulières implique une étude approfondie (Sous-section II).

Le mode d'exploitation, critère de répartition des droits entre l'usufruitier et le nu-propriétaire

– Introduction. – L'usufruit sur les arbres présentant de fortes particularités, le Code civil lui réserve cinq articles spécifiques (C. civ., art. 590 à 594). L'usufruitier n'a jamais droit aux arbres de haute futaie en dehors des coupes réglées (C. civ., art. 591 et 592). Les coupes de taillis 1495806208008lui reviennent tout en conservant l'obligation d'une exploitation raisonnable (C. civ., art. 590). De manière simplifiée, les coupes d'arbres à rotation régulière profitent à l'usufruitier, les autres au nu-propriétaire. Le partage des arbres s'opère en fonction de la nature du boisement (taillis ou futaie) et d'un élément subjectif (la mise en coupes réglées).
Par ailleurs, le Code civil ne précise pas expressément que les coupes d'arbres revenant à l'usufruitier sont des fruits, alors que la jurisprudence et la doctrine l'affirment de manière constante 1494913725417.
– La distinction taillis et futaie. – Hormis les arbres fruitiers et ceux des pépinières, il n'existe que deux catégories d'arbres dans le Code civil. Les bois taillis proviennent de rejets sur souches. Les futaies sont le fruit d'ensemencements naturels ou par la main de l'homme. Les arbres ne sont pas différenciés selon leur essence 1506758912620.
L'examen de la jurisprudence permet de retenir une définition plus subjective des modes d'exploitation. Ainsi, le taillis est le bois exploité sur des périodes assez rapprochées, avant d'avoir achevé sa croissance. Par exemple, les sapins exploités par rotations trentenaires sont assimilés à des taillis pour les droits de l'usufruitier, alors qu'ils nécessitent un réensemencement 1506759886885. À l'inverse, la futaie est un bois composé d'arbres exploités à l'âge adulte, même si elle provient de rejets sur souche.
– Arbre fruit et arbre capital. – La cour d'appel de Paris a posé le principe suivant 1495298397551 : les arbres constituent un capital et font partie de la substance du fonds les nourrissant. Ils ne sont des fruits que dans les cas limitativement énumérés par la loi : bois taillis et arbres de haute futaie faisant l'objet d'une coupe réglée. Dans ces deux cas, la périodicité de la production et la non-altération de la substance constituent les critères de distinction entre l'« arbre-fruit » et l'« arbre-capital ».

Les droits de l'usufruitier sur les taillis

« Si l'usufruit comprend des bois taillis, l'usufruitier est tenu d'observer l'ordre et la quotité des coupes, conformément à l'aménagement ou à l'usage constant des propriétaires ; sans indemnité toutefois en faveur de l'usufruitier ou de ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux 1495806997540, soit de futaie, qu'il n'aurait pas faites pendant sa jouissance. Les arbres qu'on peut tirer d'une pépinière sans la dégrader ne font aussi partie de l'usufruit qu'à la charge par l'usufruitier de se conformer aux usages des lieux pour le remplacement » (C. civ., art. 590).
– Une rotation courte. – Les arbres des taillis sont à rotation courte. Ils sont généralement récoltés par coupes à blanc 1498459157152sur une période comprise entre vingt et quarante ans en fonction des essences. Une fois récoltés, ils repoussent sur souches. Ainsi, ces arbres sont coupés et repoussent plusieurs fois durant la vie de l'homme. L'usufruitier a le droit de procéder aux coupes des bois taillis, sans en rendre compte au nu-propriétaire, sauf abus 1506181634195.
– L'aménagement. – L'usufruitier doit néanmoins se conformer à l'aménagement ou l'usage constant des propriétaires, en respectant l'ordre et la quotité des coupes, en vertu du principe général de jouissance raisonnable des biens (C. civ., art. 601). Il doit observer l'aménagement existant au moment de l'ouverture de l'usufruit, même si cet aménagement était partiel. Pour jouir de l'usufruit, il importe peu que les taillis aient déjà fait l'objet d'aménagements 1495825771724. À défaut, l'usufruitier se conforme en effet à l'usage général des propriétaires forestiers de la région. La loi recherche ainsi l'équilibre entre les intérêts de l'usufruitier et les garanties assurant au nu-propriétaire de trouver, à la fin de l'usufruit, une propriété équivalente en consistance à celle existante lors de l'ouverture de l'usufruit 1495808583761.
– Les pins. – Les pins de place ou de marque 1494793857849, considérés comme des arbres de haute futaie, se distinguent des pins d'éclaircie, assimilés à des fruits faisant l'objet d'une récolte régulière 1495274664319. L'exploitation de jeunes sapinières relève des droits de l'usufruitier lorsqu'elle résulte de petites coupes annuelles d'arbres âgés de trente ans ou moins. Ces arbres ne sont pas considérés comme arbres de haute futaie. Ils sont assimilés à du taillis pour les droits de l'usufruitier 1495296290791. Ainsi, la coupe rase de pins de quinze ans ne constitue pas un abus de jouissance de l'usufruitier. Il s'agit d'un usage constant pour ce type d'arbres destinés à l'industrie 1495270753506.
– Chablis. – L'usufruitier a vocation aux chablis 1506754298197dans les taillis 1495784662501.
– Les arbres de pépinières. – Au même titre que les taillis, l'usufruitier a droit aux arbres et plantes de pépinières. Ils sont enlevés périodiquement et vendus. Ils sont remplacés par des semis ou par des plants nouveaux. En toute hypothèse, l'usufruitier a l'obligation de conserver la substance de la pépinière et de l'entretenir comme le propriétaire lui-même ou suivant l'usage des lieux.
– Du taillis à la futaie. – Les techniques modernes de sylviculture permettent aux propriétaires de convertir les taillis en futaies lorsque la station forestière s'y prête 1495806869566. Cette transformation s'effectue au fil du temps, en sélectionnant et conservant les arbres d'avenir parmi le taillis, afin de produire ensuite du bois d'œuvre 1506754546768. Les droits de l'usufruitier sont affectés par ces changements de mode d'exploitation.

Les droits de l'usufruitier sur la futaie

« L'usufruitier profite encore, toujours en se conformant aux époques et à l'usage des anciens propriétaires, des parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées, soit que ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue de terrain, soit qu'elles se fassent d'une certaine quantité d'arbres pris indistinctement sur toute la surface du domaine » (C. civ., art. 591). « Dans tous les autres cas, l'usufruitier ne peut toucher aux arbres de haute futaie : il peut seulement employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres arrachés ou brisés par accident ; il peut même, pour cet objet, en faire abattre s'il est nécessaire, mais à la charge d'en faire constater la nécessité avec le propriétaire » (C. civ., art 592).

Futaie et haute futaie

La futaie s'entend des arbres se récoltant à maturité, après avoir pris tout leur développement naturel 1495718084604. Le régime de haute futaie s'applique à tous les arbres, quel que soit leur âge. Ainsi, il est admis que l'article 591 du Code civil, ne désignant expressément que la haute futaie, s'applique néanmoins à l'ensemble des futaies, peu important le stade d'avancement des plantations.
– Les peupliers. – Les peupliers entrent dans la catégorie des arbres de haute futaie 1495281633134. Les rapports entre l'usufruitier et le nu-propriétaire sont régis par l'article 591 du Code civil. La coupe réglée d'une plantation de peupliers est caractérisée par des coupes et un renouvellement des arbres tous les vingt-cinq ans environ, selon un usage constant 1495291079550. En revanche, les peupliers récoltés par coupe unique ne constituent pas des fruits 1495719456911.
– Les arbres épars. – Les arbres épars sont considérés comme des arbres de futaie non soumis à coupes réglées par la jurisprudence 1495290360929. Les grands arbres disséminés au milieu de taillis, y compris les baliveaux, sont assimilés aux arbres de haute futaie non soumis à coupes réglées 1506756278025.
– Les chablis dans les futaies. – Les chablis ne sont pas assimilés à des fruits, même dans les futaies mises en coupes réglées. Ils appartiennent par conséquent au nu-propriétaire. Ils prennent néanmoins le caractère de revenus si le propriétaire précédent avait l'habitude de les comprendre dans ses aménagements annuels 1495269275734. L'usufruitier peut également employer les chablis pour les réparations dont il est tenu.
– Les droits du nu-propriétaire. – À la différence des taillis, les arbres de haute futaie sont par principe considérés comme un capital appartenant au nu-propriétaire 1495783454749. Le nu-propriétaire conserve le droit d'abattre les arbres de haute futaie épars et arrivés à leur complète maturité, lorsqu'ils ne sont pas soumis à un régime de coupes réglées 1495705545982.
– Les droits de l'usufruitier. – Les futaies ne produisent de revenus périodiques profitant à l'usufruitier que dans l'hypothèse d'une mise en coupes réglées. La mise en coupes réglées des futaies transforme en effet les coupes périodiques en fruits. Dans ce cas, l'usufruitier exerce ses droits sur les fruits par la volonté de l'homme 1512808932953.
– La mise en coupes réglées. – La mise en coupes réglées se définit comme une exploitation par secteurs ou en futaie jardinée 1495744037462, avec périodicité et régularité 1495706063032. La coupe réglée ne résulte pas simplement de l'usage de l'ancien propriétaire consistant à couper chaque année les gros arbres et baliveaux pour la réparation de ses bâtiments ou pour les utiliser à son profit 1495289576159. En revanche, le fait de marquer annuellement un certain nombre d'arbres choisis dans toutes les parties de la forêt, et vendus à des tiers, caractérise la coupe réglée même si le nombre d'arbres et leur prix varient, dès lors que le propriétaire en retire un revenu annuel tout en maintenant son capital 1495290012659.
L'usufruitier profite des parties de bois de haute futaie mises en coupes réglées, que ces coupes soient effectuées périodiquement sur une certaine étendue de terrain ou qu'il s'agisse d'une certaine quantité d'arbres pris indistinctement sur toute la surface du domaine. Le fait qu'un usufruitier renonce à une partie de ses droits sur des bois n'est pas de nature à les remettre en cause sur le surplus. Ainsi, l'ensemble est toujours considéré comme un seul domaine et non deux au regard des dispositions des articles 590 et 591 du Code civil 1495289012853.
Une peupleraie n'est pas en coupes réglées si elle a été plantée en une seule fois. En effet, les arbres arrivant à maturité en même temps font l'objet d'une coupe unique appartenant au nu-propriétaire 1495300480540.
– Coupes réglées et plan simple de gestion. – Le plan simple de gestion (PSG) est un document de gestion durable que le propriétaire est tenu de souscrire dès que les bois et forêts ont une surface supérieure à vingt-cinq hectares (C. for., art. L. 312-1) 1495522745236. Le programme des coupes et les travaux de reconstitution figurent dans ce document (C. for., art. L. 312-2).
Une partie de la doctrine estime que, sauf exceptions, le plan simple de gestion permet de considérer que le territoire forestier concerné est mis en coupes réglées 1495527102191. D'autres auteurs considèrent que les droits de l'usufruitier en présence d'un plan simple de gestion s'étendent aux coupes d'arbres de haute futaie si les prélèvements périodiques sont à peu près identiques et ne portent pas atteinte à la substance des peuplements en volume et tranches d'âge 1495723106646.
La jurisprudence considère que l'intention résultant du plan simple de gestion ne suffit pas à caractériser la mise en coupes réglées, en l'absence d'exécution du plan dans les conditions de périodicité et de régularité requises 1495301913000. A contrario, un plan simple de gestion prévoyant une périodicité et une régularité des coupes, dont l'exécution a été respectée, constitue la preuve de la mise en coupes réglées.
Depuis la loi du 6 août 1963 1495527345367instaurant l'obligation de souscrire un plan simple de gestion pour les bois et forêts susceptibles d'aménagement et d'exploitation régulière de plus de vingt-cinq hectares, existe-t-il encore des futaies mises en coupes réglées hors PSG ? Un usufruitier pourrait-il aujourd'hui prétendre qu'une forêt est mise en coupes réglées en l'absence de PSG ? Les coupes réglées supposent régularité et périodicité. Or, en l'absence de plan simple de gestion, le propriétaire doit être autorisé pour chaque coupe par l'autorité administrative après avis du centre régional de la propriété forestière (CRPF) (C. for., art. L. 312-9, al. 1 et 2). À cette occasion, le CRPF invite systématiquement le propriétaire à présenter un projet de plan simple de gestion dans les trois ans. À défaut, il s'expose à un refus d'autorisation pour toute coupe postérieure (C. for., art. L. 312-9, al. 3).

PSG et coupes réglées

Pour les bois et forêts soumis à un plan simple de gestion (PSG), la mise en coupes réglées se déduit du contenu du plan et de son exécution. L'adoption d'un plan simple de gestion est une condition nécessaire pour constater la mise en coupes réglées des propriétés relevant de ce régime. Il convient au surplus de s'assurer de la réalisation de coupes régulières et périodiques.
Inversement, une propriété forestière de plus de vingt-cinq hectares comprenant des futaies n'est pas mise en coupes réglées si elle est démunie de plan simple de gestion. Dans ce cas, l'usufruitier n'a pas de droits sur les coupes d'arbres dans les futaies.

Les autres bénéfices de la forêt

L'usufruitier « peut prendre, dans les bois, des échalas pour les vignes ; il peut aussi prendre, sur les arbres, des produits annuels ou périodiques ; le tout suivant l'usage du pays ou la coutume des propriétaires » (C. civ., art. 593).
– Les fruits annuels ou périodiques de la forêt. – L'usufruitier a droit à la récolte des écorces et particulièrement du liège, de la résine des arbres et de la gemme 1494789723630, des fruits des arbres comme les châtaignes, les noix, les olives, les feuilles des mûriers et des tilleuls. Il a également droit aux produits du sol tels que les champignons, truffes, myrtilles, et d'une manière générale, à tous les fruits des végétaux se trouvant dans le territoire forestier (C. civ., art. 585) 1494790048903. Le droit de l'usufruitier aux revenus périodiques s'applique à tous les arbres, même à ceux ne produisant pas de fruits lors de l'ouverture de l'usufruit 1495270150660.
– La chasse et les loisirs. – Le droit de chasse appartient à l'usufruitier. Les baux de chasse sont consentis par l'usufruitier dans la limite de neuf années (C. civ., art. 595). La promenade et les loisirs en forêt reviennent également à l'usufruitier. Toutefois, il ne s'agit pas d'un droit exclusif. Le nu-propriétaire a la possibilité d'y circuler, au moins pour l'exercice des droits sur les arbres dont les coupes lui reviennent.
– Les arbres fruitiers. – « Les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés ou brisés par accident, appartiennent à l'usufruitier, à la charge de les remplacer par d'autres » (C. civ., art. 594).
La loi ne vise ici que les arbres dont les fruits servent à l'alimentation de l'homme 1495700405888. Ainsi, le chêne, le hêtre, le merisier et le tilleul ne sont pas des arbres fruitiers au sens de l'article 594 du Code civil. La doctrine considère que cet article concerne uniquement les arbres fruitiers plantés et cultivés par l'homme, excluant ainsi les arbres fruitiers sauvages 1495702065704. Concernant l'obligation de remplacement, l'usufruitier est tenu de replanter des arbres de même essence.

L'abus de jouissance

– La disparition de la substance. – L'abattage d'arbres par l'usufruitier constitue un abus de jouissance s'il est assimilé à une dégradation substantielle du boisement. Dans cette hypothèse, le nu-propriétaire est fondé à réclamer une indemnité à l'usufruitier 1495265748359. Cette indemnité est fixée en fonction de la valeur totale des futaies existantes au moment de l'ouverture de l'usufruit, formant le capital devant être conservé. L'usufruitier a seulement droit aux augmentations de cette valeur engendrées par l'effet de la croissance continue des arbres 1495281043934. L'usufruitier ne commet aucun abus de jouissance s'il coupe des arbres qu'il a lui-même plantés, dès lors qu'il restitue le fonds dans l'état où il l'a trouvé 1495274528412. Outre l'indemnité, le nu-propriétaire peut demander la déchéance de l'usufruit dans les conditions de droit commun (C. civ., art. 618).
– Compensation entre coupes. – Certaines parcelles font parfois l'objet d'une surexploitation par l'usufruitier, alors que des coupes d'arbres lui revenant ne sont pas effectuées sur d'autres. La compensation entre ces coupes doit-elle être opérée ? Deux opinions contraires ont été exprimées. Duranton enseigne l'affirmative 1495745118618. Selon lui, il convient d'apprécier les valeurs respectives des coupes anticipées et des coupes non réalisées pour savoir si une indemnité est due par l'usufruitier au nu-propriétaire. Demolombe est de l'avis contraire 1495744340057. Il considère en effet que l'article 590 du Code civil est d'application stricte. Ainsi, la sous-exploitation de certaines parcelles ne compenserait-elle pas la surexploitation des autres.
La jurisprudence a tranché. Renvoyant à l'équité, elle admet la compensation 1495273341773.

Forêt et quasi-usufruit

Il semble curieux d'associer ces deux mots, antinomiques en apparence. La forêt est un immeuble alors que le quasi-usufruit s'applique aux choses consomptibles, notamment visées à l'article 587 du Code civil : argent, grains, liqueurs. Pourtant, cette rencontre n'est pas incongrue lors de la coupe d'une futaie, surtout si elle n'est pas mise en coupes réglées. Dans bien des cas, après la vente des arbres, il est opportun de maintenir l'usufruit sur les fonds disponibles nets de frais de reboisement. En l'absence de disposition légale, une convention de quasi-usufruit est nécessaire. Le quasi-usufruit sur le produit net de la vente d'arbres est de nature à répondre aux soucis des usufruitiers et des nus-propriétaires cherchant une convention respectueuse des intérêts des deux parties. L'usufruitier dispose des fonds et la substance est conservée pour le nu-propriétaire grâce à la créance de restitution.

Les charges de la forêt

Le Code civil contient des dispositions particulières pour la répartition des coupes entre l'usufruitier et le nu-propriétaire. L'article 592 confère le droit à l'usufruitier d'employer les chablis. Des obligations de remplacement sont prévues pour les arbres de pépinières (C. civ., art. 590, al. 2) et les arbres fruitiers mourants (C. civ., art. 594). Pour le reste, il n'existe pas de dispositions spéciales. Ainsi, il convient d'appliquer les articles 600 à 616 du Code civil. Certaines charges incombent à l'usufruitier (§ I) ; d'autres lui échappent sans nécessairement relever des obligations du nu-propriétaire (§ II).

Les charges incombant à l'usufruitier

– L'état du bois lors de l'entrée en jouissance. – L'usufruitier est tenu de faire dresser un état du territoire forestier lors de l'ouverture de l'usufruit (C. civ., art. 600). Cette obligation est rarement respectée. À défaut, le nu-propriétaire a la faculté de prouver par tous moyens la consistance du bois, notamment à l'aide du plan simple de gestion et des photographies aériennes disponibles à l'IGN ou sur internet 1495833143003. L'état des bois se révèle parfois précieux, notamment si le nu-propriétaire considère que l'usufruitier a surexploité.
– L'entretien. – L'usufruitier est également tenu aux réparations d'entretien (C. civ., art. 605, al. 1). Le maintien en état des chemins, les élagages d'arbres au bord des voies de circulation lui incombent. En cas de sinistre lié au mauvais entretien d'un chemin ou des sous-bois ou à une chute de branches, sa responsabilité est susceptible d'être recherchée 1497720698724. Les indemnités relatives aux dégâts causés par le gibier lui incombent également.
Ainsi convient-il que l'usufruitier souscrive une police d'assurance en responsabilité civile.
– Les éclaircies. – L'obligation d'entretien se retrouve pour les coupes d'éclaircies. Dans un bois de pins, l'usufruitier doit réaliser les éclaircies, constituant non seulement l'exercice de son droit de jouissance, mais également l'accomplissement de son obligation d'entretien 1495543203436. Étant tenu des réparations d'entretien, l'usufruitier est en droit d'employer à cet effet les arbres arrachés ou brisés par accident (C. civ., art. 592). Néanmoins, il ne peut abattre des arbres de haute futaie qu'après en avoir fait constater la nécessité par le nu-propriétaire. À défaut, il peut être condamné à indemniser le nu-propriétaire, même s'il s'agit de réaliser de grosses réparations 1495542860606. La distinction entre coupe d'éclaircie et coupe de haute futaie est ténue et source de désaccord entre usufruitier et nu-propriétaire. Il convient de se référer au plan simple de gestion prévoyant la programmation des coupes ou, à défaut, aux usages forestiers locaux.
– La garde du territoire forestier. – La garde du territoire forestier incombe à l'usufruitier. Il ne doit pas se désintéresser du bois, au risque d'engager sa responsabilité en cas d'usurpation ou de dommages causés par des tiers (C. civ., art. 614).
– Le reboisement. – L'usufruitier est tenu de reboiser s'il procède à une coupe rase, en vertu de son obligation de conservation de la substance du bois. Les droits du nu-propriétaire sont ainsi sauvegardés 1495543729797. Cette obligation est limitée à la coupe rase en sapinière ou en futaie mise en coupes réglées. Nul besoin de reboisement en futaie jardinée ou dans un taillis. Si la futaie n'est pas mise en coupes réglées, le reboisement n'incombe pas à l'usufruitier, dans la mesure où il ne perçoit pas le produit de la coupe.
– Les impôts et charges fiscales. – « L'usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l'héritage, telles que les contributions et autres qui dans l'usage sont censées charges des fruits. » (C. civ., art. 608). L'usufruitier est tenu au paiement de la taxe foncière (CGI, art. 1400, II). Sur le même fondement, si la propriété forestière dépend d'une association syndicale autorisée, la contribution est prise en charge par l'usufruitier 1506773237529. Il est généralement redevable de l'impôt sur la fortune immobilière (CGI, art. 968 G). Il est possible de mettre conventionnellement à la charge du nu-propriétaire le paiement de la taxe foncière, sans que cela soit opposable à l'administration. L'impôt sur le revenu peut être réparti entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, la répartition du revenu cadastral devant néanmoins être constante 1495836975382.

Les autres charges

– Les grosses réparations. – L'usufruitier n'est pas tenu aux grosses réparations prévues aux articles 605 et 606 du Code civil. Elles incombent au nu-propriétaire, celui-ci n'étant néanmoins tenu à aucune obligation positive à ce titre 1506760771136. Lorsque l'usufruitier procède aux gros travaux, sa succession a droit au remboursement de la plus-value. À ce titre, la succession de l'usufruitier ayant reconstitué un vignoble détruit par le phylloxéra a droit au paiement par le nu-propriétaire de la plus-value constatée lors de la cessation de l'usufruit 1495545224021.
– La tempête ou l'incendie. – « Ni le propriétaire, ni l'usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit » (C. civ., art. 607). En conséquence, après un incendie ou une tempête, ni l'usufruitier ni le nu-propriétaire n'est obligé de reboiser. L'effort financier de reboisement n'est pas toujours couvert par le prix de vente des chablis s'ils existent. L'assurance des peuplements forestiers contre ces risques se développe. Fransylva 1495901177111l'encourage auprès de ses adhérents. Le coût de cette assurance est en principe supporté par celui qui perçoit les revenus forestiers. Ainsi, en présence de futaies mises en coupes réglées ou de taillis, l'usufruitier supporte la prime d'assurances. En l'absence de coupes réglées, l'assurance incombe au nu-propriétaire, dès lors qu'il a vocation aux produits de la forêt.
– Le plan simple de gestion. – La présentation d'un plan simple de gestion est réalisée conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire (C. for., art. R. 312-18). Les centres régionaux de la propriété forestière (CRPF) ne demandent toutefois pas de convention de répartition des produits et charges entre nu-propriétaire et usufruitier.
– Le défrichement. – Le défrichement consiste cumulativement à détruire volontairement l'état boisé d'un terrain et à supprimer sa destination forestière (C. for., art. L. 341-1) 1509529081525. En raison de la gravité de cette opération, il est certain que l'usufruitier ne peut seul la réaliser, la substance de la chose se trouvant atteinte. Inversement, le nu-propriétaire doit respecter les droits de l'usufruitier aux taillis, aux futaies mises en coupes réglées, aux fruits périodiques, à la chasse, etc. Ainsi, la demande de défrichement est sollicitée conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire 1509529457703.
– Analyse : une rédaction désuète et obsolète. – La teneur des articles 590 à 594 du Code civil est inchangée depuis 1804. Or, les méthodes de sylviculture ont beaucoup évolué depuis la fin du 18e siècle. À l'époque, le propriétaire forestier procédait à des coupes d'arbres pour le bois de chauffe et pour la construction. Les arbres de futaie étaient généralement considérés comme un capital et le revenu de la forêt était plutôt constitué par les produits du taillis. Le plus souvent, le propriétaire laissait la forêt se repeupler par régénération naturelle. Les sapinières et les peupleraies étaient inconnues. Aujourd'hui, les coupes et les plantations sont programmées, généralement dans des documents de gestion durable. Le reboisement suppose un investissement important, avec un suivi et des travaux forestiers étalés dans le temps.
La répartition des obligations relatives à la forêt soulève également des difficultés. Qui doit prendre en charge les travaux d'amélioration ? L'augmentation de la fréquence des tempêtes avec les chablis s'en suivant rend indispensable une réflexion sur la prise en charge des reboisements.
La critique des textes est ancienne 1494914061924et constante 1506764429394.
Cette inadéquation avec la réalité de l'exploitation forestière est encore accrue par l'allongement de la durée de la vie et, corrélativement, celui des usufruits.
Pour gommer ces inconvénients, le propriétaire forestier a la faculté d'apporter ses bois et forêts en société. Le démembrement de propriété portant sur les parts sociales est en effet plus simple à mettre en œuvre. Surtout, la gestion des bois et forêts est facilitée par la structure de gérance et les dispositions statutaires 1506779007415.
Plus généralement, il est indispensable de moderniser les droits et obligations de l'usufruitier de bois et forêts.

Les solutions contractuelles

En cas de mutation entre vifs (donation, vente) de la nue-propriété ou de l'usufruit, il est souhaitable de fixer par écrit les rapports entre usufruitier et nu-propriétaire pour la gestion de la forêt. La convention doit porter, en fonction des situations, sur tout ou partie des points suivants :

En présence d'un expert forestier ou de tout autre professionnel en charge de la gestion du territoire, il est recommandé de l'interroger sur les usages locaux avant de fixer le contenu de la convention.

En cas de legs d'un droit démembré, le testament en fixe utilement les conditions d'exercice.

– Conclusion : vers une refonte des textes à deux niveaux. – Une actualisation des articles 590 à 594 du Code civil s'impose pour tenir compte de l'évolution de la sylviculture et répondre aux difficultés soulevées par leur rédaction actuelle. Les rédacteurs du Code civil avaient synthétisé les coutumes de l'Ancien droit en essayant d'en retenir le meilleur. La démarche doit aujourd'hui s'inscrire dans le renouvellement, tout en conservant la partie vivante de cet héritage. Les nouveaux textes resteront également supplétifs de volonté. Ils devront prévoir la possibilité de partager le prix de vente d'une coupe s'apparentant à un capital ou la remise des fonds à l'usufruitier au titre d'un quasi-usufruit.
La diversité des situations invite néanmoins à la prudence. Les particularités régionales, notamment le climat, les sols, les essences d'arbres et les pratiques sylvicoles ont un effet direct sur la gestion des forêts. Par ailleurs, la généralisation des plans simples de gestion entraîne une contractualisation de la gestion forestière. En 2015, plus de 83 % des propriétés privées de plus de vingt-cinq hectares disposaient d'un plan simple de gestion agréé 1506780049724. Or, les plans simples de gestion sont établis conformément au schéma régional de gestion sylvicole (C. for., art. R. 312-5).
Il semble opportun d'établir des règlements régionaux d'usufruit forestier annexés aux schémas régionaux de gestion sylvicole. Ces règlements répondraient beaucoup plus finement aux enjeux du démembrement de propriété sur les territoires forestiers concernés. En présentant un plan simple de gestion à l'approbation du CRPF, les propriétaires seraient réputés vouloir se soumettre au règlement régional d'usufruit forestier, sauf volonté contraire exprimée dans le plan ou dans toute autre convention postérieure.
Ainsi, l'usufruit sur les arbres serait défini à deux niveaux : par le Code civil et le Code forestier, et, dans le cas de bois et forêts soumis à PSG, par des règlements régionaux d'usufruit forestier, le tout sauf convention contraire. L'article 636 du Code civil disposant que : « L'usage des bois et forêts est réglé par des lois particulières » pourrait alors être modifié pour devenir : « L'usufruit et l'usage des bois et forêts sont réglés par des lois particulières ».
Le démembrement de la propriété résulte le plus souvent d'une donation ou du décès du propriétaire, susceptibles également de créer une indivision.