Les revenus

Les revenus

La fiscalité des revenus relève en principe des revenus fonciers, à l'exception des baux à métayage (§ I). Par ailleurs, la pratique récente des baux cessibles hors du cadre familial conduit à s'intéresser à la fiscalité des pas-de-porte. Pour tous les baux ruraux, les améliorations du fonds par le preneur suscitent des interrogations (§ II).

La fiscalité des revenus

Il convient de distinguer le fermage (A)et le métayage (B).

La fiscalité des fermages

Le régime des revenus fonciers n'appelle pas de développements spécifiques à l'agriculture. Cependant, certaines pratiques ayant lieu notamment dans un cadre familial peuvent engendrer des réactions de la part de l'administration fiscale.
– Les fermages insuffisants. – Un loyer manifestement inférieur à celui fixé par les arrêtés préfectoraux donne lieu à un redressement 1509012155806, l'insuffisance étant réintégrée et imposée dans les revenus fonciers. Pour autant, ce complément d'imposition mis à la charge du bailleur n'autorise pas le preneur à déduire plus que le loyer versé 1509000586501. Par ailleurs, l'administration ne peut pas retenir une valeur locative supérieure au fermage maximum fixé par l'arrêté préfectoral 1508774530653. Le renoncement du bailleur à la perception des fermages est assimilé à une libéralité au bénéfice du preneur 1509000935990, dont le montant reconstitué est intégré à ses revenus fonciers. Le bailleur n'a pas la possibilité de se prévaloir de la prescription extinctive des fermages pour éviter l'imposition 1509001174720. Les parties peuvent également convenir d'une jouissance gratuite par un prêt à usage (C. civ., art. 1876). Dans cette hypothèse, le propriétaire est imposable à raison des loyers qu'auraient pu produire les immeubles s'ils avaient été donnés en location (CGI, art. 30) 1508774601773.
– L'entraide agricole. – Des fermages insuffisants sont parfois la contrepartie de l'entraide agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 325-1 à L. 325-3). Un arrêt du Conseil d'État confirme que ce contrat est susceptible de prendre la forme d'une mise à disposition des terres en contrepartie de journées de travail 1508774974538. La présomption de gratuité en résultant fait obstacle à la qualification d'acte anormal de gestion, quand bien même il n'y aurait pas une équivalence entre les prestations fournies par chacune des parties.
– Les fermages excessifs. – Quand il y a identité de personnes entre le bailleur et le preneur, un fermage excessif diminue le montant des bénéfices de ce dernier et, par conséquent, l'assiette de ses cotisations MSA 1508775956004. Cet acte anormal de gestion justifie la réintégration dans la société d'exploitation de l'excédent de fermage déduit. Du côté du bailleur, l'imposition est maintenue sur la totalité du loyer perçu. Si le preneur est une société relevant de l'IS, les fermages considérés comme excessifs perçus par l'associé sont imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans avoir fiscal 1508776131943.
– Les déductions admises. – Seules sont déductibles des revenus fonciers les dépenses d'amélioration non rentables afférentes aux propriétés rurales bâties, à l'exception de celles relatives aux locaux d'habitation (CGI, art. 31, I, 2°, c) 1509013003268. L'administration précise que ces dépenses s'entendent de travaux autres que d'entretien ou de réparation et qui, tout en donnant une certaine plus-value aux immeubles, ne sont pas de nature à entraîner une augmentation du montant du fermage. En revanche, les dépenses d'amélioration afférentes aux propriétés rurales non bâties sont déductibles, qu'elles soient rentables ou non (CGI, art. 31, I, 2°, cquater). Ainsi, les dépenses engagées à l'occasion de la replantation d'une vigne, normalement de nature à justifier une augmentation du fermage, sont déductibles pour la détermination du revenu foncier.
– L'option à la TVA. – La location d'immeubles ruraux est susceptible d'être assujettie à la TVA (CGI, art. 260, 6°). L'option exercée est valable pendant cinq ans et se renouvelle tacitement (CGI, ann. II, art. 202) 1509040116013. L'option est également possible en présence d'un bail à métayage ou d'une mise à disposition à titre onéreux au profit d'une société agricole.

Le régime particulier des baux à métayage

– Une imposition des revenus dans la catégorie des bénéfices agricoles. – Le bail à métayage reposant sur le principe d'un partage des produits et des charges entre le preneur et le bailleur (C. rur. pêche marit., art. L. 417-1), ses revenus relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles.
– L'exonération des plus-values professionnelles. – Les bailleurs à métayage sont susceptibles de bénéficier de l'exonération des plus-values professionnelles de l'article 151 septiesdu Code général des impôts. L'applicabilité de ce dispositif, impliquant une participation personnelle directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité, est parfois difficile à apprécier. Dès lors que le bailleur perçoit une partie des produits pour en assurer la transformation et la commercialisation, le caractère professionnel semble pouvoir être reconnu. La solution est moins évidente pour le bailleur à métayage percevant une rémunération en espèces 1508782187623. La question est proche en matière d'IFI. L'ambiguïté résulte de l'imposition des revenus du métayage dans la catégorie des BA. L'exonération au titre de l'IFI suppose en effet qu'il s'agisse de l'activité professionnelle effective du redevable et qu'il en tire la majeure partie de ses ressources 1508783043883.

La fiscalité du pas-de-porte et des améliorations

L'encadrement des fermages, tout en évitant une forte augmentation du prix du foncier, a été un frein au portage. Le bail cessible hors du cadre familial devait lever ce frein. La cessibilité du bail rural s'est accompagnée d'une meilleure rémunération du fermage et de la valorisation du droit au bail. Cependant, l'absence de dispositions fiscales spécifiques conduit à s'interroger sur la fiscalité des pas-de-porte (A). Pour tous les baux ruraux, les améliorations apportées au fonds par le preneur sont également source d'incertitudes et de complexités fiscales (B).

La fiscalité des pas-de-porte

– La fiscalité de l'indemnité due lors de la conclusion d'un bail rural cessible. – Le droit au bail rural est un élément de l'actif immobilisé non amortissable, nonobstant son incessibilité (C. rur. pêche marit., art. L. 411-35) et la prohibition des pas-de-porte (C. rur. pêche marit., art. L. 411-74) 1511094560978. Depuis 2010, il est possible de convenir d'un pas-de-porte dans le cadre d'un bail cessible hors du cadre familial, supporté par le preneur au bénéfice du propriétaire lors de la conclusion du bail ou par le cessionnaire au profit du cédant (C. rur. pêche marit., art. L. 418-5) 1509041461930. Le pas-de-porte est librement déterminé par les parties. Il peut être analysé de deux manières : soit comme un supplément de loyer, soit comme la contrepartie de la dépréciation de l'immeuble.
– Supplément de loyer. – Pour le bailleur, les sommes versées par le preneur en sus du loyer sont en principe prises en compte pour la détermination du revenu foncier, au même titre que le loyer proprement dit, dès lors que leur versement constitue une des conditions de la location 1509042585185.
– Contrepartie de la dépréciation du capital. – Le versement d'une indemnité destinée à dédommager le bailleur d'une dépréciation de son capital à raison des droits qu'un statut d'ordre public accorde au preneur (faculté de cession à un tiers) 1509005036088ne devrait pas être inclus dans les revenus fonciers de ce dernier, pour autant que cette dépréciation soit réelle et sous réserve des circonstances particulières susceptibles de motiver ce versement 1509044156166. Concernant le bail cessible hors du cadre familial, la jurisprudence n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur la qualification de ce droit d'entrée. Pour certains, ce dernier, sauf circonstances exceptionnelles témoignant d'une dépréciation manifeste du patrimoine du bailleur, s'analyse comme un supplément de loyer 1509046687426. Pour d'autres, il paraît envisageable de tirer argument de la durée importante du bail cessible et de la faculté pour le preneur de céder son droit au bail pour considérer le pas-de-porte comme une compensation de la dépréciation du bien loué 1509011253759. Pour le preneur, la question de la qualification revêt également une certaine importance. Qualifiée de supplément de loyer, l'indemnité est une charge déductible. Considérée comme l'acquisition d'un élément incorporel, elle est inscrite au bilan au titre des immobilisations non amortissables.

La fiscalité des améliorations

– La situation en cours du bail du côté du preneur. – En principe, le preneur exploitant n'a la faculté d'inscrire à l'actif de son entreprise que les biens dont il est propriétaire. Toutefois, les constructions et plantations sur sol d'autrui sont inscrites et amorties sur la durée normale d'utilisation de chaque élément (CGI, art. 39, D). L'amortissement se pratique sur la durée normale d'utilisation, indépendamment de la durée du bail. À son expiration, le preneur a la possibilité de déduire de son résultat imposable la perte correspondant à la valeur résiduelle des immobilisations cessant de figurer à l'actif de son bilan 1509052220040. Cette perte représente la différence entre le prix de revient immobilisé et le montant des amortissements pratiqués. Si le bail est renouvelé, la perte n'est pas constatée à cette occasion 1509053974819.
– La déductibilité de l'indemnité d'amélioration versée au preneur sortant. – Le preneur ayant apporté des améliorations au fonds loué par son travail ou ses investissements est indemnisé par le bailleur à l'expiration du bail (C. rur. pêche marit., art. L. 411-69 à L. 411-77), sans pouvoir en demander le remboursement directement au preneur entrant (C. rur. pêche marit., art. L. 411-76). Le traitement fiscal de cette indemnité a été mis en cohérence avec les règles de déductibilité des dépenses concernées 1509049621216. En effet, si l'indemnité versée par le bailleur au preneur sortant couvre des améliorations qui auraient été déductibles si les dépenses avaient été engagées par le bailleur lui-même, elle est déductible de ses revenus fonciers. Corrélativement, son remboursement par le preneur entrant au bailleur est ajouté à ses revenus fonciers. À l'inverse, l'indemnité versée par le bailleur au preneur sortant couvrant des dépenses d'amélioration non déductibles n'est pas déduite, et son remboursement par le preneur entrant n'entre pas dans le champ de l'impôt 1509054622770. Même en l'absence de toute indemnité, la valeur des immobilisations transférées est prise en compte dans les revenus fonciers au titre d'un supplément de loyer 1509055468593. Cette imposition a lieu en principe au titre de l'année d'expiration ou de résiliation du bail, date à laquelle les améliorations sont supposées être mises à disposition du bailleur 1509058249221. Cependant, cette solution pourrait être remise en cause par un arrêt récent, considérant que l'accession a lieu à l'expiration du bail initial 1509058515406.
– Les droits d'enregistrement. – Le transfert de propriété résultant du droit d'accession s'opérant en vertu de la loi, n'engendre pas de droits de mutation 1509058819031. Cette solution s'applique même si le bailleur indemnise le preneur. En revanche, la cession au bailleur des constructions ou plantations en cours de bail est soumise aux droits de mutation si le preneur en a conservé la propriété jusqu'à l'expiration du bail (accession différée).