La mobilisation de l'État

La mobilisation de l'État

– Le L. 101-2 des villes moyennes. – Sans les viser nommément, le législateur s'intéresse néanmoins aux difficultés des villes moyennes. La revitalisation des centres urbains et la qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville, sont en effet des objectifs à atteindre en matière d'urbanisme (C. urb., art. L. 101-2, 1°, b) et 2°).
La préoccupation des pouvoirs publics pour l'esthétique des entrées de villes, d'ores et déjà largement défigurées par la tôle ondulée des zones marchandes vieillissantes, arrive tardivement dans le pays ayant la densité de centres commerciaux la plus importante d'Europe.
Par ailleurs, la revitalisation des centres-villes dépend tellement des particularités locales qu'il est impossible de généraliser une politique publique efficiente partout. Il conviendrait que l'État mobilise des sommes colossales pour désenclaver de nombreuses villes, mais il n'en a guère les moyens financiers. La tentation de saupoudrer les villes d'aides publiques est également vaine : elles seront toujours insuffisantes et conjoncturelles, là où le problème mérite une solution structurelle.
Pour autant, l'engagement de l'État en faveur de ses villes moyennes est nécessaire, pour permettre un meilleur contrôle de l'urbanisme commercial de périphérie (§ I) et influer sur le droit européen (§ II).

Le contrôle de l'urbanisme commercial de périphérie

– Une régulation à réguler. – En France, la régulation des nouvelles implantations commerciales repose sur un dispositif d'examen des projets supérieurs à 1 000 mètres carrés, exercé par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) 1510384482018. Au niveau départemental, 90 % des dossiers font l'objet d'un avis favorable 1502615199394. Ainsi, au regard des critères actuels, seuls 10 % des dossiers déposés ne prennent pas suffisamment en considération l'aménagement du territoire, le développement durable et la protection des consommateurs.
Afin de renforcer la régulation, il serait pertinent de contrôler également la préservation des centres urbains 1503950983186.
Par ailleurs, pour atténuer le risque d'un traitement au coup par coup et sans vision d'ensemble des projets, il conviendrait également de modifier le niveau territorial de la commission d'aménagement commercial et d'affecter la mission de contrôle à une commission d'échelon régional.

Une influence sur le droit européen

– De l'instabilité législative pour satisfaire le droit européen. – La volonté de réguler la proposition commerciale par un développement limité de l'offre périphérique se heurte aux principes de concurrence et de libre implantation des commerces, chers au droit européen. Comment permettre aux collectivités locales d'encadrer le développement commercial, sans les autoriser à effectuer préalablement des analyses d'impact sur la vitalité de leur territoire ? Or, sur la base de la directive « Services », la législation européenne impose aux pouvoirs publics cette équation hasardeuse, sinon impossible 1510387209407. Et à force de tourner la question dans tous les sens, ils tournent en rond… ou à l'envers.
Ainsi, la loi LME du 4 août 2008, ayant notamment relevé à 1 000 mètres carrés le seuil d'intervention de la CDAC 1502618446160, était la réponse à une mise en demeure de la Commission européenne en date du 5 juillet 2006, reprochant à la France d'effectuer des évaluations d'impacts économiques préalables aux implantations soumises à autorisation. Dans la foulée, la loi Grenelle 2 1504034316876a imposé la définition d'un volet commercial obligatoire dans les SCoT, mais la loi ALUR l'a supprimé dès mars 2014 1504034384296. La loi ACTPE l'a rétabli trois mois plus tard 1504034462333sous forme d'un document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC), mais uniquement à titre facultatif 1502633666708 !
– Et les autres pays ? – D'autres pays européens ont également la volonté politique de sauvegarder leurs centres-villes. Attaqués à l'instar de la France pour manquement à la liberté d'établissement 1502634269289, l'Allemagne et les Pays-Bas défendent avec fermeté leur système, le jugeant compatible avec le droit européen 1502634703718.

Les tests séquentiels britanniques

Au Royaume-Uni, les promoteurs commerciaux n'ont la possibilité de proposer des implantations en périphérie qu'après avoir prouvé qu'aucun emplacement de centre-ville ne convient. Cette preuve est apportée par une série de tests connus sous la dénomination de Sequential Test, justifiant que l'implantation commerciale prévue est la meilleure possible. Ce n'est qu'à défaut d'emplacement satisfaisant au centre-ville que le promoteur est autorisé à localiser son bâtiment en périphérie, à condition d'avoir surmonté un Impact Test destiné à évaluer les impacts négatifs sur les équilibres locaux dans les cinq ou dix ans suivants.
– La sauvegarde des centres-villes, raison impérieuse d'intérêt général ? – La Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la liberté d'établissement était un principe à respecter, mais susceptible d'aménagements proportionnés pour des raisons impérieuses d'intérêt général 1504035934711. L'État français serait bien inspiré de s'unir à ses puissants alliés pour que la sauvegarde des centres-villes devienne une raison impérieuse d'intérêt général, au même titre que la protection de l'environnement, l'aménagement du territoire ou la protection des consommateurs.