La représentation du mineur héritier

La représentation du mineur héritier

- Le représentant du mineur. - Lors du règlement d'une succession échue à un mineur, ce dernier est représenté, pour l'exercice de ses droits d'héritier, soit par son ou ses administrateurs, soit par son tuteur selon le régime juridique applicable. Lorsque son représentant est en situation de conflit d'intérêts avec le mineur, un administrateur ad hoc devra être désigné par le juge des tutelles.
- La saisine. - Il résulte de l'article 724 du Code civil que la saisine porte sur « les biens, droits et actions du défunt ». La saisine permet aux héritiers qui sont censés recueillir la succession de « la prendre en main » dès la survenance du décès, sans attendre le partage. Elle permet de veiller sur la succession en prévenant notamment les détournements de biens. La saisine constitue une autorisation, une habilitation. Elle n'est pas l'appréhension, mais la possibilité d'appréhender la succession .
Lorsqu'une succession est dévolue à un mineur, il se trouve saisi au même titre que les autres héritiers. Son état d'incapacité l'empêche évidemment d'exercer ses droits d'héritiers. Ceux-ci seront exercés par son représentant.
Administration légale. S'il est placé sous le régime de l'administration légale, le mineur est représenté par son ou ses administrateurs qui sont habilités à réaliser seuls tous les actes conservatoires et actes d'administration nécessaires à la préservation de la succession. Ils ne peuvent cependant réaliser aucun acte de disposition qui serait assimilé à une acceptation pure et simple de la succession.
Tutelle. Si le mineur est placé sous le régime de la tutelle, il est représenté par son tuteur qui est également autorisé à réaliser seul, sans autorisation du conseil de famille, les actes conservatoires et les actes d'administration nécessaires à la gestion du patrimoine du mineur .
- La gestion de l'indivision. - Les droits et obligations de l'indivisaire mineur sont exercés et exécutées par son représentant qui est, selon son régime juridique, l'administrateur ou le tuteur.
Actes conservatoires et actes d'administration provisoire. Avant l'acceptation formelle de la succession, le représentant ne peut réaliser que des actes conservatoires ou des actes d'administration provisoire. Pour réaliser de tels actes, l'administrateur ou le tuteur peut agir seul, sans l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille. Il en est ainsi notamment du règlement de factures, de l'assurance des biens de la succession, de l'établissement d'un inventaire ou de l'apposition de scellés.
Actes de disposition. Lorsque la succession est acceptée, les indivisaires peuvent vouloir réaliser des actes de disposition sur les biens indivis. Dans ce cas, les règles particulières applicables au mineur s'imposent à tous les indivisaires. Si le mineur relève de l'administration légale, l'administrateur unique est habilité à réaliser seul les actes de disposition. Si l'administration légale est conjointe, les deux parents doivent agir ensemble. Cependant, le ou les administrateurs doivent obtenir l'autorisation préalable du juge des tutelles pour réaliser les actes énoncés à l'article 387-1 du Code civil . Si le mineur relève du régime de la tutelle, son tuteur devra obtenir l'autorisation préalable du conseil de famille .
Convention d'indivision. Pour organiser les rapports des indivisaires et la gestion des biens indivis, il peut être utile de conclure une convention d'indivision. En principe, la conclusion d'une telle convention requiert la capacité ou le pouvoir de disposer des biens indivis. Cependant, l'article 1873-4, alinéa 2 dispose qu'« elle [la convention] peut, toutefois, être conclue au nom d'un mineur, par son représentant légal seul ; mais, dans ce cas, le mineur devenu majeur peut y mettre fin, quelle qu'en soit la durée, dans l'année qui suit sa majorité ». Ainsi, en matière d'administration légale, l'administrateur unique peut conclure seul, sans autorisation préalable, une convention d'indivision. S'agissant d'un acte de disposition, les deux administrateurs devront agir conjointement pour réaliser un tel acte. À sa majorité, le jeune peut la résilier dans l'année ; à défaut, elle l'engage et produit les effets convenus au contrat. En matière de tutelle, le tuteur doit obtenir l'autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles.
- L'acte de notoriété. - L'acte de notoriété constitue un acte à portée probatoire. Il fait foi des vocations successorales mentionnées jusqu'à preuve contraire. Les héritiers désignés sont présumés avoir des droits successoraux dans les proportions indiquées dans l'acte de notoriété. Rappelons que la déclaration de la vocation successorale ne vaut pas par elle-même acceptation de la succession.
L'acte de notoriété peut être dressé par le notaire, à la demande d'un ou plusieurs ayants droit. La signature de l'acte de notoriété n'engage pas le patrimoine du mineur. L'un de ses administrateurs ou son tuteur peut donc requérir un notaire de l'établir. Rappelons que l'établissement d'un acte de notoriété par mandataire n'est pas possible. Cet acte contient la déclaration par l'héritier que la dévolution est correcte et qu'il n'y a pas d'autres héritiers que ceux qui y sont mentionnés. Cela permet notamment d'appliquer les peines du recel successoral. On ne peut donc pas faire déclarer le représentant du mineur au nom de celui-ci. S'il n'y a que des héritiers mineurs, il convient de revenir à l'ancienne méthode et d'établir l'acte de notoriété avec des témoins.
- L'option successorale. - L'option successorale est un acte juridique important. Elle est exercée au nom du mineur par ses administrateurs légaux ou son tuteur. Son régime juridique varie selon la branche de l'option.
Acceptation à concurrence de l'actif net. L'acceptation à concurrence de l'actif net constitue un acte d'administration. Même si elle protège les intérêts du mineur, elle demeure relativement rare en pratique en raison de sa lourdeur. Lorsque l'administration légale est exercée conjointement par les deux parents, cette acceptation peut émaner d'un seul d'entre eux, légalement réputé représenter l'autre. Cependant, en cas de désaccord entre les deux, le juge des tutelles peut être saisi pour autoriser l'acte. Lorsque l'administration légale est exercée par un seul parent, celui-ci peut réaliser cette acceptation seul, sans autorisation judiciaire. Lorsque la tutelle s'applique au mineur, le tuteur peut effectuer cette acceptation seul.
Acceptation pure et simple. L'acceptation pure et simple d'une succession déficitaire peut engendrer un appauvrissement de l'héritier. Elle constitue un acte de disposition. Dans l'administration légale, qu'elle soit exercée par les deux parents ou par un parent unique, l'autorisation préalable du juge des tutelles est nécessaire . Pour lui permettre de réaliser son office, il convient de joindre à la requête les justificatifs des forces et charges de la succession permettant d'établir son caractère excédentaire.
En cas de tutelle, jusqu'à la loi du 23 mars 2019, le conseil de famille, ou à défaut le juge des tutelles, pouvait par une délibération ou une décision spéciale autoriser le tuteur à accepter purement et simplement la succession si l'actif dépassait manifestement le passif. Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, l'acceptation pure et simple de la succession au nom du mineur en tutelle ne requiert plus l'autorisation préalable du conseil de famille ou du juge dès lors qu'il est démontré par une attestation du notaire chargé du règlement de la succession que l'actif dépasse manifestement le passif . Pour les successions non réglées par un notaire ou dans le cas où il n'est pas envisageable de produire une attestation selon laquelle la succession est manifestement bénéficiaire, l'autorisation préalable du conseil de famille ou du juge reste requise.
Cette disposition issue de la loi de programmation et de réforme pour la justice libéralise et déjudiciarise davantage la protection des mineurs sous tutelle. Cette disposition ne s'applique pas à l'administration légale et il est contradictoire de relever que l'acceptation d'une succession par deux administrateurs légaux demeure soumise à l'autorisation préalable du juge des tutelles alors que désormais un tuteur peut accepter une succession pour un mineur sous tutelle sans autorisation.
Par cette évolution, le législateur confie au notaire une mission assurée antérieurement par le juge des tutelles. Cela ne modifie pas fondamentalement la mission du notaire. Avant cette modification législative, n'était-ce pas déjà son rôle de rassembler les éléments d'actif et de passif afin de déterminer la consistance de la succession ? La tâche du notaire n'évolue pas. Sa responsabilité est cependant mise en avant, car il est placé en vigie de la protection des intérêts du mineur dans le cadre du règlement successoral.
La renonciation. La renonciation à une succession est envisagée lorsqu'elle est déficitaire. Mais, dans la mesure où une renonciation à une succession bénéficiaire peut causer à l'héritier un manque à gagner, elle constitue un acte de disposition, spécialement encadré. En matière d'administration légale, qu'elle soit conjointe ou unique, l'autorisation préalable du juge des tutelles est obligatoire . En cas de tutelle, l'autorisation du conseil de famille ou à défaut du juge des tutelles est également obligatoire . Pour révoquer une renonciation, sous réserve qu'elle soit possible, une nouvelle décision du juge ou du conseil de famille sera nécessaire, sauf si, entre-temps, le mineur est devenu majeur.
- L'inventaire. - Avant l'ordonnance du 15 octobre 2015, l'établissement d'un inventaire était obligatoire en présence d'un héritier mineur. Depuis cette réforme, l'inventaire s'impose dans certaines situations, mais il n'est plus systématique.
Acceptation à concurrence de l'actif. L'inventaire demeure obligatoire en cas d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net. La déclaration d'acceptation doit être accompagnée ou suivie de l'inventaire de la succession . Ce document est la clé de voûte de cette branche de l'option, car il permet une connaissance précise des forces et charges de la succession acceptée et de rendre opposable la consistance de la masse active. L'inventaire constitue un acte conservatoire. Il peut donc être réalisé pour le compte du mineur par l'un ou l'autre de ses administrateurs ou par son tuteur.
Le démembrement de propriété. L'article 600 du Code civil dispose que l'usufruitier ne peut entrer en jouissance qu'après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l'usufruit. Cependant, la jurisprudence a considéré depuis longtemps que le défaut d'inventaire ne saurait être considéré comme une cause nécessaire de déchéance de l'usufruit .
Tutelle. Si l'ouverture de la succession à laquelle est appelé le mineur constitue également le fait générateur de la mise en place d'une tutelle, un inventaire devra être obligatoirement établi par le tuteur. L'article 503 du Code civil dispose que : « Dans les trois mois de l'ouverture de la tutelle, le tuteur fait procéder, en présence du subrogé tuteur s'il a été désigné, à un inventaire des biens de la personne protégée et le transmet au juge ».
Administration légale. Avant l'ordonnance du 15 octobre 2015, l'article 386 du Code civil prévoyait que la jouissance légale « n'aurait pas lieu au profit de l'époux survivant qui aurait omis de faire inventaire, authentique ou sous seing privé, des biens échus au mineur ». Cet article a été supprimé par l'ordonnance. L'inventaire est devenu facultatif. Son absence ne prive plus l'administrateur légal de la jouissance des biens du mineur. Cependant, s'ils souhaitent le réaliser, le ou les administrateurs sont habilités à le faire seuls s'agissant d'un acte conservatoire destiné à préserver le patrimoine du mineur.
- L'acceptation d'un legs dévolu au mineur. - Nous avons déjà traité en première partie le régime de l'acceptation et de la renonciation des legs au mineur .
- La délivrance d'un legs par le mineur. - Un légataire peut être amené à demander à un hériter mineur la délivrance de son legs. Le représentant du mineur peut-il librement procéder à une telle délivrance ? La délivrance d'un legs constitue une mesure essentiellement provisoire qui n'enlève aux héritiers aucun moyen pour faire établir leurs droits dans la succession. La délivrance d'un legs par les héritiers réservataires ne vaut pas renonciation tacite à leur action en réduction . Il s'agit donc d'un acte d'administration de la succession qui peut être réalisé, pour le compte du mineur, par l'un de ses administrateurs ou par son tuteur. Ceci n'est que le rappel du régime juridique de la délivrance de legs. Il ne faut cependant pas occulter les contraintes pratiques. Si la libéralité est réductible, il convient, préalablement à la délivrance du legs, de liquider le montant de l'indemnité de réduction et de s'assurer de son règlement. Cette précaution est nécessaire pour préserver les intérêts de l'héritier.
- La souscription de la déclaration de succession et le paiement des droits. - La souscription de la déclaration de succession et le paiement des droits de succession constituent une obligation légale. Ils ne peuvent être réalisés qu'en tant qu'héritier ou légataire ayant accepté la succession ou son legs. Ces obligations devront être exécutées par le représentant du mineur après l'exercice de l'option.
Les héritiers et légataires sont tenus, sauf exception, de souscrire une déclaration de succession. La souscription de cette déclaration constitue un acte d'administration. En matière d'administration légale, un administrateur seul, même si elle est conjointe, peut donc souscrire la déclaration. En matière de tutelle, elle sera souscrite par le tuteur.
S'agissant d'une obligation fiscale, le paiement des droits de succession constitue un acte d'administration. Il résulte du décret du 22 décembre 2008 que le prélèvement de sommes d'argent pour le paiement de dettes constitue, sauf circonstances d'espèce, un acte d'administration. Il pourra donc être réalisé par l'un des administrateurs ou par le tuteur seul.
On peut s'interroger sur le régime juridique du paiement différé ou fractionné des droits de mutation. L'enjeu est de déterminer si l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille est nécessaire ou non. Si l'on considère que le paiement différé ou fractionné constitue un crédit et donc un acte de disposition, cette autorisation préalable est nécessaire. Si, au contraire, on estime que cette possibilité ne constitue qu'une modalité de paiement, voire une facilité de paiement d'une dette fiscale qui préexiste, il ne s'agit que d'un acte d'administration que les représentants du mineur peuvent réaliser seuls. Dans la mesure où cette modalité de paiement met à la charge du mineur une obligation de règlement de sommes d'argent qui s'échelonne dans le temps, nous aurions tendance à considérer qu'elle est assimilable à un crédit nécessitant l'autorisation préalable du juge ou du conseil de famille.
- L'attestation immobilière de propriété. - L'attestation immobilière de propriété doit être établie par acte notarié lorsque le décès opère transmission d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier. L'intervention des successibles n'est pas requise. Mais, en pratique, le notaire les sollicite pour leur faire préciser l'évaluation des biens immobiliers et également les modalités de l'option successorale. Lorsqu'une succession est dévolue à un mineur, cette attestation sera signée par l'un des administrateurs ou le tuteur, après validation par le juge des tutelles de l'option successorale.
- Le certificat de mutation. - Le certificat de mutation permet d'établir la mutation à cause de mort de certains titres ou valeurs mobilières. L'établissement émetteur ou teneur de compte des valeurs connaît ainsi les nouveaux titulaires. Depuis la dématérialisation des valeurs mobilières, un tel document est devenu rare. Cependant, pour opérer la mutation des parts sociales, de société civile ou de SARL notamment, et pour mettre à jour les statuts suite au décès d'un associé, ce certificat de mutation conserve tout son intérêt. Selon le même raisonnement que pour l'attestation immobilière, ce document ne fait que constater la mutation de titres et, le cas échéant, l'option successorale si elle n'est pas contenue dans un autre acte. Ce certificat pourra donc être signé par l'un des administrateurs ou le tuteur, après validation par le juge des tutelles de l'option successorale.