CGV – CGU

Partie I – Les grands principes du droit international privé
Titre 2 – Les conflits de lois et de juridictions
Sous-titre 2 – Les conflits de juridictions
Chapitre I – La compétence internationale des tribunaux français

1181 Les juges français sont-ils compétents pour connaître d’un litige international ?

Avant de répondre à cette question, il convient d’apporter quelques précisions sur la nature de la compétence des tribunaux français.

En droit judiciaire français, il existe deux catégories de règles de compétence : les règles de compétence d’attribution et les règles de compétence territoriale. Les règles de compétence d’attribution sont fonction de la matière du litige : s’agit-il d’une affaire civile qui relève de la compétence des juridictions civiles, ou d’une affaire administrative qui relève de la compétence des juridictions administratives ? Les règles de compétence territoriale, quant à elles, déterminent le lieu où le procès doit se tenir.

La compétence internationale soulève-t-elle alors la question de la compétence d’attribution, ou celle de la compétence territoriale ?

La compétence internationale suppose l’existence d’un élément d’extranéité, et en présence de cet élément d’extranéité, le juge français doit vérifier s’il est compétent non pas à titre personnel ou « spécial », mais si les tribunaux français et plus exactement l’« ordre juridictionnel français » sont compétents d’une manière « générale ».

La question de la compétence internationale ne se limite donc pas à une question territoriale puisque l’ordre juridictionnel français représente la souveraineté française, et celle-ci peut être représentée non seulement par les tribunaux français, mais aussi par les consuls français à l’étranger ; alors qu’à l’inverse un consul étranger sur notre territoire ne fera pas partie de cet ordre juridictionnel.

La compétence internationale est-elle alors une compétence d’attribution ? Si la question est celle de la compétence d’un groupe de tribunaux, la réponse est affirmative. Mais rappelons que chaque État fixe unilatéralement, en vertu du principe de souveraineté, les règles de compétence d’attribution de ses tribunaux et qu’en aucun cas l’État français ne peut décider de la compétence d’une juridiction étrangère, ni répartir la compétence entre les différents tribunaux nationaux d’un État étranger, mais qu’il peut uniquement indiquer la compétence ou l’absence de compétence des juridictions françaises207.

1182 L’État français n’a pas fixé de règles générales de compétence de ses juridictions au niveau international. En revanche, deux articles du Code civil prévoient la compétence des tribunaux français du fait de la nationalité française, tant celle du demandeur que celle du défendeur dans le litige208.

En l’absence de règles, la jurisprudence française a pris le relais et a posé la règle selon laquelle les tribunaux français sont compétents par extension des règles internes aux litiges internationaux (Section III).

Et, au-delà de la jurisprudence, la compétence des tribunaux français résulte aujourd’hui de conventions internationales (Section II) et surtout de règlements européens (Section I).

Pour répondre à la question de la compétence des juges français, dans le respect de la hiérarchie des normes, le raisonnement doit être le suivant :

Une norme européenne ou internationale donne-t-elle compétence aux tribunaux français ?

Dans la positive, il convient de l’appliquer.

Dans la négative, il convient de vérifier les règles internes de compétence.

Section I – Les règlements de l’Union européenne

1183 L’Europe, à la recherche d’une zone de liberté, de sécurité et de justice, s’est dotée progressivement de son propre système judiciaire. Mais en son sein, chaque État définit ses propres règles de compétence juridictionnelle, provoquant cumul de compétences et forum shopping. Pour remédier à la situation, l’Europe a élaboré des règles uniformes de compétence.

Le premier texte, auquel a participé la France, est la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Ce texte a eu pour but de créer un espace judiciaire commun à l’intérieur duquel la compétence juridictionnelle était répartie entre les pays par des règles communes, et à l’intérieur duquel les jugements d’un État membre circulaient plus facilement qu’en dehors de cet espace. S’agissant de la libre circulation des décisions des États membres, ce point sera étudié dans le chapitre sur la reconnaissance des décisions étrangères et leur exécution (V. infra, nos a1314 et s.).

Cette convention est entrée en vigueur entre les six États membres de la Communauté économique européenne, le 1er février 1973, a été modifiée par suite des adhésions successives d’autres États à l’Union européenne par les conventions de Luxembourg et de San Sebastiano, et a été transformée en règlement209du 22 décembre 2000, dit « Bruxelles I ».

Ce règlement s’applique aux États de l’Union européenne à l’exception du Danemark, et pour toute action introduite à partir du 1er mars 2002.

S’agissant du Danemark, initialement non lié par la convention de Bruxelles, bénéficiaire d’une clause d’opt in210depuis le traité d’Amsterdam211, cet État a signé un accord le 11 novembre 2005 avec l’ex-Communauté européenne, lequel est entré en vigueur le 1er juillet 2007.

Le règlement Bruxelles I, applicable depuis le 1er juillet 2007 dans tous les États membres sans exception, a été modifié et désormais le règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit, « Bruxelles I bis », est applicable à l’ensemble des États membres, et pour toute action introduite à compter du 10 janvier 2015. La jurisprudence de la Cour de justice rendue sous l’empire de la convention reste d’application dès lors que le règlement reprend les mêmes termes que la convention.

1184 Depuis, l’Europe a adopté de nombreux règlements fixant des règles de compétence dans d’autres matières : le règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit « Bruxelles II bis », en matière familiale, le règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012 en matière successorale, les règlements nos 2016/1103 et 2016/1104 du 24 juin 2016 en matière de régimes matrimoniaux et partenariats enregistrés.

Le règlement Bruxelles I bis, qui a le champ d’application le plus large, sera étudié ci-après avec plus de précision (Sous-section I), tandis que les autres règlements (Sous-section II) seront simplement portés à la connaissance.

Sous-section I – Le règlement Bruxelles I bis

1185 Le règlement Bruxelles I bis fixe les règles de compétence des tribunaux entre les États en Europe (§ II). Ces règles sont applicables dès lors que certaines conditions sont remplies (§ I).

§ I – Les conditions d’applicabilité

1186 Pour que le règlement Bruxelles I bis puisse s’appliquer, il faut la réunion de trois conditions : temporelle, matérielle et territoriale.

A/ Un champ d’application ratione temporis

1187 Le règlement Bruxelles I bis, entré en vigueur depuis le 10 janvier 2013, est applicable aux actions introduites à compter du 10 janvier 2015 (art. 66).

Les actions introduites entre le 1er mars 2002 et avant le 10 janvier 2015 relèveront du règlement Bruxelles I.

B/ Un champ d’application ratione materiae

1188 L’article 1-1 du règlement dispose : « Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii) ».

Le règlement Bruxelles I bis ne s’applique donc pas au droit public. Dès lors qu’un acte sera exécuté dans l’exercice de la puissance publique, tout litige y afférant sera exclu de l’application du règlement.

Compte tenu des diverses définitions de droit public existant dans les différents États membres, la Cour de justice des Communautés européennes est venue apporter des précisions à cette définition. La Cour avait déjà précisé, au sujet de l’applicabilité de la convention de Bruxelles, qu’est « exclue du champ d’application de la convention une décision rendue dans un litige, opposant une autorité publique à une personne privée, où l’autorité publique a agi dans l’exercice de la puissance publique »212. Dans un litige opposant la société Bayer à la société Réalchimie, la Cour de justice de l’Union européenne indique que le champ d’application du règlement (caractères civil et commercial) est déterminé essentiellement en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l’objet de celui-ci. L’objet dudit litige est l’autorisation d’exécuter aux Pays-Bas les six décisions rendues par les tribunaux allemands qui infligeaient des amendes à la société Réalchimie, à la demande de la société allemande Bayer qui avait interdit à cette dernière d’importer, de détenir et de commercialiser des pesticides en Allemagne, cette interdiction étant fondée sur une allégation de contrefaçon de brevet.

La Cour décide que « l’action ainsi intentée a pour but de sauvegarder des droits privés et ne suppose pas une manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige. En d’autres termes, le rapport juridique existant entre Bayer et Réalchimie doit être qualifié de “rapport juridique de droit privé” et relève donc de la notion de “matière civile et commerciale”, au sens du règlement n° 44/2001 »213. En matière de droit du travail, dans un arrêt Mahamdia du 19 juillet 2012214, la Cour considère que les litiges entre les employés d’une ambassade et l’État concerné relèvent de la compétence juridictionnelle des tribunaux allemands lorsque le travailleur n’a pas accompli pour l’État dont il est l’employé des activités relevant des fonctions souveraines de cet État. Pour cela, la Cour relève que, le demandeur étant chauffeur à l’ambassade, ses activités n’entrent pas dans l’exercice de l’autorité publique de l’État défendeur, mais constituent une activité auxiliaire par rapport à l’exercice de la souveraineté de celui-ci.

1189 Le règlement Bruxelles I bis215exclut également de son application « l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux ou les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage », « les faillites, concordats et autres procédures analogues », « la sécurité sociale », « l’arbitrage », « les obligations alimentaires découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d’alliance », « les testaments et les successions, y compris les obligations alimentaires résultant du décès ». Ces matières font l’objet de règles propres.

En réalité, d’une manière générale, le règlement exclut de son champ d’application toutes les dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes de l’Union ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes216.

Les champs d’application temporel et matériel ayant été abordés, il reste à analyser la dernière condition : le champ d’application territorial.

C/ Un champ d’application ratione loci

1190 Le règlement est applicable sur le territoire de l’ensemble des États membres ainsi qu’au Danemark en vertu d’un accord signé le 19 octobre 2005.

Pour que le règlement Bruxelles I bis puisse s’appliquer, il faut bien évidemment que le litige soit international, mais également qu’il y ait un lien avec le territoire d’un État membre. Cette exigence est prévue par le considérant 13 du règlement217. Ce lien est constitué par le domicile ou le siège social du défendeur dans un État membre. S’agissant de la preuve de ce lien, la Cour de justice de l’Union européenne inverse la charge, et décide que le règlement est applicable dès lors que le juge saisi ne dispose pas d’indices probants lui permettant de conclure que le défendeur est domicilié en dehors du territoire européen218.

L’application du règlement nécessite également un élément d’extranéité, peu importe que l’affaire concerne un État membre ou un État tiers219.

1191 Par dérogation au principe ci-dessus, il est des situations où même si le défendeur n’a pas son domicile dans un État membre, le règlement Bruxelles I bis sera applicable (art. 6). Il s’agit des litiges entrant dans les cas de compétence exclusive (art. 24), des litiges dans lesquelles les parties auront régularisé une convention attributive de juridiction (art. 25), des litiges concernant un contrat de consommation (art. 18), ainsi que les litiges concernant un contrat de travail (art. 21).

Les trois conditions réunies, il y a lieu d’étudier les règles de compétence.

§ II – Les cas de compétence

1192 Les juges de l’État sur le territoire duquel le défendeur est domicilié sont compétents. Tel est le principe général posé par l’article 4 du règlement Bruxelles I bis.

Le règlement a par ailleurs donné non seulement des compétences alternatives (art. 7 et 8) ou protectrices (art. 3, 4 et 5) dans certaines matières, mais également des compétences exclusives (art. 24 et 25) à certains tribunaux autres que celui du domicile.

Ces règles obéissent donc à une hiérarchie. Le notaire pour identifier le tribunal compétent ou le juge pour vérifier sa compétence, doit raisonner ainsi :

le litige entre-t-il dans un cas de compétence exclusive de l’article 24 ou de l’article 25 ? (A)

Si la réponse est négative, le litige relève-t-il des règles protectrices d’une partie faible énoncées aux articles 3, 4 et 5 ? (B)

Si la réponse est de nouveau négative, le litige relève t-il des règles de compétence générales de l’article 4 ou des règles spéciales de l’article 7 et 8 ? (C)

A/ La compétence exclusive

1193 Il existe deux catégories de compétence exclusive :

celle volontaire : il s’agit des clauses de prorogation expresse de compétence (art. 25) ou de prorogation tacite (art. 26) ;

celle fondée sur la matière du litige220.

Tant dans l’une que dans l’autre de ces catégories, la juridiction désignée est compétente ; peu importe le domicile du défendeur, il ne peut y avoir aucune dérogation. Dès lors que le critère de rattachement concerné est situé sur le territoire de l’Union européenne, le juge est compétent.

I/ Du fait des clauses d’élection

1194 Les parties peuvent, conformément à l’article 25 du règlement Bruxelles I bis, convenir du ou des tribunaux d’un État membre pour connaître d’un litige né ou à naître.

Ces clauses, très fréquentes dans les relations internationales, permettent de pallier l’incertitude quant au juge compétent. Le règlement ne pose aucune condition de commercialité pour la validité de cette clause.

Désormais, cette prorogation de compétence est valable même si aucune des parties n’a son domicile dans un État membre. La nullité du contrat n’entache pas la clause attributive de compétence221, la clause est autonome.

Mais cette clause, pour être valable, ne doit pas être entachée d’une cause de nullité au regard de la loi de l’État membre choisie par celle-ci. La règle de conflit de lois ainsi fixée est que le droit matériel de l’État de la juridiction choisie fixe les conditions de validité au fond pour la clause.

Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mars 2018, annulait l’arrêt qui décidait de la compétence des tribunaux français pour connaître de l’action de la société Les Chapistes parisiens contre la société Bau-Maschinen-Service, « alors que, par une clause attributive de compétence, les parties au contrat de vente avaient désigné la juridiction du siège du vendeur pour connaître de leurs différends à naître et que cette clause, conforme aux dispositions de l’article 25 du règlement, avait créé une compétence exclusive au profit de la juridiction désignée et primait la compétence spéciale de l’article 8, § 1, du même texte »222.

1195 S’agissant de la forme de la convention attributive de juridiction, celle-ci doit être conclue par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ou sous une forme qui soit conforme aux usages du commerce international. Cette convention peut prendre la forme d’une clause insérée dans un contrat ou d’un acte spécifique.

Pour les litiges concernant les parties faibles (assuré, consommateur, travailleur), la clause de prorogation de compétence n’est admise que si le litige est déjà né223et/ou si la clause augmente le nombre de juges que la partie faible peut saisir224.

La juridiction désignée par cette clause doit, si elle est saisie, déclarer si elle est ou non compétente et toute juridiction d’un autre État membre doit surseoir à statuer pendant cette déclaration225.

Lorsque la juridiction désignée dans la convention déclare qu’elle est compétente, toute juridiction d’un autre État membre doit se dessaisir en faveur de celle désignée.

1196 Dans le cas où l’une des parties saisit un tribunal qui n’est pas compétent en vertu du règlement, et si le défendeur comparaît devant cette juridiction sans en contester la compétence, l’article 26 du règlement Bruxelles I bis donne compétence au tribunal saisi, estimant qu’il s’agit d’une prorogation tacite de compétence. La Cour de justice a précisé que, pour qu’il y ait prorogation tacite de compétence, il faut une comparution volontaire mais également une non-contestation lors de celle-ci226.

Dans les litiges concernant une partie faible (assuré, consommateur, travailleur), le juge saisi doit l’informer de son droit de contester sa compétence227.

Si le défendeur ne comparaît pas, le tribunal saisi doit se déclarer incompétent.

Qu’il s’agisse d’une prorogation volontaire ou tacite, cette prorogation ne peut faire échec aux compétences exclusives de l’article 24 du règlement.

II/ Du fait des matières

1197 L’article 24 du règlement Bruxelles I bis dispose de la compétence exclusive dans cinq matières. Ainsi dans ces domaines, tout autre tribunal que celui désigné par le règlement doit d’office se déclarer incompétent, même en présence d’une clause attributive de juridiction.

Les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel se situent des immeubles sont exclusivement compétents pour statuer sur toutes les questions relatives aux droits immobiliers ainsi que pour toute question relative aux baux d’immeubles dont la durée est supérieure à six mois.

Les tribunaux de l’État membre dans lequel une personne morale a son siège sont exclusivement compétents pour toute question relative à la validité, la nullité ou la dissolution d’une société, et pour la validité des décisions de ses organes. Pour la notion de siège social, l’article 24 du règlement dispose que le juge applique les règles de son droit international privé. Il en résulte, conformément à l’article 63 du règlement, que les sociétés sont domiciliées là où est situé leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement.

Il en est de même en matière de validité des inscriptions sur les registres publics : les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus sont exclusivement compétentes.

En matière d’inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à enregistrement, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l’enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué sont exclusivement compétentes. S’agissant d’action relative à la contrefaçon, la Cour de justice exclut l’application de l’article 24, § 4 du règlement Bruxelles I bis.

Concernant les mesures d’exécution, les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel ces mesures doivent être pratiquées sont de la même manière exclusivement compétents. Cette règle résulte de la coutume selon laquelle chaque État a le monopole de la contrainte sur son territoire.

À défaut d’application d’une règle de compétence exclusive, il convient de vérifier les règles protectrices d’une partie faible.

B/ Les règles protectrices d’une partie faible

1198 Le règlement Bruxelles I bis prévoit des règles spécifiques pour les contrats dans lesquels une partie est en situation d’inégalité supposée. Ces règles concernent les contrats d’assurance, les contrats de consommation et les contrats de travail.

Ces règles ont pour but de compenser le déséquilibre entre les parties dans ces contrats, en offrant à la partie considérée comme « faible » des fors supplémentaires. Ces règles protègent la partie faible en encadrant strictement les conditions de validité des clauses attributives de juridiction228.

L’éloignement du tribunal compétent pouvant créer un coût supplémentaire, et donc augmenter le déséquilibre entre la partie faible et son cocontractant, la partie faible ayant la qualité de « demandeur » pourra toujours choisir de saisir le tribunal de son domicile. La partie faible ayant la qualité de défendeur, ne pourra être attraite, pour les mêmes raisons, que devant les tribunaux de son domicile.

I/ La protection en matière de contrat d’assurance

1199 En matière de contrat d’assurance, les règles sont fixées aux articles 10 à 16. Le preneur d’assurance, l’assuré ou le bénéficiaire disposent de choix supplémentaires pour les tribunaux. Ils pourront agir contre l’assureur qui est domicilié dans un État membre en saisissant les tribunaux du domicile de l’assureur, ou les tribunaux de leu propre domicile229. Lorsque l’assureur n’est pas domicilié dans un État membre mais a une succursale ou une agence dans un État membre, l’action pourra être portée devant les tribunaux de l’État membre où se situe cette succursale ou agence.

Le preneur d’assurance, l’assuré ou le bénéficiaire pourront également saisir les tribunaux du lieu où le fait dommageable s’est produit en matière d’assurance de responsabilité ou d’assurance portant sur un immeuble230.

Lorsque l’action est intentée par l’assureur, elle ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État membre du domicile du défendeur preneur d’assurance, ou assuré ou bénéficiaire231.

Précision est ici apportée que ces dispositions ne s’appliquent pas aux contrats de réassurance232, ni à l’appel en garantie entre assureurs fondé sur un cumul d’assurances233. Les remarques au regard des conditions restrictives pour les clauses attributives de compétence ne s’appliquent pas aux contrats dits « grande assurance » ou couvrant de « grands risques » au sens de la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (« Solvabilité II »).

II/ La protection en matière de contrat de consommation

1200 En matière de contrat de consommation, les règles sont fixées aux articles 17 à 19 du règlement Bruxelles I bis. L’article 17 définit le consommateur, comme une personne physique qui conclut un contrat pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle234. La protection du règlement s’applique au consommateur lui-même et non à son cessionnaire. Ainsi en a décidé la Cour de justice dans une affaire Shearson Lehman Hutton235.

Cette protection est exclusive de toute activité professionnelle non seulement actuelle, mais également future236, que cette activité soit partielle ou totale237.

1201 Pour que le consommateur puisse bénéficier des règles protectrices, il faut une relation contractuelle. La notion de contrat a été précisée par la Cour de justice dans un arrêt Ilsinger238. Pour qu’un contrat existe, il faut que le vendeur professionnel fasse une offre ferme, suffisamment claire et précise quant à son objet et à sa portée, et il faut que le consommateur l’accepte. Si ce n’est pas le cas, il y a contrat dès lors que le consommateur a passé commande. Le contrat n’a pas besoin d’être synallagmatique. Il n’a pas besoin non plus d’être conclu à distance239.

Cette relation contractuelle doit concerner, ainsi que le prévoit l’article 17, § 1 a) à c) du règlement Bruxelles I bis, un des contrats suivants240 :

contrat de vente à tempérament d’objets mobiliers (contrats dont le prix est payable en plusieurs fois) ;

prêt à tempérament ou autre opération de crédit liés au financement d’une vente d’objets mobiliers ;

tout autre contrat conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. La Cour a apporté des précisions sur la notion d’activité dirigée pour le commerce électronique dans deux affaires : la première au sujet du refus du commerçant de rembourser au client intégralement le prix d’un voyage en cargo auquel il n’avait pas participé et dont la description figurait sur internet241et la seconde au sujet du client qui refusait de payer au commerçant sa note d’hôtel pour un séjour réservé par internet242.

La Cour considère que l’activité du commerçant est dirigée vers l’État membre du domicile du consommateur, en présence d’indices, à savoir : « la nature internationale de l’activité, la mention d’itinéraires à partir d’autres États membres pour se rendre au lieu où le commerçant est établi, l’utilisation d’une langue ou d’une monnaie autres que la langue ou la monnaie habituellement utilisées dans l’État membre dans lequel est établi le commerçant avec la possibilité de réserver et de confirmer la réservation dans cette autre langue, la mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication d’un préfixe international, l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur internet afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d’autres États membres l’accès au site du commerçant ou à celui de son intermédiaire, l’utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’État membre où le commerçant est établi et la mention d’une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres ».

Tous ces indices permettent de démontrer que le commerçant envisageait de commercer avec des clients domiciliés dans l’Union, quel que soit l’État membre.

Par ailleurs, la Cour n’exige pas, pour l’application des règles protectrices du règlement, l’existence d’un lien de causalité entre le moyen employé pour diriger l’activité commerciale ou professionnelle vers l’État membre du domicile du consommateur, à savoir un site internet, et la conclusion du contrat avec ce consommateur. Ainsi a-t-elle conclu dans un litige opposant M. Emrek, domicilié en Allemagne, qui avait acheté un véhicule d’occasion à M. Sabranovic, commerçant à Spicheren (France), non pas au moyen du site internet mais en se rendant sur place ayant appris l’existence de ce commerçant par des connaissances243.

Dans une décision en date du 23 décembre 2015, la Cour applique les règles protectrices en présence « d’un contrat qui n’entre pas en tant que tel dans le domaine de l’activité commerciale ou professionnelle “dirigée” par ce professionnel “vers” l’État membre du domicile du consommateur, mais qui présente un lien étroit avec un contrat conclu auparavant entre les mêmes parties dans le cadre d’une telle activité »244.

Le règlement exclut de son champ d’application les contrats de transport, autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement. Les juges ont réaffirmé ce principe dans deux arrêts en date du 22 février 2017, au sujet d’un contrat de vol sec245.

En résumé, quatre conditions doivent être remplies pour que l’article 17 du règlement Bruxelles I bis puisse s’appliquer :

il doit s’agir d’un consommateur, c’est-à-dire d’une personne non engagée dans une activité commerciale ou professionnelle ;

le droit d’action doit se rattacher à un contrat de consommation conclu entre le consommateur et une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles ;

ce contrat doit relever de l’une des catégories visées au paragraphe 1, sous a) à c), dudit article 17 ;

et le commerçant doit exercer son activité dans l’État membre dans lequel le consommateur est domicilié, ou diriger par tout moyen son activité vers cet État membre ou plusieurs États dont cet État membre.

1202 Une fois que toutes les conditions sont remplies, le consommateur peut choisir d’agir soit devant les tribunaux de son domicile (forum actoris consacré par l’article 18 du règlement Bruxelles I bis), soit devant les tribunaux où son cocontractant est domicilié, soit les tribunaux où se trouve une succursale, une agence ou tout autre établissement de son cocontractant lorsque celui est domicilié dans un autre État membre. Si le cocontractant est domicilié dans un État tiers, le consommateur pourra agir devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel celui-ci a une succursale, une agence ou tout autre établissement.

Alors que le cocontractant du consommateur ne pourra, de son côté, agir que devant les tribunaux de l’État membre où le consommateur a son domicile.

1203 S’agissant des clauses attributives de juridiction, elles ne seront valables que si elles remplissent les conditions fixées à l’article 19 du règlement Bruxelles I bis, à savoir :

elles sont postérieures à la naissance du litige ;

elles offrent plus de choix de for au consommateur ;

elles sont passées entre le consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État membre, et elles attribuent compétence aux juridictions de cet État membre, sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions.

III/ Le contrat de travail

1204 En matière de contrat de travail, les règles sont fixées aux articles 20 à 23 du règlement Bruxelles I bis.

Un travailleur peut agir contre son employeur soit devant les tribunaux de l’État membre où celui-ci a son domicile, soit devant les tribunaux de l’État sur le territoire duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant les tribunaux du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou, lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant les tribunaux du lieu où se trouve ou se trouvait l’établissement qui l’a embauché.

La Cour précise que : « Le pays où le travailleur habituel accomplit habituellement son travail est celui où ou à partir duquel, compte tenu de l’ensemble des éléments qui caractérisent ladite activité, le travailleur s’acquitte de l’essentiel de ses obligations à l’égard de son employeur »246. Le travailleur peut, si ce critère n’est pas rempli (les deux critères sont hiérarchisés), agir devant les tribunaux du lieu de l’établissement de l’embauche247.

Lorsque le travailleur a exercé son activité durant des périodes stables dans des lieux successifs différents, l’action ne peut être intentée devant les tribunaux du dernier lieu que si, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités248.

L’employeur ne peut agir que devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur a son domicile.

1205 S’agissant des clauses attributives de juridiction, elles ne seront valables que si elles remplissent les conditions fixées à l’article 23 du règlement Bruxelles I bis, à savoir :

elles sont postérieures à la naissance du litige ;

elles offrent plus de choix de for au travailleur.

Si le litige n’entre pas dans un cas de compétence exclusive des articles 24 ou 25 et ne relève pas plus des règles protectrices d’une partie faible énoncées aux articles 3, 4 et 5, le demandeur pourra saisir les tribunaux du domicile du défendeur selon l’adage Actor sequitur forum rei. Ce principe est énoncé à l’article 4 du règlement.

Le demandeur pourra également attraire le défendeur devant les tribunaux d’un autre État membre en raison du lien de rattachement étroit entre le litige et lesdits tribunaux (règles spéciales des articles 7 et 8).

C/ Les règles de compétence spéciales des articles 7 et 8 et les règles de compétence générales de l’article 4

1206 Le tribunal du défendeur est toujours compétent, mais d’autres tribunaux peuvent être compétents pour des raisons tenant à la matière249ou à la pluralité des défendeurs250.

I/ Les règles spéciales de l’article 7

1207 L’article 7 du règlement prévoit sept chefs de compétence propres à la matière. Cette disposition n’est qu’une alternative pour le demandeur, qui peut par principe choisir le tribunal du domicile du défendeur, mais aussi un autre tribunal en fonction de la matière du litige.

1208 Ainsi le demandeur peut, en matière contractuelle, saisir la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande.

Ce texte pose deux difficultés : la première sur la qualification de la matière contractuelle, et la seconde sur l’identification du lieu d’exécution.

S’agissant de la première difficulté, afin d’éviter une discussion sur l’application de ce texte en fonction de la définition de la matière contractuelle donnée par le droit interne de chaque pays, la Cour de justice a donné à cette matière une définition autonome251. Dans un arrêt en date du 17 juin 1992252, la Cour est venue apporter des précisions quant à cette notion et a jugé qu’en l’absence d’engagement librement consenti par une partie envers une autre, le litige ne peut être qualifié de contractuel. S’agissant des contrats de cautionnement ou de subrogation, ces engagements ne relèvent de la matière contractuelle que s’ils ont été directement consentis par la partie à laquelle on les oppose253. La Cour ajoute que ce consentement n’a pas besoin d’être spécial dès lors que l’accord de principe a été préalablement donné à la conclusion du contrat de cautionnement.

Les juges européens qualifient, contrairement au droit français, l’action fondée sur des loteries publicitaires de « contractuelle »254.

De la même manière, dans une affaire Brogsitter, la Cour qualifie de « contractuelle » une action en concurrence déloyale alors que les juridictions nationales retiennent la qualification « délictuelle ». La Cour considère que « si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles », l’action est contractuelle, et le requérant pourra également porter son action devant la juridiction compétente en matière contractuelle255. Dans le même esprit, la Cour considère qu’une « action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date (…) ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite »256. La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 septembre 2017257, applique la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et juge qu’une « action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s’il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d’éléments concordants ». Par conséquent, la compétence de la juridiction ne pourra être fondée sur le lieu du dommage et devra donc être fondée sur le lieu d’exécution de l’obligation.

1209 La seconde difficulté posée est celle de l’identification du lieu de l’obligation. Le juge devra, en premier lieu, déterminer l’obligation et la loi applicable à l’obligation selon la règle de conflit de lois. Puis, au regard de cette loi, il pourra déterminer le lieu d’exécution de l’obligation, et ce lieu déterminera le tribunal compétent. Le règlement du 17 juin 2008 (dit « Rome I »), applicable aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, prévoit pour huit catégories de contrats, à défaut de choix par les parties, des critères de désignation de la loi applicable258L’article 7, § 1 b) du règlement Rome I pose deux présomptions irréfragables pour déterminer le lieu d’exécution de l’obligation : pour la vente de marchandises, il s’agit du lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, et pour la fourniture de services, il s’agit du lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis. Pour tous les autres contrats, et à défaut pour les parties d’avoir déterminé le lieu d’exécution de l’obligation, c’est l’article 7, § 1 a) qui s’appliquera ; le juge compétent est celui du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, ou celui du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande.

La Cour de justice apporte des éléments d’identification pour qualifier ces contrats. Dans un arrêt Falco du 23 avril 2009259la Cour, après avoir rappelé qu’il n’y a pas de définition de la notion de contrat de fourniture de services, ajoute que « la notion de services implique (…) que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération », et qu’à la lumière des deuxième et onzième considérants du règlement n° 44/2001, le contrat par lequel le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l’exploiter en contrepartie du versement d’une rémunération n’implique pas une telle activité. Le titulaire du droit de propriété intellectuelle n’accomplit aucune prestation en en concédant l’exploitation et s’engage seulement à laisser son cocontractant exploiter librement ledit droit. Dans un arrêt Car Trim GmbH260, la Cour distingue les deux contrats (vente de marchandises et fourniture de services) par l’obligation qui les caractérise et cette obligation servira de critère de rattachement à la juridiction compétente. Le contrat sera qualifié, respectivement, de « vente de marchandises » dès lors que l’obligation caractéristique est la livraison d’un bien, et de « fourniture de services » dès lors que l’obligation caractéristique est une prestation de services. Et dans cette affaire plus précisément, les juges ont indiqué que le fait que la marchandise à livrer, est à fabriquer ou à produire au préalable, ne modifie pas la qualification du contrat en cause comme contrat de vente, et que l’absence de fourniture de matériaux par l’acheteur, d’une part, et la responsabilité du fournisseur pour la qualité et la conformité de la marchandise, d’autre part, constituent des indices en faveur de la qualification d’un tel contrat comme « contrat de vente de marchandises ».

La Cour précise également dans cet arrêt la notion de lieu de livraison des marchandises en cas de vente à distance. Le juge détermine le lieu de livraison sur la base des dispositions du contrat et si cette détermination s’avère impossible, le juge détermine alors le lieu de livraison au « lieu de la remise matérielle des marchandises par laquelle l’acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises à la destination finale de l’opération de vente ». En cas de pluralité de lieux de livraison, la Cour a décidé que, dans les contrats de vente de marchandises, c’est le lieu qui assure le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente. Il s’agit du lieu de la livraison principale qui est déterminé suivant des critères économiques. En cas d’impossibilité de déterminer le lieu de livraison principale, le demandeur pourra saisir la juridiction d’un des lieux de son choix261. La Cour transpose cette décision aux contrats de fourniture de service ; en cas de pluralité de fournitures de services, il convient de rechercher le lieu qui assure le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente. Ce lieu est le lieu où doit être effectuée la fourniture principale de services262. S’agissant d’un contrat d’agence commerciale, en cas de fourniture de services dans plusieurs États membres, la juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle la fourniture principale de services a lieu en vertu des dispositions du contrat, à défaut de dispositions du contrat celle du lieu d’exécution effective du contrat, et en cas d’impossibilité de déterminer ce lieu celui où l’agent est domicilié263.

Dans une affaire Kareda264, la Cour a considéré, au vu du règlement Bruxelles I bis et désormais du règlement Rome I, dans une affaire concernant un crédit :

que l’action récursoire entre les codébiteurs solidaires relève de la matière contractuelle ;

que le contrat conclu entre un établissement de crédit et deux codébiteurs solidaires doit être qualifié de « contrat de fourniture de services », car conformément à la jurisprudence de la Cour, la banque fournit une activité en contrepartie d’une rémunération ; cette activité réside dans la remise par la banque d’une somme d’argent à l’emprunteur en échange d’une rémunération payée par l’emprunteur à la banque ;

et que le « lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis », au sens de cette disposition, est, sauf convention contraire, celui du siège de cet établissement, y compris en vue de déterminer la compétence territoriale du juge amené à connaître de l’action récursoire entre ces codébiteurs.

Le juge européen rattache désormais le contrat de distribution régularisé sous forme de contrat-cadre au contrat de prestation de services. En effet, le contrat de concession dont l’élément caractéristique est la sélection du concessionnaire par le concédant offre au concessionnaire un certain nombre d’avantages qui représente pour ce dernier une valeur économique, laquelle valeur économique peut être considérée comme étant constitutive d’une rémunération265.

1210 En matière délictuelle ou quasi délictuelle, le demandeur pourra saisir bien évidemment la juridiction du tribunal du défendeur, mais également la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire266.

La matière délictuelle ou quasi délictuelle, comme la matière contractuelle, n’ayant pas fait l’objet de définition par le règlement Bruxelles I bis ni par le précédent règlement, la Cour de justice a apporté une explication à cette notion dans un arrêt Kalfetis : entre dans cette notion toute demande mettant en jeu la responsabilité d’un défendeur et qui ne se rattache pas à un contrat au sens de l’article 7, § 1267.

Ainsi qu’il a été dit ci-dessus la Cour, dans un arrêt du 14 juillet 2016268, a décidé qu’« une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date, telle que celle prévue par l’article L. 442-6, 1, 5° du Code de commerce, ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens du règlement Bruxelles I, dès lors qu’il existait entre les parties, une relation contractuelle tacite ».

S’agissant de la notion de fait dommageable, celle-ci comprend non seulement le lieu de survenance du dommage, mais également celui de son fait générateur. Le demandeur peut saisir la juridiction d’un des deux lieux269.

Alors que le juge de l’État du fait générateur peut connaître de la réparation de l’ensemble des dommages subis, la compétence du juge de l’État du préjudice est limitée à la réparation des dommages locaux270. En effet, dans cet arrêt la Cour a décidé, au sujet d’une affaire de diffamation internationale par voie de presse, que la victime « avait le choix de saisir soit les juridictions de l’État contractant du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l’intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où elle prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’État de la juridiction saisie ».

S’agissant d’une action portant sur la responsabilité d’un fabricant du fait d’un produit défectueux, la Cour précise que le lieu de l’événement causal à l’origine du dommage est le lieu de fabrication du produit en cause271. En matière de cyberdélit (diffusion illicite d’une information par internet), les contentieux se sont multipliés. Se pose alors le problème de la géolocalisation du fait dommageable, alors que l’information est accessible dans le monde entier.

En cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet, la Cour indique dans un arrêt du 3 octobre 2013272que la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir :

d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé :

soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus,

soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts.

D’une action en responsabilité, au titre du dommage causé dans chaque État : les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie.

Le juge européen précise aux termes dudit arrêt que le site internet en cause n’a pas besoin d’être dirigé vers l’État membre de la juridiction saisie en application de l’article 7, § 2 du règlement Rome I.

La Cour de cassation, dans trois arrêts, a mis en œuvre la jurisprudence européenne et a confirmé la compétence des juges français dès lors que les sites internet diffusant les contenus litigieux sont accessibles depuis la France.

La Cour confirme l’application de l’article 5, § 3 (devenu 7, § 3) du règlement Rome I dans un arrêt du 22 janvier 2015273et précise que les juridictions d’un État membre, au sein duquel un site internet violant les droits voisins du droit d’auteur est simplement accessible, sont compétentes pour traiter du litige en découlant, au titre du lieu de la matérialisation du dommage.

1211 L’action en réparation de dommage ou l’action en restitution fondées sur une infraction peuvent être portées devant la juridiction saisie de l’action publique, dans la mesure où, selon sa loi, cette juridiction peut connaître de l’action civile274.

1212 L’action fondée sur le droit de propriété, en restitution d’un bien culturel, peut être intentée par la personne revendiquant le droit de récupérer un tel bien, devant la juridiction du lieu où le bien culturel est situé au moment de la saisine275.

1213 Les actions relatives à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement, peuvent être introduites devant la juridiction du lieu de leur situation276.

L’application de cet article nécessite que la société mère soit située dans un État membre. À défaut, il y a application de l’article 6 du règlement et c’est la loi de l’État sur le territoire duquel se trouve la société mère qui règle la question de la compétence juridictionnelle.

S’agissant de la notion de succursale, la Cour a donné une interprétation autonome de celle-ci. Dans un arrêt du 6 octobre 1976277, elle indiquait qu’un des éléments essentiels qui caractérisent les notions de succursale et d’agence est la soumission à la direction et au contrôle de la société mère, puis a précisé que cette notion impliquait un centre d’opérations qui se manifeste de manière durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère, pourvu d’une direction et matériellement équipé de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers, de telle façon que ceux-ci, tout en sachant qu’un lien de droit sera établi avec la maison mère dont le siège est à l’étranger, sont dispensés de s’adresser directement à celles-ci et peuvent conclure des affaires au centre d’opérations qui en constitue le prolongement278.

La Cour a jugé, dans une affaire qui opposait la société allemande AR Schotte à la société française Parfums Rothschild Sarl279, que l’article 5, point 5, de la convention de Bruxelles était applicable à la filiale (Rothschild GmbH située en Allemagne avec laquelle la société Schotte avait négocié en l’espèce) dépourvue d’autonomie juridique par rapport à la société mère.

1214 Toute action engagée à l’encontre d’un fondateur, d’un trustee ou d’un bénéficiaire d’un trust doit être doit l’être devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le trust a son domicile280.

1215 En matière maritime, les actions doivent être portées devant la juridiction dans le ressort duquel une cargaison ou un fret est concerné281.

II/ Les règles spéciales de l’article 8

1216 L’article 8 du règlement Rome I prévoit quatre situations dans lesquelles un tribunal normalement incompétent peut être saisi ; ces situations sont exclues dans les cas où les règles protectrices des parties faibles s’appliquent.

Première situation : celle de la pluralité de défendeurs.

Lorsqu’il y a plusieurs défendeurs et que l’un d’entre eux est domicilié dans un État membre, le demandeur peut assigner l’ensemble des défendeurs devant un seul tribunal, celui du domicile de ce dernier.

Dans ce cas, les conditions sont cumulatives, à savoir : il faut que le juge saisi soit celui du domicile d’un des défendeurs et il faut un lien de connexité entre les demandes282.

Deuxième situation : celle de l’intervention forcée d’un tiers ou d’appel en garantie d’un tiers devant le tribunal saisi de la demande en principal.

Troisième situation : celle de la demande reconventionnelle.

Le tribunal saisi d’une demande peut également être compétent pour une demande reconventionnelle dérivant du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande initiale.

Quatrième situation : celle de la demande contractuelle adjointe à une demande réelle immobilière.

Le juge saisi d’une demande concernant un bien immobilier peut également être saisi d’une demande en annulation du titre de propriété fondée sur l’incapacité283.

III/ Les règles générales de l’article 4

1217 Sauf les règles énoncées ci-dessus, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. Cela correspond à la règle traditionnelle en droit français selon l’adage Actor sequitur forum rei.

Lorsque les personnes ne possèdent pas la nationalité de l’État membre dans lequel elles sont domiciliées, elles sont soumises aux règles de compétence applicables aux ressortissants de cet État membre284.

1218 Le règlement Rome I ne donne pas de définition de la notion de domicile. Pour les personnes physiques, le règlement renvoie au droit des différents États membres285, et pour les sociétés et les personnes morales le domicile est soit leur siège social, soit leur administration centrale, soit leur principal établissement. Ces trois lieux étant mis sur un pied d’égalité le demandeur aura le choix de la juridiction286.

Pour l’Irlande, Chypre et le Royaume-Uni, le « siège statutaire » est celui du registered office ou, s’il n’existe nulle part de registered office, le place of incorporation (le lieu d’acquisition de la personnalité morale) ou, s’il n’existe nulle part de lieu d’acquisition de la personnalité morale, le lieu selon la loi duquel la formation (la constitution) a été effectuée.

En présence d’un trust, l’État membre sur le territoire duquel le trust a son siège, et dont les juridictions sont saisies, appliquera ses règles de droit international privé.

1219 Cette règle n’a pas de caractère impératif à l’égard des parties, lesquelles peuvent choisir librement un autre juge qui serait compétent, ou donner compétence à un juge autre au moyen d’une clause attributive de juridiction. Mais, à l’inverse, cette règle s’impose au juge du domicile du défendeur qui doit statuer dès lors qu’il est saisi et compétent ; le juge ne pourra décliner sa compétence au profit d’un autre juge qu’il estimerait mieux placé, comme le permet le forum non conveniens287.

Sous-section II – Les autres règlements de l’Union européenne

1220 L’Europe a adopté de nombreux règlements fixant des règles de compétence juridictionnelle : le règlement en matière matrimoniale et d’autorité parentale (§ I), le règlement en matière de divorce (§ II), le règlement en matière de succession (§ III), le règlement en matière de régimes matrimoniaux (§ IV), le règlement en matière de partenariat enregistré (§ V).

Les règles de compétence internationale ainsi que l’effet des décisions étrangères pour chacun de ces règlements seront rappelés de manière non exhaustive, les trois autres commissions étudiant ceux-ci de manière particulière.

§ I – Le règlement « Matière matrimoniale et autorité parentale » ou Bruxelles II bis

1221 Le règlement européen n° 2201/2003 du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale (dit règlement « Bruxelles II bis ») fixe les règles de compétence juridique internationales dans les causes de divorce, séparation de corps, nullité de mariage, ainsi qu’en ce qui concerne les questions relatives à la garde des enfants, au droit de visite et d’hébergement.

Ce règlement l’emporte sur toute convention multilatérale ou bilatérale entre les États membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark.

A/ La compétence internationale

1222 Le règlement fixe sept règles de compétence alternatives pour établir la compétence internationale du juge en matière de divorce et de séparation de corps288.

Le juge compétent est celui de l’État membre :

de la résidence habituelle des époux, ou

de la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou

de la résidence habituelle du défendeur, ou

en cas de demande conjointe, celui de la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou

de la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou

de la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son « domicile » ;

ou encore le juge de la nationalité des deux époux (ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, du « domicile » commun).

Pour toutes les questions relatives à la responsabilité parentale, le juge compétent est celui de la résidence habituelle de l’enfant289.

Le juge de l’ancienne résidence habituelle garde néanmoins sa compétence dans deux situations : 1) si une décision avait déjà été prise, que l’action porte sur une modification de celle-ci, et qu’elle est introduite dans les trois mois du déménagement290 ; 2) la seconde situation concerne le cas de l’enlèvement de l’enfant291.

Le juge saisi d’une action en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage des époux, est également compétent pour toute question relative à la responsabilité parentale liée à cette demande, à une double condition : que la compétence de ce juge ait été acceptée par les époux, et que cette compétence soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant292.

1223 S’agissant du critère de la résidence habituelle, aucune définition de cette notion n’a été donnée par le règlement. Il faut se reporter à l’arrêt Korkein Hallinto-oikes293 rendu par la Cour de justice, dans lequel cette dernière indique que « la “résidence habituelle” de l’enfant, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement, doit être établie sur la base d’un ensemble de circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce ».

1224 En cas de saisine simultanée de plusieurs juridictions, la juridiction saisie en second doit surseoir d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie294.

Pour le cas où aucune juridiction d’un État membre ne serait compétente, les règles internes de compétence s’appliquent, et les juges français seront compétents conformément aux articles 14 et 15 du Code civil.

1225 S’agissant du divorce sans juge, instauré par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, cette procédure excluant le juge exclut en même temps toutes les règles relatives aux conflits.

B/ L’effet des décisions étrangères

1226 Le règlement prévoit que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure295.

Les seuls cas où la reconnaissance pourra être refusée sont ceux visés aux articles 22 et 23 du règlement : la contrariété à l’ordre public ; un acte introductif d’instance (ou un acte équivalent) non signifié ou notifié au défendeur en temps utile qui n’aurait pas pu se défendre ; une décision ayant autorité de chose jugée avec laquelle elle serait inconciliable.

1227 En matière de responsabilité parentale, les décisions rendues dans un État membre, qui y sont exécutoires et qui ont été signifiées ou notifiées, sont mises en exécution dans un autre État membre sur simple requête de toute partie intéressée (sauf pour le Royaume-Uni)296.

§ II – Le règlement « Divorce » ou Rome III

1228 Dix-sept pays297de l’Union européenne ont aujourd’hui adopté ce règlement.

Ce règlement Rome III, entré en vigueur le 21 juin 2012, désigne la loi applicable en matière de divorce et de séparation de corps. En sont exclues toutes les questions relatives aux effets du divorce, au nom, à la capacité et à la validité du mariage.

La notion de mariage n’est cependant pas précisée par le règlement, et il conviendra de se référer au droit de chaque État.

La Cour de justice a également précisé, dans un arrêt du 20 décembre 2017298, que ce règlement ne s’appliquera pas à un divorce résultant d’une déclaration unilatérale d’un époux devant un tribunal religieux. La Cour estime que le divorce « privé » (en l’espèce un divorce fondé sur la charia et prononcé par un tribunal religieux en Syrie) n’est pas soumis au règlement.

La même problématique pourra être soulevée s’agissant du divorce sans juge en France.

S’agissant de la problématique de la compétence juridictionnelle et de la reconnaissance et de l’exécution des décisions étrangères, il convient de se reporter au règlement Bruxelles II bis.

L’article 3 du règlement Bruxelles II bis énonce les critères objectifs de compétence juridictionnelle : juge de la résidence, juge de la nationalité commune ou du domicile commun.

§ III – Le règlement « Successions »

1229 Le règlement n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen concerne toutes les successions ayant des incidences transfrontières.

Aucune définition du terme « transfrontière » n’est donnée par le règlement. Il y a lieu de considérer que sont concernées par l’application de ce règlement toutes les successions présentant un élément d’extranéité : le défunt n’avait pas la nationalité de l’État de sa résidence habituelle et il possède des biens à l’étranger.

La succession peut avoir un caractère ab intestat ou testamentaire.

1230 Ce règlement l’emporte sur toute convention multilatérale ou bilatérale entre les États membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark.

A/ La compétence internationale

1231 Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès299. Le règlement pose la même règle que pour la loi applicable à l’ensemble de la succession.

Le terme « les juridictions » n’est pas un obstacle pour que le règlement de la succession se fasse toujours par un notaire, comme c’est le cas dans certains pays et notamment la France, même si celui-ci n’exerce pas de fonction juridictionnelle300 ; les règles de compétence contenues dans le règlement ne le lieront pas.

S’agissant du critère de la résidence habituelle, aucune définition de cette notion n’a été donnée par le règlement.

Il faut se reporter aux considérants 23 et 24 du règlement : « L’autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement » (consid. 23).

« Dans les cas où il s’avère complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt, le défunt pourrait, en fonction des circonstances de l’espèce, être considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son État d’origine, dans lequel se trouvait le centre des intérêts de sa vie familiale et sociale » (consid. 24).

1232 Par dérogation à la règle ci-dessus, en présence d’un choix de loi effectué par le défunt comme le lui permet l’article 22 du règlement « Successions », à savoir la loi de tout État dont il possède la nationalité, les parties pourront elles aussi s’accorder pour choisir, ainsi que leur permettent les articles 5 et 7, le juge dont la loi est choisie. Cela permet de préserver, si les parties le souhaitent, une unité tant sur le terrain de la loi que sur celui de la juridiction.

Si les parties ne choisissent pas cette option, il reviendra au juge de la dernière résidence habituelle d’appliquer la loi choisie par le défunt.

1233 Le règlement « Successions » prévoit également des cas de compétence subsidiaire posés à l’article 10.

Lorsque le défunt n’avait pas sa résidence habituelle dans un État membre au moment du décès, le juge compétent pour régler toute la succession est celui de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux, si le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ou si le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre depuis moins de cinq ans301.

Lorsqu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu du paragraphe 1 ci-dessus énoncé, les juridictions de l’État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur ces biens302.

B/ L’effet des décisions étrangères

1234 Le règlement « Successions » prévoit que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure303.

Les seuls cas où la reconnaissance pourra être refusée sont ceux visés à l’article 40 : la contrariété à l’ordre public, un acte introductif d’instance (ou un acte équivalent) non signifié ou notifié au défendeur en temps utile qui n’aurait pas pu se défendre ; une décision ayant autorité de chose jugée avec laquelle elle serait inconciliable.

1235 Les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont exécutées dans les autres États membres conformément aux articles 46 à 58 du règlement Bruxelles I ; une procédure simplifiée et non contradictoire sera suffisante304.

Les conditions de régularité de la décision étrangère ne seront vérifiées que s’il y a un recours contre la décision statuant sur le caractère exécutoire.

§ IV – Le règlement « Régimes matrimoniaux »

1236 Le règlement européen n° 2916/1103 du 24 juin 2016 pose des nouvelles règles de compétence juridictionnelle pour toutes les actions concernant les régimes matrimoniaux, et des règles de reconnaissance des décisions étrangères en cette matière. Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur à compter du 29 janvier 2019.

A/ La compétence internationale

1237 Ces règles concernent, en premier lieu, la question du régime matrimonial qui se pose dans le cadre d’actions concernant d’autres matières. Le juge saisi d’actions intentées dans le cadre de successions305, ou d’actions intentées dans le cadre d’affaires de divorce, de séparation de corps ou d’annulation du mariage306devra également se prononcer sur le régime matrimonial.

L’article 6 du règlement pose des règles de compétence spécifique pour toute question relative uniquement au régime matrimonial. En l’absence de choix formulé par les parties, le juge compétent est le juge :

sur le territoire duquel les époux ont leur résidence habituelle au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut ;

sur le territoire duquel est située la dernière résidence habituelle des époux, dans la mesure où l’un d’eux y réside encore au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut ;

sur le territoire duquel le défendeur a sa résidence habituelle au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut ;

dont les deux époux ont la nationalité au moment de la saisine de la juridiction.

À défaut, le juge compétent sera celui du lieu de situation d’un immeuble appartenant aux époux307, et à défaut le juge d’un État membre pour éviter un déni de justice308.

À l’instar du règlement « Successions », le terme « juridiction » peut être étendu à toute « autorité et tout professionnel compétents en matière de régimes matrimoniaux » qui « agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle de celle-ci »309.

1238 Ces règles ne s’appliquent qu’à défaut de choix de juridictions exprimé par les parties. Conformément à l’article 7 du règlement « Régimes matrimoniaux », les parties peuvent choisir le juge dont la loi est applicable à leur régime matrimonial, ou le juge de l’État membre dans lequel leur mariage a été célébré. Ce choix doit être formulé par écrit, et être daté et signé par les parties.

B/ Les effets des décisions étrangères

1239 Le règlement prévoit, comme ceux précédemment étudiés, que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure310.

Qu’en est-il des actes établis par le notaire désigné par le juge dans le cadre de la liquidation d’un régime matrimonial311ou dans le cadre d’un partage312 ? Dans le premier cas, agissant en qualité d’expert, le notaire établit un rapport sous seing privé qui renseignera le juge sur les disparités en capital et en revenus des époux. Il serait difficilement envisageable que cet acte puisse circuler de la même manière qu’une décision. Dans le second cas, si l’on admet que l’acte reçu par le notaire est qualifié de décision, cet acte devra respecter toutes les règles en matière procédurale, et le notaire doit garantir non seulement son impartialité, mais aussi le droit de toutes les parties à être entendues313.

Mais l’article 3, § 2 du règlement exige également pour que les autorités et professionnels du droit puissent être qualifiés de juridiction, que leurs décisions aient « une force et un effet équivalents à ceux d’une décision prononcée par une autorité judiciaire dans la même matière ». Ce qui n’est pas le cas pour les actes notariés français. Ces actes ne pourront circuler que par le prisme de l’acceptation et non par celui de la reconnaissance314.

1240 Les seuls cas où la reconnaissance pourra être refusée sont ceux visés à l’article 37 du règlement « Régimes matrimoniaux » : la contrariété à l’ordre public, un acte introductif d’instance (ou un acte équivalent) non signifié ou notifié au défendeur en temps utile qui n’aurait pas pu se défendre ; une décision ayant autorité de chose jugée avec laquelle elle serait inconciliable.

1241 Pareillement, les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont exécutées dans les autres États membres conformément aux articles 38 à 56 et 58 du règlement Bruxelles I, une procédure simplifiée et non contradictoire sera suffisante.

Les conditions de régularité de la décision étrangère ne seront vérifiées que s’il y a un recours contre la décision statuant sur le caractère exécutoire.

§ V – Le règlement « Partenariats enregistrés »

1242 Le règlement européen n° 2916/1104 du 24 juin 2016 pose des nouvelles règles de conflit de juridictions pour toutes les actions concernant les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés et des règles de reconnaissance des décisions étrangères en cette matière. Ces règles sont quasi identiques à celles du règlement « Régimes matrimoniaux ». Elles sont entrées en vigueur à compter du 29 janvier 2019.

A/ La compétence internationale

1243 Ces règles concernent en premier lieu la question des effets du partenariat enregistré qui se pose dans le cadre d’actions concernant d’autres matières. Le juge, saisi d’actions intentées dans le cadre des successions315ou d’actions intentées dans le cadre des dissolutions ou d’annulation du partenariat enregistré si les parties en sont d’accord316, devra également se prononcer sur les effets patrimoniaux du partenariat enregistré.

L’article 6 du règlement pose des règles de compétence spécifiques pour toute question relative uniquement aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés. En l’absence de choix formulé par les parties, le juge compétent est le juge :

sur le territoire duquel les partenaires ont leur résidence habituelle au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut ;

sur le territoire duquel est située la dernière résidence habituelle des partenaires, dans la mesure où l’un d’eux y réside encore au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut ;

sur le territoire duquel le défendeur a sa résidence habituelle au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut ;

dont les deux partenaires ont la nationalité au moment de la saisine de la juridiction ; ou, à défaut ;

selon le droit duquel le partenariat enregistré a été créé.

À défaut, le juge compétent sera celui du lieu de situation d’un immeuble appartenant aux partenaires317et, à défaut, le juge d’un État membre pour éviter un déni de justice318.

S’agissant des « décisions » du notaire agissant comme une juridiction, renvoi est fait à l’analyse de l’article 3, § 2 du règlement jumeau « Régimes matrimoniaux » (V. supra, nos a1236 et s.).

1244 Ces règles ne s’appliquent qu’à défaut de choix de juridiction exprimé par les parties. Conformément à l’article 7 du règlement « Partenariats enregistrés », les parties peuvent choisir le juge dont la loi est applicable à leur partenariat, ou le juge de l’État membre en vertu de la loi duquel le partenariat enregistré a été créé. Ce choix doit être formulé par écrit, et être daté et signé par les parties.

B/ L’effet des décisions étrangères

1245 Le règlement prévoit que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure319.

Les seuls cas où la reconnaissance pourra être refusée sont ceux visés à l’article 37 du règlement : la contrariété à l’ordre public, un acte introductif d’instance (ou un acte équivalent) non signifié ou notifié au défendeur en temps utile qui n’aurait pas pu se défendre ; une décision ayant autorité de chose jugée avec laquelle elle serait inconciliable.

1246 Les décisions rendues dans un État membre et qui sont exécutoires dans cet État sont exécutoires dans un autre État membre lorsque, à la demande de toute partie intéressée, elles y ont été déclarées exécutoires conformément à la procédure prévue aux articles 44 à 57320.

Les conditions de régularité de la décision étrangère ne seront vérifiées que s’il y a un recours contre la décision statuant sur le caractère exécutoire.

Section II – Les conventions internationales

1247 L’Europe a trouvé par cette communautarisation des règles de conflit de juridictions un espace de liberté, de sécurité et de justice. Les mêmes difficultés vont se rencontrer pour des litiges avec des pays en dehors de l’Union européenne. Ainsi, tant l’Europe avec la convention de Lugano (§ I) que la France avec le traité franco-belge (§ II) ont conclu des accords pour y remédier.

§ I – La convention de Lugano

1248 Les États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE)321et les pays de la Communauté économique européenne (CEE) avaient régularisé une convention à Lugano le 16 septembre 1988, entrée en vigueur le 1er janvier 1992, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, afin d’appliquer la convention de Bruxelles. Suite à l’adoption du règlement Bruxelles I, les parties ont conclu une nouvelle convention à Lugano en date du 30 octobre 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2010 dans tous les États membres de l’Union européenne322et en Norvège. Elle est applicable en Suisse depuis le 1er janvier 2011 et en Islande depuis le 1er mai 2011.

1249 L’article 64 de la Convention de Lugano de 2007 fixe les rapports avec la convention Bruxelles I.

Les tribunaux des États membres doivent appliquer le règlement et non la convention pour apprécier leur compétence, sauf dans trois cas :

lorsque le défendeur est domicilié dans un État membre de l’AELE ;

lorsque l’un des critères de compétence exclusive de l’article 22 du règlement désigne les tribunaux d’un État membre de l’AELE ;

lorsqu’une clause attributive désigne la compétence des tribunaux d’un État membre de l’AELE.

Les tribunaux des États membres de l’AELE doivent également appliquer la convention de Lugano toutes les fois qu’ils sont saisis et qu’ils sont compétents en vertu de la convention.

§ II – Les traités bilatéraux

1250 La France a conclu deux conventions bilatérales à portée générale : la convention franco-suisse du 15 juin 1869, dénoncée au 1er janvier 1992, et le traité franco-belge du 8 juillet 1899 toujours applicable dans les matières exclues par les règlements européens.

Par ailleurs, la France a conclu des conventions tant multilatérales que bilatérales dans des domaines particuliers qui ne seront pas repris ici mais étudiés dans les autres commissions.

En l’absence de règles européennes ou internationales, il convient alors de se reporter au droit jurisprudentiel.

Section III – Le droit jurisprudentiel français

1251 Le droit jurisprudentiel français s’applique en l’absence d’un texte spécifique (règlement ou traité). Considération faite du règlement Bruxelles I bis et de la convention de Lugano, les tribunaux français seront compétents lorsque le défendeur sera domicilié dans un État tiers à l’Union européenne et en dehors de l’Islande, la Norvège et la Suisse, sauf existence d’une clause attributive de juridiction. Les tribunaux français retrouveront leur compétence même en présence d’une clause attributive de juridiction lorsque celle-ci désignera un État tiers à l’Union européenne et en présence de compétences exclusives prévues à l’article 24 du règlement Bruxelles I bis.

1252 Les tribunaux français sont aujourd’hui, sauf exception, compétents à l’égard de toute personne.

De l’Ancien Régime jusqu’à la Révolution, la compétence directe des tribunaux français a été déterminée soit par la nationalité, soit par le domicile. Pour les révolutionnaires, la justice nationale n’était ouverte qu’aux Français, c’était une question de souveraineté. Ce principe d’incompétence à l’égard des étrangers était néanmoins assorti de nombreuses exceptions.

Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt de 26 novembre 1828 Harris de Wolmar, a considéré qu’un étranger pouvait être assigné devant les tribunaux français. Il faut rappeler les faits : M. Wolmar, de nationalité anglaise, installé en France, conclut avec le gouvernement français plusieurs marchés pour la fourniture de grains aux troupes françaises. MM. Harris, négociants anglais, vendent des grains à M. Wolmar à Paris, en s’obligeant à livrer sur Rouen. MM. Harris paient une partie du prix et exercent des saisies-arrêts entre les mains des débiteurs de M. Wolmar. Ces saisies-arrêts leur sont dénoncées avec assignation devant le tribunal de la Seine. M. Wolmar décline la compétence des tribunaux français en se fondant sur le fait que MM. Harris sont de nationalité anglaise. Le tribunal de la Seine se déclare incompétent puisqu’il n’y a pas de Français en cause. MM. Harris font appel. La cour confirme le tribunal de la Seine. Ils se pourvoient en cassation. La cour casse l’arrêt rendu par la Cour royale de Paris du 15 avril 1825 en considérant qu’il s’agit, dans la cause, d’un acte de commerce, que la marchandise était livrable à Rouen, que le paiement déjà effectué pour partie devait avoir lieu à Paris, et que l’article 420 du Code de procédure permet d’assigner le débiteur dans le lieu ou la promesse a été faite sans distinction entre les étrangers et les Français. La compétence des tribunaux français a été également retenue, en matière commerciale, dans le cas où le défendeur avait un domicile de fait323.

1253 Une seconde étape est franchie avec l’arrêt Patino324rendu par la Cour de cassation le 21 juin 1948, lequel pose le principe de la compétence des tribunaux français pour connaître des litiges touchant les étrangers. Principe définitivement consacré par la Cour de cassation dans les arrêts Pelassa du 19 octobre 1959325et Scheffel du 30 août 1962326, avec la formule suivante : l’extranéité des parties n’est pas une cause d’incompétence des juridictions françaises dont, d’autre part, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne.

Et enfin la Cour de cassation, dans un arrêt Lefaitrendu le 27 juillet 1948327affirme que « les étrangers jouissent en France des droits qui ne leur sont pas spécialement refusés ». Sauf dispositions contraires, il en est de même pour les sociétés étrangères qui bénéficient des mêmes droits que les sociétés françaises.

1254 Les étrangers qui saisissent les tribunaux français ne sont plus obligés, depuis la loi du 9 juillet 1975, de verser la caution judicatum solvi. Cette pratique consistait, lorsqu’un étranger saisissait les tribunaux français, à lui demander le versement d’une caution pour couvrir les éventuels dommages et intérêts auxquels ce dernier pourrait être condamné. Cette pratique a été condamnée par la Cour de cassation dans un arrêt Pordéa du 16 mars 1999328en tant qu’elle contrevenait au droit pour chacun d’accéder au juge chargé de statuer sur sa prétention consacré par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour ayant refusé l’exequatur d’une décision étrangère ayant imposé une telle caution comme contraire à l’ordre public international.

Toute personne ayant des liens avec la France peut ainsi accéder à la justice et d’obtenir une solution rapide et sûre sans craindre un déni.

Ainsi les tribunaux français sont compétents au niveau international, d’une part par extension des règles de compétence interne (§ I), et d’autre part par les privilèges de juridiction (§ II). Les règles de compétence internationale peuvent être écartées par des dispositions contractuelles (§ III).

§ I – Les règles de compétence

1255 Le juge français se reconnaît internationalement compétent par référence aux règles de compétence internes françaises (A) et également par des règles particulières liées à l’élément d’extranéité (B).

A/ Les règles ordinaires internes transposées ou adaptées

1256 Les règles ordinaires de compétence sont fondées sur les liens territoriaux et figurent dans le Code de procédure civile. Ces règles désignent les tribunaux compétents en France. Comme il n’y a pas ou peu de règles de compétence françaises relatives à des situations internationales, on applique les règles internes de compétence territoriale étendues à l’ordre international en application des jurisprudences Pelassa329et Scheffel330.

Ces règles s’appliquent sans distinction de la nationalité.

La transposition de ces règles (I) au niveau international doit être nuancée. D’une part, leur transposition ne peut pas être totale, la compétence internationale désignant l’ordre juridictionnel français dans son ensemble et non un tribunal en particulier. D’autre part, la compétence internationale est une règle unilatérale : elle ne peut désigner que le juge français. Quelquefois ces règles auront besoin d’être adaptées (II).

I/ Les règles transposées

1257 L’article 42 du Code de procédure civile pose un principe général de compétence : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux. Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger ».

Si le défendeur est une personne physique, le tribunal compétent est celui de son domicile ou de sa résidence ; si le défendeur est une personne morale, le tribunal compétent est celui où la personne est établie.

Transposée au niveau international, cette règle attribue la compétence au juge français à chaque fois que le défendeur est domicilié ou réside en France. Pour la notion de domicile, il convient de se référer à la définition posée par l’article 102 du Code civil : « Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement »331.

1258 La transposition concerne également les règles de compétence dérivées. Ainsi, le juge compétent pour un litige au niveau international sera également compétent pour les demandes connexes à celui-ci332, ou les demandes incidentes333.

II/ Les règles adaptées

1259 Le demandeur pourra saisir, à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur ainsi qu’il est prévu par la règle générale, une autre juridiction en fonction de la matière du litige ainsi qu’il est prévu à l’article 46 du Code de procédure civile :

en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de services : au niveau international, chaque fois qu’il y aura une livraison en France ou l’exécution d’une prestation de services en France, le juge français sera compétent ;

en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi : au niveau international, chaque fois que le fait dommageable sera en France ou que le dommage sera subi en France, le juge français sera compétent ;

en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble : de la même manière au niveau international, le juge français sera compétent lorsque l’immeuble sera situé en France ;

en matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier : le domicile ou la résidence du créancier en France donnera compétence internationale au juge français.

En matière d’actions réelles immobilières, l’article 44 du Code de procédure civile attribue compétence à la juridiction du lieu de situation de l’immeuble. Au niveau international, le juge français sera compétent lorsque l’immeuble objet du litige sera situé sur le territoire français.

1260 En matière de successions, l’article 45 du Code de procédure civile donne compétence pour toute demande par les héritiers, les créanciers du défunt ou toute demande relative à l’exécution des dispositions à cause de mort à la juridiction dans le ressort de laquelle la succession a été ouverte.

Au niveau international, les tribunaux français sont compétents pour les successions mobilières à chaque fois que la succession sera ouverte en France et pour les successions immobilières lorsque l’immeuble sera situé en France. Désormais, pour toutes les successions ouvertes à partir du 17 août 2015, il y aura lieu d’appliquer le règlement européen n° 650/12 qui prévoit dans son article 4 : « Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ».

1261 En revanche, il ne faut pas étendre à l’ordre international les dispositions de l’article 48 du Code de procédure civile concernant les clauses attributives de juridiction, qui répute non écrite toute clause de ce type, sauf si elle a été convenue entre des personnes ayant toutes la qualité de commerçant. La Cour de cassation renverse ce principe en matière internationale, posant le principe que « les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites »334.

1262 En matière de saisie et de mesures conservatoires, seul le juge du pays sur le territoire duquel la mesure doit être exécutée est compétent335.

En effet, en vertu du droit international public, un juge français ne peut exercer de contrainte sur un territoire étranger sauf convention internationale ou règlement européen lui donnant ce pouvoir. Cette interdiction est fondée sur le principe d’indépendance et de souveraineté de chaque État.

Il ressort de l’arrêt Lotus336, rendu par la Cour permanente de Justice internationale, dans un contexte antérieur à la convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, que les juridictions turques étaient fondées à juger le capitaine du navire Le Lotus à cause des dommages subis par le navire turc le Boz Kurt et son équipage, car il n’existe pas de règle en droit international relative aux cas d’abordage, qui réserverait les poursuites pénales à la compétence exclusive de l’État. Tout ce qui n’est pas expressément interdit est par nature autorisé.

Un juge pourra cependant exercer une contrainte sur un territoire étranger si une convention internationale ou européenne le permet. Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt du 21 janvier 2016, est venue valider la procédure de saisie conservatoire engagée par l’administration fiscale française sur un compte bancaire ouvert auprès d’une banque espagnole prise en conformité du règlement européen n° 665/2014 créant une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires applicable depuis le 18 janvier 2017.

Dans le cadre d’une mesure de contrainte exercée en France, le juge français ne peut apprécier le fond du litige et ne peut se prononcer sur l’existence même de la créance, sauf si sa compétence est fondée sur une autre règle337.

1263 Il y a lieu de nuancer les contraintes possibles sur le territoire français. Aucune action venant de l’étranger n’est possible si elle concerne un service public ; en effet, cette compétence appartient exclusivement aux tribunaux français.

B/ Les règles propres au droit international

1264 En dehors des règles qui existent en droit interne, il existe deux cas où la compétence internationale du juge français peut être retenue : le premier pour tenir compte d’une nécessité ou d’une urgence (I) et le second pour les demandes destinées à ordonner l’exécution d’une décision étrangère (II).

I/ Le for de nécessité

1265 En l’absence de règles spécifiques, les tribunaux français peuvent être compétents au niveau international par nécessité ou compte tenu d’une urgence.

La nécessité (ou « for de nécessité ») est fondée sur la volonté d’éviter un déni de justice, et pour cela deux conditions doivent être remplies : aucun juge étranger ne doit avoir accepté de connaître le litige, et il faut un lien suffisant avec la France338. Quant à l’urgence, la compétence internationale des tribunaux français permet de protéger les personnes ou les biens d’un péril. Cette compétence peut être analysée comme une mesure provisoire et conservatoire.

II/ La demande d’exécution d’une décision étrangère

1266 Les tribunaux français sont internationalement compétents pour connaître d’une demande destinée à ordonner l’exécution en France d’une décision prononcée par un tribunal étranger.

§ II – Les privilèges de juridiction
A/ L’immunité juridictionnelle

1267 L’immunité de juridiction est un privilège qui fait échapper une personne physique (I), un État (II) ou une organisation internationale (III) à la compétence des tribunaux étrangers. Lorsqu’une personne bénéficiant de cette immunité est poursuivie devant les tribunaux du for, les juridictions de celui-ci ne peuvent en principe pas la juger sauf si la personne renonce elle-même à son immunité. Ce privilège n’a pas été considéré comme contraire au principe du procès équitable consacré à l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour de Strasbourg a estimé que le demandeur garde la possibilité de poursuivre cette personne devant ses propres juridictions.

La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé cette immunité en statuant ainsi : « Le crime dénoncé, quelle qu’en soit la gravité, ne relève pas des exceptions au principe de l’immunité de juridiction des chefs d’État étrangers en exercice »339.

Cette immunité est fondée sur une coutume de courtoisie internationale et sur la nécessité de maintenir des relations diplomatiques entre les États.

I/ Les personnes bénéficiant d’une immunité

1268 Les souverains et les chefs d’État ne peuvent être traduits devant les juridictions étrangères tant qu’ils sont en fonction.

Dans un arrêt du 19 janvier 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l’annulation des mandats d’arrêt délivrés à l’encontre du Premier ministre et du ministre des Forces armées du Sénégal tous deux en fonction, au moment du naufrage du navire Joola au large des côtes gambiennes, ledit navire battant pavillon sénégalais, jugeant que la mission du navire était une mission de service public non commercial, que le navire avait le statut de navire militaire et que « la coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des États devant les juridictions pénales d’un État étranger s’étend aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’État ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui (…) relèvent de la souveraineté de l’État concerné ».

1269 Il en est de même des agents diplomatiques, lesquels bénéficient également de l’immunité juridictionnelle. La Convention de Vienne du 18 avril 1961340, entrée en vigueur en 1971, fixe les principes des immunités des missions diplomatiques. Cette immunité s’étend au conjoint ainsi qu’aux enfants mineurs de l’agent diplomatique, sous réserve que l’État l’ayant accrédité n’ait pas renoncé à l’immunité.

Toute personne accréditée par l’État est protégée par cette immunité. Ces personnes sont les ambassadeurs, les conseillers et les attachés d’ambassade.

II/ Les États
a) Les immunités de juridiction

1270 Un État bénéficie d’une immunité de juridiction devant les juridictions étrangères, lesquelles ne pourront ainsi prendre ni jugement ni acte d’exécution sur leurs biens.

Jusqu’au début du XXe siècle, l’immunité des États était absolue341. Alors qu’un particulier ne pouvait pas poursuivre un État étranger devant les juridictions françaises, l’État étranger pouvait toujours poursuivre une personne privée. Cette immunité est fondée sur le principe de souveraineté d’un État : un souverain ne peut pas juger un autre souverain. Il faut rappeler que pour qu’il y ait un État souverain selon les règles du droit international public, il faut la réunion de trois conditions : un territoire, une population et un gouvernement. La non-reconnaissance n’est pas en elle-même un obstacle à l’immunité, une reconnaissance de fait est suffisante. Chaque État fixera donc sous quelles conditions cette immunité va pouvoir être soulevée. En France, l’immunité est consacrée par la jurisprudence.

Dans un arrêt aujourd’hui ancien342, la Cour de cassation a admis la saisie-arrêt contre la Représentation commerciale des Soviets, organisme représentant l’Union soviétique au motif que cet organisme « faisait des actes de commerce auxquels le principe de souveraineté des États demeure étranger ». Les tribunaux, qui avaient une appréciation subjective de l’immunité comme fondée, ont désormais une appréciation objective comme fondée sur l’activité exercée par la personne mise en cause. L’immunité juridictionnelle devient donc relative. Les tribunaux pourront, si les actes concernés ne sont pas des actes de puissance publique, juger l’état ou son émanation.

Ainsi, dans un arrêt en date du 25 février 1969343qui oppose l’administration des chemins de fer du gouvernement iranien à la société Levant Express Transport, la Cour de cassation délimite les contours de cette immunité : « Les États étrangers et les organismes agissant pour leur ordre ou pour leur compte ne bénéficient de l’immunité de juridiction qu’autant que l’acte qui donne lieu au litige constitue un acte de puissance publique ou a été accompli dans l’intérêt d’un service public » et que par conséquent l’activité de transport même ferroviaire pouvait donc constituer un acte de commerce qui n’est pas subordonné à un acte de souveraineté ; cette administration pouvait donc être jugée. Cette solution a été reprise de multiples fois344.

Les deux critères de cet arrêt, à savoir acte de puissance publique ou accompli dans l’intérêt d’un service public, a été maintes fois rappelé en droit du travail.

Ainsi, dans un arrêt rendu le 20 juin 2003345, la Cour a considéré que l’État saoudien ne pouvait bénéficier de cette immunité, n’ayant pas déclaré une enseignante de l’école saoudienne de Paris au régime français de protection sociale. Cette déclaration constituait un acte de gestion administrative non couvert par l’immunité.

L’État algérien a été condamné de la même manière dans un arrêt en date du 21 janvier 2016346. Deux salariés du consulat d’Algérie à Montpellier ont saisi la juridiction prud’homale pour obtenir des rappels de salaire et une résiliation judiciaire de leur contrat de travail. L’État algérien ayant soulevé alors l’incompétence des tribunaux français pour immunité, la cour a considéré que les tâches effectuées « ne conféraient aux salariés aucune responsabilité particulière dans l’exercice du service public consulaire ni prérogative de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l’exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l’application du principe d’immunité de juridiction ».

La Cour de cassation confirme de nouveau sa position sur le même fondement en condamnant l’État italien347.

Les règles d’immunités juridictionnelles des États et de leurs biens ont été codifiées par une convention en date du 2 décembre 2004 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci n’est pas encore entrée en vigueur348.

b) Les immunités d’exécution

1271 Les États bénéficient non seulement d’une immunité de juridiction, mais également d’exécution. Les biens appartenant aux États ne peuvent être saisis, car cela porterait atteinte à l’indépendance matérielle de l’État. En France, cette immunité peut être levée si les biens saisis sont affectés à l’activité économique ou commerciale de droit privé et si la créance doit tenir son origine de la même activité économique ou commerciale349. Dans un arrêt en date du 1er octobre 1985350, la Cour de cassation pose une présomption d’affectation à une activité de souveraineté pour les biens appartenant à un État. Ces biens sont en principe insaisissables sauf à prouver qu’ils ont été affectés à une activité économique ou commerciale de droit privé. La cour opère une distinction de régime avec les biens appartenant à des organismes publics. S’agissant des biens appartenant aux organismes publics et affectés à une activité relevant du droit privé, le créancier n’aura pas l’obligation de prouver que l’origine de la créance qui fonde la saisie est la même activité de droit privé que celle à laquelle est affecté le patrimoine dans lequel se trouve le bien saisi.

1272 L’immunité d’exécution a été codifiée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (loi « Sapin 2 ») aux termes des articles L. 111-1-1 à L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

Avant toute mesure conservatoire ou mesure d’exécution forcée sur un bien appartenant à un État étranger, il faut une autorisation préalable du juge351.

L’article L. 111-1-2 du même code fixe les conditions dans lesquelles le juge pourra autoriser la mesure conservatoire ou l’exécution forcée sur un bien d’un État étranger :

lorsque l’État concerné a expressément consenti à l’application d’une telle mesure ;

lorsque l’État concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de la procédure ;

lorsqu’un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l’État concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit État autrement qu’à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée. Sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’État à des fins de service public non commerciales, les biens suivants :

les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’État ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales,

les biens de caractère militaire ou les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions militaires,

les biens faisant partie du patrimoine culturel de l’État ou de ses archives qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente,

les biens faisant partie d’une exposition d’objet d’intérêt scientifique, culturel ou historique qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente,

les créances fiscales ou sociales de l’État.

c) La renonciation à l’immunité

1273 Qu’il s’agisse d’une immunité de juridiction ou d’exécution, l’État peut y renoncer. La renonciation à l’immunité doit non seulement être expresse, mais aussi spéciale352, ainsi qu’il résulte de l’article L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d’exécution. Cet article, qui ne concerne en principe que les seules mesures d’exécution mises en œuvre après l’entrée en vigueur de la loi, va être appliqué par les juges au litige existant, pour reprendre les termes de la décision citée : « compte tenu de l’impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la souveraineté des États et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de manière identique des situations similaires ».

III/ L’immunité des organisations internationales

1274 Une organisation internationale (OI) est une personne morale de droit public fondée par un traité international par des États ou des organisations internationales afin de coordonner une action sur un sujet déterminé dans les statuts. Elle bénéficie à ce titre d’une immunité de juridiction et d’exécution. En effet, cette immunité est nécessaire pour le bon fonctionnement de la mission qui lui est confiée, et évite l’ingérence des États.

Cette immunité figure soit dans l’acte constitutif de l’organisation353, soit dans une convention générale sur les privilèges et immunités de l’organisation354, soit dans un accord de siège conclu entre l’organisation internationale et un État355.

Comment concilier cette immunité avec le droit pour toute personne à un procès équitable, public et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial prévu par la Convention européenne des droits de l’homme (art. 6, § 1) et par le Pacte relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations unies (art. 14, § 1) ?

1275 Pour bénéficier de l’immunité juridictionnelle, l’organisation internationale doit avoir prévu un mécanisme de recours spécifique pour ses salariés. Si tel est le cas, les salariés ne pourront saisir les juridictions françaises.

B/ Les articles 14 et 15 du Code civil

1276 Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, l’article 14 du Code civil énonce que l’étranger, même non-résident en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français. Il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français, et l’article 15 du Code civil énonce qu’un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.

Ce privilège, fondé sur la nationalité, permet à un demandeur ou à un défendeur français, en l’absence de tout lien avec la France, de saisir les tribunaux français. Ce principe a été consacré par l’arrêt Société Cognac and Brandies rendu en 1985 par la Cour de cassation356.

I/ Le domaine d’application des articles 14 et 15 du Code civil
a) Le domaine d’application ratione personae

1277 Les articles 14 et 15 du Code civil s’appliquent dès lors que l’un des plaideurs a la nationalité française. La compétence des tribunaux français est fondée sur ce seul critère juridique : la nationalité française, et non sur les droits nés des faits litigieux, ainsi qu’en ont décidé les juges dans un arrêt La Métropole en date du 21 mars 1966357. Lorsque la cour a décidé que c’est la nationalité des ayants cause et non de leur auteur qui doit être prise en considération pour l’application de ces textes.

Le plaideur peut être une personne physique ou morale. Dès lors qu’elle possède la nationalité française, les tribunaux français pourront être saisis.

Cette nationalité doit être existante lors de l’introduction de l’instance, à la date de l’assignation358.

La saisie des tribunaux français fondée sur ce critère de nationalité ne doit pas résulter de la cession d’une créance faisant l’objet d’un litige devant un tribunal étranger, tribunal déjà saisi par le cédant ou dont le cédant a déjà accepté la compétence. Par cette décision rendue dans une affaire Garrett, les juges condamnent la saisine frauduleuse des tribunaux français par collusion entre le cédant et le cessionnaire359.

b) Le domaine d’application ratione materiae

1278 Les articles 14 et 15 du Code civil visent les obligations contractées par ou envers des Français. Mais la jurisprudence a généralisé, dans un arrêt rendu en 1970 Weiss360, le privilège de juridiction aux actions patrimoniales et extrapatrimoniales. Par ce même arrêt, les juges ont exclu de l’application de ce privilège de juridiction les actions réelles immobilières et demandes en partage portant sur des immeubles situés à l’étranger, ainsi que les demandes relatives à des voies d’exécution pratiquées hors de France361. Ces deux exclusions sont fondées sur le critère de la souveraineté de l’État de situation du bien et de la procédure à exécuter.

II/ Les caractéristiques du privilège des articles 14 et 15 du Code civil
a) Un caractère subsidiaire

1279 Le privilège de nationalité ne peut être invoqué que si la compétence des tribunaux français ne peut résulter d’aucun autre texte. Ce caractère subsidiaire a été consacré par l’arrêt Cognac and Brandies susvisé. Il convient, en premier lieu, d’appliquer les règles de compétence de droit commun, puis, en second lieu, les privilèges des articles 14 et 15 du Code civil.

Ces articles s’effacent devant des clauses d’attribution de compétence.

b) Un caractère facultatif

1280 Les articles 14 et 15 du Code civil laissent une possibilité (une dernière) de saisir les tribunaux français, et non une obligation. Cette faculté est consacrée par les arrêts Prieur du 23 mai 2006 et Fercométal du 22 mai 2007. La personne bénéficiaire de ce privilège pourra saisir le tribunal de son choix. Néanmoins, la jurisprudence a posé des contours à cette liberté : le choix doit correspondre soit à l’existence d’un lien de rattachement de l’instance au territoire français, soit aux exigences de bonne administration de la justice. Ce tribunal pourra être celui de son domicile, celui proche d’une frontière, soit un tribunal parisien.

Le plaideur français, demandeur ou défendeur, pourra renoncer respectivement à l’application des articles 14 ou 15 du Code civil, ces textes n’étant pas reconnus d’ordre public. Cette renonciation peut être expresse (clause contractuelle, clause attributive de juridiction, clause compromissoire) ou tacite (action introduite à l’étranger par ses soins, ou acceptée par lui).

1281 Le caractère facultatif exclut l’obligation pour le juge d’appliquer ces textes d’office.

Lorsque le juge est saisi, il doit vérifier que le plaideur a bien la nationalité française. Sa compétence ne peut pas faire obstacle à la compétence du juge étranger si le litige se rattache de manière caractérisée à l’État du juge étranger saisi, et que ce dernier a été saisi sans fraude. Le privilège de juridiction (C. civ., art. 15 en l’espèce) pose un principe de compétence directe, sans incidence sur la compétence indirecte. Ainsi en ont décidé les juges dans l’arrêt Prieur. Ce principe a été étendu à l’article 14 dans l’arrêt Fercométal. En dehors de cette hypothèse, le juge français saisi ne peut refuser sa compétence362.

En présence d’un litige pour lequel aucun tribunal ne reconnaît sa compétence, le juge français peut, afin d’éviter le déni de justice363, accepter sa compétence à titre exceptionnel et subsidiaire.

Il faut rappeler qu’en tout état de cause, le règlement Bruxelles I bis autorise un demandeur domicilié sur le territoire de l’Union européenne à invoquer à l’encontre d’un défendeur domicilié hors de l’Union européenne les règles de compétence exorbitantes prévues par la législation du pays de son domicile, quelle que soit sa nationalité. Les ressortissants des États tiers domiciliés sur le territoire de l’Union européenne bénéficient également de ce privilège lié au domicile. La convention de Lugano de 2007 prévoit une règle similaire (art. 4-2). Le règlement Bruxelles II bis renvoie au droit commun des États membres lorsqu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente, et donne ainsi la possibilité aux privilèges de juridiction de s’exercer.

§ III – Les clauses conventionnelles

1282 Les parties peuvent anticiper la naissance d’un litige et convenir d’une clause attributive de juridiction (A) ou d’une clause d’arbitrage (B), écartant ainsi les règles de compétence internationales.

A/ Les clauses attributives de juridiction

1283 Par une disposition insérée dans leur contrat, les parties désignent la juridiction qui sera compétente en cas de litige. Il s’agit d’une « clause d’élection de for » ou « clause attributive de compétence » ou encore « clause de prorogation volontaire de compétence ».

Les parties anticipent, au moyen de cette clause, l’insécurité qui peut naître de l’incertitude sur le juge compétent et sur le droit applicable. En effet, plusieurs juridictions peuvent être compétentes pour régler un même litige et les réponses qu’elles donneront peuvent être différentes. La clause attributive de juridiction évince l’application des règles internationales de compétence du juge et désigne la juridiction qui semble la plus appropriée pour les parties pour régler tout litige éventuel. Cette clause permet d’éviter que l’une ou l’autre des parties ait recours au forum shopping (course au tribunal).

Ce choix peut être expliqué par la recherche d’une neutralité, donc un juge d’un État tiers à ceux des parties, ou d’une expertise particulière (les juges anglais sont souvent choisis en matière maritime). Son utilisation est fréquente en matière contractuelle, plus rare en matière extracontractuelle.

1284 Malgré l’utilité indéniable de cette clause, une partie de la doctrine n’admettait pas sa validité, en arguant que les règles de conflit de juridiction sont impératives au même titre que les règles de conflit de lois et sont une émanation de la souveraineté de l’État. Cette position était notamment celle de Bartin364. Le souci n’est-il pas une bonne justice procédurale de droit privé dans l’intérêt des justiciables et non la puissance de l’État ? L’État autorise les parties à modifier conventionnellement la compétence de ses organes, mais en limitant cette liberté en présence de règles impératives ou de lois de police365.

Son utilisation est largement admise par la jurisprudence française en matière contractuelle, et ce depuis l’arrêt Mardelé366. La clause attributive a été acceptée plus difficilement et tardivement par les pays de common law, et aux États-Unis pour la première fois dans un arrêt The Bremen, rendu en 1972367.

Sa pratique a été confortée juridiquement par la convention de Bruxelles (art. 17), le règlement Bruxelles I (art. 23), le règlement Bruxelles I bis (art. 25) et par la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les clauses exclusives d’élection de for. Ainsi, le droit commun ne s’appliquera qu’en l’absence d’application du droit de l’Union européenne et du droit conventionnel.

Sa validité (I) ainsi que ses effets (II) seront ci-après étudiés.

I/ Les conditions de validité

1285 La validité de la clause doit être appréciée par le pays dont les juridictions ont été désignées, donc la loi du for. On peut prendre pour exemple la désignation de la compétence des juridictions françaises. Cette clause permettra donc d’étendre la compétence de la juridiction française qui n’était peut-être pas compétente et de restreindre la compétence de la juridiction étrangère qui aurait été normalement compétente. En réalité, la désignation impacte dans notre cas les juridictions de deux États. Les deux juridictions des deux États peuvent se déclarer compétentes. Il s’agira alors d’un conflit positif : le demandeur choisira la juridiction. Lorsqu’aucune juridiction des deux États ne se reconnaît compétente, il s’agit d’un conflit négatif. Ce cas est plus gênant. Le juge normalement compétent et qui s’est vu restreindre doit se reconnaître compétent sous peine de déni de justice.

a) Les conditions de fond

1286 Les conditions de fond classiques (consentement, capacité…) ne seront pas rappelées, renvoyant à la loi choisie par les parties. En cas de contestation sur l’accord donné à la clause, la loi du contrat s’appliquera. S’agissant de la licéité, celle-ci s’apprécie au regard des lois françaises ci-après étudiées.

1287 On peut rappeler qu’au niveau interne, les articles 41 et 48 du Code de procédure civile énoncent des conditions de validité.

L’article 41 permet aux parties de convenir, lorsque le litige est né, « que leur différend sera jugé par une juridiction, bien que celle-ci soit incompétente en raison du montant de la demande ».

L’article 48 dispose : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».

La clause attributive de juridiction ne permet pas une totale liberté de choix quant à la juridiction, il faut respecter les ordres de juridiction.

La pleine connaissance exige une rédaction claire et précise. Ainsi, la Cour de cassation a annulé un jugement validant une clause attributive lisible et explicite. Les juges exigent en plus une typographie rendant la clause très apparente368. Pour que la clause attributive de compétence à un tribunal incompétent en raison du montant soit valable, il faut donc que le litige soit né, et que la désignation de la juridiction soit postérieure.

Pour que la clause attributive de compétence à un tribunal territorialement incompétent soit valable, il faut un contrat entre commerçants, une désignation préalable, une rédaction claire et très apparente.

1288 Au niveau international, dans un arrêt Compagnie de signaux et d’entreprises électriques en date du 17 décembre 1985369, la Cour de cassation s’est prononcée pour la licéité de cette clause lorsqu’il s’agit d’un litige international et que cette prorogation ne fait pas obstacle à une compétence territoriale impérative d’une juridiction française.

Pour que cette clause soit valable, il faudra vérifier :

la loi du tribunal qui est évincé, loi du for ; dans l’espèce ci-dessus la loi française, pour statuer sur le caractère licite ou pas de l’éviction ;

la loi du tribunal qui est désigné par la clause ; dans l’espèce ci-dessus la loi libyenne, pour vérifier la licéité de la désignation ;

et la loi du contrat dans lequel la clause est insérée.

Il ressort de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 octobre 2018 que, pour être valable, la clause attributive de compétence doit répondre à un objectif de prévisibilité, soit en renvoyant à une règle de compétence en vigueur dans un État membre, soit en donnant des éléments objectifs suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie.

S’agissant de la validité au regard de la loi française, la clause attributive ne doit pas porter atteinte aux règles de compétence protectrices des parties faibles en matière d’assurance ou de contrat de travail, et également aux règles de compétence exclusive en matière immobilière.

Dans un arrêt en date du 12 février 2016 qui opposait M. Frédéric Durand à Facebook Inc., les juges qualifient d’abusive la clause attributive de compétence au profit des juridictions californiennes et la réputent donc non écrite sur le fondement de l’article R. 132-2 du Code de la consommation, lequel présume abusives les clauses ayant pour objet « de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur ».

1289 La clause attributive de compétence est interdite dans les litiges relatifs à l’état des personnes et, conformément à l’article 93 du Code de procédure civile, le juge pourra se déclarer incompétent.

En matière patrimoniale, les clauses attributives de compétence au profit d’un tribunal étranger sont valables même dans le cas d’un litige relevant d’une loi de police française. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans une affaire Monster Cable370. Le statut des lois de police change selon qu’elles sont des lois de police du for ou de l’État étranger. Le juge doit appliquer les lois de polices du for, mais peut appliquer les lois de police étrangères. Par ailleurs, les clauses compromissoires ou les clauses attributives de juridiction rédigées sous la forme « tout litige né du contrat » et désignant une juridiction étrangère permettent d’échapper à l’application de dispositions impératives constitutives de lois de police de l’article L. 442-6 du Code de commerce. La Cour de cassation vient à nouveau de confirmer sa position dans deux arrêts des 24 novembre 2015371et 18 janvier 2017372, pour des contentieux relevant du règlement Bruxelles I (art. 23)

N’est-ce pas normal puisque l’application éventuelle d’une loi de police relève de la question de la détermination de la loi applicable ? Or, on doit d’abord déterminer le juge compétent avant toute chose. Et si le juge retient la loi française, la question de la loi de police pourra être soulevée373. En tout état de cause, la clause attributive de compétence est autonome par rapport à la convention principale et reste valable même si le contrat est nul374.

b) Les conditions de forme

1290 Les conditions de forme sont déterminées par la règle de droit commun : les parties peuvent adopter les règles de forme du lieu de la signature de l’acte ou la loi qui régit l’acte quand au fond.

La clause attributive doit être écrite et plus encore, ainsi qu’il a été dit au a) ci dessus, elle doit faire l’objet d’une rédaction claire et précise et d’une typographie rendant la clause très apparente pour qu’elle soit admise.

II/ Les effets de la clause

1291 La clause attributive de juridiction donne compétence aux tribunaux d’un État. Cette clause peut être plus précise et désigner le tribunal au sein de l’ordre juridictionnel.

Une tierce personne assignée comme codéfendeur ou comme intervenant forcé, mise en cause dans un litige international, peut invoquer la clause d’attribution juridictionnelle pour éviter de comparaître devant les tribunaux français, alors que cela n’est pas possible en droit interne car les dispositions de l’article 333 du Code de procédure civile paralysent les effets d’une telle clause.

Le juge saisi d’une demande fondée sur l’urgence ou le péril n’est pas lié par la clause attributive de juridiction dès lors que les mesures sollicitées doivent s’exécuter en France.

B/ Les clauses d’arbitrage

1292 La présente analyse se limitera aux principes. La deuxième commission reviendra plus amplement sur l’arbitrage international et sur l’opportunité ou non de l’envisager dans les actes comportant un élément d’extranéité, ainsi que sur le rôle du notaire dans l’arbitrage (V. infra, nos a2305 et s.).

Les parties décident dans une convention de soumettre le traitement d’un ou plusieurs litiges, nés ou à naître, non pas à une juridiction étatique mais à un ou des juges privés que l’on nomme « arbitres ». Cette décision peut être prise en amont. Les parties régularisent une convention dans laquelle elles décident de soumettre à l’arbitrage les éventuels litiges qui pourraient naître dans le cadre de leur relation contractuelle : il s’agit de la clause compromissoire375. Les parties peuvent aussi décider, une fois le litige né, donc en aval, de le confier à un arbitre : il s’agit d’un compromis376.

En droit interne, autorisé dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle depuis une loi du 15 mai 2001, l’arbitrage a été réformé par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011. Même s’il existe deux types de conventions, une seule règle s’appliquera à la convention d’arbitrage, terminologie d’ailleurs unique reprise dans tous les articles du Code de procédure civile.

L’arbitrage international est codifié aux articles 1504 et suivants du Code de procédure civile. Aucune définition n’est donnée de la convention d’arbitrage, et aucun renvoi n’est fait à l’article 1442. La jurisprudence a d’ailleurs clairement mis fin à cette distinction dans un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris377.

Sa validité (I) ainsi que ses effets (II) seront ci-après étudiés.

I/ Les conditions de validité

1293 Les conditions de validité sont déterminées par le droit applicable à la convention d’arbitrage. La jurisprudence française, dans un arrêt Hecht de la cour d’appel de Paris du 19 juin 1970, confirmé par la Cour de cassation378, valide la clause compromissoire insérée dans un contrat international alors qu’elle était interdite en droit interne. Les juges ont consacré, dans l’arrêt Dalico de 1993379, le principe selon lequel l’existence et l’efficacité d’une clause compromissoire s’apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique. La cour exclut ainsi toute approche conflictuelle pour déterminer le régime applicable à la clause compromissoire.

1294 La cour indique qu’en vertu d’une règle matérielle du droit international de l’arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, et que son existence et son efficacité s’apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique. La clause compromissoire est donc valable dès lors qu’elle a été voulue par les parties et qu’elle n’est pas contraire à l’ordre public international français ; nul besoin d’autres règles380.

1295 La validité de la clause compromissoire ne pourra être compromise par celle du contrat principal puisqu’elle revêt un caractère autonome. Ce principe d’autonomie, consacré de longue date dans un arrêt Gosset du 7 mai 1963 (« L’accord compromissoire, qu’il soit conclu séparément ou inclus dans l’acte juridique auquel il a trait, présente toujours, sauf circonstances exceptionnelles, une complète autonomie juridique, excluant qu’il puisse être affecté par une éventuelle invalidité de cet acte »), a maintes fois été repris par les juges.

L’article 1447 auquel renvoie l’article 1506 du Code de procédure civile prévoit le même principe : « La convention d’arbitrage est indépendante du contrat auquel elle se rapporte. Elle n’est pas affectée par l’inefficacité de celui-ci ». Ainsi, dans un arrêt en date de 2005381, les juges ont statué « qu’en application du principe de validité de la convention d’arbitrage et de son autonomie en matière internationale, la nullité non plus que l’inexistence du contrat qui la contient ne l’affectent ».

Lorsque la clause compromissoire est nulle, conformément à l’article 1447, alinéa 2 du Code de procédure civile, elle est réputée non écrite.

1296 La Convention de New York du 10 juin 1958, pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, reconnaît cinq cas de refus de reconnaissance d’une sentence arbitrale : l’incapacité des parties, l’invalidité de la convention d ‘arbitrage, la méconnaissance des procédures régulières, un différend non visé par la convention d’arbitrage, l’incompétence du tribunal arbitral.

Il est également prévu deux cas dans lesquels le tribunal peut d’office refuser de reconnaître ou d’exécuter la sentence arbitrale : l’inarbitrabilité et la contrariété à l’ordre public.

a) Les conditions de fond

1297 La validité de la clause d’arbitrage est soumise aux conditions classiques de validité de tout acte juridique, notamment au regard du consentement et de la capacité. Cette capacité est en principe vérifiée par rapport à la loi personnelle de la personne, soit sa loi nationale. La convention de New York, comme d’autres droits en matière d’arbitrage, applique la méthode conflictuelle pour refuser de reconnaître ou d’exécuter une sentence arbitrale lorsque les parties étaient « en vertu de la loi à elles applicable, frappées d’une incapacité ».

Mais, dans un arrêt le 24 février 2005, dans une affaire qui concernait les pouvoirs du représentant d’une personne morale, les juges ont conclu qu’un « principe de capacité fondé sur la croyance légitime dans les pouvoirs des représentants se déduit du principe de validité de la convention d’arbitrage pour mettre un terme aux comportements contraires à la bonne foi », mettant peut-être fin à la solution susvisée et créant peut-être une règle matérielle.

1298 La clause d’arbitrage ne peut pas être utilisée pour toutes les matières, on parle ainsi d’inarbitrabilité. On ne peut compromettre que sur des droits dont on a la libre disposition382. L’article 2060 du Code civil dispose ainsi : « On ne peut compromettre sur les questions d’état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l’ordre public. Toutefois, des catégories d’établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre ».

1299 Même si les clauses d’arbitrage ne sont pas prohibées en matière de contrat de consommation et de contrat de travail international, leur effet est limité. La clause compromissoire insérée dans un contrat de consommation sera considérée comme abusive en droit interne. Les juges protègent par cette sanction la partie faible qui ne pourrait pas recourir à l’arbitrage du fait de son coût. Ces mêmes juges ont admis leur validité lorsque les clauses d’arbitrage sont insérées dans un contrat de consommation international383. En matière de contrat de travail international, la clause compromissoire n’est pas nulle, mais ne pourra pas être opposée au salarié qui a régulièrement saisi les juridictions françaises384.

b) Les conditions de forme

1300 L’article 1507 du Code civil dispose que la convention d’arbitrage n’est soumise à aucune condition de forme.

II/ Les effets

1301 La clause d’arbitrage a un effet entre les parties, mais également à l’égard des tiers.

a) Les effets entre les parties

1302 La convention arbitrale consacre la renonciation par les parties à la compétence des tribunaux ordinaires et à l’attribution de la compétence à un tribunal arbitral pour traiter les litiges qu’elle vise ; on parle de l’effet positif de la convention arbitrale. Cette même convention consacre corrélativement l’incompétence des tribunaux ordinaires pour les litiges qu’elle vise et une impossibilité pour les parties de saisir ces mêmes tribunaux ; on parle d’effet négatif de la convention arbitrale.

1303 S’agissant de l’effet positif, les parties sont tenues de saisir le tribunal arbitral lorsque le litige visé par la convention survient. Si une des parties ne se présente pas, le tribunal arbitral peut rendre une sentence par défaut. Cette sentence ne sera pas contraire à l’ordre public international dès lors que le défendeur aura été dûment informé de la procédure et qu’il n’aura pas été dans l’impossibilité matérielle de se faire représenter. Ainsi en ont décidé les juges dans un arrêt en date du 7 février 1991385.

1304 L’adoption d’une convention d’arbitrage est analysée comme une renonciation aux privilèges et immunités dont bénéficie une partie. Ainsi en ont décidé les juges dans un arrêt en date du 11 juin 1991. Cette renonciation implicite vaut tant pour la décision que pour son exequatur386. La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », est venue apporter des précisions sur les conditions et la portée d’une renonciation à l’immunité d’exécution des États. Toute mesure conservatoire ou d’exécution forcée sur un bien appartenant à un État nécessitera, conformément à l’article L. 111-1-1 du Code des procédures civiles d’exécution, l’accord préalable du juge par ordonnance rendue sur requête et que diverses conditions soient remplies387.

1305 Cette convention arbitrale a également un effet positif à l’égard de l’arbitre. D’une part parce que l’arbitre est tenu de traiter le litige visé par la convention, et d’autre part parce qu’il doit statuer lui-même, lorsque contestation il y a, sur sa compétence. Il s’agit de l’« effet positif du principe de compétence-compétence ». Ainsi, l’article 1645 du Code procédure civil auquel renvoie l’article 1506-3 dispose que : « Le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel ». Cette règle en matière de droit interne est appliquée également en droit international à toute contestation, évitant ainsi que l’arbitre ne soit lié et tenu de surseoir du fait de la saisine d’une juridiction étatique. La décision de l’arbitre sur sa compétence est néanmoins soumise au contrôle du juge étatique dans le cadre du recours contre la sentence que dans le cadre de l’exequatur de celle-ci388.

1306 S’agissant de l’effet négatif, la convention arbitrale consacrant, pour les litiges qu’elle concerne, l’incompétence des juridictions étatiques, oblige ces dernières en cas de saisine à renvoyer les parties devant le tribunal arbitral. Cependant, le juge ne peut pas relever d’office son incompétence, ainsi qu’il résulte de l’article 1448, alinéa 2 du Code de procédure civile. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Le défendeur doit par conséquent soulever l’exception d’incompétence devant le juge étatique389.

1307 Le juge étatique n’est pas compétent pour connaître d’une action contre la convention arbitrale. S’il est saisi d’une question sur le fond de la convention arbitrale, il ne peut se prononcer sur la compétence de l’arbitre avant que celui-ci se prononce sur sa propre compétence dès lors que le demandeur invoque la convention, et ce même s’il en conteste la validité ou l’étendue. Il résulte de l’article 1448, alinéa 2 du Code de procédure civile en droit interne, auquel renvoie l’article 1506, 1° en droit international, que deux cas peuvent se présenter :

soit le tribunal arbitral est déjà saisi et un juge étatique saisi du même litige doit se déclarer incompétent ;

soit le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, et le juge étatique doit également se reconnaître incompétent sauf à constater « la nullité ou l’inapplicabilité manifeste » de la convention d’arbitrage.

1308 Le juge étatique retrouve sa compétence dans deux hypothèses :

première hypothèse : les parties renoncent à la convention d’arbitrage ;

seconde hypothèse : le tribunal arbitral n’est pas encore constitué, une partie peut demander une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire conformément à l’article 1449, alinéa 1 du Code de procédure civile.

1309 Tant le juge étatique que l’arbitre interprètent la convention d’arbitrage d’une manière large, sans se référer à une loi étatique particulière. La convention d’arbitrage soustrait les litiges qu’elle vise à la compétence des juridictions judiciaires étatiques pour tout ce qui est causal ou connexe avec son objet. Ainsi, le tribunal arbitral sera compétent pour statuer sur un litige relatif à la résiliation du contrat bien que la clause compromissoire ne vise que « les litiges survenus à l’occasion de l’exécution du contrat »390, comme à la caducité du contrat alors que la clause ne vise que l’exécution391. De même, la nature contractuelle ou délictuelle des demandes ne sera pas une limite à sa compétence dès lors que les demandes peuvent être englobées dans les litiges couverts par le libellé de la convention d’arbitrage392.

1310 Cette volonté d’étendre l’application des conventions d’arbitrage se retrouve également dans le cadre d’un groupe de contrats régularisés entre les mêmes parties. Ainsi, par une interprétation implicite de la volonté des parties, les arbitres ont décidé d’étendre l’application d’une clause d’arbitrage contenue dans un contrat et pas dans les autres à l’ensemble des contrats, au motif que ces conventions avaient un caractère complémentaire, ou qu’elles participaient à la réalisation d’une même opération globalement envisagée. La sentence prononcée par le Centre international pour le règlement des différends en matière d’investissements (CIRDI) les 4 et 9 février 1988, dans une affaire qui opposait la société Ouest-africaine des bétons industriels (SOABI) à la République du Sénégal, en est une parfaite illustration.

b) Les effets à l’égard des tiers

1311 D’autres personnes que les parties elles-mêmes peuvent être concernées par la clause d’arbitrage. Il en avait été jugé ainsi pour des conventions d’arbitrage non signées par des parties, mais dépendant d’un groupe de sociétés. Aujourd’hui, cette volonté d’extension se manifeste plus largement.

1312 L’appartenance à un groupe de sociétés ne suffit pas à étendre la clause d’arbitrage non signée par tous à l’ensemble des sociétés du groupe393. Encore faut il que cette autre société ait participé à l’opération économique pour laquelle la clause a été stipulée, ou est directement concernée par elle, ou qu’il y ait eu acceptation tacite de la clause d’arbitrage par la partie non signataire, acceptation déduite de sa participation active à la négociation, l’exécution, ou la résiliation du contrat394.

1313 La jurisprudence française applique également cette solution aux hypothèses d’ensembles de contrats ou de sous-contrats entre personnes signataires et non signataires sans lien particulier, jugeant que l’effet de la clause d’arbitrage s’étend aux personnes directement impliquées dans l’exécution du contrat et aux litiges qui peuvent en résulter395.


207) Cass. 1re civ., 13 mai 2015, n° 13-21.827.

208) C. civ., art. 14 : « L’étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français ».

C. civ., art. 15 : « Un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger ».

209) Règl. n° 44/2001.
210) Clause permettant de ne pas être concerné par les règles de droit international privé.
211) Le 2 octobre 1997, les ministres des Affaires étrangères des quinze États ont signé le traité d’Amsterdam modifiant le Traité sur l’Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, et qui est entré en vigueur le 1er mai 1999.
212) CJCE, 14 oct. 1976, aff. C-29/76, Eurocontrol.
213) CJCE, 18 oct. 2011, aff. C-406/09, Réalchimie.
214) CJUE, 19 juill. 2012, aff. C-154/11, Mahamdia.
215) Art. 1er, al. 2.
216) Règl. Bruxelles I bis, art. 67.
217) Règl. Bruxelles I bis, consid. 13 : « Il doit y avoir un lien entre les procédures relevant du présent règlement et le territoire des États membres. Des règles communes en matière de compétence devraient donc s’appliquer en principe lorsque le défendeur est domicilié dans un État membre ».
218) CJUE, 15 mars 2012, aff. C-292/10, Cornelius de Visser.
219) CJCE, 1er mars 2005, aff. C-281-02, Owusu.
220) Règl. Bruxelles I bis, art. 24.
221) Règl. Bruxelles I bis, art. 25, § 5.
222) Cass. 1re civ., 14 mars 2018, Sté BMS Bau-Maschinen-Service.
223) Règl. Bruxelles I bis, art. 15, 19 et 23
224) Règl. Bruxelles I bis, art. 15, 19 et 23.
225) Règl. Bruxelles I bis, art. 31, § 2.
226) CJUE, 13 juill. 2017, aff. C-433/16.
227) Règl. Bruxelles I bis, art. 26, § 2.
228) Règl. Bruxelles I bis, art. 15, 19 et 23.
229) Règl. Bruxelles I bis, art. 11.
230) Règl. Bruxelles I bis, art. 12.
231) Règl. Bruxelles I bis, art. 14, § 1.
232) CJCE, 6e ch., 13 juill. 2000, aff. C-412/98, Group Josi : « Les règles de compétence spéciales en matière d’assurances figurant aux articles 7 à 12 bis de ladite Convention ne couvrent pas les litiges entre un réassureur et un réassuré dans le cadre d’un traité de réassurance ».
233) CJCE, 26 mai 2005, aff. C-77/04, GIE Réunion européenne : « Un appel en garantie entre assureurs, fondé sur un cumul d’assurances, n’est pas soumis aux dispositions de la section 3 du titre II de la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ».
234) CJCE, 14 mars 1991, aff. C-361/89, Di Pinto : « Le commerçant démarché en vue de la conclusion d’un contrat de publicité relatif à la vente de son fonds de commerce ne doit pas être considéré comme un consommateur protégé par la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux ».
235) CJCE, 19 janv. 1993, aff. C-89/91, Shearson Lehman Hutton : « que le demandeur, qui agit dans l’ exercice de son activité professionnelle et qui n’ est, dès lors, pas lui-même le consommateur, partie à l’un des contrats énumérés par le premier alinéa de cette disposition, ne peut pas bénéficier des règles de compétence spéciales prévues par la convention en matière de contrats conclus par les consommateurs ».
236) CJCE, 3 juill. 1997, aff. C-269/95, Benincasa : « Il convient donc de répondre à la première question que les articles 13, premier alinéa, et 14, premier alinéa, de la convention doivent être interprétés en ce sens qu’un demandeur qui a conclu un contrat en vue de l’exercice d’une activité professionnelle non actuelle mais future ne peut être considéré comme un consommateur ».
237) CJCE, 20 janv. 2005, aff. C-465/01, Gruber : « Une personne qui a conclu un contrat portant sur un bien destiné à un usage en partie professionnel et en partie étranger à son activité professionnelle n’est pas en droit de se prévaloir du bénéfice des règles de compétence spécifiques prévues aux articles 13 à 15 de ladite convention, sauf si l’usage professionnel est marginal au point d’avoir un rôle négligeable dans le contexte global de l’opération en cause, le fait que l’aspect extraprofessionnel prédomine étant sans incidence à cet égard ».
238) CJCE, 14 mai 2009, aff. C-180/06, Ilsinger.
239) CJUE, 6 sept. 2012, aff. C-190/11, Muhlleitner.
240) CJUE, 28 janv. 2015, aff. C-375/13, Kolassa.
241) CJUE, 7 déc. 2010, aff. C-585/08, Pammer.
242) CJUE, 7 déc. 2010, aff. C-144/09, Hotel Alpenhof.
243) CJUE, 17 oct. 2013, aff. C-218-12, Emrek.
244) CJUE, 23 déc. 2015, aff. C-297/14, Hobohm.
245) Cass. 1re civ., 22 févr. 2017, nos 15-27.809 et 16-11.509, Air France.
246) CJUE, 15 mars 2011, aff. C-29/10, Heiko Koelzsch.
247) CJUE, 15 déc. 2011, aff. C-384-10, Jan Voogsgeerd.
248) Cass. soc., 19 janv. 2017, n° 15-13.599, Escad Design GmbH.
249) Règl. Bruxelles I bis, art. 7.
250) Règl. Bruxelles I bis, art. 8.
251) CJCE, 22 mars 1983, aff. C-34/82, Martin Peters.
252) CJCE, 17 juin 1992, aff. C-26/91, Jacob Handte.
253) CJCE, 5 févr. 2004, aff. C-65/02, Frahuil SA c/ Assitalia SpA.
254) CJCE, 20 janv. 2005, aff. C-27/02, Engler.
255) CJUE, 13 mars 2014, aff. C-547/12, Brogsitter.
256) CJUE, 14 juill. 2016, aff. C-196/15, Granarolo.
257) Cass. com., 20 sept. 2017, n° 16-14.812, Sté Éts Proutheau-Laboute c/ Sté AVR BVBA.
258) Règl. 17 juin 2008, art. 4-1 : « 1. À défaut de choix exercé conformément à l’article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi applicable au contrat suivant est déterminée comme suit : a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ; b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ; c) le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’immeuble ; d) nonobstant le point c), le bail d’immeuble conclu en vue de l’usage personnel temporaire pour une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu’il ait sa résidence habituelle dans ce même pays ; e) le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle ; f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ; g) le contrat de vente de biens aux enchères est régi par la loi du pays où la vente aux enchères a lieu, si ce lieu peut être déterminé ; h) le contrat conclu au sein d’un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 17), de la directive 2004/39/CE, selon des règles non discrétionnaires et qui est régi par la loi d’un seul pays, est régi par cette loi ».
259) CJCE, 23 avr. 2009, aff. 533/07, Falco.
260) CJUE, 25 févr. 2010, aff. C-381/08, Car Trim GmbH c/ KeySafety Systems Srl.
261) CJCE, 3 mai 2007, aff. C-386/05, Color Drack GmbH.
262) CJCE, 9 juill. 2009, aff. C-204/08, Peter Rehder c/ Air Baltic Corporation.
263) CJUE, 11 mars 2010, aff. C-99/09, Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH c/ Sylva Trade TA.
264) CJUE, 15 juin 2017, aff. C-249/16, Kareda.
265) CJUE, 19 déc. 2013, aff. C-9/12, Corman-Collins.
266) Règl. Rome I, art. 7, § 3.
267) CJCE, 27 sept. 1988, aff. C-189/87, Kalfelis.
268) CJUE, 14 juill. 2016, aff. C-196/15, Granarolo.
269) CJCE, 30 nov. 1976, aff. C-21-76, Mines de Potasse d’Alsace.
270) CJCE, 7 mars 1995, aff. C-68/93, Shevill.
271) CJUE, 16 janv. 2014, aff. C-45/13, Kainz. – V. égal. en ce sens CJCE, 16 juill. 2009, aff. C-189/08, Zuid Chemie.
272) CJUE, 3 oct. 2013, aff. C-170/12, Pinckney. – V. aussi CJUE, 25 oct. 2011, aff. C-509/09, Edate Advertising.
273) CJUE, 22 janv. 2015, aff. C-441/13, Pez Hejduk c/ EnergieAgentur.NRW Gmbh. – V. C. Nourissat, Internet, droit d’auteur et compétence juridictionnelle : Procédures 2015, n° 3, comm. 81, p. 25.
274) Règl. Rome I, art. 7, § 3.
275) Règl. Rome I, art. 7, § 4.
276) Règl. Rome I, art. 7, § 5.
277) CJCE, 6 oct. 1976, aff. C-14/76 De Bloos.
278) CJCE, 22 nov. 1978, aff. C-33/78, Somafer.
279) CJUE, 9 déc. 1987, aff. C-218/86, SAR Schotte.
280) Règl. Rome I, art. 7, § 6.
281) Règl. Rome I, art. 7, § 7.
282) CJUE, 20 avr. 2016, aff. C-366/13, Profit Investment.
283) CJUE, 16 nov. 2016, aff. C-417/15, Schmidt.
284) Règl. Rome I, art. 4.
285) Règl. Rome I, art. 62.
286) Règl. Rome I, art. 63.
287) A. Nuyts, L’exception de forum non conveniens, Étude de droit international privé comparé, Bruylant/LGDJ, 2003, n° 109.
288) Règl. Bruxelles II bis, art. 3.1.a.
289) Règl. Bruxelles II bis, art. 8. V. CJUE, 15 févr. 2017, aff. C-499/15, W. et v.
290) Règl. Bruxelles II bis, art. 9.
291) Règl. Bruxelles II bis, art. 10.
292) Règl. Bruxelles II bis, art. 12.
293) CJCE, 2 avr. 2009, aff. C-523/07, Korkein Hallinto-oikes : Rev. crit. DIP 2009-4, p. 791, note E. Gallant.
294) Règl. Bruxelles II bis, art. 19.
295) Règl. Bruxelles II bis, art. 21, § 1.
296) Règl. Bruxelles II bis, art. 28. V. CJUE, 9 sept. 2015, aff. C-4/14, Bohez.
297) Les quatorze pays ayant adopté le règlement, suite à la décision du 12 juillet 2010 autorisant une coopération renforcée en matière de divorce et de séparation de corps sont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, l’Espagne, la France, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie. Participent également désormais à ladite coopération renforcée : la Lituanie, par décision de la Commission en date du 21 novembre 2012, avec application du règlement à partir du 22 mai 2014 ; la Grèce, avec application du règlement à compter du 29 juillet 2015 ; et enfin l’Estonie, par décision de la Commission en date du 10 août 2016, avec application du règlement à partir du 11 février 2018.
298) CJUE, 20 déc. 2017, aff. C-372/16.
299) Règl. « Successions », art. 4.

300) Règl. « Successions », consid. 20 : « Le présent règlement devrait respecter les différents systèmes de règlement des successions applicables dans les États membres. Aux fins du présent règlement, il convient dès lors de donner au terme “juridiction” un sens large permettant de couvrir, non seulement les juridictions au sens strict qui exercent des fonctions juridictionnelles, mais également les notaires ou les services de l’état civil dans certains États membres qui, pour certaines questions successorales, exercent des fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions, et les notaires et les professionnels du droit qui, dans certains États membres, exercent des fonctions juridictionnelles dans le cadre d’une succession donnée en vertu d’une délégation de pouvoirs accordée par une juridiction. Toutes les juridictions au sens du présent règlement devraient être liées par les règles de compétence prévues dans le présent règlement. Inversement, le terme « juridiction » ne devrait pas viser les autorités non judiciaires d’un État membre qui, en vertu du droit national, sont habilitées à régler les successions, telles que les notaires dans la plupart des États membres, lorsque, comme c’est généralement le cas, ils n’exercent pas de fonctions juridictionnelles ».

Règl. « Successions », consid. 21 : « Le présent règlement devrait permettre à tous les notaires qui sont compétents en matière de successions dans les États membres d’exercer cette compétence. La question de savoir si les notaires d’un État membre donné sont ou non liés par les règles de compétence prévues dans le présent règlement devrait dépendre de la question de savoir s’ils relèvent ou non de la définition du terme “juridiction” aux fins du présent règlement ».

301) Règl. « Successions », art. 10, § 1.
302) Règl. « Successions », art. 10, § 2.
303) Règl. « Successions », art. 39, § 1.
304) Règl. « Successions », art. 43.
305) Règl. « Régimes matrimoniaux », art. 4.
306) Règl. « Régimes matrimoniaux », art. 5.
307) Règl. « Régimes matrimoniaux », art. 10.
308) Règl. « Régimes matrimoniaux », art. 11.
309) Règl. « Régimes matrimoniaux », art. 3, § 2.
310) Règl. « Régimes matrimoniaux », art. 26, § 1.
311) C. civ., art. 255, al. 10.
312) CPC, art. 1361.
313) Règl. « Régimes matrimoniaux », art. 3, § 2. V. CEDH, 28 nov. 2000, req. n° 36350/97, Siegel c/ France. – CEDH, 3 oct. 2003, req. n° 35589/97, Kanoun c/ France.
314) E. Gallant et M. Farge, De l’intérêt pour le notariat de s’intéresser aux règles de compétence juridictionnelle internationale : JCP G 20 avr. 2018, n° 20.
315) Règl. « Partenariats enregistrés », art. 4.
316) Règl. « Partenariats enregistrés », art. 5.
317) Règl. « Partenariats enregistrés », art. 10.
318) Règl. « Partenariats enregistrés », art. 11.
319) Règl. « Partenariats enregistrés », art. 36, § 1.
320) Règl. « Partenariats enregistrés », art. 42.
321) Pays membres de l’AELE : Islande, Norvège, Principauté du Liechtenstein, Suisse.

322) États membres de l’Union européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède.

Le Royaume-Uni a décidé de sortir de l’Union européenne depuis le référendum du 23 juin 2016. Mais son retrait de la liste des pays membres sera réellement effectif en 2019.

323) Cass. civ., 26 avr. 1832, Hudge : S. 1832, I, 455.
324) Cass. civ., 21 juin 1948, Patino : JCP 1948, II, 4422, note Lerebours-Pigeonnière ; Rev. crit. DIP 1949, p. 557, note Franceskakis.
325) Cass. civ., 19 oct. 1959, Pelassa : Rev. crit. DIP 1960, 215.
326) Cass. civ., 30 oct. 1962, Scheffel : D. 1963, 109, note Holleaux ; GAJFDIP, n° 37.
327) Cass. civ., 27 juill. 1948, n° 48-37.523 : GAJFDIP, n° 20.
328) Cass. 1 re civ., 16 mars 1999, n° 96-18.650, Pordéa : Bull. civ. 1999, I, n° 92. – V. Droz, Variation Pordéa : Rev. crit. DIP 2000, p. 181.
329) Cass. 1re civ., 19 oct. 1959, Pelassa : Rev. crit. DIP 1960, 215.
330) Cass. 1re civ., 30 oct. 1962, Scheffel : D. 1963, 109, note Holleaux.
331) Cass. civ., 21 juin 1948, Patino : JCP 1948, II, 4422, note Lerebours-Pigeonnière ; Rev. crit. DIP 1949, p. 557, note Franceskakis.
332) Cass. 1re civ., 24 févr. 1998 : Rev. crit. DIP 1999, 309.
333) Cass. 1re civ., 12 mai 2004 : RGDA 2005, 191.
334) Cass. 1re civ., 17 déc. 1985, Cie de signaux et d’entreprises électriques : JCP E 6 mars 1986, n° 10, act. 15237.
335) Règl. Bruxelles I bis, art. 22.5.
336) CPJI, 7 sept. 1927, France c/ Turquie, Série A, n° 10, p. 18.
337) V. en ce sens l’évolution de la position de la Cour de cassation dans les arrêts Nassibian, 6 nov. 1979 : GAJFDIP, n° 59 et Sté Strojexport, 11 févr. 1997 : GAJFDIP, n° 60 dans lequel le forum arresti est condamné.
338) Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, NIOC : Gaz. Pal. 28 mai 2005, n° 148. La Cour de cassation reconnaît le pouvoir au juge français de nommer un arbitre dans le litige qui opposait la société National Iranian Oil Company à l’État d’Israël afin d’éviter un déni de justice.
339) Cass. crim., 13 mars 2001 : JDI 2002, p. 804.
340) L’article 31, alinéa 1 prévoit des cas où l’immunité ne s’applique pas, à savoir les actions réelles contre un immeuble privé appartenant au diplomate, les actions concernant une succession dans laquelle l’agent est intéressé à titre privé ou encore une action concernant une activité professionnelle ou commerciale exercée par l’agent diplomatique en dehors de ses fonctions officielles.
341) Cass. 1re civ., 22 janv. 1849, Gouvernement Espagnol c/ Casaux : S. 1849, I, col. 81.
342) Cass. req., 19 févr. 1929 : DP 1929, I, p. 172, note R. Savatier.
343) Cass. 1re civ., 25 févr. 1969, Levant Express : GAJFDIP, n° 47.
344) Cass. 1re civ., 28 mai 2002 : Rev. crit. DIP 2003, p. 296, l’État tunisien et la Banque centrale de Tunisie ont bénéficié de l’immunité de juridiction. – Cass. 1re civ., 27 avr. 2004 : Rev. crit. DIP 2005, l’officier membre de l’équipe de parachutisme de l’armée américaine United States Army parachute Team (USAPT) qui a blessé un parachutiste français au cours d’un stage d’entraînement en vol en Arizona (États-Unis d’Amérique) a pu ainsi bénéficier de l’immunité de juridiction.
345) Cass. ch. mixte, 20 juin 2003 : Rev. crit. DIP 2003, p. 648.
346) Cass. soc., 21 janv. 2016, Zemirli.
347) Cass. soc., 23 mars 2017, n° 15-22.890.
348) Cette convention a été signée par vingt-huit pays et a fait l’objet d’une approbation par la France le 12 août 2011.
349) Cass. 1re civ., 14 mars 1984, Eurodif : GAJFDIP, n° 65.
350) Cass. 1re civ., 1er oct. 1985, Sonatrach : GAJFDIP, n° 66.
351) CPC ex., art. L. 111-1-1.
352) Cass. 1re civ., 10 janv. 2018, Commisimpex.
353) Pour l’ONU, Charte des Nations unies, art. 105, § 1.
354) Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies, 13 févr. 1946.
355) Accord du 26 juin 1947 entre les États-Unis et les Nations unies.
356) Cass. 1re civ., 19 nov. 1985, Sté Cognac and Brandies : Rev. crit. DIP 1986.
357) Cass. 1re civ., 21 mars 1966, La Métropole : GAJFDIP, n° 43.
358) Cass. civ., 17 janv. 1899.
359) Cass. 1re civ., 24 nov. 1987, n° 85-14.778, Garrett.
360) Cass. 1re civ., 27 mai 1970, Weiss.
361) Cass. civ., 12 mai 1933, Cie française de navigation Cyprien Fabre : DP 1933.
362) Cass. soc., 28 sept. 2016, n° 15-13.297.
363) C. civ., art. 4.
364) E. Bartin, Études sur les effets internationaux des jugements, 1907, p 57 et s.
365) Y. Lequette, Les mutations du droit international privé : vers un changement de paradigme : RCADI 2018, vol. 387, p. 453.
366) Cass. 1re civ., 19 févr. 1930, Mardelé : Rev. crit. DIP 1930, p. 282 ; JDI 1931, p. 290.
367) Cour suprême des États-Unis, 12 juin 1972, 407 US I n° 71-322, The Bremen c/ Zapata Offshore : Rev. crit. DIP 1973, 530.
368) Cass. com., 20 avr. 2017, n° 15-20.908.
369) Cass. 1re civ., 17 déc. 1985, Cie de Signaux et d’entreprises électriques c/ Sté Sorelec : GAJFDIP, n° 72.
370) Cass. 1re civ., 22 oct. 2008, Monster Cable : Procédures 2008, n° 12, n° 331, comm. C. Nourissat.
371) Cass. com., 24 nov. 2015, n° 14-14.924, Lauterbach.
372) Cass. 1re civ., 18 janv. 2017, n° 15-26.105, Sté Riviera Motors c/ Sté Aston Martin Lagonda Ltd.
373) Lire en ce sens M. Audit, S. Bollée et P. Callé, Droit du commerce international et des investissements étrangers, LGDJ, 2014, n° 697.
374) Cass. 1re civ., 8 juill. 2010, n° 07-17.788, Sté Bluebell.
375) CPC, art. 1442, al. 2.
376) CPC, art. 1442, al. 3.
377) CA Paris, 17 janv. 2002 : JurisData n° 2002-184968.
378) Cass. 1re civ., 4 juill. 1972, n° 70-14.163, Hecht.
379) Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, Dalico : Rev. crit. DIP 1994, p. 663, P. Mayer.
380) Cass. 1re civ., 5 janv. 1999 Zanzi : Rev. crit. DIP 1999. – CA Paris, 23 mai 2017, n° 15/24578. – CA Paris, 30 mai 2017, n° 15/16412.
381) Cass. 1re civ., 25 oct. 2005, n° 02-13.252.
382) C. civ., art. 2059 : « Toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition ».
383) Cass. 1re civ., 21 mai 1997, n° 95-11.427, Stés V 2000 et Project XJ 220.
384) Cass. soc., 28 juin 2005 : JDI 2006, p. 616.
385) CA Paris, 7 févr. 1991 : Rev. arb. 1992, 634.
386) Cass. 1re civ., 11 juin 1991, n° 90-11.282 : « L’État étranger qui s’est soumis à la juridiction arbitrale a, par là même, accepté que la sentence arbitrale puisse être revêtue de l’exequatur, lequel ne constitue pas, en lui-même, un acte d’exécution de nature à provoquer l’immunité d’exécution de l’État considéré ».
387) CPC ex., art. L. 111-1-2 et L. 111-1-3.
388) CA Paris, 10 mai 2016, n° 14/20486.
389) Cass. 2e civ., 22 nov. 2012, n° 11-19.524.
390) Cass. com., 13 mars 1978 : Rev. arb. 1979, p. 339.
391) Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, n° 14-25.080.
392) Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, n° 14-25.080.
393) Sent. CCI nos 7604 et 7610 (1995 et 1996).
394) Sent. CCI n° 4131 (1982), Dow Chemical.
395) Cass. 1re civ., 27 mars 2007, Sté ABS, n° 04-20.842.
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