CGV – CGU

Partie I – Les grands principes du droit international privé
Titre 1 – Le cadre du droit international privé
Sous-titre 1 – Quand le droit privé devient international
Chapitre I – Les prémices du droit international privé

1004 Chaque État est souverain et indépendant dans les limites de ses frontières. Les ordres juridiques nationaux coexistent. Lorsqu’une situation juridique présente des liens entre plusieurs États, il est nécessaire de déterminer quel système juridictionnel sera compétent : c’est la question des conflits de juridictions ; il faut également définir quelle loi devra être appliquée : c’est la question des conflits de lois.

La conception du droit international privé dominante en France3implique l’étude de ces deux aspects : les conflits de lois, les conflits de juridictions qui comprennent aussi bien la détermination de la compétence internationale du juge français – la compétence directe – que la question de la reconnaissance et de l’exécution en France des actes et des jugements étrangers – la compétence indirecte.

Il n’est cependant pas inutile, pour comprendre la mécanique actuelle du droit international privé, d’observer l’évolution historique de la discipline.

Section I – L’Antiquité, la négation du fait international

1005 Pendant l’Antiquité, l’étranger n’était pas considéré comme un sujet de droit et les lois de la Cité ne lui étaient pas applicables. Petit à petit, il a été nécessaire de procéder à des aménagements. À Athènes, l’étranger a été placé sous la protection d’un citoyen, appelé le proxène, chargé de faciliter le séjour des étrangers dans une cité.

Cette méthode a également été retenue à l’époque féodale où l’étranger devait faire acte de soumission au seigneur local et ainsi se trouver régi par les coutumes locales. Elle résonne encore aujourd’hui avec le principe des lois de police4, d’application immédiate devant le juge du for.

Section II – La diversité des solutions

1006 Les relations privées internationales ont ensuite fait l’objet d’une réglementation spécifique. Des règles matérielles internationales ont été mises en place. Ces règles donnent directement une règle applicable. Elles tranchent directement le fond du droit.

Ces règles sont apparues à l’époque romaine. Un droit appelé le jus gentium a été spécialement créé pour les relations entre les citoyens de Rome et les étrangers vivants à Rome, nommés « pérégrins », par opposition au « jus civile », applicable aux seuls citoyens romains. Il s’agissait de règles communes, universelles, que l’on pouvait appliquer aux pérégrins et aux citoyens romains. Les pérégrins ont ainsi pu jouir de certains droits et l’étranger a vu sa situation s’améliorer. Petit à petit, la citoyenneté romaine a été accordée à tous les peuples de l’Empire, notamment avec l’édit de Caracalla en 212, et cette distinction s’est gommée.

Dès le iiie siècle, avec l’invasion de l’Empire romain par les tribus barbares la coexistence des différents peuples, Wisigoths, Burgondes, Goths, Huns sur un même territoire rendait les rapports difficiles. Chaque peuple vivait selon sa propre coutume. Ce n’est qu’avec le temps et l’assimilation des peuples barbares aux citoyens romains que cette distinction s’est estompée, laissant en place, au sud de l’Europe, le droit romain.

Section III – L’émergence de la science de conflit de lois

1007 Une nouvelle science a été créée, appelée « méthode conflictuelle » ou « règle de conflit de lois ». Il s’agissait de définir quel système juridique était compétent, avant de puiser dans ce système la solution matérielle applicable à la relation considérée.

Cette méthode a été initiée à la fin du Moyen Âge, avec le développement des échanges commerciaux, notamment en Italie. Chaque ville ayant un statut différent, il a fallu décider à quelles personnes l’on devait rattacher les différents statuts. Un habitant de Bologne qui se rend à Modène ne pouvait être jugé que selon les statuts de Bologne. Les statuts de Modène ne lui étaient pas applicables. Aujourd’hui, ce statut serait assimilé à la loi nationale.

C’est à cette époque que les différentes catégories de rattachement ont été définies :

la loi applicable à la procédure est la loi du for (la loi du juge saisi), la loi applicable au fond peut être une loi étrangère ;

le principe lex loci delicti, l’application aux délits de la loi du lieu de survenance du délit ;

le principe lex loci contractus, l’application aux contrats de la loi du lieu de leur signature, très rapidement réduit à la question de la forme des actes ;

le principe lex rei sitae, l’application aux immeubles de la loi de situation de ceux-ci ;

le principe du rattachement du statut des personnes à la loi de leur origine.


3) On observera que certains auteurs y ajoutent la condition des étrangers et le droit de la nationalité. V. par ex. : F. Monéger, Droit international privé, Précis Dalloz, 8e  éd.
4) Sur cette notion, V. infra, n° a1109.

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