CGV – CGU

Chapitre II – Présentation des principales règles de conflit de lois

Partie I – Les grands principes du droit international privé
Titre 2 – Les conflits de lois et de juridictions
Sous-titre 1 – Les conflits de lois
Chapitre II – Présentation des principales règles de conflit de lois

1111 L’objet de ce chapitre est de présenter de façon simplifiée les principales règles de conflit de lois. Il ne s’agit pas de développer les subtilités de la matière, qui seront abordées par les autres commissions, mais seulement de brosser un tableau synthétique afin que le notaire, dans sa pratique quotidienne, puisse prendre rapidement des repères et le guider dans sa démarche. Il a également été convenu de présenter les règles de conflit de lois non pas de façon chronologique, mais en mettant en avant le droit positif – qui est souvent le droit de l’Union.

Les règles suivantes seront évoquées successivement :

les personnes physiques et morales dans une section I, qui reprend, pour les personnes physiques (Sous-section I), les actes d’état civil (§ I), le nom (§ II) et la capacité (§ III) et pour les personnes morales (Sous-section II), la lex societatis ;

la famille dans une section II avec les partenariats enregistrés (Sous-section I), le mariage (Sous-section II), la filiation (Sous-section III), la dissolution du mariage (Sous-section IV) et les aliments (Sous-section V) ;

le patrimoine familial dans une section III avec les régimes matrimoniaux(Sous-section I) et les successions (Sous-section II) ;

les obligations dans une section IV ;

et les biens dans une section V.

Section I – Les personnes physiques et morales
Sous-section I – Les personnes physiques

1112 Il s’agit d’une catégorie qui regroupe toutes les questions extrapatrimoniales liées à la personne dans la société. La catégorie de rattachement varie selon les pays. En France, seules les relations d’ordre personnel sont rattachées à cette loi. Elles regroupent le statut individuel, c’est-à-dire les actes d’état civil (§ I), le nom (§ II), ainsi que la capacité et la protection des incapables (§ III). Les relations patrimoniales, comme les régimes matrimoniaux ou les successions, sont rattachées à la famille.

Il faut avoir à l’esprit que tous les pays ne découpent pas les catégories de la même manière. Dans les pays occidentaux à tendance personnaliste, comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, le statut personnel regroupe non seulement les relations d’ordre personnel, comme en France, mais aussi leurs relations patrimoniales. Les pays occidentaux de type common law à tendance territorialiste ont une conception plus restrictive du statut personnel. Enfin, pour de nombreux pays d’Afrique noire ou du pourtour méditerranéen, les règles applicables au statut personnel dépendent de la religion ou de l’appartenance à une communauté.

1113 La question de la nationalité est, selon les pays, considérée comme faisant partie de la catégorie du statut personnel. Cependant, elle n’est pas assujettie à des règles de conflit de lois puisque son attribution est donnée par chaque État de façon unilatérale. Les règles qui sont applicables pour déterminer la nationalité ne seront donc pas présentées.

Par ailleurs, le domicile est un élément de rattachement retenu par une règle de conflit et non une catégorie de rattachement comme envisagé par une partie de la doctrine. Cette notion ne sera pas, en conséquence, traitée séparément dans les développements.

1114 Pour la plupart des pays, le statut personnel dépend soit de la loi nationale, soit de la loi du domicile.

Les avantages du rattachement à la loi nationale sont pour l’essentiel la stabilité et une certaine permanence. Il offre également plus de certitudes sur la notion en tant que telle. La nationalité est donnée par la réglementation du pays qui l’octroie. Une partie de la doctrine considère que la loi nationale est la mieux adaptée au tempérament de l’individu125.

D’autres pays rattachent le statut personnel au domicile, qui implique la prise en compte de différents critères matériels et psychologiques plus difficiles à cerner. Cependant, ce rattachement présente également certains avantages. Il peut plus facilement être commun à tous les membres d’une famille et facilite ainsi son unification. Il favorise l’intégration des individus dans le pays d’accueil et évite la multiplicité des statuts dans un même pays. Cet argument a été particulièrement mis en avant dans les pays d’immigration, notamment en France dans les années 1970126.

Les pays occidentaux à tendance personnaliste ont retenu le rattachement à la loi nationale. Il s’agit de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, mais aussi du Luxembourg, des Pays-Bas et de la France. Les pays de common law et les pays scandinaves ont retenu la loi du domicile. À noter par ailleurs que cette notion est différente du droit français pour être plus proche de notre conception de la résidence habituelle.

Les pays de grande immigration, tels que les États-Unis, le Canada, l’Australie, mais aussi l’Argentine et le Brésil ont cherché au maximum à intégrer les communautés étrangères à leur propre statut en retenant une théorie territorialiste.

Aujourd’hui, la plupart des traités internationaux en matière de statut personnel ne prennent en compte ni la loi nationale ni la loi du domicile, mais la loi de la résidence habituelle. C’est le cas pour les conventions de La Haye du 5 octobre 1961 sur la protection des mineurs127ou la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur les régimes matrimoniaux128. La Convention de La Haye est donc l’investigatrice de cette notion et, par mimétisme, les règlements de l’Union européenne l’ont très largement reprise, comme par exemple le règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012129sur les successions. Par ailleurs, la tendance actuelle du développement du principe de l’autonomie permet dans certains cas à l’individu d’opter soit pour sa loi nationale, soit pour la loi de son domicile130.

§ I – Les actes d’état civil

1115 Les règles de conflit de lois en matière d’état civil sont définies par le Code civil, dans trois articles.

L’article 3, alinéa 1 du Code civil édicte que : « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire ».

L’article 47 du Code civil prévoit que : « Tout acte d’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent le cas échéant après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

L’article 48, alinéa 1 du Code civil ajoute que : « Tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera valable s’il a été reçu, conformément aux lois françaises, par les agents diplomatiques ou consulaires ».

Tous les actes d’état civil (naissance, mariage, décès) des étrangers doivent être déclarés à l’état civil français, comme c’est le cas pour les Français. L’acte d’état civil d’un Français reçu en pays étranger par les agents diplomatiques ou consulaires français est valable, mais leur compétence est facultative. En effet, ces actes peuvent valablement être établis par les autorités étrangères et doivent être transcrits au service de l’état civil de Nantes, rattaché au ministère des Affaires étrangères.

Les actes d’état civil étrangers, actes publics, doivent être légalisés ou faire l’objet d’une apostille pour être authentifiés en France. Cette question sera évoquée par la deuxième commission131. De nombreuses conventions bilatérales ont été conclues avec divers pays.

La Commission internationale de l’état civil (CIEC) a élaboré plusieurs textes pour faciliter la circulation des actes d’état civil, et notamment la convention n° 16 du 8 septembre 1976 sur la délivrance d’extraits plurilingues d’actes de l’état civil, entrée en vigueur en France le 16 janvier 1987.

§ II – Le nom

1116 – La transmission du nom. – Avant la loi du 18 novembre 2016, dite « de modernisation de la justice du xxie siècle », la jurisprudence française avait déterminé que la loi applicable était celle des effets du mariage132. Mais cette règle posait question pour déterminer la loi applicable aux enfants pour lesquels ce rattachement ne pouvait fonctionner. Ils relevaient alors de la loi des effets de la filiation établie hors mariage.

La loi du 18 novembre 2016 a alors introduit un nouvel article 311-24-1 dans le Code civil. Il est précisé qu’« en cas de naissance à l’étranger d’un enfant dont au moins l’un des parents est Français, la transcription de l’acte de naissance de l’enfant doit retenir le nom de l’enfant tel qu’il résulte de l’acte de naissance étranger ». La loi applicable est donc celle du lieu de déclaration de la naissance de l’enfant.

Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne est intervenue en matière de nom, plus particulièrement avec l’arrêt Garcia Avello133. Dans cet arrêt, la Cour s’est fondée sur le principe de la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne et impose aux États membres de reconnaître le nom attribué par l’un des États membres. Les faits étaient les suivants : les parents d’enfants ayant la double nationalité belge et espagnole, nés et résidant en Belgique, se sont vu refuser par les services de l’état civil belges l’adjonction du nom de la mère à celui du père alors que cela avait été autorisé par les services espagnols. La Cour a considéré que les binationaux avaient le choix entre leurs deux lois nationales.

1117 – La protection et le changement de nom. – La loi nationale de la personne souhaitant changer de nom est applicable par principe. Cette solution est conforme à la Convention d’Istanbul du 4 septembre 1958 ratifiée par la France avec huit autres pays. Cependant, après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme134, l’article 61-4 du Code civil, alinéa 2 a ajouté que : « Les décisions de changement de prénoms et de nom régulièrement acquises à l’étranger sont portées en marge des actes de l’état civil sur instructions du procureur de la République ». Il faut noter que la doctrine a des positions divergentes sur cette question. La jurisprudence des juridictions internationales a une influence certaine en la matière. La loi nationale a parfois été retenue, car elle avait l’avantage de la simplicité135. La Cour de cassation a aussi énoncé que la loi des effets du mariage est compétente pour régir la transmission du nom aux enfants nés d’un couple marié136, mais cette jurisprudence est également très controversée.

§ III – La capacité et la protection des incapables

1118 La loi française distingue les incapacités générales et spéciales et cette division a été reprise pour déterminer les règles de conflit de lois en droit international privé. En droit français, les incapacités générales sont celles qui atteignent les personnes pour tous les actes et recouvrent toutes les incapacités d’exercice (minorité, tutelles…), qu’elles soient d’origine légale ou judiciaire. Les incapacités spéciales gèrent quant à elles les personnes à l’occasion d’un acte particulier.

En droit international privé, les incapacités spéciales revêtent un caractère exceptionnel et sont soumises à la loi applicable à l’institution dont elles dépendent. Les incapacités spéciales de recevoir, telles les donations de biens présents, sont soumises à la loi du contrat ou à la loi des effets du mariage. Les incapacités de disposer à titre gratuit sont soumises à la loi successorale anticipée, soit la loi qui, en vertu du règlement « Successions », aurait été applicable à la succession de la personne ayant pris la disposition si elle était décédée le jour de son établissement137.

Les règles particulières qui gèrent les incapacités générales des mineurs sont en principe aujourd’hui régies en droit français par le règlement européen n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 qui définit des règles de conflit de juridictions (A). Si l’enfant ne réside pas habituellement dans un État membre (B), les traités internationaux sont susceptibles de s’appliquer. Une convention internationale détermine également les règles de conflit de lois pour les majeurs. Enfin, lorsque l’enfant mineur ne réside ni dans un État membre ni dans un État partie ayant ratifié une convention de La Haye, il sera fait application des règles de droit français (C).

A/ Règlements européens

1119 Le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis » est entré en vigueur le 1er août 2004 dans tous les États membres à l’exception du Danemark. Son applicabilité a été différée au le 1er mars 2005. Ce règlement a abrogé le règlement n° 1347/2000 dit « règlement Bruxelles II ». Il évoque donc la question des conflits de juridiction138Cependant, il est néanmoins brièvement évoqué dans cette partie, car, en l’espèce, le notaire doit connaître le juge compétent pour autoriser les actes, indépendamment de toute action contentieuse.

Le champ de compétence du règlement est plus large que la convention de La Haye du 19 octobre 1996, notamment sur la question de la responsabilité parentale. Le règlement et la convention sont en concurrence sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des jugements. Le règlement prime la convention, mais pour toutes les questions non traitées par celui-ci, le notaire français devra se référer aux règles de la convention de La Haye.

L’article 8 donne une compétence générale au juge de l’État de la résidence habituelle de l’enfant. Cette notion a été définie par la Cour de justice de l’Union européenne139. À défaut de pouvoir définir la résidence habituelle ou dans le cas de danger du mineur, c’est la juridiction de l’État sur le territoire duquel l’enfant est présent qui est compétent. Le règlement s’applique notamment en matière de responsabilité parentale, de droit de garde et de visite, mais aussi en matière de tutelle et curatelle, de placement, de désignation des personnes chargées de s’occuper de la personne ou des biens de l’enfant, de représentation, d’assistance, ou encore pour ce qui concerne les mesures de protection liées à l’administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens.

B/ Les conventions internationales concernant les mineurs et les majeurs
I/ Les conventions internationales concernant les mineurs
a) La Convention de La Haye du 5 octobre 1961

1120 Cette convention est entrée en vigueur dans neuf pays140. Elle est entrée en vigueur en France le 10 novembre 1972. Elle s’applique pour les mineurs ayant leur résidence habituelle dans un État partie et est d’application universelle, c’est-à-dire qu’elle s’applique même si le mineur a la nationalité d’un État non contractant. Selon l’article 12 de la convention, elle s’applique pour tout mineur qui a cette qualité tant du point de vue de sa loi nationale que selon la loi interne du pays de résidence. La convention attribue des compétences aux autorités administratives et judiciaires de l’État de la résidence habituelle (art. 1er). Elle règle les questions de protection de la personne et des biens du mineur. Les États parties à la convention s’engagent à reconnaître les rapports d’autorité de plein droit de la loi nationale du mineur (art. 3). Par ailleurs, en cas de danger sérieux pour la personne du mineur, les autorités de l’État de la résidence habituelle peuvent prendre des mesures de protection (art. 8). La convention s’applique également lors de la mise en place de mesures de protection de l’enfant en cas de divorce des parents, si celle-ci s’applique soit parce que l’enfant est ressortissant de l’État du for, soit parce qu’il réside habituellement dans cet État. Si tel n’est pas le cas, les procédures peuvent être dispersées dans divers systèmes juridiques.

b) La Convention de La Haye du 19 octobre 1996

1121 Cette convention est entrée en vigueur dans l’ensemble des pays de l’Union européenne141.

Elle est entrée en vigueur en France le 1er février 2011 et regroupe quarante-neuf États parties. Elle est d’application universelle et s’impose dès que l’enfant à sa résidence en France. Elle pose par principe que les autorités des États contractants appliquent leur propre loi. Toutefois, dans la mesure où la protection de la personne ou des biens de l’enfant le requiert, elles peuvent exceptionnellement appliquer ou prendre en considération la loi d’un autre État avec lequel la situation présente un lien étroit. Elle remplace la convention du 5 octobre 1961 dans le rapport avec les États parties. Elle donne également la possibilité aux États de conclure d’autres accords sur le même sujet, en visant les accords régionaux, et implicitement les règlements européens. Le règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, dit Bruxelles II bis, qui a déjà été évoqué (V. supra, n° a1221 ), s’applique donc pour les États membres également parties à la convention si l’enfant réside habituellement sur le territoire de l’un d’eux.

La convention supprime le rattachement cumulatif lié à la majorité retenu par la convention de 1961 puisque son article 2 précise qu’elle « s’applique aux enfants à partir de leur naissance jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de dix-huit ans ». Elle définit soigneusement lesdomaines d’application dans son article 3. Ils portent notamment sur la tutelle, la curatelle, l’administration, la conservation ou la disposition des biens de l’enfant, le droit de garde, le droit de visite, l’attribution, l’exercice ou le retrait de la responsabilité parentale. Dans son article 4, elle exclut les matières non concernées qui sont notamment la filiation, l’adoption, les nom et prénom de l’enfant, les obligations alimentaires, les successions ou les mesures d’éducation. Par ailleurs, elle détermine le tribunal compétent pour prendre les mesures de protection et précise la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice. L’article 5 détermine le principe : « Les autorités, tant judiciaires qu’administratives, de l’État contractant de la résidence habituelle de l’enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens ». La convention précise, à l’article 10, que les juridictions compétentes pour connaître du divorce des parents peuvent, dans certains cas, prendre des mesures de protection de la personne ou des biens de l’enfant. Enfin, et comme les textes précédents, les autorités de tous les États contractants sont compétentes pour prendre des mesures de protection en cas d’urgence.

II/ Le droit conventionnel concernant les majeurs

1122 La convention de La Haye du 13 janvier 2000 comprend onze États parties. Elle est entrée en vigueur en France le 1er janvier 2009. Elle couvre toutes les mesures concernant les majeurs à compter de cette date. Elle laisse la possibilité pour les États parties, comme c’est le cas pour la convention du 19 octobre 1996 (V. supra,a1121), d’appliquer une législation spécifique régionale, laissant la place à un futur éventuel règlement européen.

Dans son article 5, la convention donne compétence aux autorités administratives et judiciaires de l’État partie de la résidence habituelle de l’adulte. L’article 7 prévoit cependant une application subsidiaire de la loi de l’État partie dont l’adulte a la nationalité, qui, selon le principe de la proximité142, pourrait être à même de mieux apprécier l’intérêt de l’adulte.

Enfin, la convention prend en compte les législations des États parties qui permettent une certaine liberté de choix de la part de la personne protégée, choix qui aurait été effectué alors qu’elle avait encore toutes ces facultés intellectuelles. C’est le cas notamment pour les mandats d’inaptitude qui existent dans certaines législations, et notamment pour la France, avec le mandat de protection future.

C/ Les dispositions internes

1123 L’article 3, alinéa 3 du Code civil édicte que : « Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger ». Cette règle a été bilatéralisée143par la jurisprudence.

Concernant les incapacités, cet article s’applique uniquement pour les mineurs qui n’ont pas leur résidence habituelle dans un État membre de l’Union européenne, ni dans un État ayant ratifié l’une des conventions de La Haye.

La loi nationale détermine l’âge de la majorité, le régime de protection, son organisation, les pouvoirs des représentants du mineur, les formalités administratives nécessaires à mettre en œuvre pour tous les actes (d’administration, de disposition), y compris pour les immeubles.

Sous-section II – Les personnes morales

1124 Le statut des sociétés étrangères en France pose deux questions : celle de la loi applicable à la société et celle de la jouissance et de l’exercice de ses droits. Cette dernière question sera détaillée par la deuxième commission144.

La question de loi applicable à la société, la lex societatis, conditionne les règles de constitution, de fonctionnement et de dissolution des sociétés.

Il n’existe pas de règle de conflit unique. Certains pays retiennent la loi de la nationalité des associés majoritaires. Ce critère est susceptible de connaître de nombreuses modifications, au gré des cessions d’actions, ce qui explique qu’il soit peu retenu.

D’autres pays retiennent la loi du lieu d’incorporation, un des deux critères de rattachement majoritaire, pris notamment en compte au Royaume-Uni, en Irlande, en Finlande, aux Pays-Bas ou encore en Suède. Il s’agit de la loi du lieu où la société a été immatriculée, qui est facilement identifiable.

Enfin, l’autre critère de rattachement majoritaire, retenu notamment par la France, est la loi du pays où est situé le siège social. Il a été consacré par l’article 1837 du Code civil qui édicte que : « Toute société dont le siège est situé sur le territoire français est soumise aux dispositions de la loi française ». Par ailleurs, l’alinéa 1 de l’article 210-3 du Code de commerce édicte que : « Les sociétés dont le siège social est situé en territoire français sont soumises à la loi française ». Le législateur français assimile ici le critère de rattachement qu’est la loi de situation du siège social à la nationalité de la société, ce qui n’est pas toujours le cas. Néanmoins, ce critère a le mérite de la stabilité et de la clarté.

Toutefois, des litiges peuvent survenir lorsque le siège social a été fixé compte tenu de considérations d’opportunité : des fondateurs choisissent de fixer leur siège social dans un pays tiers ayant par exemple une fiscalité plus avantageuse, alors que le centre de décisions, l’organisation de ces moyens et le lieu où les tiers peuvent entrer en contact avec elle, le lieu où la société gère habituellement ses intérêts, sont situés en France. Dans ce cas, tant l’article 1837 du Code civil que l’article 210-3 du Code de commerce précisent que : « Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par la société si son siège réel est situé en un autre lieu ». La notion de siège social statutaire est donc le critère de rattachement pour déterminer la lex societatis, sauf en cas de fraude.

Après cet aperçu des principales règles qui concernent les personnes, les règles en matière familiale sont abordées, toujours dans le même esprit de dresser un tableau synthétique de la matière.

Section II – La famille

1125 Traditionnellement, la famille recouvrait le mariage (Sous-section II), qui abordait également les questions de désunions (Sous-section IV) ainsi que la filiation (Sous-section III). Les domaines aujourd’hui couverts sont plus larges, puisqu’il est nécessaire d’englober les partenariats enregistrés (Sous-section I) et les aliments (Sous-section V). Le concubinage n’est pas abordé en droit international privé et ne fait pas l’objet de règles de conflit de lois spécifiques, la question étant réglée au cas par cas selon le problème soulevé145.

Sous-section I – Les partenariats enregistrés
§ I – La constitution du partenariat

1126 L’article 515-7-1 du Code civil édicte que : « Les conditions de formation et les effets d’un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l’État de l’autorité qui a procédé à son enregistrement ». Les conditions de formation, ses effets, ses modalités de dissolution sont donc déterminés par cet article du Code civil.

§ II – Les effets patrimoniaux des partenariats européens

1127 Depuis l’entrée en vigueur du règlement (UE) n° 2016/1104 du 24 juin 2016, mettant en œuvre une coopération renforcée, la France ainsi que dix-sept autres États se réfèrent à ce texte pour régler les effets patrimoniaux du partenariat.

Le règlement est d’application universelle, comme le précise l’article 20 du règlement : la loi désignée comme loi applicable par le règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un État membre. Mais ce règlement n’est pas applicable dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Pour les États membres non participants, la loi applicable aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés sera déterminée par les règles de droit international privé applicables dans ces États membres.

Le règlement prévoit que les partenaires pourront choisir la loi applicable aux effets patrimoniaux, parmi un ensemble de systèmes juridiques.

Il souhaite garantir un maximum d’efficacité et impose que le choix des partenaires porte sur un système juridique qui connaît le partenariat enregistré. Ainsi, l’article 22 du règlement dispose que : « Les partenaires ou futurs partenaires peuvent convenir de désigner ou de modifier la loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré ou en changer, pour autant que ladite loi attache des effets patrimoniaux à l’institution du partenariat enregistré (…) ».

Par ailleurs, et en application du principe de proximité que nous avons déjà évoqué146, il identifie les systèmes juridiques avec lesquels les partenaires sont supposés présenter les liens les plus étroits. Les partenaires pourront faire un choix de loi, mais de manière encadrée précisée à l’article 22 :

« la loi de l’État dans lequel au moins l’un des deux partenaires ou futurs partenaires a sa résidence habituelle au moment où la convention est conclue ;

la loi d’un État dont l’un des partenaires ou futurs partenaires a la nationalité au moment où la convention est conclue ;

la loi de l’État selon le droit duquel le partenariat enregistré a été créé ».

À défaut de choix de loi, l’article 26 précise que : « La loi applicable aux effets patrimoniaux du partenariat enregistré est la loi de l’État selon la loi duquel le partenariat enregistré a été créé ». L’article 21 du règlement prévoit que la loi désignée s’applique à l’ensemble des biens qui sont soumis à ces effets, quel que soit le lieu où les biens se trouvent. Enfin, les partenaires ont la possibilité de changer de loi applicable, qui n’a d’effet, par principe, que pour l’avenir. Cependant, ils pourront également choisir de donner un effet rétroactif au changement de loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré. La possibilité donnée aux mairies de procéder à l’enregistrement en France des pactes de solidarité civile a soustrait certains clients du conseil donné par les notaires. Compte tenu des possibilités données par ce règlement, leur rôle de conseil se trouve aujourd’hui enrichi.

Sous-section II – Le mariage

1128 Les règles de conflit de lois diffèrent selon qu’elles traitent les questions liées aux conditions de fond du mariage (§ I) ou aux conditions de forme (§ II). Les effets du mariage seront brièvement évoqués (§ III).

§ I – Les conditions de fond du mariage

1129 L’article 202-1 du Code civil, modifié par la loi du 4 août 2014, édicte que : « Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l’article 146 et du premier alinéa de l’article 180.

Deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ».

Cet article pose un principe et deux exceptions.

Le principe énonce que lorsque les deux époux ont une nationalité commune, la loi applicable est leur loi nationale. Si tel n’est pas le cas, le Code civil retient un principe d’application distributive des deux lois. Chaque époux doit démontrer qu’il remplit les conditions de sa propre loi nationale pour se marier147.

Il existe deux exceptions :

L’une concerne le consentement : l’alinéa 1 de l’article 202-1 du Code civil introduit par la loi du 4 août 2014 exige que le consentement exprimé soit celui du droit français visé par les articles 146 et 180, alinéa 1 du Code civil.

L’autre concerne l’application distributive de deux lois : l’alinéa 2 de l’article 202-1 du Code civil prévoit la possibilité pour les couples de même sexe de se marier dès lors que la loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a son domicile ou sa résidence le permet. Il faut néanmoins noter que cette possibilité n’est pas ouverte aux ressortissants de pays liés avec la France par des conventions bilatérales qui prévoient que seule la loi personnelle est applicable aux conditions de fond du mariage, sans pouvoir appliquer les exceptions prévues aux alinéas 1 et 2 de l’article. Tel est le cas par exemple du Maroc.

Concernant les mariages célébrés en France, l’ordre public peut néanmoins s’opposer à l’application de la loi étrangère. Il s’opposera par exemple au mariage avant l’âge matrimonial du droit français ou aux mariages pour des motifs religieux qui font une différence entre les femmes et les hommes148.

Concernant les mariages célébrés à l’étranger, la notion d’ordre public est atténuée. L’arrêt Chemouni149a tranché sur la reconnaissance en France d’un mariage polygamique, le considérant comme valable et produisant ses effets en France, à partir du moment où la loi nationale des deux époux le permettait.

§ II – Les conditions de forme du mariage

1130 L’article 202-2 du Code civil dispose que : « Le mariage est valablement célébré s’il l’a été conformément aux formalités prévues par la loi de l’État sur lequel la célébration a eu lieu ».

Concernant les mariages célébrés en France, le mariage doit être célébré devant un officier d’état civil. La seule exception concerne le mariage consulaire qui ne peut s’adresser qu’à des époux ayant la même nationalité. Une loi du 29 novembre 1901 a ajouté deux alinéas à l’article 170 du Code civil et permet aux agents consulaires de célébrer des mariages entre des Français et des étrangers, dans certains pays définis par décret150.

Concernant les mariages célébrés à l’étranger, le même principe est applicable. Ainsi, les formes de mariages les plus diverses sont valables à partir du moment où elles sont reconnues par les formes locales (mariages religieux ou privés…)151. Leur validité en France est suspendue à leur transcription sur les registres français visée aux articles 171-1 et suivants du Code civil.

§ III – Les effets du mariage

1131 Les effets du mariage concernent en principe :

les effets personnels du mariage tels que la capacité, le nom, le domicile, les relations personnelles entre époux, la communauté de vie ;

les contrats entre époux tels que les donations entre époux, les donations mobilières et immobilières et la responsabilité parentale ;

les règles du régime primaire des articles 212 et suivants du Code civil ;

les effets patrimoniaux du mariage comme l’obligation d’entretien, l’obligation aux charges du mariage.

La loi nationale commune des époux détermine les effets du mariage. Cette règle de conflit est énoncée à l’article 3, alinéa 3 du Code civil : « Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étrangers ». Si ceux-ci n’ont pas la même nationalité, la jurisprudence152a retenu la loi du domicile commun des époux. Si les époux n’ont pas de domicile commun, la Cour de cassation applique la loi du for153.

Cependant, les règles énoncées ci-avant sont d’application aujourd’hui restreintes. En effet, d’une part, la jurisprudence, en 1987, dans un arrêt Cressot154, a décidé que les règles du régime primaire prévu par les articles 212 et suivants du Code civil sont très largement d’application territoriale, comme assimilées aux lois de police françaises.

D’autre part, le règlement n° 2016/1103 du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux, qui est entré en vigueur le 29 janvier 2019, a un champ d’application plus large et s’applique pour tous les effets patrimoniaux du mariage155. D’autre part, le règlement n° 4/2009 du 18 décembre 2008 s’applique aujourd’hui sur les obligations alimentaires156, et la convention de La Haye du 19 octobre 1996 définit les règles de l’autorité parentale157.

La loi des effets du mariage ne concerne donc plus que les rapports personnels entre époux, les donations mobilières et immobilières entre époux, la capacité de la personne mariée, le nom des époux et l’adoption par deux époux.

Sous-section III – La filiation

1132 Plusieurs textes ont abordé la question de la filiation avec comme objectif principal la protection des droits fondamentaux des enfants. La Convention internationale des droits de l’enfant a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par 196 membres sur 197 (les États-Unis l’ont signée, mais non ratifiée). C’est dire que cette question est une préoccupation majeure pour l’ensemble des pays.

Pour la présentation des règles de conflit de lois, il convient de distinguer la filiation biologique (§ I), avant d’évoquer la filiation adoptive (§ II).

§ I – La filiation biologique

1133 En matière de filiation biologique, il convient de définir la loi applicable à l’établissement de la filiation (A), puis à ses effets (B).

A/ La loi applicable

1134 La loi du 3 janvier 1972 a énoncé de nouvelles règles de conflit, modifiées par l’ordonnance du 4 juillet 2005 et par la loi de simplification du droit du 16 janvier 2009. Le principe est donné par l’article 311-14 du Code civil : « La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant ». Le rattachement s’explique par le fait que l’identité de la mère est rarement douteuse, d’autant plus que la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’identité de la mère, connue en fait et pas forcément en droit158.

Par ailleurs, cet article règle une question de conflit mobile puisque la nationalité de la mère est celle au jour de la naissance de l’enfant.

Deux exceptions sont visées par le Code civil. L’article 311-15 du Code civil édicte que : « Toutefois, si l’enfant et ses père et mère ou l’un d’eux ont en France leur résidence habituelle, commune ou séparée, la possession d’état produit toutes les conséquences qui en découlent selon la loi française, lors même que les autres éléments de la filiation auraient pu dépendre d’une loi étrangère ». Cet article permet d’établir la filiation par la possession d’état en vertu du droit français, sous condition de résidence de l’enfant ou un de ses parents en France.

L’article 311-17 du Code civil prévoit que : « La reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant ». Cette règle de conflit de lois alternative a été établie pour favoriser le plus largement possible les reconnaissances d’enfants.

B/ Les effets de la filiation

1135 La détermination de la filiation produit des effets sur l’autorité parentale et sur les obligations alimentaires envers les enfants. Cette dernière question sera abordée infra159. Les règles de conflit de lois applicables à l’autorité parentale sont régies par la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant « la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants »160.

§ II – La filiation adoptive

1136 La question de la loi applicable aux adoptions internationales est importante compte tenu de la demande croissante et du fait que certains pays ne connaissent pas cette institution. L’article 370-3 du Code civil, issu de la loi du 6 février 2001, fixe les conditions et les effets de l’adoption. La Convention de La Haye du 29 mai 1993 met en place un système de coopération entre États contractants.

En l’état actuel, les institutions européennes ne se sont pas attachées à cette question. La Convention de La Haye de 1993 s’attache à organiser la collaboration entre les pays. La règle de conflit de lois reste donc définie par le droit interne.

L’article 370-3, alinéa 1 du Code civil prévoit que : « Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L’adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l’un et l’autre époux la prohibe ». La loi qui régit les effets de l’union de deux époux est la loi des effets du mariage161.

L’alinéa 2 édicte que : « L’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».

Enfin, l’alinéa 3 pose une règle relative au consentement du représentant de l’enfant : « Quelle que soit la loi applicable, l’adoption requiert le consentement du représentant légal de l’enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ».

L’article 370-4 du Code civil détermine les effets de l’adoption : « Les effets de l’adoption prononcée en France sont ceux de la loi française ». Les effets prévus par cette règle de conflit de lois unilatérale sont très largement concurrencés par les règlements internationaux ou européens, notamment en matière d’obligation alimentaire ou d’autorité parentale.

La Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale comprend quatre-vingt-dix-huit États parties et est entrée en vigueur en France le 1er octobre 1998. Elle met en avant les intérêts de l’enfant. Elle organise la collaboration entre les autorités des différents pays, avec notamment la mise en place d’une autorité centrale investie d’une mission de coopération.

Sous-section IV – La dissolution du mariage

1137 La loi applicable en matière de divorce en droit international privé a d’abord été régie par le Code civil (§ III) et les conventions bilatérales (§ II). Le droit de l’Union européenne s’est considérablement élargi et constitue aujourd’hui le droit positif en matière de divorce. Le notaire français doit donc mettre en œuvre cette réglementation (§ I). Le tribunal compétent pour prononcer le divorce ainsi que les règles de reconnaissance et d’exécution des décisions en matière de divorce sont abordés infra, n° a1228.

§ I – Le règlement n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010, dit « Rome III »162

1138 Le règlement n° 1259/2010 met en œuvre pour la première fois une coopération renforcée applicable aujourd’hui dans dix-sept États de l’Union, dont la France. Il est entré en application le 21 juin 2012. L’article 4 précise qu’il est d’application universelle, c’est-à-dire que la loi désignée s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un État membre participant à la coopération renforcée. La loi peut désigner celle d’un État membre non participant ou d’un État tiers. Il constitue le droit positif en France, le droit interne et conventionnel continuant à s’appliquer pour les seules actions intentées avant le 21 juin 2012.

Le règlement désigne la loi applicable en matière de divorce ou de séparation de corps. Il règle donc les questions d’admissibilité du divorce, des causes, de la dissolution elle-même ainsi que de la date d’effet.

Il ne règle pas les questions d’annulation du mariage, qui restent régies par les règles de conflit de lois relatives au mariage163.

Il ne règle pas non plus les conséquences du divorce. La question de l’autorité parentale est régie par la Convention de La Haye du 19 octobre 1996164.

Les effets patrimoniaux du divorce tels que la prestation compensatoire ou la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants sont régis par le règlement « Aliments »165.

La Cour de justice de l’Union européenne a également précisé que le règlement ne concernait pas les « divorces privés », tels que prononcés par exemple par un tribunal religieux166.

Dans cet arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé le champ d’application matériel du règlement Rome III en indiquant qu’il ne s’applique qu’aux « divorces prononcés soit par une juridiction étatique, soit par une autorité publique ou sous son contrôle ».

Que dire, dans ce cas, du nouveau divorce sans juge introduit dans le droit français par la loi du 18 novembre 2016 qui a été adoptée, semble-t-il, en méconnaissance des règles du droit européen167 ? Une plainte a d’ailleurs été déposée par la Commission européenne le 19 avril 2017168.

Le règlement prévoit que si les époux sont d’accord, ils pourront choisir la loi applicable à leur divorce. Selon l’article 5, les lois susceptibles d’être choisies sont les suivantes :

« la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou

la loi de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ; ou

la loi de l’État de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou

la loi du for. »

À défaut de choix de loi, l’article 8 du règlement désigne :

la loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ou, à défaut ;

de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que cette résidence n’a pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine, à défaut ;

la loi de la nationalité des époux au moment de la saisine, à défaut ;

la loi du for.

§ II – Les conventions internationales bilatérales

1139 Des conventions bilatérales ont été signées avec certains pays et le règlement Rome III prévoit à l’article 19 qu’il n’a pas d’incidence sur l’application de conventions internationales auxquelles les États étaient parties. Certaines d’entre elles restent donc d’actualité. C’est le cas de la convention franco-marocaine du 10 août 1982169qui soumet le divorce à la loi de l’État de la nationalité commune des époux ou, à défaut, à la loi de l’État de leur domicile ou de leur dernier domicile (art. 9).

C’est aussi le cas de la Convention franco-polonaise du 5 mai 1957170qui prévoit les mêmes règles dans l’article 8, alinéa 2, ou de la Convention franco-yougoslave du 18 mai 1971 pour les relations avec la Bosnie, le Kosovo, le Monténégro et la Serbie (à l’exception de la Slovénie, qui a ratifié le règlement Rome III).

§ III – Le droit français

1140 L’entrée en vigueur du règlement Rome III a pratiquement privé de toute portée l’article 309 du Code civil. Restent soumis à cet article les divorces antérieurs au 21 juin 2012. Il trouvera peut-être également un autre cas d’application avec le divorce sans juge qui semble ne pas être compatible avec le règlement. Cette question est développée par la troisième commission171.

L’article 309 du Code civil édicte que : « Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française :

lorsque l’un et l’autre époux sont de nationalité française ;

lorsque les époux ont, l’un et l’autre, leur domicile sur le territoire français ;

lorsqu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps ».

Cette règle est une des rares règles de conflit de loi unilatérale172. L’article ne vise que le champ d’application de la loi française. Elle impose au juge français de rechercher si une loi étrangère s’applique lorsque les époux ne sont pas tous deux de nationalité française ou n’ont pas tous deux leur domicile en France. Le juge devra donc identifier les différents systèmes de droits étrangers pouvant prétendre à s’appliquer, puis rechercher si les règles de conflit de lois étrangères retiennent leur compétence et, enfin, choisir entre elles. Cette règle peut donc s’avérer extrêmement complexe. Ce n’est que si aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente que s’ appliquera la loi française. Le juge peut sanctionner la modification frauduleuse de l’élément de rattachement173. Enfin, le contrôle de la loi étrangère via l’exception de l’ordre public français peut conduire les juges à exclure certains effets comme la répudiation unilatérale ou s’opposer à l’application du droit étranger comme étant trop éloigné de valeurs du droit français174.

Sous-section V – Les aliments

1141 L’obligation alimentaire vise tous les subsides susceptibles d’être versés par une personne au titre de sa relation de famille. Elle concerne les personnes unies par des liens de mariage, d’alliance ou de parenté. La Cour de cassation avait initialement soumis cette obligation à la loi des effets du mariage175.

Un nouveau règlement n° 4/2009, dit règlement « Aliments », relatif à la « compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et de la coopération en matière d’obligation alimentaire », adopté le 18 décembre 2008, est entré en vigueur le 18 juin 2011 (§ I). Il est destiné à améliorer le système de recouvrement des obligations alimentaires. Le règlement défend le droit à l’obtention des aliments avec des règles favorables au créancier, mais aussi le droit à leur recouvrement avec la suppression quasi généralisée de l’exequatur en Europe. Il édicte donc des règles de compétence juridictionnelle et des règles de conflit de lois. La coopération au niveau international, quant à elle, est réglementée par une convention (§ II).

§ I – La détermination de la loi applicable par le règlement « Aliments » et le Protocole de La Haye du 23 novembre 2007

1142 Le règlement « Aliments » ne pose pas de règle de conflit de lois, il se contente, dans son article 15 de renvoyer au Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires. Ce protocole a été ratifié par l’Union européenne et vingt-neuf autres pays. Son article 2 précise qu’il est d’application universelle. Il produit donc ses effets même si la loi qu’il désigne est celle d’un État non contractant. Le Royaume-Uni et le Danemark ont fait savoir qu’ils n’appliqueraient pas les règles du protocole. Ils continuent à faire jouer leurs propres règles de conflit de lois.

Il remplace, dans ces rapports entre les États contractants, la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 entrée en vigueur le 1er octobre 1977, qui désignait la loi interne de la résidence habituelle du créancier d’aliments, à défaut la loi nationale commune du créancier et du débiteur, à défaut la loi du for.

L’article 8 du protocole donne la possibilité aux parties d’effectuer un choix de loi, soit antérieurement au litige, soit par un accord procédural écrit et signé par toutes les parties. Ce choix de loi est encadré dans la mesure où les parties ne peuvent choisir que la loi de l’État de la nationalité de l’une ou l’autre partie ou celle de l’État de leur résidence habituelle, la loi appliquée à leurs relations patrimoniales ou celle appliquée pour régir leur divorce ou leur séparation de corps. Cet accord n’est néanmoins pas possible pour les obligations alimentaires qui concernent une personne de moins de dix-huit ans ou un adulte incapable.

À défaut de choix de loi, l’article 3 du protocole définit des rattachements objectifs : « La loi de l’État de la résidence habituelle du créancier régit les obligations alimentaires ». Si le créancier d’aliment ne peut pas obtenir d’aliment sur le fondement de cette loi, la loi du for s’applique. À défaut, le créancier peut se fonder sur la loi de l’État de la nationalité commune du créancier et du débiteur.

Certains auteurs176ont mis en avant l’avantage d’un accord procédural, notamment dans le cas d’époux qui divorcent. Il faut en effet rappeler que la loi applicable au divorce est régie par le règlement Rome III. La prestation compensatoire et les éventuelles contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants sont régies par le règlement « Aliments ». Un accord pourrait alors intervenir entre les ex-époux pour désigner la loi du for pour le divorce et pour gérer ses conséquences. Cependant, il est impératif que cet accord soit éclairé et librement consenti. Le notaire, conseil des familles, pourra se charger de mettre en place cette convention. Il faudra cependant se méfier des mesures de protection empêchant dans certains cas la professio juris de s’appliquer. C’est le cas notamment pour les obligations alimentaires concernant un créancier mineur ou un adulte qui, en raison d’une altération de ses facultés personnelles, n’est pas en mesure de pourvoir seul à ses intérêts.

Par ailleurs, l’État de la résidence habituelle du créancier peut refuser la renonciation pure et simple à un droit à aliments. En France, le caractère indisponible de l’obligation alimentaire ne semble pas le permettre, même si ce caractère d’indisponibilité est aujourd’hui très discuté.

Concernant la prestation compensatoire, il faudra attendre que la procédure en divorce soit engagée, soit par saisie du juge par requête conjointe, soit par assignation d’une partie.

Enfin, malgré cette possibilité de choisir la loi applicable, l’article 8 du règlement prévoit que le juge garde toujours un pouvoir modérateur dans le cas où la loi désignée « entraînerait des conséquences manifestement inéquitables ou déraisonnables pour l’une des parties ».

§ II – Un système de coopération mis en place par le droit conventionnel

1143 La Convention de La Haye du 23 novembre 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d’autres membres de la famille (adopté le même jour que le Protocole de La Haye) a mis en place un système de coopération entre les autorités des États contractants. Elle est entrée en vigueur en France le 1er août 2014. Elle oblige les États parties à porter assistance au créancier pour parvenir à une exécution rapide, notamment en matière de reconnaissance et d’exécution dans l’État requis.

Section III – Le patrimoine familial

1144 Évoquer le patrimoine de la famille suppose d’envisager, d’une part, les règles de conflit de lois applicables aux régimes matrimoniaux (Sous-section I) et, d’autre part, celles applicables aux successions (Sous-section II). Ces aspects sont par ailleurs détaillés par la troisième commission.

Sous-section I – Les régimes matrimoniaux

1145 Les règles relatives à la détermination du régime matrimonial dans un contexte international ont évolué depuis l’arrêt de Ganay et la consultation de Charles Dumoulin déjà évoqués177. Le notaire devra être attentif à un point : la date du mariage. En effet, cette solution a perduré jusqu’à la ratification de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, d’application universelle, entrée en vigueur en France le 1er septembre 1992. Aujourd’hui, l’entrée en vigueur le 29 janvier 2019 dernier du règlement du 24 juin 2016, lui aussi d’application universelle, a fixé les règles de détermination du régime matrimonial à compter de cette date. Pour le notaire français, le règlement du 24 juin 2016 étant aujourd’hui le droit positif, il sera abordé le premier (§ I). Il s’applique pour la détermination du régime pour tous les mariages célébrés à compter du 29 janvier 2019 et pour tous les changements de régime souhaités par les époux, quelle que soit la date du mariage. Les règles fixées par la Convention de La Haye du 14 mars 1978, qui s’appliquent pour tous les couples mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019, seront rappelées (§ II). Enfin, les règles qui s’appliquent pour les couples mariés avant le 1er septembre 1992 seront également reprises (§ III).

§ I – Le règlement européen n° 2016/1103 du 24 juin 2016

1146 Ce règlement a été adopté par dix-huit États membres grâce au mécanisme de la coopération renforcée, comme ce fut le cas pour le règlement Rome III178. Il est d’application universelle. Son champ d’application est plus large que celui de la Convention de La Haye de 1978 puisqu’il règle également les questions de compétence juridictionnelle et de reconnaissance et d’exécution des décisions. L’article 61 du règlement dispose qu’« aucune légalisation ni autre formalité analogue n’est exigée pour les documents délivrés dans un État membre dans le cadre du présent règlement ». L’article 62 détermine les relations avec les conventions internationales existantes. Il rappelle que le règlement ne prévaut pas sur les conventions bilatérales ou multilatérales, sauf si elles ont été conclues avec les États membres. La Convention de La Haye du 14 mars 1978 n’avait été ratifiée que par trois États parties, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France. Tous trois ayant ratifié l’accord de coopération, le règlement prime sur la convention et s’applique à ces pays. L’article 3 du règlement donne une définition du régime matrimonial. Il précise que : « Aux fins du présent règlement, on entend par : a) “régime matrimonial”, l’ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution (…) ». En conséquence, les questions de capacité des époux, d’obligation alimentaire ou de succession sont exclues de son champ d’application matériel.

Le règlement donne la possibilité aux époux de choisir la loi applicable à leur régime matrimonial (A), fixe les règles pour sa détermination en l’absence de choix (B) et réserve l’application de l’ordre public et des lois de police (C).

A/ Le choix de loi

1147 Ce choix peut intervenir avant le mariage, au cours de la célébration ou au cours du mariage. Un principe d’unité a été retenu, c’est-à-dire que la loi est nécessairement applicable à l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers.

L’article 22 du règlement énumère les différentes lois possibles : « 1. Les époux ou futurs époux peuvent convenir de désigner ou de modifier la loi applicable à leur régime matrimonial, pour autant que ladite loi soit l’une des lois suivantes : a) la loi de l’État dans lequel au moins l’un des époux ou futurs époux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention ; ou b) la loi d’un État dont l’un des époux ou futurs époux a la nationalité au moment de la conclusion de la convention ».

Cet article permet également aux époux de changer de loi applicable, que celle-ci ait été initialement choisie ou déterminée objectivement. Il précise que : « 2. Sauf convention contraire des époux, le changement de loi applicable au régime matrimonial au cours du mariage n’a d’effet que pour l’avenir ». Les époux peuvent donc convenir d’une application rétroactive du nouveau régime souhaité, pour l’ensemble de leurs biens. Ce changement volontaire concerne également les époux mariés avant le 29 janvier 2019, qu’ils soient soumis au régime de droit commun ou au régime conventionnel. L’article 23 détermine la validité quant à la forme de la convention sur le choix de la loi applicable.

B/ La loi applicable à défaut de choix

1148 L’article 26-1 du règlement fixe un principe : « 1. À défaut de convention sur le choix de la loi applicable conformément à l’article 22, la loi applicable au régime matrimonial est la loi de l’État : a) de la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage ; ou, à défaut, b) de la nationalité commune des époux au moment de la célébration du mariage; ou, à défaut, c) avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage, compte tenu de toutes les circonstances ».

Et une exception : à titre exceptionnel, et à la demande de l’un des époux, le juge peut décider que la loi de leur dernière résidence habituelle s’applique au lieu et place de leur première résidence habituelle s’il démontre que les époux avaient leur dernière résidence habituelle commune pendant une période significativement plus longue que leur première résidence matrimoniale et qu’ils se sont fondés sur la loi de cet autre État pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux.

C/ L’application des lois de police

1149 L’article 30 du règlement donne une définition des lois de police et précise que les dispositions du règlement ne pourront pas porter atteinte à l’application des lois de police du juge saisi. Le règlement, en précisant que « la notion de régime matrimonial devrait être interprétée de manière autonome et englober les règles auxquelles les époux ne peuvent pas déroger », étend sa portée aux règles du régime primaire énoncées par les articles 212 et suivants du Code civil. Cependant, seules les règles du régime primaire qui ont une incidence sur les relations patrimoniales sont concernées, soit les articles 218, 220, 222 et 225 du Code civil, ainsi que les mesures d’urgence édictées par les articles 217 et 219, 220-1 à 220-3. Par ailleurs, le considérant 53 du règlement attribue aux dispositions sur le logement de la famille la nature de loi de police. Les autres règles du régime primaire qui règlent les relations personnelles des époux, ne relevant pas du régime matrimonial, ne dépendent donc pas du règlement et ne pourront pas à ce titre être qualifiées de lois de police. Elles pourront néanmoins avoir cette qualification, mais sur un autre fondement que le règlement.

§ II – La Convention de La Haye du 14 mars 1978

1150 La convention s’applique en France pour déterminer le régime matrimonial de tous les couples mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019. Elle détermine la loi applicable (A) et prévoit deux types de mutabilité du régime (B). L’article premier de la convention précise préalablement qu’elle ne s’applique pas « aux obligations alimentaires entre époux ; aux droits successoraux du conjoint survivant, à la capacité des époux ».

A/ La loi applicable

1151 La convention donne la possibilité aux couples de choisir la loi applicable à leur régime, en encadrant ce choix (I). À défaut, la convention détermine la loi applicable par des rattachements objectifs (II).

I/ Le choix de la loi

1152 L’article 3 de la convention édicte que : « Les époux ne peuvent désigner que l’une des lois suivantes : 1. la loi d’un État dont l’un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ; 2. la loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ; 3. la loi du premier État sur le territoire duquel l’un des époux établira une nouvelle résidence habituelle après le mariage ». Par principe, la loi s’applique à tous les biens du couple. Cependant, l’alinéa 2 de l’article 3 prévoit que les époux pourront désigner, pour les immeubles ou certains d’entre eux, la loi de situation de l’immeuble. La Cour de cassation a décidé179que ce changement ne pouvait pas être implicite et se déduire d’une simple mention de régime matrimonial des époux dans un acte d’achat de bien immobilier.

II/ Le rattachement objectif

1153 L’article 4 de la convention précise qu’à défaut de choix de loi, le régime est par principe soumis à la loi interne de l’État sur le territoire duquel ils établissent leur première résidence habituelle après le mariage. Il existe des dérogations assez complexes en faveur de la loi de l’État de la nationalité commune des époux et développées dans l’article 4, 1 à 3. Cette loi sera notamment retenue lorsque les époux n’établissent pas sur le territoire du même État leur première résidence habituelle après le mariage. Enfin, si les époux n’ont pas de nationalité commune ni de même résidence après le mariage, leur régime matrimonial est soumis à la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, il présente les liens les plus étroits.

B/ La mutabilité du régime

1154 La convention vise deux cas de mutabilité : la mutabilité volontaire (I) et la mutabilité automatique (II).

I/ La mutabilité volontaire

1155 L’article 6 de la convention prévoit la possibilité pour un couple de changer de loi applicable à leur régime matrimonial. Cependant, ce choix reste encadré. Ils ne peuvent désigner que l’une des lois suivantes : « 1. la loi d’un État dont l’un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ; 2. la loi de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ». Par principe, la loi choisie s’applique à l’ensemble des biens du couple. La même dérogation existe pour les immeubles et leur rattachement à la loi de situation des immeubles. Cet article donne également la possibilité aux époux mariés avant le 1er septembre 1992 d’user de cette faculté.

II/ La mutabilité automatique

1156 Les époux qui n’ont pas choisi de loi applicable à leur régime sont soumis à la loi interne de l’État où ils ont leur résidence habituelle. Cependant, une circonstance particulière peut entraîner l’application d’une autre loi. Dans ce cas, le changement ne vaudra que pour l’avenir180. Ce principe a été critiqué par l’ensemble de la doctrine et n’a pas été repris dans le règlement du 24 juin 2016. Cette règle impose aux parties, lors de la liquidation de leur régime, de liquider plusieurs régimes successifs.

Les circonstances qui modifient la loi applicable, pour l’avenir, au régime matrimonial sont les suivantes :

lorsque la loi de la résidence habituelle et la loi nationale commune coïncident, à la suite d’un changement de résidence ou de nationalité ;

lorsque, après le mariage, les époux changent de résidence habituelle et celle-ci dure plus de dix ans. Cette loi se substitue à celle de leur première résidence habituelle ;

pour la détermination objective de la loi applicable, en l’absence de résidence habituelle commune, la convention retient la loi de la nationalité commune.

§ III – Le droit applicable aux époux mariés avant le 1er septembre 1992

1157 En application du principe de l’autonomie, les époux ont la possibilité de choisir leur régime matrimonial. Cette liberté est totale et n’est pas limitée, comme cela est le cas par la convention de La Haye, sauf cas de fraude ou choix contraire à l’ordre public. En l’absence de choix de loi, il faut déterminer la loi tacitement retenue par les époux et la notion de premier domicile matrimonial est primordiale, comme cela a été consacré par la jurisprudence Zelcer181. Par principe, ce choix est déterminé une fois pour toutes. Il n’existe pas de mutabilité automatique. Le changement de régime matrimonial peut être envisagé par les époux uniquement si la loi choisie le permet.

Sous-section II – Les successions

1158 Les règles en matière de succession internationale ont été complètement bouleversées par l’entrée en vigueur le 17 août 2015 du règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (§ I). Le règlement met en place des principes d’autonomie de la volonté et d’unité de la succession. Il crée un certificat successoral européen182, qui permet de prouver les qualités des héritiers, leurs droits et pouvoirs, et ainsi de faciliter l’administration des successions internationales entre États membres. Ce règlement est maintenant bien connu des notaires. Le principe scissionniste français sera néanmoins rappelé (§ II) puisqu’il s’applique encore pour les successions ouvertes avant le 17 août 2015.

§ I – Le règlement « Successions »

1159 Ce règlement s’applique à tous les États membres, à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande pour toutes les successions ouvertes après le 17 août 2015. Il est d’application universelle. Il règle les questions civiles des successions, y compris les questions liées aux partages amiables ou judiciaires, à l’exception des relations familiales, des intérêts patrimoniaux du mariage, des régimes matrimoniaux, des obligations alimentaires ou des donations entre époux.

La loi applicable est définie dans un chapitre III. À défaut de choix, l’article 21 retient comme critère principal de rattachement la dernière résidence habituelle du défunt. Ce n’est qu’à titre exceptionnel et uniquement quand « il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, [que] la loi applicable à la succession est celle de cet autre État ».

L’article 22 du règlement permet à une personne de choisir la loi qui sera applicable à sa succession : c’est la professio juris. Ce choix est néanmoins encadré. Il ne peut s’agir que de « la loi de l’État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès. Une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi de tout État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès ».

L’article 35 du règlement prévoit les conditions dans lesquelles l’exception d’ordre public peut être mise en œuvre : « L’application d’une disposition de la loi d’un État désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for ». Cette disposition a donné lieu à doctrine sur la question de la réserve. Celle-ci peut-elle être opposée pour éviter l’application de la loi étrangère qui ne connaît pas de réserve héréditaire ? Deux arrêts de la Cour de cassation183précisent qu’en principe, lorsque la loi applicable ne connaît pas la réserve, il ne peut y avoir de contrariété à l’ordre public, sauf dans le cas où l’héritier évincé est en situation de précarité économique. Cette appréciation reste cependant très délicate. Cette question est plus particulièrement développée par la troisième commission184.

§ II – Le principe scissionniste français

1160 Ce principe reste valable pour toutes les successions ouvertes avant le 17 août 2015. Ces règles sont donc en voie de disparition, mais les principes sont néanmoins rappelés. Deux adages s’appliquent : mobilia sequuntur personam (la loi du lieu du dernier domicile du défunt régit les successions mobilières), la lex rei sitae (la loi de situation des immeubles régit les successions immobilières). La qualification des biens meubles et immeuble devra s’effectuer lege fori185. Il peut exister plusieurs masses qui seront traitées de façon indépendante. La réserve se calcule masse par masse. Afin de limiter le morcellement de la succession, la cour a admis le renvoi lorsqu’il permet de restaurer son unité. La loi étrangère peut également être écartée par le jeu de l’ordre public.

Les successions ont été le terrain de prédilection du renvoi afin de remédier aux inconvénients du morcellement successoral dû à ce système. C’est la jurisprudence qui a consacré cette notion en matière de successions mobilières186, plus progressivement en matière immobilière187. Aujourd’hui, à partir du moment où le renvoi permet d’assurer l’unité successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles, le renvoi est admis188.

Section IV – Les obligations

1161 Les obligations contractuelles (Sous-section I) sont énoncées les premières. Les règles de conflit de loi applicables aux obligations non contractuelles sont exposées à la sous-section II.

Sous-section I – Les obligations contractuelles

1162 Depuis l’entrée en vigueur le 17 décembre 2009 du règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit « Rome I », celui-ci constitue le droit positif dans cette matière (§ I). Il faut néanmoins rappeler les règles fixées par la Convention de Rome du 19 juin 1980, entrée en vigueur le 1er avril 1991 et qui s’applique aux contrats conclus après cette date et avant le 17 juin 2008 (§ II), ainsi que les règles jurisprudentielles qui s’appliquaient avant cette dernière période (§ III).

§ I – Le règlement Rome I

1163 L’article 1 du règlement précise son champ d’application : les obligations contractuelles relèvent de la « matière civile et commerciale ». Il s’applique à la formation du contrat, à son interprétation, à ses effets, à l’exécution des obligations, aux questions d’exécution et de mauvaise exécution, aux actions en nullité qui pourraient être intentées. L’article 3 de la convention détermine un principe d’autonomie de la volonté. Le choix de loi doit être exprès.

À défaut de choix, l’article 4 édicte huit rattachements spéciaux et prédéterminés pour les contrats nommés. Ainsi, pour la vente de biens, la loi applicable est la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ; pour les contrats de prestations de services, la loi applicable est la loi du pays dans lequel le prestataire de services à sa résidence habituelle ; pour le contrat qui a pour objet un droit réel immobilier ou un bail, la loi applicable est la loi du pays de situation de l’immeuble.

Par ailleurs, le règlement prévoit des règles particulières pour certaines catégories de contractants telles que les contrats de transport de marchandises et de personnes (art. 5), les contrats de consommation (art. 6), les contrats d’assurance (art. 7) et les contrats de travail (art. 8).

Le règlement précise également qu’il n’affecte pas les conventions bilatérales conclues par les États membres telles que la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la vente internationale d’objets mobiliers corporels que la France a ratifiée et la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires et à la représentation.

Par ailleurs, l’article 4, § 3 du règlement met en place une clause dite « d’exception » qui rappelle le principe de proximité déjà évoqué189. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée en vertu des rattachements fixes et prédéterminés, et « qu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 et 2, la loi de cet autre pays s’applique ».

Le règlement Rome I précise qu’elle remplace, entre les États membres, la convention de Rome, à l’exception des États qui entrent dans le champ d’application territorial de cette convention de Rome et qui n’ont pas signé l’accord de coopération.

§ II – La Convention de Rome du 19 juin 1980

1164 Cette convention s’applique à tous les contrats conclus après le 1er avril 1991, date de son entrée en vigueur, et avant le 17 décembre 2009. Au contraire du règlement Rome I qui détermine des règles fixes et prédéterminées, la convention ne pose que des présomptions. Ces règles sont toutefois en voie de disparition et, en conséquence, il ne sera rappelé que quelques principes. Cette convention reprend une jurisprudence antérieure190qu’elle consacre textuellement en affirmant que la loi applicable est celle que les parties ont choisie. Sous l’influence des théories américaines, il est possible pour les parties de soumettre leur contrat à plusieurs lois. Ce choix de loi ne doit cependant pas défavoriser un certain nombre de personnes, qualifiées de « parties faibles », qui bénéficient de réglementation particulière. Il s’agit des consommateurs191et des contrats individuels de travail192.

En l’absence de choix de loi, l’article 4, § 1 dispose que s’applique la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits. Les paragraphes 3 à 5 posent un certain nombre de présomptions. C’est un système très souple qui laisse une large part au juge.

§ III – Les règles jurisprudentielles antérieures à la convention de Rome

1165 Les règles posées par la jurisprudence ont été largement reprises par la convention et le règlement. Celles-ci s’appliquent encore aux obligations antérieures au 1er avril 1991. Les contentieux en la matière s’initiant parfois très longtemps après la signature des contrats, ces règles sont tout de même évoquées. Elles sont de construction jurisprudentielle, en l’absence de règle particulière dans le Code civil.

Pendant longtemps, les obligations étaient soumises à la loi du lieu de conclusion du contrat, la locus regit actum. Puis, le principe de l’autonomie de la volonté qui s’est développé au cours du XIXe siècle a mis en avant le principe de choix de loi qui a été affirmé par la Cour de cassation le 5 décembre 1910193.

La loi applicable aux contrats est celle que les parties ont adoptée. La Cour a également considéré qu’il faut d’abord s’attacher à la loi que les contractants ont manifestée, que cette manifestation soit expresse, ou « induite des faits et circonstances et la cause, ainsi que des termes du contrat ». Puis, dans un arrêt du 21 juin 1950, la Cour a précisé que « tout contrat international est nécessairement rattaché à la loi d’un État ».

Ce principe a encore été rappelé récemment dans un arrêt du 17 mai 2017194.

Lorsque les parties n’ont pas désigné de loi applicable, le juge doit la déterminer en analysant « l’économie de la convention et les circonstances de la cause »195.

Sous-section II – Les obligations non contractuelles

1166 Les obligations non contractuelles relèvent aujourd’hui du règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II », d’application universelle. Ce règlement traite des questions de conditions et d’étendue de la responsabilité, des causes d’exonération, des modes de réparation du dommage, des possibilités de transmission du droit à réparation (§ I). Cependant, son article 28 précise qu’il « n’affecte pas l’application des conventions internationales auxquelles un plusieurs États membres sont parties ». De fait, certaines conventions de La Haye continuent de s’appliquer (§ II). Enfin, il n’est pas inutile de présenter en quelques mots le droit antérieur qui continue à s’appliquer pour toutes les obligations non contractuelles dont le fait générateur a eu lieu avant le 11 janvier 2009 ou non couvert par le règlement ou les conventions (§ III).

§ I – Le règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II »

1167 Le règlement Rome II s’applique aux obligations non contractuelles. Il est entré en vigueur le 11 janvier 2009. Il prévoit à l’article 14 que les parties peuvent choisir la loi applicable par un accord postérieur à la survenance du fait générateur ou, lorsque les parties exercent toutes deux une activité commerciale, par un accord librement négocié avant la survenance du dommage. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des circonstances. Le choix de loi est illimité, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits des tiers et des règles d’ordre public interne du pays où tous les éléments de la situation sont localisés.

À défaut de choix de loi, le règlement prévoit un rattachement objectif à l’article 4. L’adage lex loci damni a été retenu : la loi applicable est par principe celle du pays où le dommage survient. Une exception est prévue par ce même article lorsque les parties ont leur résidence habituelle dans le même pays. Par application du principe de proximité, la loi de ce pays est retenue.

Les articles 8 à 12 du règlement prévoient quelques rattachements spéciaux, notamment concernant les atteintes aux droits de la propriété intellectuelle, de la responsabilité du fait de grève, en matière d’enrichissement sans cause et de gestion d’affaire ou encore de dommages résultant de tractations avant la conclusion du contrat.

Enfin, et encore pour mettre en avant le principe de proximité, l’article 4 prévoit une clause d’exception en cas de défaillance du rattachement fixe lorsque « le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2 ».

§ II – Les conventions de La Haye

1168 Deux conventions de La Haye continent à s’appliquer. Il s’agit, d’une part, de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d’accidents de la circulation routière qui maintient le principe de l’application de la loi du lieu de survenance de l’accident et énonce certaines exceptions dans son article 4.

1169 Il s’agit, d’autre part, de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable à la responsabilité du fait des produits, qui concerne les rapports entre victime tiers par rapport au fabricant, fournisseur, producteur ou réparateur. Cette convention a été ratifiée par onze pays, dont la France le 1er octobre 1977. La convention prévoit par principe une règle de conflit de lois cumulative : « La loi applicable est celle du lieu du fait dommageable d’une part et a) l’État de la résidence habituelle de la personne directement lésée, ou b) l’État de l’établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée, ou c) l’État sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne directement lésée ». Elle met en place une exception pour la loi de la résidence habituelle de la personne directement lésée lorsque cet État est celui « de l’établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée, ou b) l’État sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne directement lésée ».

§ III – Le droit interne

1170 Le droit interne rattache par principe les faits juridiques à la loi du fait générateur de la situation dudit fait. La solution a été définie par une des plus anciennes affirmations de la doctrine des conflits de lois par la locution lex loci delicti. Ce rattachement a été consacré par la jurisprudence par l’arrêt Lautour du 25 mai 1948.

Dans cet arrêt, un accident de la circulation a lieu en Espagne entre un camion d’une entreprise française, qui heurte un train et cause un dommage à un autre camion appartenant à une société française Les juges du fond appliquent la loi française. La cour casse leur décision et précise que la loi compétente est la loi du lieu où le délit a été commis.

Ce principe a continué d’être affirmé par la jurisprudence qui l’a appliqué pour l’indemnisation de victimes par ricochet et pour tous les délits.

L’arrêt Mobil north sea196a déterminé la loi applicable en matière de délits complexes (lorsque l’on peut constater une dissociation dans le temps et dans l’espace entre le lieu du fait générateur et le lieu de réalisation du dommage) en retenant la loi de réalisation du dommage : lex loci damni. Cette règle a annoncé celle finalement retenue par le règlement Rome II.

Section V – Les biens

1171 Le droit des biens est fortement marqué par la tradition territorialiste197. Il repose sur une distinction traditionnelle entre biens corporels (Sous-section I) et biens incorporels (Sous-section II).

Sous-section I – Les biens corporels
§ I – Les immeubles

1172 La règle de conflit de lois définit pour les biens corporels la loi applicable pour tous les droits réels, que ce soit le droit de propriété, le démembrement, l’usufruit, les servitudes, les droits réels accessoires. Le principe est fixé par l’article 3, alinéa 2 du Code civil : « Les immeubles, même possédés par des étrangers, sont régis par la loi française ». Cette règle de conflit de lois s’est bilatéralisée198. Néanmoins, il est aujourd’hui nécessaire de coordonner cette règle avec le règlement « Successions » qui fait dépendre l’ensemble des biens appartenant au défunt à la loi de la dernière résidence habituelle si celui-ci n’a pas effectué de choix de loi, ainsi qu’avec le règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles et le choix de loi laissé aux parties. Un arrêt de la Cour de cassation199répartit la loi qui régit la créance et celle qui s’applique à l’hypothèque qui garantit la créance. Des règles particulières sont également prévues pour les contrats internationaux de construction immobilière, de crédit immobilier, ou en présence d’une procédure d’insolvabilité200. Ces questions étant détaillées par la quatrième commission201, elles ne sont donc pas détaillées dans cette partie.

§ II – Les meubles

1173 Le principe du rattachement des meubles à la loi de leur situation a été énoncé par la cour en 1872202. Cet arrêt a précisé que les meubles possédés en France par un étranger sont régis par la loi française en ce qui concerne les questions de possession, de privilèges et de voies d’exécution. La formule a été étendue par l’arrêt du 24 mai 1933203, qui précise que la loi française est applicable aux droits réels dont sont l’objet les droits mobiliers en France204. La principale difficulté est liée au conflit mobile. En effet, le déplacement du bien mobilier entraîne la modification de la loi applicable puisqu’il faut retenir par principe la situation actuelle du meuble. Cette solution a été consacrée dans un arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 1969205.

Sous-section II – Les biens incorporels

1174 Les biens incorporels en droit international privé regroupent les questions de propriété intellectuelle (§ I), les créances (§ II) et les valeurs mobilières (§ III).

§ I – La propriété intellectuelle

1175 Il existe des conventions internationales, comme la Convention de Paris du 20 mars 1883 qui a créé l’Union pour la protection de la propriété industrielle, ou la Convention de Berne du 6 septembre 1952 sur la propriété littéraire et artistique, qui sont essentiellement applicables en la matière. De façon générale, ces conventions retiennent la loi du pays dans lequel la protection est réclamée.

À défaut, la détermination de la loi applicable pour la propriété intellectuelle est fragmentée. Le règlement Rome I sur les obligations contractuelles ne prévoit pas de disposition spécifique. En conséquence, les parties peuvent choisir la loi qui leur est applicable. À défaut, il faudra se référer à l’article 4 qui définit les rattachements objectifs. Le règlement Rome II précise, dans son 26e considérant, la notion de droit intellectuel. Son article 8 désigne la loi du pays pour lequel la protection est demandée.

§ II – Les créances

1176 Le règlement Rome I sur les obligations contractuelles régit les créances, qu’elles soient ordinaires, privilégiées, titres de sociétés, titres négociables, nominatifs, à ordre, au porteur. Le règlement règle également la question du transfert pur et simple et, à titre de garantie, les nantissements ou les autres sûretés sur les créances. L’article 14 du règlement prévoit un choix de loi par les parties. À défaut, l’article 4, § 2 désigne la loi de la résidence habituelle de la partie qui doit fournir la prestation, soit la loi du cédant.

Il faut relever que la Commission européenne a présenté le 12 mars 2018 une proposition de règlement sur la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances, question peu abordée par le règlement Rome I. À ce stade, la proposition de règlement retient comme règle de rattachement la loi de la résidence habituelle du cédant ou, le cas échéant, l’autonomie de la volonté. Il faut aussi souligner que certaines cessions (strictement énumérées, par exemple les cessions découlant d’instruments financiers) seront soumises, par dérogation, à la loi de la créance cédée.

§ III – Les valeurs mobilières

1177 Par principe, l’émission de valeur mobilière est régie par la lex societatis, loi applicable à la société. Le règlement Rome I sur les obligations contractuelles détermine la loi applicable au contrat d’émission. La loi applicable au contrat de cession est désignée par les articles 3 et 4 du règlement. À défaut de choix de loi par les parties, le contrat est régi par la loi de la résidence habituelle du cédant, conformément à l’article 4 du règlement Rome I.


125) Notamment P. Mancini, V. supra, n° a1012.
126) Notamment par J.-P. Niboyet.
127) V. infra, n° a1120.
128) V. infra, n° a1150.
129) V. infra, n° a1158.
130) Sur cette notion, V. infra, n° a1097.
131) V. infra, nos a2216 et a2335.
132) Cass. 1re civ., 7 oct. 1997, n° 95-16.933, Canovas-Gutierrez : D. 1999, p. 229, J. Massip.
133) CJUE, 2 oct. 2003, aff. C-148/02, Garcia Avello.
134) CEDH, 5 déc. 2013, n° 32265/10, Kismoun c/ France : D. 2015, p. 1056, H. Gaudemet-Tallon. La loi dite « de modernisation de la justice » a ajouté un article 61-3-1 au Code civil qui édicte que : « Toute personne qui justifie d’un nom inscrit sur le registre de l’état civil d’un autre État peut demander à l’officier de l’état civil dépositaire de son acte de naissance établi en France son changement de nom en vue de porter le nom acquis dans cet autre État ».
135) A. Devers : JCl. Droit international, Fasc. 542, nos 15 et s.
136) Cass. 1re civ., 7 oct. 1997 : Bull. civ. 1997, I, n° 265.
137) Defrénois 2018, n° 43, p. 39.
138) Sur cette question, V. infra, n° a1221.
139) CJUE, 2 avr. 2009, aff. C-523/07, Mme A : « Doit être interprétée en ce sens que cette résidence correspond au lieu qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et familial. À cette fin, doivent notamment être pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un État membre et du déménagement de la famille dans cet État, la nationalité de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux entretenus par l’enfant dans ledit État. Il appartient à la juridiction nationale d’établir la résidence habituelle de l’enfant en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce ».
140) www.hccl.net
141) www.hccl.net
142) Sur cette question, V. supra, n° a1095.
143) Sur cette notion, V. supra, n° a1141.
144) V. infra, nos a2263 et s.
145) A. Devers, Le concubinage en droit international privé, Études Rubellin-Devichi, Litec, 2002, p. 539.
146) Sur cette notion, V. supra, n° a1095.
147) Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-16.507 : Dr. famille 2014, comm. 139, M. Farge.
148) L’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme est intitulé « Interdiction de discrimination » et proclame le respect des droits de la Convention sans considération (notamment) « sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
149) Cass. 1re civ., 28 janv. 1958 et 19 févr. 1963 : GAJFDIP, nos 30-31.
150) Le décret du 26 octobre 1939 dresse une liste restrictive : l’Afghanistan, l’Arabie saoudite, la Chine, l’Égypte, l’Irak, l’Iran, le Japon, la zone de Tanger au Maroc (qui n’est plus mise en œuvre), l’Oman (Mascate), la Thaïlande, le Yémen. Un second décret du 15 décembre 1958 ajoute le Cambodge et le Laos.
151) Cass. 1re civ., 22 juin 1955, Caraslanis : Rev. crit. DIP 1955, 1077, J. Mestre.
152) Cass. 1re civ., 17 avr. 1953, Rivière : GAJFDIP, n° 26.
153) Cass. 1re civ., 15 mai 1961, Tarwid : Rev. crit. DIP 1961, p. 547, note H. Battifol.
154) Cass. 1re civ., 22 oct. 1987, Cressot : Rev. crit. DIP 1988, p. 540, note Y. Lequette.
155) V. infra, n° a1127.
156) V. infra, n° a1141.
157) V. supra, n° a1121.
158) Cass. 1re civ., 11 juin 1996, Imhoos : D. 1997, p. 3.
159) V. infra, n° a1141.
160) V. supra, n° a1121.
161) V. supra, n° a1131.

162) https://eur-lex.europa.eu.

163) V. supra, n° a1129.
164) V. supra, n° a1121.
165) V. infra, n° a1141.
166) CJUE, 20 déc. 2017, aff. C-372/16, Sahyouni : Procédures févr. 2018, n° 2, comm. 44, C. Nourissat ; Dr. famille juill.-déc. 2017, comm. V. Égea.
167) A. Devers, Le divorce sans juge en droit international privé : Dr. famille janv. 2017, n° 1, dossier 5. – H. Gaudemet-Tallon, La loi française sur le divorce sans juge confrontée au droit européen et international, in Liber amicorum für Christian Köhler, Gieseking Verlag, 2018, p. 91 et s. Cette question est développée par la commission 3.
168) C. Nourissat, Divorce par consentement mutuel : plainte contre la France : AJF 2017, p. 266.
169) www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Convention_ŒMaroc.pdf.
170) jafbase.fr/docEstEurope/PologneConv2.pdf.
171) V. infra, nos a3309 et s.
172) Sur cette notion, V. supra, n° a1093.
173) V. supra, n° a1053.
174) V. supra, n° a1105.
175) Cass. 1re civ., 19 févr. 1963, Chemouni : GAJFDIP, n° 31.
176) M. Farge : Dr. famille 2011, étude 20, nos 49-50.
177) V. supra, n° a1009.
178) V. supra, n° a1138.
179) Cass. 1re civ., 13 déc. 2017, n° 16-27.216 : JCP G 2018, p. 125, note G. Wiederkehr.
180) Conv. La Haye, art. 8.
181) Cass. req., 4 juin 1935 : Rev. crit. DIP 1936, 755, note Basdevant.
182) Sur cette question, V. infra, n° a1445.
183) Cass. 1re civ., 27 sept. 2017, nos 16-17.198 et 16-13.151 : JCP G 2017, p. 2117, comm. C. Nourissat et M. Revillard.
184) V. infra, n° a3422.
185) V. supra, n° a1022.
185) Cass. 1re civ., 11 févr. 2009, Riley.
186) Cass. req., 22 févr. 1882, Forgo : GAJFDIP, nos 7 et 9.
187) Cass. 1re civ., 5 juill. 1933 : S. 1934, 1, p. 337, note Niboyet. – Cass. 1re civ., 1er mars 2000, Ballestrero : Dr. et patrimoine juill.-août 2000, p. 97 ; JCP N 2001, p. 92, note G. Légier. Dans cette affaire, M. Ballestrero était décédé le 26 mars 1983 à son domicile français, laissant un patrimoine comprenant des immeubles situés en France, des immeubles situés en Italie et de nombreux biens mobiliers en France. Par testament, le défunt avait fait des legs en faveur de son épouse et de ses deux enfants. Ces derniers contestèrent les opérations de liquidation de la succession, alléguant le dépassement de la quotité disponible. La cour d’appel de Paris, le 19 février 1998, considéra que les juridictions françaises n’étaient pas compétentes pour connaître du sort des immeubles situés en Italie. En conséquence, elle estima que les biens concernés n’avaient pas à entrer dans le calcul de la quotité disponible. Les héritiers formèrent alors un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d’appel de n’avoir pas tenu compte du renvoi opéré par la règle de conflit italienne à la loi française. La Cour de cassation censura l’arrêt d’appel au motif que : « Le montant de la réserve héréditaire est déterminé par la loi successorale qui, s’agissant de la succession immobilière, est celle du lieu de situation des immeubles, sous réserve du renvoi éventuel opéré par la loi étrangère à une autre loi, et spécialement celle du for ». – Cass. 1re civ., 20 juin 2006 : JDI 2007, p. 125, note H. Gaudemet-Tallon. – Cass. 1re civ., 11 févr. 2009 : JCP G 2009, 10068, note F. Boulanger. – Cass. 1re civ., 25 mai 2016, n° 25-16.935 : Dr. famille 20016, comm. 193, M. Farge.
188) Sur cette question, V. infra, commission 3, nos a3411 et s.
189) Sur cette notion, V. supra, n° a1095.
190) Cass. 1re civ., 5 déc. 1910, American Trading : GAJFDIP, n° 11.
191) Conv. Rome 19 juin 1980, art. 5.
192) Conv. Rome 19 juin 1980, art. 6.
193) Cass. 1re civ., 5 déc. 1910, American Trading : GAJFDIP, n° 11.
193) Cass. 1re civ., 21 juin 1950, Messagerie Maritime : Rev. crit. DIP 1950, 609, note Batiffol.
194) Cass. 1re civ., 17 mai 2017, n° 15-28.767 : JCP G 2017, p. 1727, obs. C. Nourissat.
195) Cass. 1re civ., 6 juill. 1959, Sté des Fourrures Revel : GAJFDIP, n° 35. – Cass. 1re civ., 6 juill. 1959, Mercator-Press : Rev. crit. DIP 1980, p. 576, note H. Battifol.
195) Cass. 1re civ., 25 mars 1948 : GAJFDIP, n° 19.
196) Cass. 1re civ., 11 mai 1999, n° 97-13.972 : JCP G 1999, II, 10183, note H. Muir Watt.
197) V. supra, n° a1010.
198) V. supra, n° a1092.
199) Cass. 1re civ., 19 janv. 1999 : JCP G 2000, II, 10248, T. Vignal.
200) PE et Cons. UE, règl. n° 2015/848, 20 mai 2015.
201) V. infra, n° a4252 et s.
202) Cass. req., 19 mars 1872, Craven : S. 1872, 1, p. 238.
203) Cass. req., 24 mai 1933, Kantoor de Mas : S. 1935, 1, p. 235, note H. Battifol.
204) Loussouarn, Bourel et de Vareilles-Sommières, Droit international privé, Dalloz, 10e éd.
205) Cass. 1re civ., 8 juill. 1969, n° 07-19.465, Diac : JCP G 1970, II, 16182.


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