L'importation de la modernité numérique dans les zones rurales

L'importation de la modernité numérique dans les zones rurales

– Les smart villages  ? Tout le monde vante les mérites des smart cities, mais rares sont ceux évoquant les smart villages. Et pour cause ! Si les villes moyennes sont encore trop souvent mal desservies par le haut débit, que dire des zones rurales… La résolution des problèmes de téléphonie mobile et du numérique constitue en partie le salut des territoires ruraux.
Concernant la téléphonie mobile, la couverture totale du territoire repose sur le cumul de couverture des quatre principaux opérateurs du pays. Ainsi, le choix d'un résident ne captant qu'un réseau est réduit à néant. En outre, un grand voyageur désirant être joignable à tout moment est contraint de souscrire quatre abonnements différents, sous réserve qu'il ne se trouve pas dans l'une des innombrables zones blanches parsemant encore l'hyper-ruralité française 1502989357639.
Le problème du numérique est pire encore. Et pourtant, « le très haut débit partout, c'est possible ! » 1515247097734.
Il s'agit de la solution principale aux problèmes de la ruralité, à condition de ne pas la dénaturer. En effet, il est fondamental de conserver un équilibre entre ce qui fait la beauté de la campagne et ce qui permet d'y rester, sans que la dépendance à l'un nuise à l'autre.
Alors, la modernité devient un atout, permettant notamment de pallier les transports insuffisants (§ I), sans risquer de faire encourir à la ruralité les méfaits du numérique (§ II).

La modernité, un palliatif aux transports

– Les transports, fléau de la ruralité. – Le véritable fléau de la ruralité, et plus encore de l'hyper-ruralité, réside dans les transports. Leur difficulté est plus prégnante encore dans les zones isolées qu'en ville, puisqu'au problème du temps s'ajoute celui de la distance.
La revitalisation du monde rural passe ainsi par la diminution du besoin de transports. Dans le monde moderne, le numérique a cette fonction. Il constitue la solution principale aux problèmes de désenclavement du monde rural, à l'instar du désengorgement des métropoles.
Tous les domaines d'activités sont concernés par le numérique. Il est à ce titre indissociable du tourisme, ne serait-ce qu'au point de vue marketing. Qui découvrira la maison d'hôtes de ses rêves s'il ne la rencontre pas sur internet ? Qui connaîtra les trésors cachés d'une commune reculée s'ils ne sont pas dévoilés sur la toile ?
– Le télétravail. – En 2015, 71 % des Français pensaient que le télétravail était une véritable révolution que les entreprises devraient s'empresser de développer 1502897451707.
Dans un pays marqué par la tertiarisation des activités, les avantages sont évidents pour le salarié travaillant à domicile. Dispensé de tout ou partie des déplacements de son habitation à son lieu de travail, il gagne en temps de transport et en pouvoir d'achat. Il dispose également d'une importante flexibilité pour choisir son lieu de résidence loin des centres urbains les plus onéreux. Sur place, il gère son temps et sa vie personnelle. Il travaille en musique s'il le souhaite, de nuit s'il le préfère et si son emploi est « nocturno-compatible ».
Libre d'entrecouper son ouvrage d'activités de son choix, il gagne en productivité. L'employeur y trouve aussi son intérêt, dès lors que le travail réclamé est fait avec la même qualité qu'au bureau. Il réduit ainsi ses besoins d'espace.
La difficulté tient au pari constitué par le télétravail. L'encadrement à distance est basé sur la confiance. Un management éclairé est la seule manière d'éviter l'indiscipline d'un salarié, qui, de son côté, doit éviter de devenir victime d'un système potentiellement asservissant.
En théorie, pour une série de professions dont la liste est de plus en plus longue, le télétravail est possible à tout endroit du territoire, et notamment dans les zones rurales 1503852268368. En pratique, il est impossible sans le très haut débit numérique, loin de desservir tout le pays.
– Le coût de la réduction de la fracture numérique. – Ainsi, l'accès de tous au très haut débit est le point névralgique de la revitalisation des campagnes, alors même que les opérateurs se montrent peu enclins à mettre la main à la poche pour équiper les régions les plus reculées 1503153717144. Or, la réduction de la fracture numérique a un coût important. Le Plan France Très Haut Débit l'évalue à vingt milliards d'euros 1503829949333. Pour la Cour des comptes, la facture sera plus proche de trente-cinq milliards d'euros 1503830115785.
Quel qu'en soit le coût, dans le cadre de sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, le Premier ministre Édouard Philippe a promis de garantir l'accès au très haut débit partout en France au plus tard d'ici à 2022. En privilégiant une solution mixte mariant la fibre et la 4 G, le Président de la République Emmanuel Macron a avancé ce calendrier à la fin de l'année 2020 1502899358641, quitte à utiliser la « contrainte à l'égard des opérateurs de téléphonie ».
– 3D : tout à la maison (et même la maison). – La supérette permet d'acheter régulièrement de la nourriture. C'est ce qui la rend tellement essentielle à la vie des villages français. Pourtant, à défaut de pouvoir se ravitailler régulièrement, la population s'est habituée à manger des plats sortant du micro-ondes. Demain, elle s'habituera à manger des plats sortants d'une imprimante 3D alimentaire 1502985725621.
Ainsi, toute notre manière de consommer pourrait être remise en cause par la technologie 3D.
Les objets du quotidien, les vêtements, et pourquoi pas demain les chaussures, pourraient provenir de ces imprimantes nouvelle génération. L'isolement à l'égard du commerce perdrait alors de son importance pour les besoins primaires.
Ces progrès tiennent encore beaucoup de la prospective 1502986633776. Pourtant, il convient de rappeler qu'il existe d'ores et déjà des imprimantes permettant de bâtir à moindre coût des petites maisons sans fioritures 1503851150052. Indépendamment du problème de l'emprise des constructions sur les espaces naturels, de telles constructions sur les terrains bon marché de l'hyper-ruralité permettraient peut-être d'insuffler une nouvelle vie aux campagnes les plus dépeuplées.

Les atouts du numérique sans ses méfaits

Dans les campagnes, les risques liés au numérique sont moindres (A) ; la dépendance également (B).

Des risques amoindris

– Un black-out de moindre conséquence. – Le 21 octobre 2016, un très grand nombre de sites internet de premier ordre (Twitter, PayPal, Netflix, etc.) sont soudain devenus inaccessibles. Une attaque DDos avait noyé dans le flot d'un botnet infecté par le malware Mirai, les serveurs de Dyn en charge de reconnaître les DSN faisant le lien entre les adresses IP et les URL 1485985752781. Ces données techniques compréhensibles des seuls initiés n'ont aucun intérêt en soi. En revanche, elles révèlent que l'armée informatique dont les hackers malveillants avaient pris le contrôle n'était pas constituée d'ordinateurs dont ils avaient réussi à « cracker » le mot de passe, mais de simples objets connectés. À l'époque des faits, ces appareils n'étaient que six milliards. Ils devraient être plus de vingt milliards en 2020 1485985297027. Et ils ont presque tous un mot de passe ridiculement facile à percer (0000, 1234, admin…), ne changeant pas entre l'usine et le domicile de son propriétaire.
La ville est en train de devenir dépendante d'un numérique envahissant tous les univers urbains. Dès lors, une cyberattaque géante serait de nature à déstabiliser toutes les métropoles.
La ruralité semble à l'abri d'une telle dépendance 1503084675571. Si elle en a besoin pour travailler à égalité de chance avec son voisin urbain, elle trouve sa liberté ailleurs que dans les algorithmes, fussent-ils présentés comme le nec plus ultra de l'écologie par la réduction des consommations.

Une moindre dépendance

– Une ubérisation limitée. – Le numérique est le terreau de l'ubérisation. Mais l'ubérisation est-elle une bonne chose 1503852390134 ? Pour chaque secteur économique concerné, elle permet des gains de productivité et une baisse des coûts favorable aux consommateurs 1503837889699. Mais ses détracteurs prophétisent une augmentation sensible du chômage dans les professions où elle concurrence les institutions en place 1503838341628, ainsi qu'un risque accru de délocalisation. Surtout, la fiscalité inadaptée aux secteurs ubérisés prive les finances publiques françaises de rentrées très importantes, tant en impôts qu'en charges 1503839482615.
Le numérique des zones rurales connaît bien évidemment ces risques, mais il en est beaucoup moins dépendant.
– Le lien social. – Il semble que le lien social n'ait jamais profondément évolué dans le monde rural. Dans un bourg, tout le monde connaissant tout le monde, les amitiés sont sincères et les haines farouches. L'arrivée du numérique n'est pas de nature à transformer des comportements implantés depuis des siècles. Les habitants des villages ne changeront pas, laissant la geek attitude 1503840243065aux citadins.