– Deux parcs, deux redevances… – Il existe une très grande différence entre les dépenses liées au logement selon que l'on dépend du parc privé ou social. D'après le baromètre Sofinscope, le budget moyen dédié au logement des Français, hors charges et remboursement d'emprunt, s'élève à 631 €. Cela cache de profondes disparités. Ainsi, les locataires du parc privé (§ I) dépensent 662 € par mois, quand le budget moyen mensuel des locataires HLM (§ II) est de 470 €
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Les locataires
Les locataires
Le logement loué dans le parc privé
– La crainte d'une augmentation des loyers. – En matière d'habitation, les loyers suivent les courbes des prix des logements et de l'attractivité des villes. Même en dehors des zones de location très tendues, et à l'exception des agglomérations en déclin où la vacance locative peut tirer les loyers vers le bas, les locations privées sont rarement bon marché. Pour autant, il faut bien se loger ! À ce titre, les locataires les moins fortunés font souvent des sacrifices pour conserver leur logement.
– Les classes d'âge à risque. – Les étudiants et les retraités sont particulièrement sensibles à ces augmentations de loyer, les premiers n'ayant pas de revenus, les seconds voyant leur pension diminuer régulièrement.
Les étudiants et les seniors bénéficient néanmoins de résidences dédiées, censées leur faciliter la vie par l'apport de services extérieurs. Si les avantages fiscaux de ces résidences services contribuent à leur développement, ils n'allègent en rien le montant des loyers. Ainsi, il est fréquent que les étudiants leur préfèrent une colocation source d'économie sur les fonctions mutualisées, et que les retraités soient dans l'incapacité de trouver des places dans des maisons collectives à des prix correspondant à leur budget
1501353508027. Parfois, ces deux classes d'âge se retrouvent dans un phénomène bien connu des classes les moins favorisées en passe de retrouver une nouvelle popularité : l'habitat intergénérationnel
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Le rallongement de la durée des études et l'augmentation de l'espérance de vie constituent de véritables difficultés, liées notamment à la dépendance aux aides financières des pouvoirs publics. Pour les plus âgés, les aides récupérables sur les successions permettent d'alléger la perte sèche pour la collectivité. Pour les étudiants, la moindre annonce d'une baisse des APL de 5 € par mois est susceptible de créer une crise politique grave
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Ainsi, imaginer et promouvoir de nouvelles solutions pour ces classes d'âge à risque devient une nécessité
1512917872715. À ce titre, l'exemple des logements sociaux destinés à la colocation étudiante mérite approbation
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– Le phénomène « Airbnb ». – Dans les métropoles les plus courues, la pratique des plates-formes de location touristique aggrave cette situation. Elle engendre une diminution de 50 % du volume des biens à louer de manière classique
1492528208803, faisant grimper les loyers par le simple effet de la loi de l'offre et de la demande. Les locations nues de trois ans minimum sont délaissées pour des baux en meublés de quelques jours, plus rémunérateurs
1501354373747. Par voie de conséquence, les locataires de longue durée sont chassés des centres-villes
1498478842517. L'importance du phénomène est telle que certains propriétaires délaissent régulièrement leur logement au profit d'une résidence secondaire délocalisée.
Bien entendu, la mixité sociale est une victime collatérale de ce phénomène. Indépendamment des problèmes de fiscalité
1512682684054, il convient de prendre des mesures en urgence pour la préserver. La ville de Paris a montré l'exemple en annonçant un enregistrement obligatoire des personnes louant leur logement en meublé touristique sur une plate-forme numérique à compter de décembre 2017. Mais le résultat est plus que décevant
1512682880509, engendrant plus d'illégalités que de remises en question
1517575866110. Comme dans une course de lièvres tentant de rattraper une tortue, d'autres communes ont également décidé de réguler les locations de meublés touristiques
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Toutes ces difficultés du secteur locatif privé sont dues à l'incapacité des pouvoirs publics de permettre à chacun de se loger à moindre coût dans des logements sociaux. Cette pénurie d'habitations à loyers modérés et le panel des personnes éligibles contribuent à pérenniser cette situation insatisfaisante.
Le logement social
– Un logement (social) pour (presque) tous. – Toute personne française ou autorisée à séjourner régulièrement sur le territoire français, ayant, avec l'ensemble des personnes de son foyer, des ressources annuelles imposables ne dépassant pas un plafond maximum, est susceptible d'obtenir un logement social
1509284905064. Les conditions de ressources sont révisées au 1er janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice INSEE de référence des loyers (IRL).
Aujourd'hui, sur le seul critère des revenus, dix-huit millions de ménages, soit environ deux sur trois, sont éligibles à un dispositif n'offrant qu'un peu moins de cinq millions de logements sociaux
1512914189463. Le nombre de foyers éligibles est ramené à environ un tiers si l'on exclut les propriétaires d'un logement adapté à leurs besoins. Ce tiers restant suffit néanmoins à provoquer un engorgement du système, obligeant près de deux millions de ménages à attendre de plus en plus longtemps un logement social
1498481249363. Quant aux foyers habitant déjà en HLM, ils parviennent de moins en moins à accéder à la propriété ou à rejoindre le parc locatif privé. Ils s'accrochent souvent à ce qu'ils ont
1512936774107, même quand la famille s'agrandit ou que la situation recommande un déménagement
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Dans ce système, les plus pauvres n'ont pas accès au logement social. Ainsi, en 2015, 6 % seulement des 340 000 logements attribués l'ont été à l'un des 125 000 ménages très pauvres en attente d'appartement et vivant avec moins de 500 € par mois
1509284650367. Dès lors, un réexamen périodique de la situation des locataires du parc social est envisagé
1512917601732, ainsi que la fixation d'une durée des baux d'habitation du secteur public à douze ou quinze ans par exemple
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– Un classement dans le classement. – Jusqu'à présent, les différentes catégories de logements sociaux étaient attribuées aux locataires en fonction de leurs revenus, d'une part, et des prêts et subventions accordés lors de la construction, d'autre part. Schématiquement, la partition se jouait ainsi :
- les logements financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) 1501314135486étaient réservés aux personnes en situation de grande précarité ;
- les logements relevant des prêts locatifs à usage social (PLUS) 1501314198136correspondaient aux habitations à loyer modéré traditionnelles, accessibles au plus grand nombre ;
- les logements des secteurs PLS (prêt locatif social) et PLI (prêt locatif intermédiaire) étaient attribués aux familles ayant des revenus trop élevés pour accéder aux logements des deux premières catégories, mais trop bas pour pouvoir se loger dans le secteur privé.
– La lutte contre la ghettoïsation. – Aujourd'hui, la conscience des méfaits de la ghettoïsation conduit au renforcement des politiques visant à une meilleure répartition des personnes relevant des différentes classes sociales dans chaque quartier. Comme il est difficile de faire venir les plus fortunés dans des « zones »
1499526589664où ils n'ont pas envie d'aller, ces politiques se concentrent sur une relocalisation des ménages les moins favorisés ailleurs que dans les quartiers déjà paupérisés
1498311159129. Dès lors, il convient de prévoir, dans les quartiers concernés, davantage de logements sociaux, mais également une répartition accrue des logements PLAI, PLUS et PLS en fonction du besoin de mixité de chaque endroit.
– Les dernières mesures. – Dresser une liste exhaustive des mesures mises en place pour favoriser la mixité dans le logement ne peut présenter, au mieux, qu'un intérêt passager, tant les réglementations s'empilent ou se remplacent sans fin.
Le dernier texte phare en la matière est la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté
1499528379593, dont la moitié des 224 articles se concentre dans un titre intitulé « Mixité sociale et égalité des chances dans l'habitat ». Trois mesures ressortent du lot, emblématiques d'une volonté d'avancer plus vite et mieux vers la mixité.
La première consiste dans l'obligation d'attribuer 25 % des logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville
1499528999599aux 25 % des ménages les plus pauvres ayant déposé une demande de logement.
La deuxième correspond à la décorrélation des loyers sociaux du financement d'origine des logements concernés. Avec la loi LEC, tous les logements devraient être éligibles à tous les locataires sociaux, un appartement financé en PLS dans un quartier attractif pouvant à présent être proposé en loyer PLAI.
La troisième mesure était censée, par plusieurs dispositions différentes, renforcer l'application de l'article 55 de la loi SRU
1498385558198, auxquelles de nombreuses communes sont en infraction
1517576575784. Il semble qu'en pratique, elle permette à certaines agglomérations d'exciper de l'absence d'une bonne desserte des transports en commun pour s'exonérer de la règle
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