Les circuits collectifs de distribution : les sociétés coopératives agricoles

Les circuits collectifs de distribution : les sociétés coopératives agricoles

– Le besoin de se regrouper. – Si la vente directe permet d'écouler une partie de la production agricole, d'autres débouchés sont indispensables. Les producteurs se trouvent ainsi face à des industriels ou des distributeurs de grande taille. Dans ce cadre, il est nécessaire de se regrouper afin de peser dans les négociations commerciales. Ce regroupement se réalise le plus souvent au sein de sociétés coopératives agricoles, accompagnant les exploitants jusqu'à l'écoulement de la production sur les marchés commerciaux.
Ces structures ont une empreinte juridique propre (§ I). Ce fonctionnement original leur confère une utilité essentielle dans la vente des productions (§ II). À ce titre, les sociétés d'intérêt collectif agricole (SICA) méritent également une attention particulière (§ III).

Les chiffres marquants des coopératives

L'importance du phénomène coopératif dans le monde agricole est appréhendée au regard de plusieurs chiffres clés 1509837461710 :
  • il existe 2 600 entreprises coopératives, unions et SICA dans le secteur agricole, agroalimentaire et agro-industriel, et 11 545 coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) ;
  • les coopératives et leurs filiales réalisent un chiffre d'affaires global annuel de 85,9 milliards d'euros ;
  • elles réalisent 40 % du chiffre d'affaires de l'agroalimentaire français ;
  • une marque alimentaire sur trois est coopérative ;
  • les coopératives emploient plus de 165 000 salariés ;
  • trois quarts des agriculteurs adhèrent au moins à une coopérative ;
  • 74 % des sièges sociaux se situent en zone rurale ;
  • 550 coopératives sont engagées dans le bio, représentant 40 % de la collecte laitière bio et 70 % de la collecte bio en grandes cultures ;
  • les entreprises coopératives sont composées de quinze grands groupes, 146 ETI, et plus de 90 % de PME ou TPE.

Les caractéristiques du système coopératif agricole

– Nature juridique. – Les sociétés coopératives agricoles ne sont ni civiles ni commerciales. Elles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique et les résultats en découlant (C. rur. pêche marit., art. L. 521-1). Il s'agit d'une catégorie spéciale de sociétés, autorisées à se grouper en unions de coopératives agricoles. Les sociétés coopératives sont ainsi caractérisées tant par leurs spécificités (A) que par le rôle joué par les associés coopérateurs (B).

Les spécificités des sociétés coopératives agricoles

– Exclusivisme. – Les sociétés coopératives sont tenues à une double exclusivité :
  • au titre de leur objet social, devant être précis et conforme à la liste des activités légalement établies (C. rur. pêche marit., art. R. 521-1).Il s'agit :
  • dans leurs relations avec les coopérateurs, uniques bénéficiaires des activités de la coopérative (C. rur. pêche marit., art. L. 521-3, b).

Les différentes coopératives agricoles

Les sociétés coopératives agricoles sont regroupées en quatre catégories selon leur objet :
  • les sociétés coopératives de production et de vente, comprenant elles-mêmes trois catégories :
  • les sociétés coopératives agricoles d'exploitation en commun (type 2) ;
  • les sociétés coopératives agricoles d'approvisionnement (type 5) ;
  • les sociétés coopératives agricoles de services (type 6).
Au moment de leur création, ces structures adoptent obligatoirement des statuts types 1509836046415.
– Capital variable. – Afin de permettre l'adhésion et le retrait des sociétaires sans autre formalité que l'agrément du conseil d'administration, le capital des sociétés coopératives est obligatoirement variable (C. rur. pêche marit., art. L. 521-2). Ce capital est structuré en plusieurs types de parts sociales (C. rur. pêche marit., art. R. 523-1) :
  • les parts d'activité, souscrites par les associés coopérateurs en fonction de l'importance de leurs opérations coopératives ;
  • les parts des associés non coopérateurs s'ils sont autorisés par les statuts ;
  • les parts sociales d'épargne des associés coopérateurs bénéficiant de ristournes ;
  • les parts sociales à avantages particuliers pour les deux catégories d'associés à jour de leurs obligations.
– Une société territoriale. – Les statuts délimitent géographiquement le territoire où sont situées les exploitations des adhérents (C. rur. pêche marit., art. L. 521-2, al. 3). L'extension de la circonscription territoriale est soumise à l'autorisation du Haut Conseil de la coopération agricole 1509874767149.
– Un double contrôle. – Les sociétés coopératives agricoles sont soumises à un double contrôle :
  • un contrôle obligatoire lors de leur constitution. Il s'agit de l'agrément du Haut Conseil de la coopération agricole donné au terme d'une procédure précise (C. rur. pêche marit., art. R. 525-1 et s.) ;
  • un contrôle facultatif en cours de vie sociale, lors de l'adhésion à une fédération de coopérative dont la mission est de contrôler le respect des principes de coopération (C. rur. pêche marit., art. L. 527-1 et s.).

Le rôle des associés coopérateurs

– Définition des associés coopérateurs. – Les associés coopérateurs sont principalement les agriculteurs, personnes physiques ou morales, dépendant de la circonscription de la coopérative (C. rur. pêche marit., art. L. 522-1). Ils détiennent ensemble au moins la moitié du capital.
– Le principe d'égalité. – L'un des fondements du système coopératif est le principe d'égalité entre les associés :
  • lors des assemblées générales, chaque associé dispose d'un droit de vote égal aux autres (C. rur. pêche marit., art. L. 524-4, al. 1), quel que soit le nombre de parts dont il est propriétaire, sauf pondération statutaire encadrée (C. rur. pêche marit., art. L. 521-2, f et L. 524-4, al. 2) ;
  • pour la rémunération des apports, dont le prix unitaire est égal pour tous les sociétaires, sans aucune variation selon les quantités apportées ou les frais de transport ;
  • en matière de responsabilité sociale, les pertes de la société étant réparties entre les coopérateurs proportionnellement au nombre de parts sociales, sans limitation ou aggravation possible.
– Des obligations réciproques entre l'associé coopérateur et la société coopérative. Les statuts de la société coopérative organisent l'obligation d'utiliser les services de la société pour les coopérateurs (C. rur. pêche marit., art. L. 521-3, a). Ils en fixe la durée 1509875238250et les conditions de mise en œuvre, notamment le montant du capital à souscrire. En contrepartie, la société coopérative est tenue de recevoir leurs productions et d'en verser le prix.

Un fonctionnement original au service de la vente des productions

– L'originalité du contrat de coopération. – La coopération engendre une communauté d'intérêts entre les associés, plus forte encore que dans les autres sociétés. Il s'agit de l'affectio cooperatis. En outre, différents contrats lient la structure et ses membres 1509879950819. À ce titre, les contrats de livraisons de récoltes sont essentiels dans les rapports entre la coopérative et le coopérateur.
« Le cœur du droit coopératif semble être la règle de la double qualité », c'est-à-dire la « combinaison d'une institution et de contrats » 1509879479473.
– Transfert de propriété de la production. – La société coopérative agricole de production, collecte et vente de produits agricoles, a pour finalité la vente des productions apportées par les exploitants. Ainsi, elle devient nécessairement propriétaire des apports de production afin d'en assurer la mise sur le marché. À ce titre, il est judicieux de fixer la date et les modalités du transfert de propriété au moyen d'une clause statutaire 1509878298252.
– La rémunération des productions apportées par l'associé coopérateur. – L'organe d'administration de la société (conseil d'administration ou directoire) fixe :
  • le montant et les modalités de paiement de la rémunération de l'associé coopérateur. Elle comprend le prix des apports de produits, les acomptes, les compléments de prix et la quote-part dans la répartition des excédents annuels disponibles fixés par l'assemblée générale (C. rur. pêche marit., art. L. 521-3-1) ;
  • les critères de fluctuation des prix des matières premières affectant significativement le coût de production lorsque la collecte porte sur des produits à l'état brut (C. com., art. L. 441-2-1 et L. 441-8).
Les modalités d'information des associés coopérateurs sur les critères d'ajustement sont contenues dans le règlement intérieur, la plus grande clarté étant essentielle pour éviter les différends sur le paiement des compléments de prix 1510343700766.
– La rémunération du capital de l'associé coopérateur. – Dans les sociétés classiques, la rémunération du capital est essentielle pour les investisseurs. La situation est très différente dans les coopératives agricoles en raison des règles suivantes :
  • le principe d'absence de rémunération. En effet, le capital n'est pas considéré comme un placement rémunérateur, mais comme un moyen au service de la collectivité ;Ainsi :
  • la possibilité d'une rémunération limitée. L'absence de rémunération du capital est une difficulté pour attirer et fidéliser les coopérateurs.Aussi est-il possible :

Les sociétés d'intérêt collectif agricole

– Présentation. – La SICA a pour objet la création ou la gestion d'installations, équipements ou prestations de services, dans l'intérêt des agriculteurs d'une région rurale déterminée, ou, de façon plus générale, dans celui des habitants de cette région sans distinction professionnelle. Elle prend la forme d'une société civile ou commerciale ayant le statut de société coopérative (C. rur. pêche marit., art. L. 531-1) 1511038935675.
– La double qualité. – Conformément aux principes du statut coopératif, l'activité de la SICA nécessite le respect de la double qualité 1511035947104 : l'adhérent est à la fois associé et coopérateur, lié contractuellement à la société. Il cumule les fonctions de client, de fournisseur ou d'apporteur de travail. L'engagement d'activité du sociétaire, total ou partiel, est fixé par les statuts. Il diffère selon l'objet de la société :
  • l'adhérent est tenu de livrer ses produits aux SICA de commercialisation ;
  • il s'engage à se fournir en produits nécessaires à son exploitation auprès des SICA d'approvisionnement ;
  • enfin, concernant les SICA de services, il doit recourir aux prestations de la société.
– Une activité encadrée. – Les SICA non soumises à un cahier des charges sont tenues de réaliser la moitié de leur chiffre d'affaires ou de leur volume d'opérations avec des sociétaires appartenant au monde agricole (agriculteurs ou groupements affiliés aux caisses de crédit agricole mutuel). A contrario, elles ont la faculté d'en réaliser 50 % maximum avec des tiers non sociétaires (C. rur. pêche marit., art. R. 532-4) 1511035181632.
– Spécificités de fonctionnement. – Compte tenu de sa vocation agricole, les statuts de la société garantissent aux agriculteurs et aux groupements affiliés aux caisses de crédit agricole mutuel de disposer ensemble de la majorité des voix aux assemblées générales de la société (C. rur. pêche marit., art. R. 532-3, al. 1). Par ailleurs, le contrôle de la société par une seule personne physique ou morale est proscrit 1511038613822.
– Utilité d'une SICA. – La SICA est une structure au service des agriculteurs et du monde rural. Le plus souvent, elle est utilisée pour la commercialisation des productions agricoles, telle une forme particulière de société coopérative 1511040189397. Toutefois, son périmètre d'intervention est plus vaste. Il s'étend en effet à l'ensemble d'un territoire rural. La SICA constitue ainsi un cadre juridique adapté à la réalisation de projets territoriaux en secteur rural.