Pendant longtemps, la dissociation du foncier de l'exploitation a été privilégiée. Ce postulat a été remis en cause après l'introduction de la loi « Dutreil ».
Le foncier dans la société agricole
Le foncier dans la société agricole
– Les fondements fiscaux du bail à long terme. – Les biens loués par des baux à long terme bénéficient d'un régime de droits de mutation à titre gratuit favorable institué en contrepartie de la durée de leur immobilisation
1512923662531. Initialement, cet avantage n'avait pas lieu d'être pour l'ayant droit si celui-ci était le preneur à bail, considérant que cette contrainte disparaissait. Puis, pour assurer la conservation des terres dans les patrimoines familiaux, l'héritier ou donataire preneur à bail a lui aussi bénéficié de l'exonération. Cependant, il est exigé que la location ait été consentie depuis au moins deux ans à ce dernier, à son conjoint, à l'un de ses descendants ou à une société contrôlée par une ou plusieurs de ces personnes (CGI, art. 793 bis, al. 4). En raison de l'importance du poids du foncier dans l'exploitation agricole, le législateur, trente ans avant la loi « Dutreil », a ainsi donné à l'agriculteur les outils pour faciliter une transmission à titre gratuit et pérenniser l'entreprise agricole.
– Dissocier le foncier de l'exploitation. – Ce régime d'exonération partielle conditionné à l'existence d'un bail à long terme a des conséquences sur la place du foncier en société. La formule classique consiste à dissocier le foncier d'un côté, l'exploitation en société de l'autre, avec un bail à long terme au milieu. Pour éviter l'indivision sur le foncier, les parcelles sont le plus souvent apportées à un GFA.
Ce schéma permet :
- d'allotir les enfants ne participant pas à l'exploitation en leur attribuant une quote-part des immeubles loués par bail rural à long terme ou des parts de GFA ;
- d'assurer à l'enfant titulaire du bail une grande sécurité d'exploitation, notamment au regard de ses frères et sœurs non exploitants. Le revers de la médaille pour ces derniers étant la nécessité de faire parfois preuve d'abnégation pour accepter de rester intéressés au patrimoine foncier familial, compte tenu de sa rentabilité généralement faible ;
- de mettre le patrimoine immobilier à l'abri des risques de l'exploitation ;
- de minorer le revenu d'origine agricole et ainsi l'assiette des cotisations sociales ;
- de bénéficier du régime de faveur de l'article 793 du Code général des impôts en cas de transmission à titre gratuit ;
- et de réduire l'IFI pour les enfants non exploitants 1515001013344.
– Pacte « Dutreil » : la nécessité d'une entité unique. – La loi « Dutreil » permet une exonération des droits de mutation à titre gratuit de 75 % sans plafonnement lors de la transmission des parts de l'entreprise, que cette dernière soit individuelle ou en société, à l'IR ou à l'IS (CGI, art. 787 B et 787 C). L'importance du gain fiscal offert par ce régime de faveur a fait naître de nouvelles stratégies familiales autour du financement de l'exploitation. Ainsi, il n'est plus question de dissociation du foncier et de l'activité, les terres détenues dans une société bénéficiant d'un abattement de 75 % sans limite de valeur, conduisant à repenser sa place dans l'exploitation. Ce nouveau schéma a pour conséquence de modifier la façon d'allotir les enfants dans le cadre des transmissions. Pour y parvenir, la structure sociale à mettre en place doit être une EARL, une SCEA ou encore une société de capitaux, permettant d'accueillir des associés non exploitants. Ces derniers ne sont plus rémunérés en fermages mais par la perception de bénéfices sociaux, leur régime d'imposition passant de celui des revenus fonciers à celui des revenus de capitaux mobiliers. Les enfants non exploitants participant au bénéfice de la société sont ainsi mieux traités que ceux devant se contenter du revenu d'une terre perçu directement ou à travers un GFA. Cette nouvelle redistribution des cartes permet de transmettre le patrimoine d'exploitation de manière plus favorable pour les enfants non repreneurs, mais modifie dans le même temps en profondeur la place de l'enfant exploitant. Dans ces nouveaux schémas de transmission, le capital social de la société agricole n'est plus seulement porté par les exploitants, mais partagé entre des membres non actifs dans l'exploitation et les exploitants
1507399343351. La fiscalité allégée du régime Dutreil ne doit pas cacher les particularités des sociétés civiles agricoles. La transmission à titre gratuit des parts sociales ne purge pas les plus-values.
– La transmission à titre gratuit des parts et le régime de l'article 151
nonies
II du Code général des impôts. – Sauf à pouvoir se prévaloir de l'un des régimes d'exonération des plus-values
1515001425033, la transmission à titre gratuit est susceptible d'engendrer une plus-value. Cependant, même si celle-ci doit être imposée à cette occasion, son exigibilité est reportée sur option des donataires à la date à laquelle ceux-ci céderont leurs droits (CGI, art. 151 nonies II). Cette plus-value placée en report d'imposition est définitivement exonérée si les conditions énoncées à l'article 151 nonies IV sont réunies
1507413648262. L'un des descendants ou donataires doit participer à l'exploitation, c'est-à-dire exercer son activité professionnelle dans la société (CGI, art 151-I nonies) dont tous les donataires doivent conserver les parts pendant cinq ans. Toutes les conditions étant remplies, l'exonération s'applique à l'ensemble des parts sociales transmises, que celles-ci soient détenues par un associé exploitant ou non exploitant. La combinaison des dispositions du pacte Dutreil, associées à celles de l'article 151 noniesdu Code général des impôts dont le bénéfice s'étend à l'ensemble des enfants qu'ils soient ou non exploitants, favorise l'émergence de nouveaux schémas de transmission.
– De nouveaux schémas de portage du capital d'exploitation. – Le portage peut s'opérer par une participation directe des enfants non exploitants dans le capital de la société d'exploitation. Cependant, leur présence est susceptible d'entraîner des tensions avec l'enfant repreneur. En effet, les premiers souhaitent en général la distribution du résultat, alors que les seconds cherchent à pérenniser et développer l'entreprise par une politique d'investissement. Dans le cas où l'enfant exploitant ne détient pas le contrôle, la situation peut même s'avérer catastrophique. Pour y remédier, il est judicieux d'adjoindre à la première structure une holding de détention. Cela suppose que la société d'exploitation soit constituée sous forme de SCEA, seule société civile agricole pouvant compter parmi ses associés des personnes morales.
En étant majoritaire dans la société holding elle-même, l'enfant exploitant conserve le contrôle de la structure d'exploitation sans détenir la majorité des titres
1507399467090. En outre, si la transmission s'accompagne d'une soulte, la holding lui permet de diminuer son effort en dissociant la finance du pouvoir. Cependant, la SCEA étant soumise à l'impôt sur le revenu, l'effet de levier fiscal bien connu de la holding est inexistant.A contrario, dans le cadre d'une société IS, l'apport par l'enfant repreneur de titres avec soulte attachée à une holding à l'IS lui permet d'échapper à l'impôt de distribution des dividendes. Selon que le montage holding relève du régime dit « mère-fille » (CGI, art. 145) ou de l'intégration fiscale (CGI, art. 223 A), la fiscalité de la distribution par la société cible est quasiment ou totalement effacée.