La prospective obligatoire

La prospective obligatoire

L'évaluation environnementale fournit des outils d'analyse permettant d'anticiper les conséquences de décisions à prendre. La matière était toutefois devenue complexe et foisonnante. Aussi, le législateur privilégie désormais une évaluation par « projet » et non par « procédure » 1494624285456. Il évite également la multiplication des évaluations pour une même opération, sans sacrifier la protection environnementale 1494624300572. L'évaluation environnementale est double. D'une part, une évaluation environnementale est effectuée en amont de plans et documents ayant une incidence notable sur l'environnement, comme par exemple le plan local d'urbanisme de la commune (A). D'autre part, une étude d'impact est imposée pour les travaux et projets d'aménagements publics ou privés susceptibles, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine (B).

L'influence de l'Union européenne

L'évaluation environnementale tire largement sa source des directives de l'Union européenne 1494625908332, imposant une évaluation préalable des projets publics ou privés susceptibles d'atteintes à l'environnement. Leur objectif est d'instaurer des exigences minimales en ce qui concerne le type de projets soumis à une évaluation, les principales obligations des maîtres d'ouvrage, le contenu de l'évaluation et la participation des autorités compétentes et du public, et vise à assurer un niveau élevé de protection de l'environnement et de la santé humaine. Les États membres ont toutefois la faculté d'établir des mesures de protection plus strictes. La jurisprudence européenne veille au respect de ces directives 1494625923622. Ainsi, dans une affaire récente, une extension d'une station de transformation avait été autorisée par l'administration espagnole, sans examiner au préalable si, en raison de ses caractéristiques et de son emplacement, le projet devait être soumis à une évaluation de son impact environnemental. Sur ce motif, un recours en annulation fut introduit par le conseil municipal de la localité voisine. Et, saisie d'une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne confirma que l'extension relevait d'une évaluation environnementale préalable dès lors qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la construction de lignes aériennes de transport d'énergie électrique 1498409941468.

L'évaluation environnementale préalable à la planification

– Champ d'application. – L'évaluation environnementale consiste en l'élaboration d'un rapport sur les incidences environnementales, avec réalisation de consultations, afin que l'ensemble soit pris en compte par l'autorité adoptant ou approuvant un plan ou programme (C. env., art. L. 122-4). Sont ainsi concernés, au premier chef, les plans locaux d'urbanisme. De manière générale, font l'objet d'une évaluation environnementale systématique les plans et programmes définissant un cadre dans lequel sont autorisés les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement (C. env., art. L. 122-4, II). Relèvent ainsi de l'évaluation systématique (C. env., art. R. 122-17), notamment :
  • le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables ;
  • le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie ;
  • le plan climat-air-énergie territorial ;
  • les chartes de parc naturel régional ou de parc national ;
  • la carte communale ou le plan local d'urbanisme dont le territoire comprend en tout ou partie un site Natura 2000 ;
  • le plan local d'urbanisme d'une commune littorale ou en zone de montagne.
Les autres hypothèses relèvent d'une évaluation au cas par cas (C. env., art. L. 122-4, III et R. 122-17, II). Sont ainsi concernés, par exemple :
  • le plan local d'urbanisme, hors site Natura 2000, et hors zone littorale ou zone montagne ;
  • la carte communale, dans les mêmes hypothèses.
Ainsi, la quasi-totalité des documents de planification traitant des énergies renouvelables, même accessoirement, a vocation à être soumise à l'évaluation environnementale préalable.
– Rapport sur les incidences environnementales. – Un rapport sur les incidences environnementales est rédigé par la personne publique responsable du plan. Ce rapport identifie, décrit et évalue les effets notables de la mise en œuvre du plan ou du programme sur l'environnement, ainsi que les solutions de substitution raisonnables (C. env., art. L. 122-6). Il présente également les mesures prévues pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser les incidences négatives notables du plan. Il expose les autres solutions envisagées et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, le projet a été retenu. Il offre également un cadre d'analyse tenant compte du fait que la localisation ou la nature des travaux ne sont pas nécessairement connues 1498411593783. Par exemple, le rapport sur les incidences environnementales du PLU de la communauté urbaine de Dunkerque contient une disposition favorable aux énergies renouvelables, et explique par ce motif les dispositions dérogatoires du règlement, notamment les exceptions quant aux toitures des bâtiments neufs afin de permettre les architectures bioclimatiques 1498411021953.
– Évaluation du rapport. – Les directives européennes imposent à l'autorité en charge d'examiner l'évaluation de disposer d'une autonomie réelle, avec des moyens administratifs et humains propres 1494707847615. Depuis le 30 avril 2016, cette autorité est le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), placé sous l'autorité directe du ministre chargé de l'environnement (C. env., art. R. 122-17). Pour éviter les conflits d'intérêts, ce rôle a été retiré aux préfets 1494707863542. Dans les situations d'examen « au cas par cas », cette autorité détermine en amont si une évaluation environnementale est nécessaire en fonction des informations communiquées par l'auteur du plan (C. env., art. R. 122-18). Ce dernier transmet à l'autorité le dossier comprenant le projet de plan accompagné du rapport sur les incidences environnementales. Il consulte alors diverses personnes : le ministère de la Santé ou l'agence régionale de santé, le préfet territorialement compétent, etc. L'autorité environnementale dispose ensuite d'un délai de trois mois pour formuler un avis sur les incidences environnementales contenues dans le rapport (C. env., art. R. 122-21).
– Cas particulier des documents d'urbanisme. – En matière de planification d'urbanisme, l'évaluation environnementale est contenue dans le rapport de présentation afférent (C. env., art. L. 104-6). L'analyse est menée en fonction de la sensibilité de l'environnement et de l'importance des projets permis 1494710510391. L'autorité d'évaluation est la CGEDD. La procédure est identique à celle décrite ci-avant (C. urb., art. R. 104-21). Néanmoins, cette évaluation environnementale fait l'objet d'un suivi régulier : tous les neuf ans dans le cas du plan local d'urbanisme (C. urb., art. L. 153-27). En outre, la jurisprudence européenne considère qu'un acte réglementaire relève, quant à l'urbanisme, des plans ou programmes soumis à évaluation environnementale 1494710529476.

L'étude d'impact préalable à un projet

– Distinction des autorités d'évaluation et d'autorisation. – Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale par le biais d'une étude d'impact (C. env., art. L. 122-1, I). Elle est transmise pour avis à l'autorité environnementale (C. env., art. L. 122-1, V). Le droit européen impose uniquement l'existence d'une autorité ayant des moyens propres 1494930218045. À rebours, la jurisprudence et le législateur français posent le principe de distinction entre l'autorité autorisant le projet et celle évaluant le rapport environnemental sur ce projet 1494930244518.
Cette autorité est, selon le cas (C. env., art. R. 122-6) :
  • le ministre chargé de l'environnement pour les projets autorisés par décret ou arrêté ministériel ou pour les projets dont il décide de se saisir ;
  • la formation d'autorité environnementale du CGEDD pour les projets donnant lieu à une décision du ministre de l'Environnement ou à un décret pris sur son rapport, ainsi que pour les projets élaborés sous sa tutelle ;
  • la mission régionale d'autorité environnementale du CGEDD pour les avis au cas par cas ;
  • le préfet de région dans les autres cas.
– Champ d'application. – Les projets relevant de l'étude d'impact sont les suivants (C. env., art. R. 122-2, ann.) :
  • les installations destinées à la production d'énergie hydroélectrique d'une puissance supérieure à 4,5 mégawatts ;
  • parmi les ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, les installations au sol d'une puissance égale ou supérieure à 250 kilowatts crête ;
  • les éoliennes en mer ;
  • l'ouverture de travaux de recherche et d'exploitation des gîtes géothermiques de plus de 200 mètres de profondeur ou dont la puissance thermique est supérieure ou égale à 500 kilowatts ;
  • les installations relevant des ICPE soumises à autorisation, soit notamment les éoliennes avec un mât d'une hauteur supérieure à cinquante mètres et les unités de méthanisation traitant les déchets.
Certaines situations sont évaluées au cas par cas. La décision d'évaluation est prise par l'autorité environnementale en fonction des informations transmises par le maître de l'ouvrage (C. env., art. L. 122-1, IV). L'absence de réponse de l'autorité ne vaut pas décision implicite valant dispense d'étude 1494942836581.
Sont soumis à une étude d'impact au cas par cas :
  • les installations destinées à la production d'énergie hydroélectrique d'une puissance inférieure ou égale à 4,50 mégawatts ;
  • parmi les ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, les installations sur serres et ombrières d'une puissance égale ou supérieure à 250 kilowatts crête ;
  • les ICPE soumises à enregistrement, soit notamment les unités de méthanisation de matière végétale traitant entre trente et soixante tonnes par jour.
Cette nomenclature permet une approche par projet 1494942896631. Son défaut est de ne pas avoir été établie sur des critères écologiques, mais selon des considérations purement administratives 1494942917972. Par exemple, le seuil de déclenchement de l'étude d'impact en matière hydraulique a été choisi car il correspond au seuil de la concession prévu au Code de l'énergie 1494943004576. Pour pallier cet inconvénient, le droit européen retient la « clause filet », soumettant à évaluation des projets en dessous des seuils dès lors que le milieu naturel est sensible 1494943048989. Ce principe n'est toutefois pas retenu explicitement par le droit interne, sauf à pouvoir invoquer l'effet direct de la norme européenne 1494943089009.

Exemples de projets soumis à étude d'impact

En matière hydraulique, le barrage de Vézins (Manche), haut de trente-six mètres, long de 278 mètres à sa crête, et avec une retenue d'eau de 151 hectares, a une puissance installée de 12,6 mégawatts, soit le triple du seuil défini. La centrale photovoltaïque de Lunel (Hérault), couvrant une surface de 1,5 hectare, a une puissance installée de 505 kilowatts crête, soit presque le double du seuil ci-dessus. Le problème de la législation française est cependant d'avoir un tel « effet de seuil », se montrant particulièrement sévère pour les projets de grande ampleur, et légère pour tous les projets, pourtant non négligeables pour l'environnement, en dessous des seuils définis
<sup class="note" data-contentnote=" J. Vernier, Moderniser l&#039;évaluation environnementale, Rapp. min. Écologie et min. Logement, 3 avr. 2015.">1498412244933</sup>.

– Contenu de l'étude d'impact. – Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone concernée, à l'importance et la nature des travaux projetés, et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine (C. env., art. R. 122-5, I). En droit commun, l'étude d'impact comprend notamment la description de l'état actuel de l'environnement, des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir, ainsi que les mesures prévues pour les éviter ou les compenser (C. env., art. R. 122-5, II). En matière hydraulique, l'étude d'impact connaît des spécificités. Ainsi, elle précise notamment les incidences sur le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, etc. (C. env., art. R. 214-72). En matière d'ICPE, l'étude d'impact a également un contenu renforcé, concernant notamment l'analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances, ainsi que des avantages induits pour la collectivité (C. env., art. L. 122-3). Les éoliennes fournissent de nombreuses illustrations prétoriennes sur ce point 1494954730244.
En matière d'éoliennes, des études d'impact ont ainsi été jugées :
  • insuffisantes sur la mesure du bruit 1494954745649 ;
  • imprécises sur les mesures de compensation pour fournir de nouveaux territoires à une espèce protégée 1494954766670 ;
  • incomplètes dans l'inventaire de la faune et de la flore dans le cas d'un site de grande valeur écologique 1494954779626 ;
  • floues sur l'impact visuel porté à un monument historique 1494954802428.
En revanche, l'étude d'impact n'a pas à expliquer la moins-value immobilière subie par le voisinage des éoliennes 1494954813968.
– Portée de l'étude d'impact. – Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée (C. env., art. L. 122-2). En d'autres termes, en l'absence d'étude, l'autorisation est suspendue de plein droit en référé, sans même avoir besoin de démontrer une condition d'urgence 1495056891850. En revanche, ce texte n'est pas applicable en cas d'insuffisance de l'étude d'impact 1495056906175. Dans l'hypothèse où l'étude d'impact existante est irrégulière, il convient de distinguer deux voies de recours. D'une part, en cas d'urgence, il est possible d'obtenir la suspension de l'autorisation en référé, dès lors que l'irrégularité crée un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Cette solution s'applique notamment aux études d'impact ne respectant pas les règles de publicité prévues par la loi 1495057005309. D'autre part, l'annulation au fond peut être demandée dès lors que les irrégularités de l'étude d'impact influent sur la décision d'autorisation ou vicient l'information du public. Plusieurs autorisations en matière d'éoliennes ont été annulées à cause des défauts de l'étude d'impact 1495057020263.

L'importance de l'étude d'impact en cas de recours

La centrale thermique de Gardanne est la plus importante unité de production d'électricité à partir de biomasse en France
<sup class="note" data-contentnote=" La justice annule l&#039;autorisation d&#039;exploitation de la plus grande centrale biomasse de France : Le Monde 8 juin 2017.">1497310388420</sup>. Une autorisation d'exploiter avait été délivrée au titre de la législation ICPE. Le recours contentieux contre cette autorisation pointait l'insuffisance de l'étude d'impact. En effet, elle ne portait que sur un périmètre de trois kilomètres autour de l'installation. Elle ne tenait pas compte des zones de prélèvement de bois forestier. L'impact du trafic routier nécessaire au transfert du bois et la pollution atmosphérique engendrée par l'activité de la centrale n'étaient pas non plus pris en compte. Le tribunal administratif de Marseille annula en conséquence l'autorisation d'exploiter, l'insuffisance de l'étude d'impact ayant nui à l'information complète lors de l'enquête publique et influencé la décision de l'autorité administrative
<sup class="note" data-contentnote=" TA Marseille, 8 juin 2017, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt; 1307619, 1404665 et 1502266.">1497310628269</sup>.