La multifonctionnalité : des enjeux plus forts que les contraintes

La multifonctionnalité : des enjeux plus forts que les contraintes

– Les immeubles monofonctionnels, symboles du court-termisme. – Les immeubles monofonctionnels sont plus simples à commercialiser et à édifier que les immeubles multifonctionnels. Ainsi, malgré l'élan des collectivités, les acteurs de la construction n'intègrent pas systématiquement la multifonctionnalité à leurs projets.
Combien de temps encore le « court-termisme » va-t-il régner ?
– La construction de la ville. – Construire, c'est fabriquer la ville. En produisant la multifonctionnalité, les promoteurs participent à la satisfaction des besoins de proximité des habitants et contribuent à réduire la partition entre les villes « dortoir » et les villes « travail » 1489416692176. En effet, grâce au mélange des fonctions, les gens se croisent, les plages horaires se chevauchent, un immeuble vit. L'un des enjeux du Grand Paris est précisément l'apport de mixité fonctionnelle en dehors du centre historique. À ce titre, l'aménagement multifonctionnel des gares est criant 1492354739088.
Communiquer sur la proximité est un atout permettant aux promoteurs de valoriser leurs projets 1489423555469.

La mobilité pédestre à New York

Le site internet new-yorkais « Walkscore » permet d'afficher un taux d'activités (restaurants, écoles, parcs, etc.) accessibles à un usager sans prendre sa voiture ou les transports en commun. En fonction de l'implantation de son habitation, le site attribue une note de mobilité pédestre : le Walk Score (indice de « marchabilité »). Par exemple, si le taux est compris entre 90 et 100, l'utilisateur se trouve dans une zone Walker's Paradise. À l'inverse, de 0 à 25, la marche à pied ne s'effectue que du domicile à la voiture.
– Généraliste ou spécialiste ? – La construction d'un immeuble multifonctionnel implique la maîtrise des spécificités afférentes à chaque fonction. L'immeuble étant plus complexe, la demande de services plus diversifiée, les compétences des promoteurs se multiplient. À l'image des professionnels du droit, la spécialisation est nécessaire pour dénouer les difficultés et assimiler l'inflation normative 1489480534770. La multifonctionnalité est-elle pour autant réservée aux opérateurs les plus structurés ? Un rapport paru en avril 2013 démontre que la multifonctionnalité est un enjeu compris de l'ensemble des acteurs de la construction, mais nécessitant soit une taille critique, soit un recours à la co-promotion pour réunir les compétences nécessaires 1491302794611. Les questions relatives à la réglementation et à la rentabilité sont sous-jacentes.
– Le mille-feuille réglementaire. – Il a déjà été indiqué que le mille-feuille réglementaire est indigeste (V. n° ). Il ne s'agit pas ici de détailler l'ensemble des règles s'appliquant différemment selon l'usage du bâtiment 1491127299184, mais d'attirer l'attention sur les contraintes engendrées par la coexistence des fonctions dans un même immeuble. Par exemple, les normes de sécurité incendie s'appliquent différemment pour quatre types de bâtiments : les établissements recevant du public (ERP), les immeubles de grande hauteur (IGH), les établissements recevant des travailleurs (ERT) et les bâtiments d'habitation.
Un immeuble d'habitation est considéré comme un immeuble de grande hauteur si le plancher bas du dernier niveau est situé à plus de cinquante mètres du sol (CCH, art. R. 122-2). Pour un immeuble de bureau, le seuil est abaissé à vingt-huit mètres (CCH, art. R. 122-2). La qualification d'immeuble de grande hauteur entraîne une réglementation plus contraignante, applicable dès le choix de l'emplacement 1491127376061, durant la conception 1491127406622, et postérieurement à la livraison 1491127443453.
Lorsqu'un bâtiment concilie habitation et bureau, le seuil retenu est de vingt-huit mètres. Ainsi, les règles ne favorisent en rien la multifonctionnalité, bien au contraire.
Pour échapper à ces normes, le promoteur peut concevoir l'immeuble différemment, en prévoyant des accès distincts aux différentes fonctions. Ainsi, la partie « bureaux » est édifiée jusqu'à vingt-huit mètres et surmontée d'étages à usage d'habitation sans application de la législation spécifique des IGH, dès lors que les accès à chacune de ces parties d'immeuble sont indépendants.
Mais la solution retenue entraîne toujours un surcoût. Cet exemple est symptomatique de la contradiction entre les objectifs à atteindre et les normes applicables. Un effort de simplification et d'uniformisation est indispensable pour encourager la multifonctionnalité et la rendre accessible à tous.
– La rentabilité et la commercialisation. – Pour un promoteur, mixer les fonctions dans un immeuble réduit la rentabilité de l'opération, la construction de logements étant plus avantageuse économiquement. L'équilibre financier d'une construction mixte exige une augmentation de la densité. Ainsi, la solution réside dans l'augmentation des surfaces à construire, étant entendu que dans un souci de lutte contre l'étalement urbain, les mètres carrés se gagnent idéalement en hauteur.
En 2016, 119 000 logements neufs ont été mis en vente, soit 16,1 % de plus qu'en 2015 1489846909970. Aucune statistique n'indique le nombre de logements commercialisés dans des immeubles multifonctionnels. Depuis la loi Malraux en 1962 jusqu'à la loi Pinel prolongée en 2018, la production de logements neufs a toujours été encouragée par des systèmes de défiscalisation, contrairement aux autres usages. Pour favoriser la multifonctionnalité, l'élargissement du dispositif d'incitation fiscale paraît approprié. Le maintien de la mixité des fonctions dans le temps déterminerait par exemple un pourcentage de réduction d'impôt pour l'investisseur.