L'ordre d'imputation : la protection des gratifiés

L'ordre d'imputation : la protection des gratifiés

L'ordre d'imputation d'une libéralité est capital pour celui qui en bénéficie. Plus tôt la libéralité sera imputée, moins elle risque d'être réduite et meilleure est la situation du gratifié qui n'aura pas à régler une indemnité de réduction aux réservataires. L'ordre d'imputation correspond à l'ordre dans lequel les libéralités doivent être réduites. Cet ordre d'imputation est édicté aux articles 923 et 926 du Code civil. Ces règles sont au centre de la protection à la fois des héritiers réservataires et des différents gratifiés entre eux. Il s'agit d'un juste équilibre à trouver pour préserver au mieux les intérêts des uns et des autres.

La protection prioritaire des donataires

- Les donations avant les legs. - Selon l'article 923 du Code civil, les legs sont réduits avant les donations, ce qui signifie que l'on doit imputer les donations avant les legs. Il en résulte que les legs ne peuvent s'exécuter que dans la limite de la quotité disponible non utilisée par les donations. Si les donations ont épuisé la totalité de la quotité disponible, alors les legs seront intégralement réductibles. Cette règle est fondée sur la chronologie du dessaisissement du de cujus : plus le droit du donataire est ancien, plus il doit être conforté. Elle est également fondée sur le principe d'irrévocabilité des donations. Enfin, c'est une question de sécurité juridique pour l'ensemble des droits réels, car la réduction peut éventuellement remettre en cause les droits des tiers acquéreurs et plus l'acte est ancien plus legratifié a des chances d'en avoir disposé . Peu importe la forme des donations : ostensibles ou dons manuels, indirectes ou déguisées, elles « passent avant les legs même si, à raison de leur forme, elles n'ont pas date certaine (don manuel non enregistré par exemple) » .

La protection prioritaire du donataire le plus ancien

- Imputation chronologique des donations. - À l'image d'un répartiteur d'un prix de vente d'un immeuble grevé d'inscriptions hypothécaires, le liquidateur d'une succession va imputer les donations en commençant par les plus anciennes. Les donations faites le même jour vont s'imputer concurremment, sauf s'il a été stipulé un ordre d'imputation. Cette imputation concurrente s'appliquera également aux donations-partages disqualifiées en donations simples.
- Toujours un problème de date. - On l'aura compris, pour déterminer l'ordre d'imputation des donations, il faut les classer dans l'ordre chronologique. La détermination de leurs dates est donc cruciale. Pour les donations ostensibles, donc reçues par acte notarié, c'est la date de l'acte qui compte. Pour les actes simplement enregistrés, c'est la date de leur enregistrement (date certaine) qui est à prendre en considération. Pour les donations indirectes ou éventuellement déguisées qui ont fait l'objet d'un acte authentique ou d'un enregistrement, on appliquera les mêmes règles. Par contre, pour les autres, soit elles sont relatées dans un acte authentique et c'est la date de ce dernier qu'il faut considérer, soit elles ne le sont pas. Elles seront alors imputées en dernier après toutes les autres donations et avant les legs (C. civ., art. 1377) . Nous n'insisterons pas sur la véritable supériorité de l'acte de donation notarié au regard de toutes ces règles .

La protection identique mais supplétive des légataires

- Imputation concurrente des legs. - Si, après imputation des libéralités, le reliquat de la quotité disponible est suffisant pour exécuter les legs, aucune réduction n'a lieu. Par contre, si ce solde de la quotité disponible est insuffisant, les legs devront être réduits au marc le franc, c'est-à-dire de manière proportionnelle (C. civ., art. 926). Cette réduction se fait sans hiérarchiser la nature des legs : legs universel, à titre universel ou particulier. Toutefois, le légataire universel, par sa nature, implique qu'il doive supporter les legs particuliers aussi pour calculer son émolument et permettre ce calcul de proportionnalité. Il y a lieu de considérer qu'il a droit à l'actif net existant sous déduction des legs qu'il doit délivrer. Il résulte de cette règle d'imputation concurrente que les legs subissent le même coefficient de réduction.
- Caractère supplétif de la règle. - L'imputation concurrente des legs n'est pas une règle d'ordre public. Le testateur est donc libre de les hiérarchiser dans son testament en indiquant ceux dont l'exécution est prioritaire. Cela peut se faire bien évidemment dans le testament initial, mais aussi dans un codicille.

Favoriser la protection du conjoint survivant