Les secteurs d'imputation

Les secteurs d'imputation

Le secteur d'imputation diffère selon la qualité du gratifié.

Les libéralités faites à un non-réservataire

- Sur la quotité disponible. - La libéralité faite à une personne qui n'est pas réservataire, nécessairement hors part successorale, s'impute forcément sur la quotité disponible (C. civ., art. 919-2). Il ne peut en être autrement. Si la libéralité dépasse le disponible, alors elle est réductible et l'excès donne lieu à une réduction .

Les libéralités faites à un réservataire

- Distinction nécessaire. - L'hypothèse est qu'un héritier réservataire a été gratifié par une libéralité. Se pose donc la question de savoir si le de cujus a voulu l'avantager par rapport aux autres et rompre ainsi l'égalité entre ses ayants cause, ou bien s'il a simplement voulu lui attribuer un bien en avance ou dans le cadre de son partage successoral (legs d'attribution). Selon cette volonté du testateur, le secteur d'imputation va être soit la réserve, soit la quotité disponible :
  • si la libéralité est hors part successorale, elle s'impute sur la seule quotité disponible. L'excédent est sujet à réduction. Il n'y a pas pour ces libéralités d'imputation subsidiaire sur la réserve individuelle du gratifié. Cela résulte directement de l'article 919-2 du Code civil ;
  • si la libéralité est en avancement de part successorale, elle s'impute principalement sur la réserve individuelle de l'héritier et subsidiairement sur le disponible (C. civ., art. 919, al. 1er). Précisons que la libéralité devra dans tous les cas faire l'objet d'un rapport. L'héritier dont la libéralité dépasse à la fois sa part de réserve et la quotité disponible est réductible. Pour autant, il ne sera pas astreint à une double restitution au titre du rapport et de la réduction. À ses cohéritiers de choisir entre ces deux indemnisations, lesquelles ne suivent pas tout à fait le même régime .

Les libéralités faites à un héritier renonçant

- Le renonçant non réservataire. - Cela vise les cas relativement rares dans lesquels un ascendant vient à la succession en présence du conjoint. Sa renonciation est indifférente, la libéralité dont il bénéficie s'imputant toujours sur la quotité disponible, car il n'est pas réservataire .
- Le renonçant réservataire. - Le gratifié renonçant devient étranger à la succession. Sa renonciation lui ôte sa réserve individuelle et les donations qu'il a pu recevoir s'imputent forcément sur la quotité disponible et au rang défini par sa date. Si la donation avait été consentie hors part successorale, il n'y a pas de changement. Par contre, si la donation avait été consentie en avancement de part successorale elle devient, par cette renonciation, préciputaire et change de secteur d'imputation : « La libéralité conserve sa date mais change d'assiette » . La conséquence est importante dans la mesure où elle peut changer complètement les prévisions du de cujus en absorbant la quotité disponible (si la donation est ancienne), rendant inefficaces les libéralités de rang suivant. Cet effet de la renonciation peut être corrigé soit en stipulant dans la donation une clause de rapport en cas de renonciation (C. civ., art. 845), soit en stipulant une condition résolutoire en cas de renonciation. Ces précautions seront suffisamment dissuasives pour éviter ces renonciations stratégiques.

La métamorphose de la libéralité par le jeu de l'article 917 du Code civil

  • Mécanisme et effets de la règle : une option du réservataire. L'hypothèse envisagée par l'article 917 est la suivante : le disposant a fait une libéralité en usufruit ou en rente viagère qui dépasse la quotité disponible. La libéralité est donc réductible. S'ouvre alors une option pour le réservataire :Par cette option s'opère un changement d'objet de la libéralité : au lieu de recevoir un droit d'usufruit ou un droit viager, le gratifié reçoit de la pleine propriété. C'est le reproche classique qui est fait à cette disposition. Fondements de la règle. Ce texte est justifié par l'idée qu'il est choquant qu'il y ait réduction d'un droit viager qui, à terme, ne porte pas atteinte à la réserve qui reste intègre en nue-propriété. Il n'est pas juste que des réservataires puissent bénéficier du disponible en nue-propriété et d'une indemnité de réduction. Enfin, c'est une règle dissuasive favorisant l'exécution des libéralités en usufruit ou en droits viagers dont le but principal est de protéger et de maintenir un cadre de vie au gratifié.
  • Conditions de la règle. Pour être applicable, l'article 917 du Code civil implique que soient réunies quatre conditions :