Les contenus classiques du testament : les legs

Les contenus classiques du testament : les legs

Les legs constituent le contenu testamentaire le plus fréquent. Il en existe trois catégories. De la qualification des legs vont naître plusieurs conséquences, comme l'obligation au passif ou l'attribution ou non de la saisine. On distingue trois types de legs : le legs universel, à titre universel ou particulier. Envisageons-les rapidement successivement.

Le legs universel : tout laisser à un proche

On présente traditionnellement le legs universel comme la disposition testamentaire la plus étendue dans la vocation et la plus forte dans la nature des droits transmis. Si ce dernier point est incontestable, le premier l'est davantage. L'étendue des biens léguée va dépendre des autres dispositions testamentaires ; il se peut que le légataire universel ne reçoive que peu de chose. Toutefois, sa présence n'est pas inutile et va permettre un bon déroulement du règlement successoral et d'exécuter toutes les autres dispositions testamentaires. C'est aussi ici que se manifeste la protection induite par l'institution d'un legs universel.
- Une vocation « au tout ». - Par un legs universel, « le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès » . Cette définition est ambiguë dans la mesure où ce qui caractérise un légataire universel, ce ne sont pas les biens qu'il va recueillir mais plutôt sa vocation à tout recevoir . En effet, le légataire universel bénéficiera des renonciations des légataires, des caducités des différents legs. Par ailleurs, si le défunt a légué de manière exhaustive tous ses biens à titre particulier, le légataire universel ne recevra rien : on parle de legs sans émolument. Le légataire universel est le continuateur de la personne du défunt, c'est sur lui que va peser la charge d'assurer la police de l'hérédité et de délivrer les autres legs. Son obligation au passif est également illimitée. Le légataire universel est en réalité un véritable héritier désigné par testament. Il se peut que le testateur ait légué tous ses biens par des dispositions testamentaires. Pour autant le légataire universel conserve sa qualité et son titre. Si l'une ou l'autre des dispositions ne peut s'exécuter en raison de caducité, de renonciation ou autre, alors elle bénéficiera au légataire universel ; par ailleurs, c'est à ce légataire universel sans émolument qu'il appartient d'assumer la police de l'hérédité que lui confère sa saisine et celle de procédure à la délivrance et au paiement des autres legs après apurement du passif.
- Le legs de quotité disponible. - Lorsque le testateur aura voulu léguer sa quotité disponible à une personne, on aura tendance à qualifier le legs « d'universel », car en l'absence de réservataire au jour du décès tous les biens sont disponibles et le légataire bénéficie donc de cette « vocation au tout » . Toutefois, le légataire universel a très bien voulu assigner à son légataire une quotité correspondant à son disponible, c'est-à-dire un plafond. Dans ce cas, on aura tendance à qualifier le legs de « legs à titre universel » . Ce sera également le cas lorsque le légataire était bénéficiaire d'une libéralité en usufruit mais qu'en raison de l'option offerte par l'article 917 du Code civil, il recevra la pleine propriété de la quotité disponible.

Le legs à titre universel

- Cas limitatifs. - L'article 1010 du Code civil définit les legs à titre universel de manière limitative. Il s'agit des legs :
  • d'une quote-part de tous les biens ;
  • de tous les immeubles ;
  • de tous les meubles ;
  • d'une quote-part de tous les meubles ;
  • d'une quote-part de tous les immeubles.
À cette liste on peut ajouter le legs en usufruit sur tout ou partie de la succession ou sur tous les immeubles ou tous les meubles . Tous les autres legs sont à titre particulier.

La désignation de plusieurs légataires universels : attention aux précautions rédactionnelles !

Il est fréquent que le testateur souhaite désigner plusieurs légataires universels. Son testament pourra alors être libellé de la manière suivante : « J'institue pour légataire universel A, B, et C pour un tiers chacun ». Cette formulation n'est pas heureuse dans la mesure où elle fait naître un doute sur la vraie nature du legs. En effet, n'est-ce pas plutôt un legs à titre universel ? Le testateur n'a-t-il pas voulu plafonner les droits de chacun à un tiers de la succession ? La conséquence de cette qualification est que ces légataires, s'ils ne sont qu'à titre universel, ne seront pas saisis de leurs droits (en l'absence de réservataire) et qu'il faudra aller chercher les héritiers du sang pour leur délivrer les legs alors que ces héritiers ne percevront rien dans la succession. L'autre conséquence d'une telle qualification est qu'en cas de non-exécution d'un des legs, celle-ci profitera non pas aux autres légataires mais aux héritiers du sang.

La précaution est donc d'ajouter dans le testament une clause « d'accroissement » en précisant qu'à défaut de l'un, son legs bénéficiera aux autres. La vocation au tout est donc bien présente.

Le legs particulier

- Un ou plusieurs biens. - Il s'agit de la catégorie résiduelle ; les legs particuliers comprennent tous les legs qui ne sont ni universels ni à titre universel. Il s'agira le plus souvent des legs d'un ou plusieurs biens identifiés dans le testament ou identifiables au décès . Il pourra s'agir également du legs portant sur telle ou telle catégorie de biens autres que les catégories caractérisant les legs à titre universel. Ce pourrait être les « meubles meublants », les « droits sociaux », les « titres boursiers », les « avoirs bancaires », les « droits d'auteur », les « créances à l'encontre de telles personnes », etc.

Le legs d'un bien indivis : une protection aléatoire

Il arrive que le testateur lègue des droits indivis à une personne qu'il entend gratifier. L'exécution de ce legs n'est pas exempte d'incertitudes, lesquelles sont liées à la fin de l'indivision par partage et les attributions qu'il contient.
Il faut distinguer :
  • le legs particulier de droits indivis sur une chose déterminée : la solution est simple, le légataire récupère la quote-part indivise du défunt sur le bien. Le légataire se trouve donc introduit dans une indivision ;
  • le legs particulier porte sur un bien dépendant d'une masse indivise, comme une masse successorale ou de communauté conjugale : l'efficacité du legs va dépendre des attributions. Si le bien est attribué dans les opérations de partage au testateur ou plutôt à sa succession, alors le legs peut s'exécuter. Par contre, si le bien est attribué à une autre personne, en vertu de l'effet déclaratif du partage, il est censé n'avoir jamais appartenu au défunt, le legs est donc caduc ;
  • celui que le testateur voulait protéger en lui attribuant un bien se trouve privé de celui-ci. Pour parer ce cas de figure, il peut être conseillé de prévoir dans le testament une exécution alternative par équivalent pour le cas où le bien ne serait pas attribué à l'indivision. Le legs porterait alors sur une somme équivalente à la valeur du bien qui avait été légué.

Le legs en usufruit

Sous l'angle de la protection : les legs provoquant un démembrement de propriété doivent faire l'objet d'une attention toute particulière.
En effet, non seulement certaines de ces dispositions peuvent bénéficier d'un régime particulier en présence de réservataire par le jeu éventuel de l'article 917 du Code civil , mais en plus le testateur devra arbitrer entre la protection de l'usufruitier légataire et celle du nu-propriétaire.
Pour protéger le légataire, le testateur pourra le dispenser de fournir caution en application de l'article 601 du Code civil, voire le dispenser d'emploi (sauf s'il s'agit du conjoint bénéficiaire de la libéralité, C. civ., art. 1094-3). Cette protection du gratifié en usufruit a pour corollaire une « dé-protection » du nu-propriétaire… au disposant d'arbitrer !
À l'opposé, le testateur pourra, dans son testament, se préoccuper des intérêts du nu-propriétaire en organisant l'emploi des fonds légués ou en imposant à l'usufruitier de rendre régulièrement des comptes au nu-propriétaire.
Dans tous les cas, le nu-propriétaire pourra demander l'inventaire. Cela lui est même vivement conseillé, tout comme la régularisation d'une convention avec l'usufruitier.