Nous allons retrouver des principes bien connus venant du droit des obligations. Ici il ne s'agira pas d'interpréter des conventions, mais l'acte unilatéral bien spécial qu'est le testament.
La protection par l'interprétation des testaments obscurs
La protection par l'interprétation des testaments obscurs
Les testaments donnant lieu à interprétation
- Le testament, un acte souvent mal rédigé. - L'interprétation des testaments est chose fréquente. Cet acte unilatéral n'est pas toujours d'une rédaction parfaite, car le testateur ne s'est pas toujours préalablement entouré de conseils, pourtant souvent nécessaires tant la matière successorale est complexe pour le néophyte et tant les situations individuelles sur le plan personnel, familial ou patrimonial sont diversifiées. Le droit des successions et des libéralités est également caractérisé par une terminologie propre, à laquelle le commun des mortels est étranger. Il en résulte que le testateur, seul face à sa feuille de papier, peut se méprendre ou faire des confusions regrettables. Ne sont sujets à interprétation que les testaments qui contiennent des ambiguïtés, des contradictions, des incertitudes. Il faut que la lecture du testament ne suffise pas à permettre son exécution. Ainsi on ne saurait interpréter les testaments parfaitement clairs, car cela reviendrait à ne pas respecter la volonté du défunt. Seuls les testaments dont le contenu est obscur ou contradictoire, qui ne se suffit pas à lui-même pour être exécuté, requièrent interprétation.
La protection par l'interprétation
- Le droit commun de l'interprétation des actes. - Les règles d'interprétation des testaments ont été dégagées en jurisprudence par extension de celles qui ont été affirmées en droit des contrats
. Aussi nous pouvons considérer que, sous réserve d'adaptation aux spécificités de l'acte unilatéral, les règles édictées par la réforme du droit des obligations sont donc transposables au testament
. Ainsi la référence au débiteur ou au créancier n'a que peu de sens, sauf en ce qui concerne les éventuelles charges testamentaires.
- Pouvoir souverain des juges du fond. - Il est largement admis que l'interprétation des actes et plus particulièrement des testaments relève du pouvoir souverain des juges du fond. Pour les magistrats, la tâche est peu aisée car l'auteur de l'acte à interpréter n'est plus de ce monde. Sa signification est donc laissée à l'appréciation des vivants. Cette appréciation est délicate, car il incombe au juge de ne pas dénaturer la volonté du testateur, mais de rechercher sa réelle volonté malgré un vocabulaire complexe ou des expressions peu explicites ou juridiquement fausses. C'est ainsi que le juge du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation, n'a pas à se livrer à une interprétation des dispositions testamentaires libellées en des termes clairs et précis
. La lettre, dès lors qu'elle est claire et précise, prime l'esprit. C'est une règle, édictée à l'article 1192 du Code civil, qui a l'avantage de la simplicité et d'échapper ainsi au divinatoire.
- Recherche de la volonté efficace du testateur. - Le testateur devra se livrer à la recherche de la volonté du défunt. Comme pour les conventions, cette interprétation pourra avoir lieu de manière objective en se référant au standard juridique ou en se référant à des éléments propres à l'affaire. Il s'agira donc d'une interprétation plus subjective. Ces éléments pourront être intrinsèques ou extrinsèques au testament. En effet le juge, pour donner un sens à une disposition d'un testament, devra se référer aux autres dispositions du testament pour trouver la cohérence de l'ensemble des volontés du défunt. Cette interprétation pourra se faire au moyen d'éléments extrinsèques au testament, à savoir d'autres testaments ou codicilles, des correspondances, des consultations écrites qui lui auraient été données par un homme de loi, d'autres actes de nature patrimoniale comme des donations. Il pourrait même fonder son interprétation sur des témoignages. Il est évident que celui de l'exécuteur testamentaire devrait avoir un certain poids en la matière. De la même manière, le juge devra préférer l'interprétation qui donne le plus d'effet à la disposition, celle qui la rend la plus efficace
, celle qui a une signification supérieure. L'interprétation doit aussi se faire dans le sens le plus favorable, le plus utile aux légataires par rapport aux héritiers du sang et au légataire particulier par rapport au légataire universel.
- Interprétation amiable des dernières volontés. - Si, en dernier ressort et en cas de désaccord c'est le juge qui reste compétent pour arbitrer les litiges relatifs à l'interprétation des testaments, il est parfaitement possible aux successeurs intéressés de procéder amiablement à l'interprétation des volontés de leur auteur. Deux précautions semblent alors devoir être prises pour établir cet acte d'interprétation du testament ou seulement de certaines dispositions testamentaires :
- toutes les personnes intéressées par les dispositions litigieuses doivent intervenir et donner leur accord à la signification qui sera donnée : à l'évidence, ce sont les héritiers légaux saisis, le ou les légataires universels, les légataires particuliers ou à titre universel concernés par l'interprétation dans la mesure où celle-ci influence leurs droits, les bénéficiaires des charges si elles sont en cause et bien évidemment l'exécuteur testamentaire ;
- comme le juge, les successeurs ne sauraient donner au testament et à ses dispositions un sens qu'il n'a pas et dénaturer ainsi les dernières volontés de son auteur. Aussi l'acte d'interprétation qui sera dressé devra absolument, en un exposé préalable, montrer le caractère obscur des dispositions et la pluralité de significations ou l'incohérence.
Les mêmes règles, qui s'imposent au juge et que nous venons de voir, doivent guider les héritiers (au sens large) dans l'interprétation du testament. Ils peuvent se faire assister de sachants qui donnent des consultations ; des témoins peuvent également intervenir audit acte d'interprétation.
- Conclusion sur l'interprétation des testaments. - La protection de l'indivision dans l'exercice de ses droits se poursuit au-delà de sa mort par la protection de ses dernières volontés. Cela passe par une interprétation dans le sens qui va faire vivre cette volonté, malgré qu'elle soit celle d'un mort. Cette protection se manifeste également dans son exécution.
Le rôle du notaire dans la rédaction du testament
Lorsqu'il conseille son client sur la rédaction d'un testament, le notaire joue un rôle majeur non seulement quant au respect des règles de validité (forme et fond), mais aussi quant à son contenu. Le notaire doit, dès la rédaction du testament, se mettre en situation de son exécution. Ainsi il devra :