Nous avons raisonné jusqu'à présent dans l'hypothèse où le gratifié bénéficie de la quotité disponible que la loi lui confère. Ainsi les non-héritiers réservataires ou les héritiers que le défunt a voulu avantager bénéficient du disponible ordinaire dont nous avons vu les quotités, et le conjoint est l'unique bénéficiaire de la quotité disponible spéciale, surcroît de protection que lui accorde l'article 1094-1 du Code civil. Mais la question se complique si le de cujus a puisé dans ces deux disponibles, c'est-à-dire qu'il a consenti des libéralités à son conjoint et à d'autres proches. L'hypothèse peut être fréquente en pratique. Pour autant, la question est relativement complexe
. Nous allons nous efforcer de résumer les réponses apportées par la jurisprudence
et la doctrine
. Sous l'angle de la protection, la question est intéressante car elle donne le barycentre de la protection entre les réservataires, le conjoint et les autres gratifiés.
La combinaison des quotités disponibles : un sujet de protection triangulaire
La combinaison des quotités disponibles : un sujet de protection triangulaire
- L'ordre d'imputation. - La règle ne change pas. L'ordre d'imputation est fixé par la nature de la libéralité : donation ou legs (ou donation à cause de mort entre époux) et par sa date (pour l'imputation chronologique des donations). Si les libéralités faites au conjoint et à d'autres personnes ont la même date, elles sont réductibles proportionnellement (au marc le franc).
- Le secteur d'imputation. - L'imputation est fonction de la qualité du gratifié (conjoint ou autre personne) et de l'objet de la libéralité (pleine propriété ou usufruit). Les règles à retenir sont les suivantes :
- les libéralités faites à d'autres que le conjoint ne peuvent s'imputer que sur le disponible ordinaire. La règle est logique ;
- les libéralités faites au conjoint en pleine propriété s'imputent prioritairement sur le disponible ordinaire et subsidiairement sur ce que lui ajoute le disponible spécial. Ce qui, si elle dépasse le disponible ordinaire, provoque une réduction sur la nue-propriété ;
- les libéralités faites au conjoint en usufruit s'imputent d'abord sur la quotité disponible spéciale (usufruit de la réserve) et subsidiairement sur la quotité disponible ordinaire (usufruit de la quotité disponible ordinaire) où elle va être concurrencée par les libéralités faites à d'autres.