CGV – CGU

Partie I – L’anticipation de la vulnérabilité
Titre 2 – L’anticipation de la vulnérabilité des majeurs
Sous-titre 2 – L’anticipation par la transmission
Chapitre I – La constitution de revenus à titre onéreux

1279 – Mobilisation du patrimoine. – Outre la mobilisation de ses liquidités au travers des contrats d’assurance (Section I), la personne qui souhaite se procurer des ressources complémentaires aux fins d’anticiper une éventuelle vulnérabilité peut utiliser son patrimoine immobilier à cette fin331, et principalement son logement (Section II).

Section I – Les ressources tirées d’un contrat d’assurance

1280 – Deux types de contrats. – Sans nul doute l’assurance constitue aujourd’hui un instrument précieux de prévoyance dans l’optique d’une éventuelle vulnérabilité. Actuellement, deux types de contrats d’assurance sont offerts aux personnes désireuses d’anticiper une situation de dépendance : d’une part, les contrats d’assurance-vie, non spécifiques au risque de dépendance, mais dont la souscription peut concourir indirectement à se constituer à terme, par la voie de l’anticipation patrimoniale, une épargne susceptible d’être mobilisée en cas de survenue de la dépendance (Sous-section I) ; d’autre part, les contrats d’assurance spécifiquement dédiés au risque dépendance, dont l’objet est de permettre au souscripteur, selon les choix de garanties qu’il a effectués, de faire face financièrement et/ou matériellement, à la survenue de la dépendance (Sous-section II).

Sous-section I – Les contrats utilisés pour financer la dépendance

1281 – L’utilisation du contrat d’assurance-vie. – La personne qui cherche des ressources pour financer son éventuelle vulnérabilité peut utiliser l’assurance-vie, dont on connaît le succès auprès de nos concitoyens332, liée à un régime juridique attractif, tant sur le plan civil que sur le plan fiscal. La notion de contrat d’assurance-vie, on le sait, est un terme générique qui recouvre en réalité une diversité de contrats aux caractéristiques diverses et variées, dont le seul point commun réside dans l’existence d’un aléa. Utilisée comme un produit de transmission du patrimoine « en cas de décès », l’assurance-vie peut également être souscrite « en cas de vie », aux fins de se constituer une épargne, généralement dans une perspective de retraite, ce en quoi elle se rapproche d’un produit d’épargne-retraite classique (Perp, PEA, Pere, Préfon Retraite, contrat Madelin, etc.).

1282 – L’utilisation du contrat à son dénouement. – Dans l’optique spécifique du financement de la dépendance, ce sont les vertus économiques et fiscales attachées à l’assurance en cas de vie qui peuvent être recherchées. Dans ce type de contrat, l’assureur s’engage, en contrepartie du versement de primes uniques ou périodiques, à verser au bénéficiaire un capital ou une rente si l’assuré est vivant à un âge ou à une date donnés. En pratique, les souscripteurs ont tendance à privilégier la rente, qui évacue le souci de la gestion d’un capital et procure une source constante et rassurante de revenus jusqu’à son décès. Les sommes ainsi perçues vont constituer une source de ressources complémentaires disponibles, au gré des besoins du souscripteur alors devenu senior, ce qui peut indirectement lui permettre de faire face à une situation de dépendance.

Rappelons que l’assurance-vie en cas de vie constitue un contrat à fonds perdu, car si l’assuré – qui est aussi le souscripteur et le bénéficiaire – n’est plus en vie à la date convenue, l’assureur ne verse rien. C’est pourquoi, pour pallier le risque de perte financière pour l’assuré, les assureurs proposent aujourd’hui, le plus souvent, des contrats où se juxtaposent les deux assurances : l’une en cas de vie, l’autre en cas de décès. Seule l’une d’elles prendra effet. C’est le cas des « assurances-vie mixtes » ou des « assurances-vie avec contre-assurance décès ». En pareille occurrence, le contrat d’assurance-vie présente l’intérêt, pour le souscripteur, de concilier tant son objectif d’anticipation de sa retraite, et par-delà de son éventuelle entrée en dépendance, que son objectif de transmission d’un capital à ses proches à son décès.

1283 – L’utilisation du contrat par anticipation. – Le contrat d’assurance-vie présente également l’avantage pour le souscripteur de se constituer une épargne liquide, c’est-à-dire susceptible d’être mobilisée, par anticipation, en cas de survenue de la dépendance, au moyen des opérations de rachat ou d’avance sur police.

D’une part, il est possible pour le souscripteur de se procurer un revenu, ponctuel ou régulier, pour faire face aux besoins de sa dépendance, en procédant à des rachats partiels : trimestriel, semestriel, annuel ou à tout moment, sur simple demande. Le rachat du contrat d’assurance-vie consiste à mettre un terme prématurément audit contrat. Total ou partiel333, il peut être envisagé par le souscripteur qui aurait un besoin urgent de liquidités, pour faire face aux frais médicaux ou d’assistance engendrés par sa dépendance, ou encore pour financer l’aménagement de son logement. L’assureur procède alors au versement de la provision mathématique constituée au jour du rachat. Il s’agit d’un véritable droit pour le souscripteur, dont l’assureur ne peut lui refuser l’exercice (C. assur., art. L. 132-21 et s.).

D’autre part, le souscripteur peut solliciter une avance sur police, laquelle peut se définir comme « l’opération par laquelle l’assureur consent à remettre au souscripteur une partie de la provision mathématique de son contrat, l’assurance devenant ainsi un instrument de crédit qui utilise la provision comme un compte courant »334. L’avance se distingue du rachat en ce qu’elle ne met pas un terme au contrat d’assurance-vie, mais constitue seulement un « prêt à durée déterminée », le souscripteur recevant de l’assureur des liquidités qu’il s’engage à rembourser. Elle permet de répondre à un besoin de trésorerie du souscripteur à court ou moyen terme, tout en laissant fructifier l’épargne investie au contrat, sans perte de l’antériorité fiscale du contrat335. L’avance, qui ne peut être supérieure à la valeur du contrat, ne peut intervenir avant une certaine antériorité dudit contrat. À la différence du rachat, l’avance ne constitue pas un droit pour le souscripteur, elle doit être acceptée par l’assureur. Tout comme un contrat de prêt, l’avance fait l’objet d’un règlement strict qui varie en fonction de la compagnie d’assurance.

La solution privilégiée par le souscripteur qui devient vulnérable sera bien entendu le rachat, dans la mesure où, le plus souvent, sa situation ne lui permettra pas, à l’avenir, de reconstituer et donc de restituer l’avance perçue, laquelle produit en sus des intérêts.

Sous-section II – Les contrats dédiés au financement de la dépendance

1284 – Une double option. – Actuellement, la personne inquiète de la survenance d’une éventuelle perte d’autonomie future a le choix entre deux types de contrats, dédiés spécifiquement au financement de la dépendance : les contrats d’assurance dépendance (§ I) et les contrats d’assurance-vie assortis d’une option dépendance (§ II).

§ I – Le contrat d’assurance dépendance

1285 – Un instrument d’anticipation dédié à la dépendance. – À côté de l’assurance-vie, qui reste le placement préféré des Français, les assureurs (au sens large : sociétés d’assurance, mutuelles banques et institutions de prévoyance) ont élargi leur offre pour appréhender le marché de la dépendance. Non seulement ils ont adjoint la dépendance en garantie optionnelle de certains contrats existants (garantie complémentaire), mais surtout, ils ont créé des produits dédiés à la dépendance : les contrats d’assurance dépendance (garantie principale)336.

Ces derniers sont des contrats en vertu desquels, moyennant le versement de cotisations périodiques par l’assuré, l’assureur s’engage à lui fournir des prestations déterminées au contrat lorsque la dépendance survient. Le contrat d’assurance dépendance est un contrat de prévoyance et non d’épargne. Par principe, ces contrats sont donc considérés à fonds perdu. Si la dépendance ne survient pas, les cotisations versées par l’assuré ne lui seront pas restituées : elles restent acquises à l’assureur337.

Ces contrats, qui visent à garantir la survenance du risque dépendance, présentent à la fois une telle diversité qu’il est souvent bien difficile pour le candidat à l’assurance de faire son choix (A) et une relative inefficacité qui finit, encore trop souvent, par décourager celui-ci d’y avoir recours (B).

A/La diversité des contrats d’assurance dépendance

1286 – Dualité des modalités de souscription. – Les contrats d’assurance dépendance connaissent deux modalités de souscription : d’une part, la souscription individuelle : le contrat est alors souscrit directement par un particulier auprès de l’assureur de son choix et, d’autre part, la souscription collective par une entreprise ou une association auprès d’un assureur, au profit des membres du souscripteur, qui adhèrent au contrat. Cette adhésion peut être obligatoire lorsque l’adhésion des membres d’un groupe assuré résulte de la seule qualité de membre de ce groupe, ou facultative, lorsque, en plus d’appartenir au groupe assuré, le membre de ce groupe doit exprimer son consentement pour adhérer au contrat d’assurance. Dans les faits, la plupart des contrats d’assurance dépendance sont collectifs.

1287 – Diversité du risque garanti. – Les contrats couvrent systématiquement la dépendance totale et, sur option, la dépendance partielle. Mais, que la dépendance couverte au contrat soit totale ou partielle, elle doit être irréversible pour donner lieu à garantie.

Avant de souscrire ce type de contrat, il faut étudier le degré de dépendance qui sera couvert par le contrat : les contrats d’entrée de gamme proposent uniquement le versement d’une rente en cas de dépendance totale (lourde), les contrats plus élaborés proposent à la fois le versement d’une rente en cas de dépendance totale et le versement d’une demi-rente en cas de dépendance partielle ; les contrats les plus complets couvrent, en plus de la dépendance totale et partielle, la dépendance légère.

La difficulté réside dans la définition de ces différents états de dépendance. En effet, on constate, et l’on peut regretter, qu’il n’existe pas de définition légale de la notion de dépendance et, par-delà, aucune méthode d’évaluation commune aux assureurs, qu’ils seraient tenus d’utiliser. L’examen des conditions générales des contrats présents sur le marché révèle ainsi que le risque de dépendance n’y est pas défini : chaque assureur se contente de définir le niveau de dépendance pris en charge par le contrat, au moyen d’une méthode d’évaluation qui lui est propre. Pour ce faire, les assureurs utilisent divers référentiels pour déterminer l’état de dépendance. La majorité d’entre eux utilise la grille Aggir338, laquelle permet de calculer le degré de perte d’autonomie physique et psychique d’une personne pour accomplir seule, ou en ayant besoin d’aide, dix actes essentiels de la vie339. Cette grille est toutefois systématiquement combinée avec d’autres critères pour que la garantie joue. La grille la plus généralement utilisée par les assureurs, en complément de la grille Aggir pour mesurer le degré de perte d’autonomie d’une personne, est celle des Activités de la vie quotidienne (AVQ), laquelle répertorie six actes de la vie quotidienne (la toilette, l’habillage, l’alimentation, la continence, le déplacement, les transferts) pour définir ensuite quatre niveaux de dépendance, en fonction du nombre d’actes qui ne peuvent plus être effectués seuls340. Certains assureurs utilisent également la grille des Activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ)341.

Dans les faits, on constate cependant un manque d’harmonisation dans les critères utilisés par les assureurs342. Ainsi un même degré de dépendance ouvrira ou non droit à garantie suivant la compagnie auprès de laquelle la personne dépendante est assurée. L’offre est donc difficilement lisible pour le souscripteur, qui doit être particulièrement vigilant, puisque de la définition même du risque garanti dépend l’effectivité de sa prise en charge. Cette absence de définition commune de la dépendance et d’un référentiel commun pour l’évaluation de la perte d’autonomie est dénoncée par l’ensemble des rapports d’information élaborés par les instances publiques sur le sujet ces dernières années.

Le label GAD (Garantie Assurance Dépendance)

Les assureurs ont cherché à travailler pour améliorer la transparence, la compréhension et le niveau des garanties des contrats d’assurance dépendance. Pour permettre aux personnes à la recherche d’une garantie dépendance de choisir leur contrat de manière éclairée, la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) a ainsi créé, en 2013, le label GAD (Garantie Assurance Dépendance). Ce label est accordé aux garanties d’assurance couvrant la dépendance lourde. Les contrats labellisés GAD doivent respecter neuf points essentiels :

l’utilisation d’un vocabulaire permettant une grande clarté des garanties ;

la définition unitaire de la « dépendance lourde » par la grille AVQ (Actes élémentaires de la Vie Quotidienne) ;

le format viager de la garantie, sans tenir compte de la date d’apparition de la dépendance lourde ;

l’instauration d’une rente dépendance minimale de 500 € par mois, en cas de dépendance lourde ;

la définition contractuelle des revalorisations des garanties et des cotisations ;

aucune sélection médicale pour les souscriptions avant cinquante ans ;

dès la signature du contrat, proposition d’actions de prévention et d’accompagnement proposés à l’assuré et aux aidants ;

une information annuelle du montant des cotisations et des garanties ;

la possibilité de maintenir les droits en cas de suspension du paiement de la cotisation dépendance.

1288 – Diversité des garanties proposées. – Au-delà de la définition fluctuante du risque assuré, on observe également une grande diversité des garanties proposées. Une caractéristique est néanmoins commune à l’ensemble des contrats : les garanties prévues sont forfaitaires, ce qui signifie que l’assureur garantit un supplément de revenu en cas de dépendance, et parfois, une assistance, à la différence des garanties indemnitaires qui consisteraient en un remboursement des frais occasionnés par la dépendance. Ces garanties forfaitaires varient selon que la dépendance qui survient est totale ou partielle.

Dans le cas d’une dépendance totale, la garantie de base est constituée par le versement d’une rente viagère, dont le montant est choisi par le souscripteur à la conclusion du contrat. À cette rente s’ajoutent sur option, dans la plupart des contrats, des services d’assistance343, voire le versement d’un capital « premiers frais » prévu pour faire face aux frais d’aménagement du logement de la personne dépendante. Ces garanties « satellites » varient en fonction de l’assureur et du contrat, tant dans leur principe que dans leurs conditions de mise en œuvre. Ainsi certaines garanties sont mobilisables dès la date d’adhésion au contrat d’assurance dépendance mais aussi, par exemple, si l’assuré devient lui-même aidant d’une personne dépendante.

Exemple

Une personne âgée de soixante ans a souscrit un contrat d’assurance dépendance pour elle-même. Un de ses parents, dépendant, a besoin qu’elle s’occupe de lui. Le souscripteur devient alors aidant et peut bénéficier des garanties d’assistance en tant qu’aidant, si le contrat le prévoit.

Dans le cas d’une dépendance partielle, les contrats prévoient soit le versement d’un pourcentage de la rente convenue en cas de dépendance totale, soit le versement d’un capital. Certaines compagnies d’assurance proposent en sus la fourniture de prestations de service344 et, ce qui est plus rare, le versement d’un capital « premiers frais ».

Conseil pratique

Face à la diversité des garanties offertes, le souscripteur doit être particulièrement vigilant et bien identifier les coûts pris en charge par l’assureur. En particulier, s’agissant des prestations de services mentionnées dans la plupart des contrats, il importe de bien distinguer les simples garanties d’assistance à la recherche d’un prestataire des véritables garanties de prise en charge des prestataires. En réalité, l’intervention des différents prestataires reste le plus souvent à la charge de l’assuré, l’assureur ne jouant qu’un simple rôle d’intermédiaire. Une lecture trop rapide des conditions générales du contrat risque donc d’induire l’assuré en erreur sur l’étendue de la garantie qu’il souscrite.

1289 – Diversité des conditions d’accès au contrat. – La souscription d’un contrat d’assurance dépendance n’est pas libre. Elle est doublement conditionnée.

D’une part, il existe des conditions tenant à l’âge du candidat à l’assurance. Les assureurs prévoient non seulement un âge limite, au-delà duquel il n’est plus possible de souscrire ce type de contrat, généralement compris entre soixante-quatorze et soixante-dix-sept ans, mais aussi un âge en deçà duquel le candidat à l’assurance ne peut pas s’assurer, la plupart du temps entre quarante-cinq et cinquante ans. Si l’on comprend l’idée d’un « âge plafond », justifié par le fait que les personnes âgées sont plus exposées au risque de dépendance, l’instauration d’un « âge plancher » laisse davantage perplexe dans la mesure où il apparaît en contradiction manifeste avec les incitations faites à nos concitoyens d’anticiper au plus tôt le risque d’une éventuelle dépendance. En tout état de cause, et sans surprise, plus l’assuré souscrit tard, plus le risque de devenir dépendant est important et plus le montant des cotisations est élevé.

D’autre part, il peut exister des conditions tenant à l’état de santé du candidat à l’assurance. En effet, si les contrats d’assurance collectifs à adhésion obligatoire ne peuvent imposer aucune sélection médicale des adhérents, en revanche, en présence d’une souscription à un contrat individuel ou à un contrat collectif facultatif, il peut être demandé de répondre à un questionnaire de santé, au besoin complété par un examen médical. En fonction des résultats à ces questionnaires et/ou examens, le médecin-conseil de l’assureur décide d’accepter ou non la souscription. Cette sélection médicale des assurés dépendance lors de la souscription du contrat est réelle, ainsi qu’en atteste le taux de refus opposé par les assureurs, de l’ordre de 15 % à 20 %345.

B/L’inefficacité des contrats d’assurance dépendance

1290 – Plan. – Certaines stipulations contractuelles peuvent venir contrarier, d’une part, la mise en œuvre de l’assurance dépendance, alors même que la réalisation du risque est reconnue par l’assureur (I) et, d’autre part, la pérennité des garanties souscrites (II).

I/ Les obstacles à la mise en œuvre de l’assurance

1291 – Délai de carence. – C’est le cas, tout d’abord, de la stipulation d’un délai de carence, pendant lequel l’assuré n’est pas garanti en cas de dépendance. Il démarre à la date d’effet de la souscription (ou de l’adhésion pour les contrats collectifs) et sa durée est définie par le contrat346. En cas de dépendance d’origine accidentelle postérieure à la souscription (ou à l’adhésion), il n’y a pas de délai de carence et les garanties du contrat sont acquises immédiatement. En revanche, si la dépendance est consécutive à une maladie de l’assuré, elle n’est pas couverte si elle survient immédiatement après la souscription du contrat. Les délais de carence, sensiblement uniformes quel que soit l’assureur, sont compris entre trois ans en cas de dépendance consécutive à une maladie neurodégénérative (maladie d’Alzheimer, sclérose en plaques, maladie de Parkinson, etc.) à un an pour toute autre maladie. Si, durant la période de carence, l’assuré déclare une dépendance consécutive à une maladie, les contrats prévoient le remboursement des cotisations versées.

Exemple

Une personne déclare une maladie de Parkinson vingt-six mois après avoir signé son contrat. L’assureur ne lui versera ni rente ni capital ; il résiliera son contrat et la remboursera de ses cotisations.

1292 – Délais de franchise. – C’est le cas ensuite de la stipulation de délais de franchise. Il s’agit d’un délai d’attente imposé par l’assureur entre la reconnaissance de la réalisation du risque et le versement des prestations prévues au contrat. Durant ce délai, qui est en général de trois mois, l’assureur ne verse pas les prestations convenues au contrat, alors même que l’état de dépendance est déclaré347. Les assureurs justifient la stipulation d’un délai de franchise en expliquant que l’assurance dépendance a pour objet la prise en charge de personnes qui entrent dans un risque pour plusieurs années, en les accompagnant dans leur maintien à domicile ou dans leur suivi en établissement. Elle n’a pas donc pas vocation, selon eux, à couvrir la très courte période de fin de vie. Il n’en reste pas moins que ce délai de franchise est particulièrement difficile à admettre pour l’assuré. On peut imaginer que la reconnaissance par l’assureur de son état de dépendance ne sera pas immédiate, mais prendra plusieurs mois. La stipulation d’un délai d’attente supplémentaire pour percevoir la rente prévue au contrat sera donc mal vécue, d’autant plus que lors de son entrée en dépendance, l’assuré devra faire face à de nombreux frais, notamment d’adaptation de son logement à sa nouvelle situation.

1293 – Exclusions de garantie. – C’est le cas enfin des exclusions de garantie, qui permettent aux assureurs de conditionner la prise en charge de la dépendance de l’assuré au respect par ses soins de certaines règles de prudence, plus ou moins élémentaires348. Ainsi les assureurs ne garantissent pas les maladies et accidents consécutifs à la prise d’alcool, de stupéfiants ou de médicaments non prescrits à l’assuré. De même, certains contrats excluent les conséquences de la pratique de certains sports à risque. L’incidence de telles stipulations est importante : dès lors que le sinistre intervient dans une hypothèse visée par une exclusion de garantie, l’assureur ne sera pas tenu de verser la prestation convenue au contrat. Il convient donc pour les candidats à l’assurance d’être particulièrement vigilants au contenu des exclusions conventionnelles de garanties énumérées aux conditions générales des contrats proposés, le principe étant que tout ce qui n’est pas exclu est garanti.

II/ Les obstacles à la pérennité des garanties souscrites

1294 – Des zones d’ombre. – Le souscripteur d’un contrat d’assurance dépendance ignore, lorsqu’il souscrit, dans quel délai sa mise en œuvre interviendra, et même si elle interviendra un jour : l’opération d’assurance est aléatoire, ce qui est dans sa nature profonde. Mais, plus étonnamment, des zones d’ombre supplémentaires entourent spécifiquement le contrat d’assurance dépendance, lequel peine ainsi à apparaître comme une opération pérenne aux yeux des souscripteurs.

1295 – Absence de certitudes concernant la tarification future. – La tarification future des contrats est teintée d’incertitudes, dans la mesure où la cotisation fixée à l’origine peut, en cours de contrat, être revalorisée en application des dispositions contenues au contrat, ou encore être révisée en application des principes gouvernant la modification du contrat d’assurance. Dans les faits, la plupart des assureurs prévoient une clause qui leur permet d’augmenter leur cotisation si le contrat n’est plus rentable. Résultat des courses : les cotisations peuvent s’envoler, au grand dam du souscripteur. Et c’est bien ce qui s’est produit dans un passé récent sur certains contrats, qui ne sont plus commercialisés aujourd’hui, avec des hausses de 5 % à 10 % par an. Certes, l’assuré est libre de les accepter ou pas, mais en cas de refus ses garanties diminuent alors dans les mêmes proportions.

1296 – Absence de revalorisation automatique du montant de la rente. – Le montant de la prestation garantie – la plupart du temps une rente – est déterminé lors de la conclusion du contrat, c’est-à-dire des années avant sa mise en œuvre, en fonction du coût actuel de la dépendance. Ni l’assureur ni l’assuré ne peuvent, à la souscription du contrat, maîtriser l’évolution ultérieure du coût de la dépendance. Au jour de la mise en œuvre du contrat, l’inflation risque donc d’avoir déprécié la valeur de la prestation initialement convenue au contrat, qui ne correspondra peut-être plus aux besoins de l’assuré pour faire face à la situation de perte d’autonomie à laquelle il sera confronté.

Certes, les contrats actuellement présents sur le marché prévoient une revalorisation de la rente définie au contrat, mais – pour la très grande majorité d’entre eux – seulement à compter de la prise d’effet de son versement, en fonction d’un indice lui-même prévu au contrat (indice du coût de la vie, valeur du point Arrco ou Agirc, etc.). Ainsi, au jour de la prise d’effet du contrat, la rente servie par l’assureur est celle fixée initialement, au moment de la souscription. Si le montant de cette rente est alors devenu, par l’effet de l’inflation, dérisoire par rapport au coût réel de la dépendance, il reste néanmoins figé tel que fixé au contrat, bien des années plus tôt.

Ainsi l’assuré qui souscrit très tôt, pensant se prémunir au mieux contre une éventuelle perte d’autonomie, risque de voir ses efforts de cotisation réduits à peu de chose si les prestations convenues initialement ne sont pas en adéquation avec le coût actuel de la dépendance, au moment du dénouement du contrat.

Afin de garantir aux souscripteurs jeunes des prestations adaptées, au jour de la mise en œuvre du contrat, au coût réel de la dépendance, il est nécessaire que le législateur mette en place un système de revalorisation ou d’indexation des prestations convenues avant la réalisation du risque dépendance.

1297 – Absence de portabilité des contrats. – Aujourd’hui, le marché se caractérise par l’absence de portabilité des droits des assurés dépendance, qui exclut que l’assuré puisse transférer son contrat en cours, pour l’avenir, chez un autre assureur, en conservant le bénéfice des cotisations déjà versées. Il en résulte concrètement, qu’une fois souscrit, il est impossible de changer de contrat – même au sein d’une même compagnie – sans perdre tout ou partie des droits acquis. La faculté pour les assurés de transférer les droits qu’ils détiennent au titre d’un contrat d’assurance dépendance permettrait une meilleure concurrence entre les assureurs, au bénéfice des assurés. Pour lors, le principal obstacle à l’introduction de cette portabilité réside dans la diversité des caractéristiques des contrats distribués.

1298 – Conclusion sur l’assurance dépendance. – Au fil des années, les compagnies d’assurances ont modernisé leur offre en matière d’assurance dépendance et ont revu leurs garanties et prestations : les premiers produits commercialisés dans les années 1990 couvraient uniquement la dépendance totale, alors que ceux proposés à partir de début 2000 intégraient aussi la dépendance partielle et que, depuis la décennie 2010, les contrats proposent des prestations de services et d’assistance élargies, qui répondent à une demande des personnes vulnérables qui ne se limite plus à des considérations seulement financières, mais aussi à des aides en nature au quotidien.

En dépit de ces évolutions, on constate que le marché de l’assurance dépendance, certes en développement, souffre d’un manque de lisibilité et d’homogénéité des produits qui, à tout le moins, limite la confiance que les souscripteurs peuvent avoir, quand elle ne les décourage pas d’opter pour ce type de contrat.

S’agissant de la souscription du contrat, les difficultés liées à l’absence de définition du risque dépendance et à la variabilité des définitions du niveau de dépendance couvert par les contrats ont été signalées. Si l’on peut saluer la création du label GAD, il n’en demeure pas moins que la plupart des contrats demeurent complexes et abscons, source de confusion pour l’assuré349.

S’agissant de la mise en œuvre du contrat, on constate que les litiges entre assureurs et assurés sont de plus en plus fréquents. Bien plus, la difficulté à faire jouer les garanties souscrites, les contentieux constatés relatifs à la date de reconnaissance de l’état de dépendance de l’assuré350, l’envolée potentielle des primes, les délais de carence et de franchise entraînent de sérieuses déceptions chez les assurés en même temps qu’ils constituent autant de signes négatifs envoyés aux souscripteurs potentiels.

On sait que le rapport Libault sur le grand âge et l’autonomie, tout en affirmant que le financement privé de la dépendance, notamment par la généralisation d’une assurance dépendance obligatoire, ne constituait pas une solution à privilégier, a cependant souligné qu’il convenait d’accompagner la maturation de ce marché en mettant en place un cadre clair et homogène pour ces contrats afin de sécuriser les souscripteurs et favoriser leur développement351. Plusieurs propositions, attendues, auxquelles on ne peut que souscrire, ont été formulées dans cette optique. Afin de faire émerger un standard de la couverture dépendance, il a été proposé d’inciter les organismes complémentaires à inclure certaines garanties dans les contrats d’assurance dépendance et des mécanismes de revalorisation clairs permettant d’éviter l’érosion du pouvoir d’achat de la rente. Le rapport incite, par ailleurs, les assureurs à mettre en place une meilleure continuité et une plus forte transférabilité des droits acquis dans le cadre de couvertures viagères, à harmoniser les référentiels de perte d’autonomie et à encadrer les pratiques de gestion de l’antisélection, et notamment des pratiques de sélection médicale. Enfin, le rapport souligne que le renforcement de l’attractivité des produits d’assurance contre la perte d’autonomie, aujourd’hui insuffisante, peut passer par la généralisation de services d’assistance dans le cadre de ces contrats, lesquels pourraient être mobilisables dès la souscription dudit contrat (aide psychologique, information, assistance téléphonique, etc.)352.

Enfin, il convient d’inviter les assureurs à délivrer une information pédagogique et synthétique afin de rappeler le contenu des garanties couvrant spécifiquement des affections neurodégénératives, tout particulièrement quand les assurés dépassent l’âge de soixante-dix ans. Il s’agit ainsi d’éviter, ce qui risque d’arriver de plus en plus fréquemment avec le vieillissement de la population, que l’assuré atteint d’une affection neurodégénérative n’ait plus en mémoire l’existence d’une garantie, dont ses proches ignorent l’existence, avec le risque évident pour ces derniers de ne pas faire jouer le bénéfice de l’assurance souscrite ou, à tout le moins, de ne déclarer la perte d’autonomie que tardivement.

Il s’agit là de quelques pistes destinées à donner un nouvel élan à l’assurance dépendance, lesquelles constituent autant de défis que les assureurs devront s’atteler à relever, car derrière ces contrats, que certains pourraient appréhender à l’aune d’une analyse purement commerciale, se cache un enjeu sociétal national où l’assurance est appelée à tenir un rôle prépondérant. Destinés à une personne appelée à devenir vulnérable, ces contrats doivent être plus protecteurs. Pour ce faire, il convient, sans ambiguïté, de mettre en place des règles qui en facilitent l’accès et en garantissent l’exécution lorsque le risque survient, ce qui suppose, à l’évidence, une volonté chez les promoteurs de l’assurance dépendance de véritablement jouer le jeu.

§ II – Le contrat d’assurance-vie avec option dépendance

1299 – La teneur de l’option. – Les assureurs ont développé ces dernières années, pour concilier l’attraction des Français pour l’assurance-vie et la nécessité de développer des garanties dépendance, de nouveaux contrats d’assurance-vie teintés de dépendance. Cette intégration de la dépendance au contrat d’assurance-vie prend la forme d’une simple « option dépendance » que le souscripteur peut adjoindre à son contrat.

Cette option peut concerner aussi bien des contrats d’assurance de capital différé que des contrats d’assurance de rente353.

Dans les contrats d’assurance de capital différé, l’assureur s’engage au versement d’un capital à l’assuré, s’il est vivant au terme du contrat. Mais, à cette garantie principale, s’ajoute pour l’assuré la faculté de souscrire une option dépendance qui lui permettra, s’il devient dépendant en cours de contrat, d’obtenir la conversion du capital garanti en une rente viagère. À la différence des contrats d’assurance dépendance, la rente ici versée en cas de dépendance n’est donc pas déterminée à la souscription du contrat : elle sera définie au moment de la mise en œuvre de l’option dépendance, et sera fonction de l’épargne accumulée jusque-là. Ainsi, si le souscripteur devient dépendant, il peut à son choix demander la mise en œuvre de son option dépendance et bénéficier du versement d’une rente viagère, ou poursuivre le contrat d’assurance-vie, en effectuant par exemple des rachats. Il est à noter qu’une fois l’option dépendance mise en œuvre, le souscripteur ne peut revenir sur son option : le capital est définitivement acquis à l’assureur, l’assuré ne pouvant plus effectuer de rachat. De plus, le capital étant définitivement acquis à l’assureur, le jeu de la garantie dépendance est exclusif de celui de la garantie décès : dès lors que le souscripteur bénéficiera de l’option dépendance, aucun capital ne sera versé au bénéficiaire, puisque aucune épargne disponible ne figurera au contrat. Bien évidemment, la définition de la dépendance retenue au contrat doit retenir particulièrement l’attention du souscripteur, puisqu’à l’instar des contrats d’assurance dépendance, la notion de dépendance est variable suivant le contrat envisagé. De même, l’accès à l’option dépendance est enfermé dans des conditions d’âge et de santé comparables à celles envisagées au titre des contrats prévoyance dépendance.

Dans les contrats d’assurance de rente, la souscription de l’option dépendance permettra à l’assuré de voir le montant des arrérages de la rente principale prévue au contrat majoré (en général doublé) en cas de dépendance. Là encore, le montant de la rente servie dépendra du montant de l’épargne accumulée sur le contrat au moment de la mise en service de la rente ; il ne sera donc pas déterminé dès la conclusion du contrat. À la différence des contrats de capital différé, les contrats d’assurance de rente ne comportent pas de valeur de rachat. En conséquence, le souscripteur qui devient dépendant aura « seulement » droit au versement de la rente convenue. Il convient donc ici d’être encore plus vigilant à la définition de la dépendance retenue au contrat, puisque si la dépendance qui touche le souscripteur n’est pas celle définie au contrat, il ne bénéficiera pas de la rente convenue et ne pourra en aucun cas mobiliser son contrat par un rachat ou une avance pour faire face au coût de la dépendance. Par ailleurs, et là encore par opposition à l’option dépendance insérée dans les contrats d’assurance-vie de capital différé, celle incluse dans les contrats d’assurance de rente n’est pas exclusive du versement de la garantie décès aux bénéficiaires désignés par le souscripteur. Cependant, le montant des arrérages de rente servis au souscripteur sera déduit du capital convenu au contrat en cas de décès de l’assuré.

1300 – L’intérêt de l’option. – Ce type de contrat s’adresse aux épargnants souhaitant profiter de tous les avantages de l’assurance-vie tout en prévenant (via l’option) une éventuelle future perte d’autonomie. En effet, contrairement à l’assurance dépendance, les versements effectués dans un contrat d’assurance avec option de dépendance ne se font pas à fonds perdu. Si la dépendance ne se révèle pas, le capital épargné reste la propriété de l’assuré. Cet aspect de produit d’épargne est séduisant pour le souscripteur : le contrat d’assurance-vie lui permettra non seulement d’épargner un capital en vue de faire face à son entrée en dépendance, mais également, si la dépendance ne survenait finalement pas, de transmettre le capital ainsi accumulé aux bénéficiaires de son choix.

Souscrire un contrat d’assurance-vie avec une option de ce type peut donc être une bonne solution. Mais attention, l’option dépendance des contrats d’assurance-vie ne fonctionne, dans la majorité des cas, qu’en cas de dépendance totale, et ne couvre pas, contrairement aux contrats d’assurance dépendance, les cas de dépendance partielle. De plus, aucun volet assistance n’est intégré, à l’instar de ce « petit plus » qui existe dans la plupart des contrats de prévoyance dépendance.

De facto, l’option dépendance s’adresse aux personnes qui disposent d’une véritable capacité d’épargne. En effet, non seulement le recours à ce type de contrat suppose le versement, dès la souscription, d’un capital minimum souvent conséquent, qui le rend difficilement accessible mais, plus encore, pour que la rente – même majorée en cas de perte d’autonomie – soit suffisante pour financer le coût de la dépendance éventuelle, il faudra que le contrat soit bien garni au moment de la sortie. De ce fait, l’option dépendance d’une assurance-vie se destine principalement aux personnes plutôt « jeunes » (40/50 ans) qui auront le temps et les moyens de constituer un capital important sur leur contrat d’assurance-vie, et qui acceptent que la sortie se fasse nécessairement en rente. Rajoutons que ce type de contrat affiche souvent des frais de gestion élevés.

Section II – Les ressources tirées du logement

1301 – L’aliénation pure et simple du logement. – En l’absence de patrimoine financier ou en complément de la mobilisation de celui-ci, la personne prévoyante, lorsqu’elle est propriétaire de bien(s) immobiliers(s), peut utiliser le(s)dit(s) bien(s), afin de disposer à terme d’un complément de revenus, qui pourra s’avérer indispensable pour financer une éventuelle dépendance. Au sein de ce patrimoine immobilier, on le sait, c’est très généralement le logement familial qui constitue le bien représentant le plus de valeur. Occupé, ce logement ne procure aucun revenu à son propriétaire. Bien plus, au fil de temps, il risque de devenir inadapté aux besoins de ce dernier. C’est pourquoi, dans la perspective d’une éventuelle vulnérabilité, certains estiment que le logement ne doit plus être un simple capital dormant et un lieu de vie, mais devenir une source de liquidités pour son propriétaire. Dans cette froide logique, la première solution consiste pour celui-ci à vendre son logement. Ce choix peut tout d’abord être guidé par la volonté de se procurer les ressources lui permettant de financer soit l’achat ou la location d’un logement plus adapté et plus fonctionnel, aux charges plus restreintes, soit le coût d’un futur placement dans un établissement de santé ou de retraite. Il peut s’agir également, dans une perspective plus psychologique, de fuir parfois le sentiment de solitude et de faire le choix d’un logement collectif pour se sentir plus entouré. Enfin, il peut être guidé par la volonté de soulager les proches aidants d’une charge devenue trop lourde. Il reste que l’opération implique, tout au moins à court terme, de devoir louer un nouveau toit et donc d’imposer au vendeur de nouvelles charges financières et de nouvelles contraintes de gestion. Surtout, on connaît l’attachement des Français à la pierre, et plus particulièrement à leur résidence principale. De nombreuses études et sondages le confirment régulièrement354. Ce constat se trouve renforcé en présence de personnes fragilisées. On songe ici aux personnes qui souffrent d’un handicap, mais aussi aux seniors. Très souvent, le logement est un lieu qui reflète le parcours de vie de chacun. Pour beaucoup de personnes âgées, il devient le miroir de leur personnalité et leur procure un sentiment de bien-être. En vieillissant, la personne restreint son champ d’action en le limitant à un espace qu’elle peut maîtriser grâce à des repères renforcés par le temps. Ainsi l’environnement du domicile, imprégné de l’histoire individuelle, les rapports avec le voisinage, la connaissance des commerçants distillent un sentiment de sécurité. Outre qu’il peut représenter pour certains l’investissement de toute une vie, ce bien constitue ainsi un cocon rassurant que les propriétaires, en vieillissant, souhaitent très souvent conserver.

1302 – La conservation du logement. – Celui qui ne se résout pas à vendre son logement, mais qui souhaite cependant optimiser cet élément de son patrimoine afin de s’assurer une sérénité financière jusqu’à la fin de sa vie, dispose de plusieurs options. Il peut, tout d’abord, en envisager la location. Tout dépend alors si la configuration matérielle du bien s’y prête et, s’agissant de son logement, si cette personne est attachée ou non à son cadre de vie. S’il peut séduire par sa simplicité, il n’est pas certain que, l’âge avançant, l’investissement locatif constitue toutefois le procédé le plus serein afin de se procurer des revenus complémentaires. La perspective de devoir gérer, en état de faiblesse, des rapports parfois compliqués avec les locataires peut clairement rebuter les candidats éventuels. Deux autres options s’offrent alors à la personne prévoyante. La première consiste à aliéner son logement, tout en conservant le droit d’y vivre (Sous-section I). La seconde, de prime abord encore plus protectrice que la précédente, consiste à se procurer des liquidités grâce à son logement, tout en conservant la propriété de celui-ci. Cette solution, idéale sur le papier, porte un nom : c’est le prêt viager hypothécaire (Sous-section II).

Sous-section I – La vente du logement

1303 – La vente avec réserve du droit d’usage. – Désireuse de conserver son cadre de vie, la personne qui souhaite cependant anticiper et financer son éventuelle dépendance peut décider de vendre son logement, avec une réserve d’usufruit ou de droit d’usage et d’habitation, à son seul profit ou en prévoyant une réversibilité au profit d’un tiers. La vente d’un droit démembré de propriété n’appelle pas d’observations particulières, si ce n’est que l’on peut simplement souligner qu’elle est souvent conçue dans un cadre familial ou au profit d’institutionnels qui se sont spécialisés dans ce type d’opération. Il est possible d’aller plus loin. Il s’agit alors, par le biais de contrats particulièrement adaptés à la vulnérabilité, tout à la fois de vendre son logement, d’y demeurer et d’obtenir, en sus, une aide pécuniaire ou en nature. Sont ici visées, d’une part, la vente en viager (§ I) et, d’autre part, la vente contre soins (§ II).

§ I – La vente en viager

1304 – L’intéressante option pour un viager occupé. – Encadrée par le Code civil aux articles 1968 à 1983, la vente d’un bien immobilier « en viager » est un contrat par lequel une personne, le crédirentier, vend un bien à une autre personne, le débirentier, moyennant la conversion du prix en l’attribution immédiate d’une somme d’argent et/ou d’une rente viagère périodique.

Si la vente en viager est une vieille institution, en apparence un peu poussiéreuse avec ses textes datant, pour la plupart d’entre eux, de 1804, elle n’en constitue pas moins une solution efficace pour répondre aux besoins de vie des personnes âgées qui ne disposent que de revenus limités, avec un patrimoine modeste, consistant essentiellement dans l’immeuble d’habitation qu’elles occupent. Le plus souvent, dans cette optique, elle prend la forme non pas d’un « viager libre »355, mais plutôt celle d’un « viager occupé », laquelle consiste pour le vendeur à vendre la seule nue-propriété du bien ou à se réserver un droit d’usage et d’habitation. L’opération lui permet ainsi de conserver son lieu de vie, tout en se délestant de certaines dépenses telles que les gros travaux et la taxe foncière, puisqu’il n’est plus tenu que des charges dites « locatives ».

Elle constitue au surplus une source de financement non négligeable. Cette source peut être duale. Relevant du consensualisme des parties, le paiement du prix de vente est converti le plus souvent, d’une part, en un paiement comptant dit le « bouquet », offrant ainsi au vendeur une source de trésorerie à court terme d’un montant représentant généralement 10 % à 30 % du prix de vente de l’immeuble, suivant l’âge du vendeur, et, d’autre part, en un versement régulier d’une rente du vivant du vendeur, dite « arrérage », lequel contribue à créer une source de revenus complémentaires pour la personne âgée visant à faire face au coût de sa dépendance. Bien évidemment, afin que le vendeur conserve une équivalence de revenus en dépit de l’écoulement du temps, la rente doit être indexée. Le bouquet n’a rien d’obligatoire et le prix peut être entièrement constitué d’une rente viagère. Toutefois, en pratique, le vendeur aura souvent besoin de ce capital, qu’il s’agisse de vouloir le transmettre à sa famille ou d’en faire un usage personnel. Dans cette dernière optique, le capital ainsi perçu est souvent utilisé pour les besoins d’adaptation de son logement, mais il peut également servir à des investissements ou à une épargne de précaution, que le manque de moyens n’a pas permis de réaliser jusqu’alors356.

Si elle jouit d’indéniables attraits pour le vendeur, la vente en viager présente également des intérêts pour l’acquéreur : d’une part, parce qu’en présence d’une réserve de jouissance il achète souvent moins cher et, d’autre part, car son financement s’en trouve facilité dans la mesure où il ne verse pas la totalité du prix au jour de la signature et s’évite la recherche parfois difficile d’un crédit bancaire. Et puis, il ne faut pas s’en cacher, se dessine généralement chez lui, en filigrane, l’espoir, discret et inconvenant, de faire une bonne affaire.

1305 – Régime juridique de la vente en viager. – Ce contrat ayant déjà fait l’objet d’une analyse complète tant par la troisième commission du 102e Congrès des notaires de France que par la deuxième commission du 113e Congrès des notaires de France, il est inutile de s’appesantir, une nouvelle fois, sur son régime, dont on se contentera ici de rappeler très brièvement les caractéristiques essentielles.

Parce qu’il s’agit d’une vente immobilière à part entière, et en dépit des spécificités attachées à sa forme de règlement, l’opération répond à un régime juridique semblable au droit commun de la vente, qu’il s’agisse des conditions de validité et de forme, des droits de préemption applicables au bien vendu, de l’exigence de la forme notariée ou encore des garanties applicables. Sa fiscalité est également celle applicable à une vente traditionnelle357.

Son originalité, on le sait, tient au caractère aléatoire, fondamental, qui est le sien. Cet aléa est lié à la durée de vie du vendeur, véritable clé de voûte de l’opération, laquelle est naturellement incertaine, ce qui ne permet pas à ce dernier de savoir si, par la perception des arrérages, il recevra finalement la valeur de l’immeuble qu’il cède. Elle peut être longue, elle peut être courte. De son côté, l’acquéreur débirentier s’engage à verser la rente pour une durée indéterminée, peut-être brève, le rendant gagnant, peut-être longue, fort longue, le rendant perdant par rapport à la valeur de l’immeuble qu’il acquiert par ce biais358. Entre espoir de gain et risque de perte, cette variable aléatoire constitue la spécificité de ce type de vente laissant entrevoir l’opportunité de réaliser pour chacune des parties une bonne opération.

1306 – La délicate fixation du juste prix du viager. – Sur un terrain technique, l’une des difficultés majeures soulevées par le viager a trait aux modalités de fixation du taux de la rente. Faut-il rappeler, en effet, qu’il n’y a pas de méthode légale de calcul de la rente viagère, l’article 1976 du Code civil énonçant simplement qu’elle « peut être constituée au taux qu’il plaît aux parties contractantes de fixer ». En l’absence de barème, « chaque praticien y va donc de son idée, de sa formule, de son calcul »359 en maniant, à sa guise, non seulement l’espérance de vie du vendeur, la valeur du bien, son taux de rendement, mais aussi la valeur économique ou fiscale de la réserve de jouissance. Moralité, les prix de la rente fluctuent d’un professionnel du viager à un autre sans réelle justification et l’on sait, par ailleurs, que le Conseil supérieur du notariat, constatant ce chahut, a proposé sa propre méthode que les notaires mettent en œuvre à peu près systématiquement. Les incidences de ces divergences ne sont pas à négliger. Au plan civil, un calcul erroné ou contestable peut entraîner l’annulation de la vente pour défaut d’aléa ou sa remise en cause sur le terrain de la simulation. Sur le plan fiscal, un tel calcul peut engendrer un redressement en matière de droits d’enregistrement lors de l’acquisition, voire une requalification de l’opération sur le terrain de l’abus de droit (LPF, art. L. 64), une contestation au titre des plus-values lors de la revente, ou la remise en cause des droits de succession au titre de la taxation d’une réversion de rente ou de la déduction du passif constitué par la rente. Tout ceci est regrettable, a fortiori si l’on songe que la pression dans ces négociations ouvertes pèse le plus souvent sur la partie la plus vulnérable.

Aussi la grande liberté laissée aux parties, orientée de manière relativement désordonnée par les professionnels du viager, mériterait-elle sans nul doute un encadrement. L’établissement d’un mode de calcul général et uniforme de la rente viagère, servant ainsi de grille de référence serait de nature à permettre au marché du viager de gagner en lisibilité et en équité360. Les pratiques éprouvées pourraient servir à l’élaboration de cette méthode, qui aurait l’avantage d’être réglementée, tout en restant supplétive de la volonté des parties. Muni de ce barème unique, le notaire pourrait sécuriser la vente, tant sur le plan civil en matière d’aléa que sur le terrain fiscal en matière d’assiette des différents impôts et taxes.

Majoration de la rente en cas de libération anticipée

Dans le cadre de la vente en viager occupé, et alors même qu’il dispose d’un droit d’usufruit ou d’un droit d’usage et d’habitation sa vie durant, le crédirentier peut être contraint de quitter le logement de manière impromptue, notamment pour des raisons de santé. Cette faculté de quitter les lieux par anticipation doit être organisée ab initio, c’est-à-dire au moment de la vente. À défaut, la situation est susceptible de se révéler préjudiciable à l’un comme à l’autre puisque le vendeur, demeurant officiellement titulaire de son droit démembré de propriété, devrait continuer à supporter les charges courantes du bien, tandis qu’il devrait subvenir en sus aux frais de sa nouvelle installation, alors que l’acquéreur, de son côté, ne pourrait pas prendre possession du bien qu’il a acquis. Aussi, pour éviter cette situation doublement fâcheuse, le rédacteur de l’acte de vente doit-il prendre le soin de prévoir la faculté, sous certaines conditions, de majorer le montant de la rente initiale en contrepartie de l’abandon de son droit de jouissance par son titulaire. Pour éviter toute source de conflit, le contrat doit définir avec précision les modalités de cette révision du contrat, tant en ce qui concerne le montant de la rente revalorisée que les modalités de la libération anticipée. À ce propos, il convient de rappeler que le non-usage du bien par le crédirentier ne vaut pas renonciation à ce droit. Partant, le crédirentier qui souhaite user de son droit à renoncer à la jouissance du bien devra exprimer de manière non équivoque sa volonté de quitter les lieux et informer le débirentier de la date de remise des clés, et par corrélation le moment où la majoration de la rente trouvera à s’appliquer.

1307 – Un marché relativement confidentiel. – Si le marché de la vente en viager connaît de nos jours un regain d’intérêt, il demeure toutefois relativement restreint361. Les différents freins limitant le développement en France de ce type d’opération sont connus. Cela commence par la mauvaise réputation qui l’accompagne. On lui reproche traditionnellement un caractère spéculatif sur la mort du vendeur et l’opposition frontale d’intérêts qu’elle organise. Rarement l’intérêt du vendeur sera celui de l’acquéreur, et si l’affection familiale qui peut parfois les réunir parvient à estomper cet antagonisme, celui-ci existe toujours à l’état latent. Au-delà, cette vente complexe peut présenter des inconvénients et des risques, dont il convient d’avoir conscience, principalement en raison de l’aléa qui l’affecte.

Chez le vendeur, outre un montant de rente souvent décevant et une fiscalité importante, il existe parfois ce sentiment diffus et mal vécu de ne rien transmettre à ses héritiers et par conséquent de les exhéréder de fait, pour des préoccupations personnelles de fin de vie et de confort. Surtout, ce sont les risques liés à l’insolvabilité de son acquéreur qui peuvent rebuter le vendeur. Il ne faut pas omettre que la réussite de cette stratégie comme mode de financement de sa dépendance est étroitement liée aux facultés contributives de l’acheteur. C’est pourquoi, à l’évidence, celui-ci doit être sélectionné avec minutie par le vendeur. Il n’en reste pas moins qu’il est toujours quelque peu divinatoire d’évaluer convenablement la solvabilité dans le temps de l’acquéreur, lequel n’est jamais à l’abri d’un changement de situation personnelle, familiale ou professionnelle, obérant des facultés contributives, d’apparence solides. Pour rassurer des propriétaires inquiets à l’idée de devoir supporter l’impayé de la rente, le rédacteur de l’acte prend très généralement le soin d’insérer une clause résolutoire, assortie d’une clause pénale, mais cette sanction couperet n’est qu’un pis-aller en ce qu’elle aboutit à l’anéantissement du contrat, la solution idoine étant d’obtenir des garanties de paiement qui permettront au vendeur de continuer à percevoir régulièrement les arrérages sur lesquels il compte362.

Chez les acheteurs potentiels, ce sont avant tout les incertitudes économiques inhérentes à cette opération qui constituent leur principale source de réticence. Comme tout contrat aléatoire, le risque est l’essence même de ce contrat et il pèse particulièrement sur l’acquéreur qui peut se retrouver – à une époque où l’espérance de vie augmente régulièrement chaque année – à payer bien plus que ne vaut le bien acquis. L’exemple de la maison de Jeanne Calment décédée à l’âge de cent vingt-deux ans illustre, si besoin en était, l’impossible détermination à l’avance du coût final de l’achat. Quand on sait que le surplus de la rente, comme les travaux et charges diverses, seront à sa charge jusqu’au décès du crédirentier (voire du survivant du crédirentier, en cas de réversion de la rente), avec le risque de la résolution de la vente et de la clause pénale en cas de simple incident, on perçoit la difficulté à séduire un potentiel acquéreur. Dans les faits, on constate du reste un déséquilibre manifeste entre l’offre et la demande : les vendeurs étant trois à quatre fois plus nombreux que les acheteurs potentiels.

1308 – Un marché en mouvement. – Cette inquiétude des vendeurs à faire face à la défaillance de leurs acquéreurs, mais également celle de ces derniers d’avoir à payer au-delà de l’espérance de vie théorique du vendeur, freinent le marché de la vente en viager. L’idée a donc été lancée de traiter différemment le viager. Ces dernières années, deux nouvelles formes de viager sont ainsi apparues, destinées à donner un nouveau souffle à ce type d’opération.

On songe, d’une part, au viager mutualisé, dont la différence notable avec le viager classique se trouve non pas du côté du vendeur, mais du côté de l’acheteur, ou plutôt, pour être plus juste, « des » acheteurs, dans la mesure où le viager mutualisé consiste à faire l’acquisition de plusieurs biens immobiliers en viager en mutualisant les ressources financières de plusieurs personnes à la fois. Concrètement, un groupement d’acquéreurs s’unit via un fonds d’investissement ou plus simplement via une société civile immobilière. Le fonds ou la société fait l’acquisition de plusieurs logements en viager. Un bouquet est remis au vendeur ainsi qu’une rente mensuelle. Une fois le vendeur décédé, le fonds ou la société doit obligatoirement céder le bien immobilier et le groupe d’acheteurs peut alors percevoir ses bénéfices. Le viager est ici abordé comme un produit de placement plutôt que comme un achat stricto sensu dans la mesure où les acquéreurs ne deviennent pas propriétaires des biens acquis mais détiennent des parts dans un fonds ou une société, avec en ligne de mire la possibilité d’enregistrer une plus-value intéressante à la revente. Ce type de viager est avantageux pour le vendeur, car le paiement de la rente est assuré par un groupe d’investisseurs, ce qui augmente la fiabilité du contrat. Du côté des acheteurs, l’achat mutualisé en viager limite les risques inhérents à l’aléa irréductiblement attaché au viager classique, tout en constituant une formule de placement que l’on peut espérer rentable.

Il s’agit, d’autre part, du viager intermédié lancé en 2014 par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Conscient que la vente en viager répond au besoin de compléments de revenus des personnes âgées, auxquelles il s’agit de redonner du pouvoir d’achat, la CDC a eu l’idée de « stimuler et sécuriser » le marché du viager en France par « des standards de qualité élevés » et « une exigence forte en matière de qualité ». Dans cette optique, associée à plusieurs investisseurs institutionnels363, la CDC a constitué le Fonds viager Certivia dédié à l’achat et à la gestion de biens immobiliers en viager. Ce fonds investit exclusivement dans l’acquisition de biens immobiliers en viager occupé, situés en France (Paris, Île-de-France, région Paca, grandes métropoles régionales) auprès de vendeurs âgés de plus de soixante-dix ans. À l’instar d’un viager classique, un bouquet et une rente à vie sont versés au vendeur. À son décès ou s’il quitte le bien prématurément, celui-ci est mis en vente, le schéma excluant la location des biens. Il s’agit par ce biais de sécuriser le vendeur dans son projet. Traitant avec des investisseurs institutionnels de référence, présentant une solidité financière très forte, il n’a pas à s’inquiéter des risques d’impayés inhérents au viager classique. Le vendeur bénéficie en outre d’un accompagnement et d’un suivi personnalisé, assurés par une équipe technique et des conseillers experts dédiés.

L’indispensable intervention publique au développement du viager

Conscient du potentiel du viager pour contribuer au financement de la perte d’autonomie, le rapport Libault sur le grand âge et l’autonomie a souligné que les pouvoirs publics devaient encourager et encadrer le développement de ce type de contrat, y compris dans ces formes innovantes364. Dans cette optique, plusieurs propositions ont été formulées :

la création d’un observatoire365 ;

la labellisation à dimension sociale, applicable aux investissements en viager comprenant une proportion minimale de logements modestes ou détenus par des populations à faibles revenus366 ;

l’intervention directe de l’État ou de la Caisse des dépôts et consignations, à travers la création d’un fonds pour l’achat en viager de logements sociaux ;

la codification des tables de mortalité, afin de limiter la disparité des tables utilisées par les acheteurs et d’homogénéiser davantage les produits.

§ II – La vente contre soins

1309 – Une forme de bail à nourriture. – Avec la vente contre soins, on descend encore d’un cran supplémentaire dans les mécanismes manifestement désuets, fruits d’une pratique juridique ancienne, mais qui pourraient de nos jours faire l’objet d’un regain d’intérêt à l’aune du besoin de financement d’une dépendance future. En effet, il y a de plus en plus de personnes isolées sans proche parenté mais ayant tissé des liens affectifs forts avec une tierce personne, souvent un voisin ou un ami. Cette personne isolée veut assurer son avenir en cas de perte d’autonomie en préservant si possible son cadre de vie. Dès lors, il est loisible pour elle, à condition qu’elle soit propriétaire d’un bien immobilier, de vendre ledit bien moyennant un prix converti en la charge, pour le tiers de confiance qu’elle aura choisi, de la nourrir et de l’entretenir. On l’aura compris, la vente avec soins ne constitue qu’une illustration, dans sa forme la plus répandue, du bail à nourriture367.

Dans le silence des textes, le bail à nourriture peut se définir comme un contrat par lequel le preneur, contre un capital en argent, une redevance périodique ou, pour ce qui nous intéresse, l’aliénation d’un bien, s’engage à pourvoir aux besoins vitaux du bailleur : la nourriture mais aussi le logement, l’entretien courant, le chauffage, les soins et toute l’assistance qui lui est indispensable pour vivre.

Le bail à nourriture est traditionnellement pratiqué dans les régions rurales. Son essor en zone urbaine n’est cependant pas à écarter aujourd’hui en raison du coût des conventions d’hébergement des personnes âgées ou malades. On pressent que l’allongement de la durée de la vie, les insuffisances des familles et de l’État dans la prise en charge de la dépendance liée au grand âge ou à la maladie pourraient justifier à l’avenir un regain d’intérêt pour ce contrat. Le contentieux, certes modéré, que suscite encore le bail à nourriture montre en toute hypothèse que cette vieille institution qui souffre d’une appellation à la fois archaïque et trompeuse – le contrat n’ayant rien d’un bail et la notion de nourriture étant réductrice – demeure bien vivante.

1310 – Les traits caractéristiques du bail à nourriture. – Les rédacteurs du Code civil n’ont pas cru devoir fixer les règles de ce contrat. C’est donc la jurisprudence qui a été amenée à fixer les traits spécifiques du bail à nourriture, sur lesquels nous ne reviendrons guère, renvoyant le lecteur vers les développements très riches contenus dans le rapport du 102e Congrès des notaires de France368.

Que l’on se contente ici de rappeler que, parmi les classifications de la théorie générale des contrats, le bail à nourriture est un contrat innomé. Ni défini ni réglementé par le Code civil ou une loi particulière, il est soumis aux règles générales du droit commun des obligations.

Surtout, il s’agit d’un contrat aléatoire (C. civ., art. 1108, al. 2), en ce sens où la chance de gain ou de perte pour chacun des contractants est suspendue à un aléa. Contrairement à la vente en viager, il s’agit là, plus précisément, d’un double aléa qui tient, d’une part, à la durée de vie du vendeur et à son état de santé, mais aussi, d’autre part, à la nature de ses besoins futurs. L’aléa constitue un élément essentiel du contrat, qui s’apprécie au jour de sa conclusion. Plusieurs conséquences juridiques en résultent : l’aléa chasse la lésion369, en même temps qu’il constitue un obstacle à une action en nullité pour vileté du prix370 ou en nullité pour indétermination du prix371. Par ailleurs, si le hasard n’est pas préservé et qu’au jour de la conclusion du contrat l’âge avancé du vendeur372 ou sa mauvaise santé373 rendent trop probable la disparition prochaine de ce dernier374, le contrat sera frappé de nullité absolue, pour défaut de cause375.

La vente contre soins, comme tout bail à nourriture, est étroitement liée au choix de la personne qui a vocation, en contrepartie de son achat, à subvenir aux besoins vitaux du vendeur. Il s’agit donc d’un contrat marqué par un fort intuitu personae376, qui nécessite donc une exécution personnelle de la part de l’acquéreur377. Conclu en considération de la personne, sa cessibilité entre vifs est donc exclue, ce qui n’empêche cependant pas les parties de stipuler que l’obligation sera exécutée par un tiers378. Le caractère personnel du contrat rend en outre la créance du bailleur insaisissable379.

Enfin, il s’agit d’un contrat à titre onéreux parce qu’il comporte pour l’acquéreur l’obligation d’assurer en nature l’entretien, et souvent aussi le logement, au vendeur. Gare toutefois à la requalification ! En effet, en l’absence ou en cas d’insuffisance de contrepartie matérielle, la charge peut devenir évanescente et dissiper le caractère onéreux de l’opération. En ce cas, le bail à nourriture peut être requalifié en donation déguisée380, avec les conséquences fiscales qui en résultent.

Dangers fiscaux

Le bail à nourriture est un nid à contentieux fiscal. Outre sa possible requalification en libéralité, la présomption posée à l’article 751 du Code général des impôts apparaît comme une épée de Damoclès lorsque le contrat lie le vendeur à l’un de ses successibles, ce qui est une hypothèse tout à fait vraisemblable eu égard à la nature si personnelle des prestations convenues. Ce texte répute faire partie de la succession de l’usufruitier toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l’usufruit au défunt, et pour la nue-propriété à l’un de ses présomptifs héritiers ou descendants d’eux. Dès lors, l’administration peut être tentée, lorsque le vendeur continue à vivre dans le bien objet du bail à nourriture, d’étendre cette présomption au cas considéré, en estimant que l’opération s’assimile alors à une vente avec réserve d’usufruit. Cette interprétation ne devrait toutefois pas prospérer tant ces deux formes d’aliénation sont distinctes juridiquement. Mais la vigilance est de mise. Comme l’a recommandé le 102e Congrès des notaires de France, toute ambiguïté sur le transfert de propriété réalisé par l’acte doit être levée, ce qui n’exclut nullement que le vendeur puisse être logé en son domicile, désormais vendu. Il doit seulement être spécifié que l’occupation est la résultante non pas d’une réserve d’usufruit, mais de l’obligation prise par l’acquéreur de loger le vendeur, sans bourse déliée pour ce dernier381.

1311 – Des précautions rédactionnelles indispensables. – La perspective d’anticiper son éventuelle dépendance, par le biais de ce contrat particulier, doit pousser le vendeur à être particulièrement vigilant quant à la rédaction du contrat, principalement en ce qui concerne la définition des obligations pesant sur l’acquéreur. Fréquemment, le contrat prévoit que le vendeur va conserver l’usage du bien, et ainsi préserver son cadre de vie. Mais que se passera-t-il lorsqu’il sera contraint de quitter son logement pour être hospitalisé, avec le risque de devoir intégrer une unité de soins de longue durée, ou pour être accueilli dans un Ehpad ou une maison de retraite ? La question renvoie à la définition des obligations de soins et d’entretien qui pèsent sur l’acquéreur : il s’agit de savoir si celles-ci s’étendent aux frais d’hospitalisation qui ne seraient pas pris en charge par la caisse d’assurance maladie, par une complémentaire santé ou par des aides publiques. De son côté, le vendeur cherchera naturellement à être rassuré à ce propos. Il ne saurait être question pour lui que le bail à nourriture cesse de produire ses effets au moment même où son éventuelle dépendance nécessitera qu’il reçoive une aide humaine et financière. Du côté de l’acquéreur, on perçoit combien les frais liés à un tel hébergement, mais aussi le risque de devoir financer des soins chirurgicaux lourds risquent d’engendrer un coût difficilement supportable, autant dans son montant que dans la durée.

À ce stade, l’exercice de rédaction devient un travail d’équilibriste. Les parties, tout en respectant les critères élémentaires du bail à nourriture, peuvent librement aménager les prestations dues par l’acquéreur ainsi que les modalités d’exécution. Le contrat est modelé selon les besoins du vendeur. C’est là un de ses atouts majeurs382. Partant, si la liste des obligations pesant sur l’acquéreur peut être plus ou moins longue, il est fortement conseillé de détailler ces dernières, sous peine d’engendrer des discussions. Dans l’intérêt de l’acquéreur, les formules trop vagues sont à proscrire. En effet, confrontés à une clause générale d’entretien, les juges du fond ont tendance à considérer que le contrat emporte l’obligation pour lui de prendre en charge les frais de séjour du vendeur dans une maison de retraite ou en long séjour383. Aussi la question du départ en maison de retraite ou en établissement de santé doit-elle expressément être envisagée et intégrée dans le champ contractuel. Pour protéger le vendeur, il peut être prévu, sur le terrain financier, que l’acquéreur prenne à son compte « les frais non remboursés par la CPAM ou les mutuelles »384. Sur le plan humain, il peut être prévu en sus certaines prestations en nature. Que l’on songe, par exemple, à une obligation de visites régulières, à l’organisation de sorties de temps en temps si l’état de santé du vendeur le permet, à la fourniture de prestations de base pour le confort de la vie (achat de vêtements, de revues, etc.), « en un mot tout ce qui permet de laisser espérer au vendeur qu’il aura toujours des conditions de vie correctes »385. Peu rassuré par la perspective de devoir supporter des frais dont le montant est très difficile à appréhender, l’acquéreur peut imposer, quant à lui, une clause contractuelle prévoyant, dans ces circonstances, la conversion des obligations en nature en une rente viagère dont le montant et l’indexation doivent également être définis.

Le vendeur doit également se prémunir, dans la mesure du possible, contre les aléas susceptibles d’affecter l’exécution de ses obligations par l’acquéreur. Généralement, le contrat est assorti d’une clause résolutoire de plein droit à défaut d’exécution des prestations convenues386, étant ici rappelé qu’en l’absence de prévision expresse en ce sens, « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice » (C. civ., art. 1227). Le bail à nourriture peut également comporter des risques d’impossibilité d’exécution d’ordre psychologique. La nature des obligations imposées à l’acquéreur étant très spécifiques et pouvant être de longue durée, les risques de mésentente liés aux exigences d’un vendeur vieillissant, à la lassitude ou à l’avarice de l’acquéreur ne sont pas à négliger, sans que l’on puisse du reste nécessairement les imputer à l’un plutôt qu’à l’autre. Le vendeur peut se prémunir contre cette situation en faisant insérer dans l’acte une clause de conversion du bail à nourriture en rente viagère pour le cas de mésentente. En ce cas, il est fondamental de définir les circonstances dans lesquelles cette faculté sera mise en œuvre. D’une manière générale, à défaut de substitution contractuelle prévue ab initio, il convient de souligner que les juges du fond disposent de la faculté d’imposer une telle substitution, ce qui permet de sauver le contrat387. Encore faut-il, pour ce faire, que les circonstances d’ordre matériel ou moral rendent impossible l’exécution en nature des prestations prévues, et que cette conversion soit possible, eu égard aux facultés contributives de l’acquéreur.

Cette faculté d’insérer dans l’acte une clause de conversion du bail à nourriture en rente viagère peut également être préconisée pour le cas du décès anticipé de l’acquéreur. Le caractère personnel attaché au bail à nourriture semble naturellement impliquer son intransmissibilité à cause de mort. Mais rien ne semble s’opposer à la faculté pour l’acquéreur de s’engager pour lui et pour ses héritiers, le terme étant alors le décès du vendeur. Bien évidemment, il doit avoir conscience, en pareil cas, de la charge qu’il impose à ses ayants droit, lesquels peuvent se retrouver contraints de renoncer à la succession s’il s’avère, à son décès, qu’ils ne sont pas aptes à assumer de telles obligations. C’est pourquoi, pour pallier ce risque, le contrat peut prévoir que le décès du preneur emportera la substitution d’une rente viagère ou, ce qui peut être plus confortable pour les héritiers de l’acquéreur, d’un versement en capital, réglé une fois pour toutes.

Sous-section II – Le prêt viager hypothécaire

1312 – Définition du prêt. – Tout droit importée des pays de common law, cette forme particulière de prêt a été insérée dans notre droit positif par l’ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés et amendée, à plusieurs reprises, depuis lors. Son régime est aujourd’hui codifié aux articles L. 315-1 et suivants, L. 341-53 à L. 341-61 et R. 315-1 et suivants du Code de la consommation. Le prêt viager hypothécaire peut se définir comme « un contrat par lequel un établissement de crédit ou un établissement financier consent à une personne physique un prêt sous forme d’un capital ou de versements périodiques, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l’emprunteur à usage exclusif d’habitation et dont le remboursement-principal et intérêts capitalisés annuellement ne peut être exigé qu’au décès de l’emprunteur ou lors de l’aliénation ou du démembrement de la propriété de l’immeuble hypothéqué s’ils surviennent avant le décès » (C. consom., art. L. 315-1, al. 1er)388. Nous allons procéder à une analyse descriptive du prêt viager hypothécaire (§ I), avant de jeter un regard critique sur cet instrument (§ II).

§ I – L’analyse descriptive du prêt viager hypothécaire

1313 – Objet du prêt. – Le prêt viager hypothécaire est destiné à permettre à une personne propriétaire d’un bien immobilier, en échange de la mise en garantie de ce bien, d’emprunter une somme d’argent sans avoir à rembourser ni le capital, ni les intérêts de son vivant. Ce faisant, il peut sans nul doute constituer un outil financier aux fins d’anticiper une éventuelle vulnérabilité. Il s’agit là encore d’une anticipation tardive dans la mesure où le prêt viager hypothécaire cible principalement les personnes âgées. En effet, si les textes ne soumettent la souscription d’un tel prêt à aucune condition d’âge, on constate, dans les faits, que les établissements bancaires possédant ce type de produits dans leurs catalogues ne les présentent qu’aux propriétaires seniors, âgés de soixante-cinq ans et plus. En cela, il constitue un produit financier qui permet l’accès au crédit à la consommation à des personnes propriétaires de leur logement mais qui, compte tenu de leur âge, n’ont plus la faculté d’obtenir un prêt classique, en mobilisant, sans s’en départir, leur résidence principale. La somme empruntée peut être versée en une seule fois pour un besoin ponctuel ou par le biais de versements périodiques (tous les mois ou tous les trimestres par exemple). Sous réserve de ne pas financer une activité professionnelle (C. consom., art. L. 315-1, al. 3), elle peut servir à financer tout type de projet personnel. Il peut s’agir notamment de financer des dépenses courantes, en complément de la retraite, des dépenses de santé, ou encore des travaux de mise aux normes ou d’adaptation de son logement à sa fin de vie.

1314 – Conditions du prêt. – De prime abord, les conditions de l’obtention du prêt viager hypothécaire sont peu contraignantes dans la mesure où l’emprunteur n’a pas l’obligation de souscrire à une assurance de prêt, et qu’il n’est soumis à aucune condition de ressources ou d’état de santé389, l’idée étant ici – faut-il le rappeler – de proposer un produit à l’attention des retraités, lesquels n’ont pour la plupart, outre une santé fragilisée, que de faibles revenus. En revanche, pour pouvoir souscrire un prêt viager hypothécaire, et c’est la condition de base, il faut être propriétaire d’un bien immobilier, lequel va servir de garantie à l’établissement prêteur. Ce bien doit être un bien à usage exclusif d’habitation, ce qui exclut du mécanisme un bien immobilier à usage mixte (habitation et professionnel)390, le bien détenu sous forme de société civile immobilière, le terrain nu ou encore le bien en état futur d’achèvement (Vefa). Par ailleurs, le dispositif légal ne saurait utilement s’appliquer en présence d’un bien indivis ou détenu en démembrement de propriété391.

1315 – Obligations des parties. – On constate toutefois que derrière cette souplesse de façade, le prêt viager hypothécaire obéit à un cadre réglementaire strict. Ainsi, pour souscrire un tel prêt, l’emprunteur doit se soumettre à plusieurs obligations légales.

Parce que le bien immobilier sert de garantie et qu’il est donc au cœur du prêt viager hypothécaire, l’évaluation de sa valeur est essentielle. Un expert indépendant, choisi en accord avec l’organisme prêteur mais dont l’emprunteur supporte entièrement la charge financière, doit réaliser cette évaluation, sous l’œil attentif du notaire instrumentaire qui doit veiller à sa cohérence.

Au cours du contrat, aucune obligation de rembourser le prêt de son vivant ne pèse sur l’emprunteur, sauf à ce que le contrat ait prévu le paiement périodique des intérêts de l’emprunt avant son échéance (C. consom., art. L. 315-1, al. 2). En revanche, l’emprunteur doit « apporter à l’immeuble hypothéqué tous les soins raisonnables » (C. consom., art. L. 315-12), ce qui revient à faire peser sur lui une obligation d’entretenir le bien hypothéqué afin de ne pas en réduire la valeur de son propre fait (ravalement de façade, entretien du jardin, etc.). Par ailleurs, si l’emprunteur entend mettre son bien en location, il doit obtenir, pour ce faire, l’accord écrit de l’organisme prêteur.

De son côté, compte tenu de la spécificité attachée à ce contrat de prêt, le prêteur est soumis à une obligation d’information renforcée, destinée à protéger l’emprunteur (C. consom., art. L. 315-4 à L. 315-11). Cette obligation se concrétise dès les modalités de commercialisation du produit et se retrouve dans le contenu de l’offre, l’une comme l’autre faisant l’objet d’une réglementation très encadrée : mentions obligatoires dans l’offre de prêt, maintien de l’offre de prêt pendant trente jours et délai de réflexion en vue de l’acceptation d’au moins dix jours, acte notarié, interdiction du démarchage, publicité loyale et informative, etc.

1316 – Montant du prêt. – S’agissant du montant du prêt, les pouvoirs publics ont laissé une large marge d’appréciation aux banques. Ce montant, capital et intérêts cumulés, dépend de l’âge de l’emprunteur et de la valeur du logement offert en garantie, étant ici souligné qu’il ne saurait cependant excéder la valeur du bien, appréciée lors de l’échéance du terme (C. consom., art. L. 315-15, al. 1er). Dans les faits, ce montant est compris entre 15 % et 75 % de la valeur du bien estimée. Comme le prêt est d’une durée viagère, plus l’emprunteur est âgé, plus le montant est élevé. Le sexe de l’emprunteur est également pris en compte. Dans la mesure où, en France, les femmes ont (encore) une espérance de vie plus élevée que celle des hommes, elles peuvent ainsi prétendre à disposer d’une somme d’argent plus importante qu’eux, à âge et situation égale.

1317 – Dénouement du prêt. – Le contrat de prêt est destiné à prendre fin avec le décès de l’emprunteur, auquel cas l’organisme prêteur se rembourse en vendant le bien, sauf aux héritiers à rembourser les fonds prêtés pour conserver le bien (C. consom., art. L. 315-20).

En cas de mise en œuvre de l’hypothèque, les textes sont fluides et prévoient que le montant du capital et des intérêts ne peut pas être supérieur à la valeur du bien hypothéqué estimée à la fin du contrat (C. consom., art. L. 315-15, al. 1er). L’emprunteur peut donc contracter en toute sérénité, sachant que ses héritiers ne seront pas tenus au-delà de cette valeur. À l’inverse, si la dette est inférieure à cette valeur, fixée par expert, le différentiel doit être restitué aux héritiers (C. consom., art. L. 315-15, al. 2).

L’hypothèse d’un paiement spontané des héritiers laisse plus dubitatif, non pas dans son principe, mais dans ses modalités de mise en œuvre, nullement organisées et manifestement supposées aller de soi. Les questionnements, pour ne pas dire les inquiétudes, sont pourtant nombreux392. S’agissant des héritiers, s’ils sont plusieurs, la loi n’a prévu aucun délai ni aucune procédure de concertation leur permettant d’exercer sereinement, et par une décision collective, le choix que leur ménage la loi soit de payer la dette, soit de laisser le créancier se désintéresser sur le bien grevé393. La banque, armée d’un titre exécutoire, pourrait ainsi faire valoir ses droits huit jours à peine après l’avoir signifié aux héritiers (C. civ., art. 877), sans même attendre l’exercice de l’option successorale que l’article L. 315-20, alinéa 2 du Code de la consommation tient ici pour indifférente394. En ce qui concerne le prêteur, il peut craindre que les héritiers ne prêtent pas la main à un dénouement rapide et heureux, notamment s’ils découvrent l’existence du prêt à la mort de l’emprunteur. Le prêteur risque alors de se trouver confronté sinon à l’opposition, du moins à l’inertie des survivants.

Le prêt viager hypothécaire peut également prendre fin, de manière prématurée, à l’initiative du propriétaire. D’une part, il peut vendre lui-même son bien, auquel cas la banque récupère son capital et a l’autorisation de contester la vente si elle juge le montant du bien sous-estimé. D’autre part, il peut décider de procéder à un remboursement anticipé, total ou partiel, du prêt (C. consom., art. L. 315-16 et s.), ce qui peut toutefois représenter une mauvaise opération financière, car un tel remboursement entraîne le paiement de pénalités qui dépendent du moment où il intervient dans le temps (C. consom., art. L. 315-17).

§ II – Les regards critiques sur le prêt viager hypothécaire

1318 – Une destinée décevante. – Le prêt viager hypothécaire permet d’emprunter à un âge avancé et de se procurer des ressources sans avoir à procéder à des remboursements de son vivant et donc sans ponctionner dans son épargne, sans vendre son patrimoine, sans obérer son niveau de vie et sans solliciter ses enfants ou des proches395. Il présente au surplus l’avantage de permettre la perception d’un versement, susceptible d’être périodique, de la part d’un cocontractant – un établissement financier – par essence solvable.

Et pourtant, « l’innovation la plus médiatisée de la réforme des sûretés »396 n’a pas connu l’engouement que ses promoteurs lui prédisaient, faute d’avoir su trouver son public, qu’il s’agisse des banques ou bien des clients eux-mêmes397. De leur côté, les établissements prêteurs y voient un mécanisme bien trop risqué, car trop aléatoire. À vrai dire, la crainte est doublement fondée. D’une part, les prêteurs s’exposent au risque d’une sous-évaluation de l’espérance de vie de l’emprunteur et du retournement du marché immobilier ; la dette étant impérativement plafonnée à la valeur du bien, si la dette est supérieure au prix de vente du bien pour l’une des deux raisons évoquées, c’est l’établissement financier qui supportera cette perte et non le débiteur ou ses héritiers. D’autre part, ils s’exposent au risque de « non-liquidité » du bien immobilier dans la mesure où le délai entre le décès et la liquidation de la succession peut s’avérer très long. Si l’on rajoute que le prêt viager hypothécaire ne fait l’objet d’aucune aide publique, on comprend que l’établissement prêteur assume seul la totalité de ces risques, ce qui explique peut-être la modicité des sommes prêtées eu égard à la valeur du bien.

Proposition du 113e Congrès des notaires de France pour une promotion du prêt viager hypothécaire aux fins d’adaptation des logements

Qu’il nous soit permis de rappeler que, constatant qu’il convenait de rendre plus attractif le prêt viager hypothécaire en garantissant aux établissements de crédit et aux établissements financiers le remboursement de l’intégralité de leur créance lorsque les fonds prêtés servent à l’adaptation du logement à la perte d’autonomie, le 113e Congrès des notaires de France, par l’intermédiaire de sa commission « Solidarité » a proposé « que soit créé un fonds de garantie de l’État dont le rôle serait de prendre en charge la différence entre le montant total de la créance (en principal et intérêts) et la valeur du bien immobilier donné en garantie, afin d’assurer aux établissements de crédit et aux établissements financiers le remboursement total de la dette de l’emprunteur lorsque les fonds prêtés, au titre d’un prêt viager hypothécaire, ont servi à financer l’adaptation du logement à la perte d’autonomie ». En l’état, cette proposition n’a pas été suivie d’effet.

Les emprunteurs, quant à eux, éprouvent une réelle « méfiance vis-à-vis d’un mécanisme qui promet le beurre (un prêt), l’argent du beurre (non remboursable de leur vivant) et le sourire du banquier »398. En réalité, l’emprunteur ne percevra pas un prêt d’un montant égal à la valeur de son bien et contractera sur la base d’un taux d’intérêt plus élevé que ceux pratiqués en matière de prêt immobilier classique399. Si l’on y ajoute les frais d’expertise du bien, objet de la garantie, et les frais d’inscription de l’hypothèque, le coût de ce crédit peut devenir prohibitif. Par ailleurs, le ratio montant prêté/valeur du bien est jugé trop faible. Enfin, il ne faut pas oublier non plus que l’emprunteur est certes toujours chez lui et propriétaire de son logement, mais sous surveillance du créancier qui veillera à la conservation de la valeur de son bien et à son utilisation selon ce qui aura été convenu. L’avantage d’être « propriétaire » doit donc être relativisé.

Le tableau ne serait pas complet si l’on passait sous silence la situation des héritiers de l’emprunteur. Il convient, en effet, d’avoir à l’esprit qu’avec le prêt viager hypothécaire, et ce ne pas la moindre de ses particularités, l’emprunteur n’est pas le débiteur ! Dès lors qu’elle n’use pas de sa faculté de remboursement anticipé, ce n’est pas la personne âgée elle-même qui aura à pâtir du remboursement du prêt, mais ses héritiers. C’est ainsi que sans être initialement parties au contrat, ces derniers, tenus d’en supporter les conséquences, en sont les victimes par ricochet. Certes, la dette est plafonnée à la valeur de l’immeuble au jour de l’ouverture de la succession. Mais le de cujus peut avoir contracté d’autres dettes que les héritiers envisageaient de payer en vendant l’immeuble, l’actif disponible au jour du décès se révélant insuffisant. Une telle aliénation étant juridiquement irréalisable, les héritiers pourront alors n’avoir d’autre choix que de renoncer à la succession.

Le choix de cet instrument de financement doit se faire, dès l’origine, et parfois sous l’œil attentif du notaire, à l’aune des intérêts respectifs, et susceptibles d’être divergents, au sein de la famille. Sauf à céder à une stricte logique individualiste, qui peut « confiner à l’égoïsme »400, l’emprunteur qui entend se procurer des ressources pour faire face à sa vulnérabilité doit avoir conscience, lorsqu’il souscrit à ce crédit particulier, qu’il impose à ses héritiers la charge d’un prêt remboursable post mortem, qui peut s’avérer très lourde en raison de l’accumulation des intérêts, notamment dans le cas d’emprunteurs jeunes, au point de risquer d’aboutir de facto à leur exhérédation.

La création du prêt avance mutation

Pour remédier à cet inconvénient, et accessoirement pour impulser une nouvelle dynamique au prêt viager hypothécaire (PVH), la loi no 2015-992 du 17 août 2015 a créé le prêt avance mutation (PAM), « titre mystérieux et vide de sens »401, qui, fondamentalement est un PVH classique, à la seule différence que l’emprunteur peut rembourser progressivement les intérêts selon une périodicité convenue (C. consom., art. L. 315-1, al. 2). L’objectif est de limiter le montant dû par les héritiers et donc la charge potentiellement considérable qu’ils peuvent avoir à supporter. Force est de constater que cette évolution n’a cependant rien changé : le nombre de PVH n’a pas décollé et les PAM sont rarissimes. Les raisons de ce flop sont connues. Outre l’interdiction de démarchage, très liée à la perception « amorale » du viager, qui s’applique aussi au PAM402, le fait que les intérêts soient remboursables et non obligatoirement capitalisés est apparu comme une source de complexité pour les banques, notamment en ce que cela conduit à accroître l’incertitude sur la durée du prêt, ce qui perturbe la gestion du refinancement et donc la fixation du taux d’emprunt. Par ailleurs, cette faculté nouvelle est venue brouiller la compréhension des emprunteurs sur la nature du PVH, l’argumentaire commercial reposant sur le fait que le prêt viager n’a pas à être remboursé du vivant de l’emprunteur.

1319 – Une articulation imparfaite avec les règles successorales. – Au-delà de ces considérations pragmatiques qui expliquent le peu d’engouement suscité par ce produit, on constate, à l’analyse, que le prêt viager hypothécaire est doté d’un régime juridique lacunaire en ce qu’il se caractérise, tout particulièrement, par l’absence regrettable d’un véritable effort d’articulation avec le droit successoral. Outre les interrogations soulevées par l’exercice de l’option offerte aux héritiers au décès de l’emprunteur, qui ont déjà été révélées, plusieurs difficultés en témoignent.

La première se manifeste lorsqu’un emprunteur marié contracte seul, sur le logement de la famille, un prêt viager hypothécaire avec la bénédiction de son époux (C. civ., art. 215). En pareille occurrence, et dans le silence malencontreux des textes, comment combiner les droits du conjoint survivant de demeurer dans les lieux avec la créance hypothécaire de la banque devenue exigible au décès ? S’agissant du droit temporaire au logement (C. civ., art. 763), on peut certainement considérer, sous l’impulsion d’un auteur403, que son caractère d’ordre public semble impliquer « une suspension du prêt viager hypothécaire » pendant la durée de la jouissance gratuite conférée au conjoint404. En revanche, la question est plus délicate, et la doctrine partagée, concernant le droit viager au logement (C. civ., art. 763). « Parce qu’il serait choquant de voir le droit viager au logement s’appliquer à une richesse déjà « consommée » par le défunt »405, il semble bien toutefoisque le droit viager ne puisse être opposé au prêteur titulaire d’une hypothèque antérieure406. Cette solution n’est pas anormale. Si le prêt a été, et c’est généralement le cas compte tenu de l’âge des emprunteurs, octroyé en cours de mariage, l’époux survivant a nécessairement autorisé son conjoint à contracter le prêt litigieux (C. civ., art. 215, al. 3). On peut légitimement considérer que, ce faisant, il a sciemment et nécessairement renoncé à la protection attachée au logement de la famille407. En conjuguant les deux solutions, celle prépondérante, relative au droit temporaire, et celle, sacrifiée, inhérente au droit viager, on constate que le mécanisme du prêt peut contraindre le conjoint survivant, passé l’année qui suit le décès, à libérer les lieux avant la vente de l’immeuble ou sa saisie. Destiné à protéger l’un des époux du besoin, le « dispositif déshabille son conjoint en le privant de son toit »408, sauf à espérer que les autres actifs successoraux soient suffisants pour régler la dette.

La seconde difficulté, également identifiée par la doctrine, est celle, peu probable mais néanmoins envisageable, du legs du bien hypothéqué par voie testamentaire à un tiers, lequel va alors choisir de payer la dette ou, faute de moyens d’en accepter la saisie par la banque. Dans tous les cas, le légataire aura réglé la dette d’autrui, de sorte qu’il pourra exercer en toute logique un recours contre les héritiers acceptants409, qui seront alors soumis à une double peine : celle de voir sortir un immeuble du patrimoine familial et d’avoir à supporter la dette qui le grève !

1320 – L’avenir du prêt viager hypothécaire. – Devant pareils inconvénients, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’avenir du prêt viager hypothécaire en France. Alors que certains lui prédisent un avenir radieux au regard de la proportion croissante des personnes âgées dans la population et des difficultés à financer leurs besoins dans un contexte budgétaire contraint410, d’autres, à l’inverse, réclament sa suppression411. Peut-être la solution, comme souvent, est à rechercher entre ces deux extrêmes : elle consisterait, conformément à la proposition de M. Riffard, à repenser cet instrument non pas tant dans son fonctionnement mais dans sa finalité et à préconiser « une restriction drastique, mais salutaire, de son domaine d’intervention en abandonnant toute référence au crédit à la consommation et en le transformant en un crédit affecté à un but déterminé »412. Et l’auteur de rappeler, au soutien de cette idée, que le Conseil économique et social, allant dans ce sens, avait d’ailleurs proposé dès 2008413 de limiter le recours au prêt viager hypothécaire au seul financement de l’aménagement du logement grevé, de manière à permettre l’accompagnement du handicap.

Les pouvoirs publics ont amorcé une réflexion en ce sens, puisque le récent rapport Libault sur le grand âge et l’autonomie414 a proposé d’adapter le prêt viager hypothécaire au cas de la dépendance, en proposant la création d’un prêt viager dépendance réservé aux personnes en dépendance lourde (GIR 1 et 2). Ce prêt serait destiné à fonctionner comme un prêt viager hypothécaire classique, mais ne serait proposé que dans les cas de perte d’autonomie avérée nécessitant un choix de famille415.

En attendant de connaître le sort éventuellement réservé à cette piste de réflexion dans le cadre de la loi grand âge et autonomie, il faut constater que ce produit destiné, de manière ingénieuse, à transformer la « pierre » en liquidités immédiatement consommables afin d’accroître le pouvoir d’achat des seniors en quête de compléments de retraite, occupe une place marginale à cette fin. Loin derrière les dispositifs de prévoyance liés à l’assurance, il souffre même de la comparaison avec des mécanismes, pourtant considérés comme désuets, comme la vente en viager416, pour ne constituer aujourd’hui, et c’est regrettable, qu’une solution de dernier recours417.


331) Il convient d’avoir à l’esprit qu’en France, 75 % des personnes âgées de soixante ans et plus sont propriétaires de leur logement. Ce patrimoine peut être valorisé à 3 773 milliards d’euros, soit 57 % du patrimoine immobilier français (Insee, Enquêtes Patrimoine 2009-2010 et 2014-2015).
332) Selon l’Insee, 39 % des ménages métropolitains possèdent au moins une assurance-vie, ce qui en fait le produit préféré des ménages après les livrets d’épargne (Le patrimoine des ménages en 2018 : Insee première déc. 2018, no 1722, p. 1).
333) V. M. Freche-Thibaud, Le financement de sa dépendance. Les différentes stratégies possibles : Actes prat. strat. patrimoniale janv. 2017, no 1, dossier 7, no 13, qui souligne que sauf à répondre à une charge financière exceptionnelle sur le court terme, le rachat total du contrat ne présente aucun intérêt et qu’il convient de privilégier le recours aux rachats partiels, à échéances régulières, accompagnés d’échéances exceptionnelles motivées par des dépenses les justifiant, afin « de bénéficier de l’antériorité du contrat d’assurance-vie, du maintien de la rémunération prévue au contrat et de la fiscalité privilégiée qui s’y rapporte ».
334) Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, Précis Dalloz, 14e éd. 2017, no 949, p. 810.
335) En effet, la somme prêtée par l’assureur n’est pas retirée du contrat et continue de produire des intérêts.
336) Sur lesquels, V. l’étude très complète, sur laquelle nous nous sommes grandement appuyés, de N. Gaulon, Anticiper la dépendance : les solutions actuelles de l’assurance (1re partie) : Resp. civ. et assur. avr. 2011, no 4, étude 6.
337) Certains contrats proposent une option « capital décès » qui permet, si le bénéficiaire du contrat décède sans avoir été en état de dépendance, de reverser l’intégralité des sommes perçues par l’assureur à ses ayants droit. Cette option a bien évidemment un coût qui sera répercuté sur le montant des cotisations.
338) Autonomie, Gérontologie, Groupe Iso-Ressources (D. no 2001-1084, 20 nov. 2001, ann. 1 : JO 21 nov. 2001, p. 18485), laquelle sert à l’attribution de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
339) Les niveaux de dépendance sont classés en six groupes, nommés GIR, allant de la dépendance la plus lourde pour le GIR 1 aux signes de dépendance les plus faibles pour le GIR 6.
340) Niveau 1 : 2 AVQ sur 6 ; niveau 2 : 3 AVQ sur 6 ; niveau 3 : 4 AVQ sur 6 ; niveau 4 : 5 ou 6 AVQ sur 6.
341) Cet instrument sert à apprécier le degré d’autonomie d’une personne. Il se fonde sur un questionnaire destiné à évaluer la capacité de cette personne à accomplir les tâches utilitaires quotidiennes (utiliser les transports en commun, faire des courses, préparer ses repas, utiliser le téléphone, entretenir sa maison, faire sa lessive) essentiellement gouvernées par des fonctions cognitives (jugement, langage, orientation, calcul, mémoire, planification).
342) À titre indicatif, on peut indiquer que les contrats retiennent cependant, le plus souvent, la dépendance totale pour les personnes figurant en GIR 1 et 2 et/ou qui se trouvent dans l’impossibilité d’effectuer trois AVQ sur quatre définis au contrat. Quant à la dépendance partielle, elle est retenue pour les personnes figurant en GIR 3 et/ou 4, et/ou dans l’impossibilité d’effectuer au moins deux AVQ sur quatre définis au contrat.
343) Ces services sont multiples et peuvent couvrir diverses périodes : ainsi, par exemple, avant l’état de dépendance (soutien psychologique, informations à caractère préventif sur la dépendance, etc.), en cas de dépendance (système de téléassistance, aide-ménagère au domicile, audit de l’habitat de l’aidé par un ergothérapeute, livraison de médicaments ou de repas, etc.) et en cas d’hospitalisation (visites, garde des animaux de compagnie, etc.).
344) Il peut d’agir de services d’aide à l’organisation de la personne dépendante tels que l’aide à l’organisation d’un déménagement ou à la recherche de personnel à domicile – le coût d’intervention des prestataires restant à la charge de la personne assurée – ou plus rarement de services d’assistance tels que la livraison de médicaments à domicile – le coût d’intervention du prestataire étant pris en charge par l’assureur.
345) S. Dufour-Kippelen, Les contrats d’assurance dépendance sur le marché français en 2006, Drees, déc. 2008.
346) La stipulation de délais de carence concerne à titre principal les contrats d’assurance dépendance souscrits à titre individuel, mais également les contrats collectifs à adhésion facultative. En revanche, les contrats d’assurance collective à adhésion obligatoire n’en contiennent pas.
347) Un tel délai de franchise est systématiquement prévu dans les contrats individuels, rarement stipulé dans les contrats d’assurance collective à adhésion facultative. En revanche, la stipulation de délais d’attente est interdite par la loi Évin dans les contrats d’assurance collective à adhésion obligatoire.
348) L’exclusion conventionnelle de garantie doit bien être distinguée de l’exclusion légale de garantie posée par l’article L. 113-1 du Code des assurances, qui exclut la garantie des dommages « provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive ». En application de ce texte, sont notamment exclues de la garantie des contrats d’assurance dépendance les conséquences des maladies ou accidents ayant pour origine une faute volontaire de l’assuré, en particulier résultant d’une tentative de suicide.
349) La Médiation de l’Assurance, Rapport d’activité 2017, juin 2018, p. 70.
350) La Médiation de l’Assurance, Rapport d’activité 2018, juin 2019, p. 63.
351) Rapport D. Libault, Concertation Grand âge et autonomie, mars 2019, p. 123.
352) Et le rapport de préciser, d’une part, que cette garantie devrait être ouverte quand l’assuré devient aidant, ce qui permettrait ainsi de couvrir les aidants non salariés et, d’autre part, que les critères d’intervention de la garantie (identification de la situation d’aidant, temps passé auprès de la personne) devraient au préalable être homogénéisés entre les différents offreurs, par exemple dans le cadre d’un label.
353) V. N. Gaulon, Anticiper la dépendance : les solutions actuelles de l’assurance (2e partie) : Resp. civ. et assur. mai 2011, no 5, étude 7, dont nous reprenons en grande partie les propos.
354) V. not. Rapport D. Libault, Concertation Grand âge et autonomie, mars 2019, p. 22 et s.
355) Cette forme de vente viagère qui consiste à vendre la pleine propriété du bien sans aucune réserve de jouissance ou d’attribut du droit de propriété ne présente guère d’intérêt spécifique, dans l’optique du financement d’une éventuelle dépendance économique.
356) À ce propos, V. L. Villet, Le regain d’intérêt pour la vente en viager : JCP N 2018, no 25, 1213, nos 6 et s.
357) V. D. Montoux : JCl. Notarial Formulaire, Vo Vente d’immeuble, Vente en viager, Fasc. 490, 2019, nos 138 à 144.
358) Le risque s’amplifie quand il y a réversibilité de la rente comme souvent pour le conjoint, le partenaire, le concubin, ou une autre personne, un enfant handicapé par exemple.
359) C. Deschamps, Trois bonnes raisons de réformer la vente d’immeuble en viager : JCP N 2016, no 14, 1117, no 7.
360) En ce sens, V. ot. C. Deschamps, art. préc., nos 5 et s. – M. Freche-Thibaud, Le financement de sa dépendance. Les différentes stratégies possibles : Actes prat. strat. patrimoniale janv. 2017, no 1, dossier 7, no 31. – R. Le Guidec et J. Pirotais, Rente viagère – Vente immobilière en viager. Aspects théoriques et pratiques : Actes prat. strat. patrimoniale juill. 2016, no 3, dossier 15, no 36.
361) V. L. Villet, art. préc., no 4 : tout en soulignant que ce marché progresse de 4 à 5 % par an, « ce qui est loin d’être négligeable », l’auteur indique que les chiffres les plus courants font état d’environ 5 000 à 8 000 ventes en viager chaque année, ce qui représente à peine 1 % du marché immobilier. Le marché est du reste très disparate selon les régions puisqu’il est essentiellement concentré dans les régions Île-de-France et Paca.
362) S’agissant des garanties de paiement, les versements prévus, souvent vitaux pour le crédirentier, étant échelonnés dans le temps, une vigilance accrue du rédacteur de l’acte est de mise.
363) Outre la CDC, ce fonds réunit CNP Assurances, Ag2R La Mondiale, Uneo, Suravenir, la Maif, Groupama, la Macif, le groupe Crédit Mutuel Nord Europe, l’Ircantec et ACM.
364) Rapport D. Libault, Concertation Grand âge et autonomie, mars 2019, p. 135.
365) Le rapport souligne que la diffusion de la vente en viager suppose à la fois de rendre plus transparents certains de ses mécanismes (notamment la formule de calcul de la décote, qui pourrait être standardisée) et d’accroître la confiance dans cet outil. L’information statistique sur l’ensemble des produits de viager (caractéristiques et comportements des épargnants concernés, gisements de clientèle pour les différents produits, etc.) est insuffisante, tout comme l’information mise à disposition du public sur les taux de rendement, les différents produits offerts, etc.
366) Cette proposition se situe dans la lignée du dispositif Lab-Viagévie, lancé en 2018 par la Banque des Territoires, en partenariat avec plusieurs partenaires (la métropole Aix-Marseille-Provence, l’établissement public foncier de la région Paca, etc.), lequel constitue un projet expérimental de viager social à vocation intergénérationnelle permettant le maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions.
367) V. Perruchot-Triboulet, Bail à nourriture : Rép. dr. civ. Dalloz, 2011, no 1.
368) N. Couzigou-Suhas et Y. Le Levier, 102e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2006, Les personnes vulnérables, nos 3153 et s.
369) Cass. req., 6 mai 1946 : D. 1946, jurispr. p. 287 ; Gaz. Pal. 5 juill. 1946 ; RTD civ. 1946, p. 324, note J. Carbonnier.
370) Cass. 1re civ., 5 oct. 1955 : Bull. civ. 1955, I, no 325. – Cass. 1re civ., 26 avr. 1988 : Bull. civ. 1988, I, no 121 ; D. 1988, inf. rap. p. 130.
371) Cass. 1re civ., 4 nov. 1953 : Bull. civ. 1953, I, no 303.
372) Cass. 1re civ., 16 déc. 1992, no 90-17.345.
373) Cass. 3e civ., 8 janv. 1970 : Bull. civ. 1970, III, no 28.
374) Cass. 1re civ., 30 mars 1999, no 97-10.929.
375) Cass. com., 23 oct. 2007 : Bull. civ. 2007, IV, no 226 ; D. 2007, act. jurispr. p. 2812, obs. X. Delpech ; ibid. 2008, jurispr. p. 954, note G. Chantepie ; AJDI 2008, 795, obs. F. Cohet-Cordey ; RTD com. 2008, 408, obs. B. Bouloc.
376) V. Perruchot-Triboulet, art. préc., no 4, qui souligne, à juste titre, que ce contrat peut comporter « une dimension humaine irremplaçable en raison du choix de la personne en considération de laquelle les prestations sont attendues en contrepartie de la vente du bien ».
377) Cass. 1re civ., 17 déc. 2002, no 99-20.762 : Bull. civ. 2002, I, no 306 ; JurisData no 2002-017003 ; RTD civ. 2003, p. 291, note J. Mestre et B. Fages.
378) Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, no 05-20.771 : Bull. civ. 2007, I, no 298 ; JCP G 2007, no 41, IV, 2880 ; Defrénois 2008, art. 38782, note Y. Dagorne-Labbe, qui admet le recours à une aide-ménagère, au frais du preneur, compte tenu de l’éloignement géographique.
379) Cass. civ., 5 août 1878 : S. 1879, 1, p. 163.
380) V., par ex., Cass. com., 6 juin 1989, no 88-12.754.
381) N. Couzigou-Suhas et Y. Le Levier, 102e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2006, Les personnes vulnérables, no 3183.
382) V. J. Carbonnier, obs. in RTD civ. 1942, p. 368, qui a pu relever « l’élasticité » et « l’extensibilité » des prestations, propres à ce contrat.
383) En ce sens, V. CA Bordeaux, 29 sept. 1994 : JurisData no 1994-046791.
384) CA Pau, 1re ch., 9 mars 2011, no 10/01683.
385) N. Couzigou-Suhas et Y. Le Levier, 102e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 2006, Les personnes vulnérables, no 3164.
386) Conformément à l’exigence légale, les parties doivent veiller à ce que la clause liste les obligations essentielles sanctionnées par la résolution et soit exprimée de manière non équivoque, à défaut de quoi elle ne sera pas opposable au débiteur (C. civ., art. 1225).
387) V. not. Cass. 1re civ., 8 janv. 1980, no 78-15.602 : Bull. civ. 1980, I, no 15 ; D. 1983, 307, note Carreau ; RTD civ. 1980, 781, obs. Cornu ; Defrénois 1980, 1282, obs. Aubert.
388) Sur lequel, V. F. Vancleemput, L. Fabre et E. Grimond, 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, Familles, Solidarités, Numérique. Le notaire au cœur des mutations de la société, nos 2137 et s.
389) Il n’a du reste aucun questionnaire médical à remplir.
390) Pour certains professionnels installés en libéral, il n’est donc pas possible de se servir de son bien comme garantie.
391) En ce sens, F. Vancleemput, L. Fabre et E. Grimond, 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, Familles, Solidarités, Numérique. Le notaire au cœur des mutations de la société, no 2162.
392) À ce propos, V. C. Gijsbers, L’insuccès du prêt viager hypothécaire : JCP N 2016, no 12, 1103, spéc. no 10.
393) V., sur ce point, la critique pertinente du 108e Congrès des notaires de France, Montpellier, 23-26 sept. 2012, La transmission, no 234, p. 504.
394) Sur cette question, V. les développements pertinents de N. Randoux, L’avenir du prêt viager hypothécaire : Defrénois 2009, no 22, p. 2401.
395) N. Pécourt, Les réponses apportées par le prêt viager hypothécaire face aux enjeux du vieillissement de la population : JCP N 2014, nos 45-46, 1330.
396) C. Gijsbers, art. préc., spéc. no 1.
397) V. Ademe, Étude sur le prêt viager hypothécaire appliqué à la rénovation énergétique du logement, 2017, spéc. p. 5, qui constate que le prêt viager hypothécaire est commercialisé uniquement par le Crédit Foncier et ne représente qu’un volume de l’ordre d’un millier de dossiers par an. La disparition du Crédit Foncier jette du reste le trouble sur le maintien ou non de ce produit par le groupe BPCE.
398) V. J.-F. Riffard, Faut-il vraiment sauver le prêt viager hypothécaire ? : JCP N 2018, no 25, 1214, spéc. no 1.
399) Ce taux d’intérêt, à l’origine supérieur à 8 % a évolué jusqu’à descendre, grâce à l’autoassurance, à un niveau plus raisonnable mais encore élevé, de 4,8 %.
400) N. Randoux, L’avenir du prêt viager hypothécaire : Defrénois 2009, no 21, p. 2263.
401) J.-F. Riffard, art. préc., spéc. no 24.
402) Cela signifie concrètement que les prêteurs ne peuvent pas présenter de plaquettes, faire la promotion de ce type de prêts sur leur site et doivent se limiter à le proposer en réponse à une demande explicite lors d’un entretien.
403) N. Randoux, L’avenir du prêt viager hypothécaire : Defrénois 2009, no 21, p. 2263. Cette thèse a été reprise par le 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, Familles, Solidarités, Numérique. Le notaire au cœur des mutations de la société, no 2162.
404) V. J.-F. Riffard, art. préc., spéc. no 21, qui souligne cependant, à juste titre, qu’il « n’est pas sûr que cette perspective réjouisse les établissements de crédit qui n’ont aucune vocation à gérer des immeubles occupés, mais qui vont chercher au contraire à les vendre, libres de toute occupation ».
405) C. Gijsbers, art. préc., spéc. no 11.
406) En ce sens, V. Rép. dr. imm. Dalloz, Vo Prêt viager hypothécaire, no 73, par S. Piédelièvre.
407) En ce sens, V. J.-F. Riffard, art. préc., spéc. no 20.
408) F. Vancleemput, L. Fabre et E. Grimond, 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, Familles, Solidarités, Numérique. Le notaire au cœur des mutations de la société, no 2162.
409) En ce sens, V. C. Gijsbers, art. préc., spéc. no 12. Adde, J.-F. Riffard, art. préc., spéc. no 22.
410) N. Pécourt, art. préc.
411) N. Randoux, L’avenir du prêt viager hypothécaire : Defrénois 2009, no 22, p. 2401.
412) J.-F. Riffard, art. préc., spéc. no 34.
413) CES, 11 mars 2008 : JCP N 2008, no 17, act. 424.
414) Rapport D. Libault, Concertation Grand âge et autonomie, mars 2019, p. 135.
415) Dans le cas d’un maintien à domicile, l’établissement bancaire, disposant d’une information importante sur l’espérance de vie de la personne, proposerait des taux inférieurs aux taux actuellement pratiqués sur le prêt viager (de l’ordre de 4 % contre 8 % en moyenne aujourd’hui pour un prêt viager hypothécaire classique). Dans le cas d’une prise en charge en établissement, le prêt servirait de prêt relais avant la vente du bien immobilier, selon un délai fixé à l’avance et autorisant des taux inférieurs aux taux pratiqués pour le prêt viager hypothécaire classique. Ce prêt dépendance pourrait être réversible, permettant à la famille d’anticiper le remboursement de la dette accumulée au moment de la disparition du parent âgé ou de son départ en Ehpad si elle veut garder le bien immobilier.
416) V. S. Prigent, Prêt viager hypothécaire et solutions alternatives : les éléments du conseil : Defrénois 2009, no 4, p. 414, qui s’est attaché à analyser comparativement les deux institutions. Dans pratiquement tous les cas de figure, les diverses simulations démontrent que sur le plan économique le prêt viager hypothécaire est désavantageux.
417) En ce sens, V. C. Gijsbers, art. préc., spéc. no 13. Adde, J.-F. Riffard, art. préc., spéc. no 34.
Aller au contenu principal