CGV – CGU

Chapitre I – Le choix d’un mandat de protection future

Partie I – L’anticipation de la vulnérabilité
Titre 2 – L’anticipation de la vulnérabilité des majeurs
Sous-titre 1 – L’anticipation dans la gestion
Chapitre I – Le choix d’un mandat de protection future

1166 – Introduction. – Le mandat de protection future est un contrat qui « organise de manière anticipée la représentation par un ou plusieurs mandataires d’une personne pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts personnels ou patrimoniaux du fait d’une altération de ses facultés »124. Il est régi par les articles 477 à 494 du Code civil.

Réclamé depuis longtemps par la profession notariale125, vanté par les instances européennes126 et pratiqué par de nombreux pays étrangers bien avant la France (Angleterre, Autriche, Italie, Pays de Galles, Québec, Suisse), le mandat de protection future fut « l’innovation la plus spectaculaire de la loi du 5 mars 2007 »127. Jusqu’alors, le monde des personnes vulnérables, tous acteurs confondus, se plaignait d’un manque d’autonomie à la fois dans la désignation du représentant de la personne protégée et dans la détermination de ses pouvoirs. « La souffrance, le mal-être, le regard des autres, la pudeur, la solitude éloignent souvent des instances publiques et des prétoires. Un mode volontaire de protection est un refuge, à l’abri des indiscrétions. » L’introduction du mandat de protection future dans notre législation a ainsi ouvert de nombreux horizons, auxquels le notariat a été étroitement associé.

Et pourtant, une dizaine d’années plus tard, on constate que ce mécanisme novateur, clé de voûte des mesures d’anticipation, ne rencontre pas en France le succès escompté, non seulement – et pour rester à la surface des choses – parce que le mandat de protection future a, auprès du grand public, une mauvaise image, notamment en ce qu’il requiert de projeter sa propre fin de vie, ce qui est « douloureux humainement »128, mais aussi, il ne faut pas s’en cacher, parce que la pratique notariale en fait une application prudente, mesurée et parcimonieuse. Et puis, ce qui n’arrange rien, il ne fait à ce jour l’objet d’aucune publicité. Si le nombre de mandats de protection future est en constante et régulière hausse, il reste extrêmement faible en proportion du nombre de personnes susceptibles d’être concernées129.

Les mandats de protection future correspondent à 0,8 % des 730 000 mesures de protection juridique en cours. Bien plus, 83 % des mandants, majoritairement des femmes, ont plus de quatre-vingts ans, ce qui expose naturellement ces mandats aux suspicions de l’entourage du mandant et donc au risque d’une procédure diligentée à leur encontre visant à sa mise à l’écart.

En dépit de ces statistiques décevantes, pour ne pas dire inquiétantes, le mandat de protection future reste un outil très utile et apprécié, puisqu’à l’inverse des mesures judiciaires de protection, il permet au mandant de conserver indirectement le contrôle sur la gestion de son patrimoine et, le cas échéant, sur les actes relatifs à sa personne, par le biais du choix, basé sur la confiance, d’une personne, son mandataire, destinée à le représenter et donc à se substituer à lui pour un temps où il ne pourra plus pourvoir seul à ses intérêts. En ce sens, le mandat est rassurant car il permet d’organiser sa propre vulnérabilité en présence du notaire et sous son contrôle. En sus, il est une alternative juridiquement plus sûre à la procuration générale consentie à un proche par la personne vulnérable130.

1167 – Trois phases successives. – Nous allons suivre un plan chronologique des phases de vie du mandat de protection future, depuis son élaboration (Section I), jusqu’à sa fin (Section III), en passant par sa mise en œuvre (Section II).

Section I – La formation du mandat de protection future

1168 – Plan. – Nous allons successivement envisager les conditions de formation (Sous-section I), l’objet (Sous-section II) et la publicité du mandat de protection future (Sous-section III).

Sous-section I – Les conditions

1169 – Deux types de conditions. – Le législateur soumet la formation du mandat de protection future à deux séries de conditions : des conditions de fond (§ I) et des conditions de forme (§ II).

§ I – Les conditions de fond

1170 – Dualité des conditions de fond. – Les textes posent des conditions tenant, d’une part, au mandant (A) et, d’autre part, au mandataire (B).

A/Les conditions relatives au mandant

1171 – Capacité du mandant. – Le mandat de protection future étant un contrat, il ne peut être souscrit que par une personne dotée de la capacité juridique. Partant, et par principe, toute personne majeure dispose de la faculté de souscrire un tel mandat (C. civ., art. 414 et 1123). Qu’en est-il, en revanche, lorsque la personne majeure est placée sous un régime de protection ? Tout dépend alors de l’intensité de cette dernière.

Le placement sous sauvegarde de justice n’empêche pas le recours à un tel mandat, la capacité du majeur étant alors maintenue.

De la même manière, l’accès au mandat de protection future est ouvert au majeur sous curatelle, lequel ne peut toutefois conclure ce contrat qu’en étant assisté de son curateur (C. civ., art. 477, al. 2)131. En cas de refus de celui-ci, le curatélaire peut solliciter l’autorisation du juge (C. civ., art. 469, al. 3 et CPC, art. 1213)132. De prime abord, et en dépit du silence des textes, la solution a vocation à s’appliquer à l’habilitation familiale aux fins d’assistance, dont les règles sont calquées, par principe, sur la curatelle (C. civ., art. 494-1, al. 1er)133.

En revanche, la personne majeure qui fait l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale aux fins de représentation ne peut recourir au mandat de protection future (C. civ., art. 477, al. 1er). S’agissant de l’habilitation familiale, et en dépit de cette pétition de principe, il convient en réalité de distinguer selon que l’habilitation en cause est générale, auquel cas la personne protégée ne peut effectivement conclure un tel mandat (C. civ., art. 494-8, al. 2) ou spéciale, dans la mesure où dans cette hypothèse la personne protégée conserve la faculté de conclure un mandat de protection future, lequel pourra être mis en œuvre après l’accomplissement du ou des actes pour lesquels l’habilitation a été délivrée ou pour l’accomplissement d’autres actes que ceux couverts par l’habilitation spéciale (C. civ., art. 494-8, al. 1er).

1172 – Mandat tardif. – La loi laisse la faculté à la personne sauvegardée et à la personne en curatelle de signer un mandat de protection future. Il en va de même a fortiori lorsqu’une procédure en vue de l’ouverture d’une telle mesure est encore pendante devant le juge des tutelles.

En droit, ces préconisations semblent parfaitement justifiées. Le mandat peut intervenir tant que la personne a « la capacité mentale de faire un acte juridique »134. Or, ni la mise en place d’une mesure de protection judiciaire sans représentation, ni a fortiori le seul dépôt d’une requête à cette fin ne remettent en cause la capacité de l’intéressé. La règle consacre à la fois le respect de la volonté de la personne protégée et le principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport au mandat de protection future (C. civ., art. 428, al. 1er). Et puis, le juge des tutelles, agissant ainsi comme une soupape de sécurité, est susceptible d’intervenir dans de telles circonstances, lorsque le mandat de protection future ne permet pas de garantir la préservation de la personne du mandant et de son patrimoine (C. civ., art. 483, 4o).

La jurisprudence relative à l’articulation d’une mesure de protection judiciaire avec la conclusion d’un mandat de protection future

La Cour de cassation a rendu deux décisions concernant des mandats tardifs.

Dans la première espèce, la Cour de cassation a approuvé des juges du fond d’avoir écarté, au profit d’une curatelle, un mandat de protection future signé pendant la procédure devant le juge des tutelles par une personne sous sauvegarde de justice, au motif que celle-ci se trouvait sous l’emprise de son fils, désigné en qualité de mandataire de protection future, qui l’isolait du reste de sa famille contre sa volonté, et dont la gestion était entachée d’opacité135.

Dans la seconde espèce, elle a pareillement approuvé la révocation d’un mandat conclu par un jeune autiste sous sauvegarde de justice désignant son père en qualité de mandataire de protection future, au profit d’une curatelle renforcée confiée à ce dernier136.

Dans ces deux espèces, faisant manifestement fi du principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport au mandat de protection future (C. civ., art. 428, al. 1er), les hauts magistrats ont admis (trop) facilement la mise à l’écart du second au profit des premières. Il est toutefois difficile de tirer de véritables enseignements de ces décisions dans la mesure où la question épineuse de l’application ou non du principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport au mandat de protection future ne lui était pas clairement posée. C’est dire que l’on attend donc toujours avec impatience que la Cour de cassation ait une occasion de devoir se prononcer explicitement sur les conditions de l’application éventuelle ou non d’un mandat de protection future tardif, conclu et ayant pris effet au cours de l’instance aux fins d’ouverture d’une mesure de protection juridique.

La justification en droit de la règle n’empêche pas de s’interroger en fait sur l’opportunité de mettre en place un mandat de protection future dans ces circonstances. En effet, la tardiveté du mandat semble alors de nature à jeter la suspicion sur les circonstances ayant présidé à sa conclusion et, par suite sur son aptitude à pourvoir suffisamment aux intérêts du mandant. Bien plus, si, placé sous curatelle, le mandant bénéficie de l’assistance de son curateur pour signer le mandat, il en va différemment de celui qui, sous simple sauvegarde en justice, est livré à lui-même avec le risque évident d’un mandat extorqué par des mandataires sans scrupules. À dire vrai, le mandat de protection future est une mesure d’anticipation qui semble mal s’accommoder, de prime abord, avec l’instruction ou la préexistence avérée d’une mesure judiciaire de protection. Les doutes sur le discernement du mandant sont, dans un cas, légitimes et, dans l’autre, démontrés. Or, « pour qu’il y ait autonomie de la volonté encore faut-il qu’il y ait volonté saine et libre »137.

D’une manière générale, le risque de remise en cause du mandat est évident quand on constate une proximité de sa signature et de sa mise à exécution. C’est le cas a fortiori en présence d’un mandat purement « défensif »138, conclu pendant la phase d’instruction d’une requête en vue de la mise en place d’une protection judiciaire ou lorsqu’une telle mesure est déjà en place, vraisemblablement sur la suggestion de son bénéficiaire, et pour faire échec à ladite mesure. Aussi la signature d’un mandat tardif suppose-t-elle pour le notaire rédacteur de respecter un principe de précaution accru, afin de s’assurer que le mandant, en dépit du contexte, bénéficiait d’un discernement suffisant pour comprendre le sens et la portée de son acte. Le notaire prendra soin de conserver la preuve de ces diligences, sous peine de voir sa responsabilité engagée. En cas de doute avéré sur le discernement du mandant, il doit bien évidemment refuser d’instrumenter.

1173 – Annulation du mandat. – Une altération des facultés mentales du mandant au moment de la conclusion du mandat de protection future n’entraîne pas nécessairement son annulation puisque le texte permet à une personne sauvegardée ou sous curatelle, par hypothèse atteinte d’une telle altération, de conclure un tel mandat. En définitive, l’annulation ne peut être prononcée que s’il est établi que le mandant, en raison de l’importance de l’altération de ses facultés, n’était pas en mesure de s’engager valablement au moment de la conclusion. Aucune disposition ne donnant compétence au juge des tutelles pour statuer sur une telle demande d’annulation, celle-ci relève de la compétence de droit commun du tribunal de grande instance139. Contrairement à une idée reçue, le juge des tutelles n’est donc pas le juge de la validité du mandat de protection future. Il peut simplement bloquer sa mise en œuvre s’il est démontré que l’exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant (C. civ., art. 483, 4o)140.

B/Les conditions relatives au mandataire

1174 – Liberté de choix. – Le mandant procède librement à la désignation de la personne de son choix, sous réserve de certaines restrictions.

Ainsi le mandataire peut être une personne morale, laquelle doit cependant être choisie sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs prévue à l’article L. 471-2 du Code de l’action sociale et des familles (C. civ., art. 480, al. 1er).

Le mandataire peut également être une personne physique, ce qui est du reste généralement le cas dans les faits. Les textes imposent seulement, en pareille occurrence, que la personne choisie jouisse de la capacité civile pendant toute la durée du mandat (C. civ., art. 480, al. 2) et qu’il remplisse, pendant la même durée, les conditions requises pour l’exercice des charges tutélaires (C. civ., art. 395 et 445, al. 2 et 3).

Concrètement, ces conditions excluent la possibilité pour le mandant de désigner comme mandataire de protection future :

un majeur placé sous un régime de protection juridique ;

un mineur non émancipé ;

une personne à qui aurait été retirée l’autorité parentale ou à qui l’exercice des charges tutélaires aurait été interdit en application de l’article 131-26 du Code pénal (C. civ., art. 480, al. 2, qui renvoie à C. civ., art. 395) ;

les membres des professions médicales ou pharmaceutiques ainsi que les auxiliaires médicaux, lesquels ne peuvent être classiquement désignés mandataires de leurs patients (C. civ., art. 480, al. 2, qui renvoie à C. civ., art. 445) ;

enfin, le fiduciaire désigné par le contrat de fiducie (C. civ., art. 445, al. 3).

Outre ces restrictions égales, il va sans dire, au surplus, que le rédacteur de l’acte, qu’il s’agisse du notaire ou d’un avocat, ne saurait être concomitamment partie à l’acte et donc être investi de la qualité de mandataire, et ce d’autant plus, pour le notaire, que la loi lui confie au surplus la charge de contrôler a posteriori les actes de ce dernier (C. civ., art. 491).

1175 – Pluralité de choix. – L’article 477 du Code civil autorise la nomination de plusieurs mandataires.

D’une part, la pluralité de mandataires peut être successive. Le mandant peut ainsi décider de procéder à la désignation d’un mandataire principal, normalement chargé d’exercer la fonction, et d’un ou plusieurs mandataires subsidiaires, chargés de suppléer le premier si celui-ci ne pouvait exercer sa mission pour un motif quelconque (décès, incapacité, révocation, renonciation, etc.). Il est vivement conseillé au mandant de prévoir une telle désignation en cascade, car il se pourrait qu’au moment du décès du mandataire désigné, ou de son incapacité, il ne soit plus en état lui-même de pourvoir à son remplacement. Or, dans ce cas, et parce qu’il ne lui appartient pas de pallier la volonté du mandant, le juge ne viendra pas au secours du mandat. Il ne restera plus qu’à abandonner le mandat pour en revenir aux solutions légales, ce qui serait regrettable141.

Conseil pratique

La double désignation d’un mandataire prioritaire et d’un mandataire subsidiaire constitue une précaution rédactionnelle élémentaire, car elle présente l’intérêt de sécuriser au maximum le contrat conclu par le mandant et de faire en sorte qu’il trouve exécution malgré les aléas qui pourraient survenir142.

D’autre part, la pluralité de mandataires peut être simultanée, ce qui appelle davantage de réserves. Le mandant peut ainsi confier la mission à plusieurs mandataires qui exerceront leur mission avec des pouvoirs alternatifs ou concurrents, en fonction des actes à accomplir. Le procédé peut être particulièrement utile lorsque des compétences spécifiques sont requises pour la gestion d’un bien déterminé ou en présence d’un patrimoine complexe. Une autre option consiste à désigner un mandataire attaché à la personne, tandis qu’un autre lui sera préféré pour la gestion du patrimoine. Le mandant peut aussi opter pour la désignation distributive d’un mandataire chargé de la gestion du patrimoine professionnel et d’un autre appelé à gérer le patrimoine personnel.

À vrai dire, toutes les formules sont envisageables. Le risque est toutefois évident en présence d’un collège de mandataires de voir naître des conflits entre eux, a fortiori lorsqu’ils se sont vu confier des pouvoirs concurrents sur les biens. C’est pourquoi, à notre sens, mieux vaut éviter la désignation simultanée de plusieurs mandataires. Si, toutefois, le mandant privilégie cette formule, il s’agit de l’encadrer strictement. Bien évidemment, et a minima, le mandant doit être attentif aux affinités de chacun et à leurs domaines d’intervention respectifs. Au-delà, le mandat doit contenir de clauses destinées à prévenir d’éventuelles situations de blocage, par exemple en donnant une prévalence à l’un des mandataires en cas de tiraillements. À défaut, et ce serait fâcheux, il appartiendra au juge des tutelles d’intervenir (C. civ., art. 484), qui n’aura d’autre choix vraisemblablement que d’ouvrir une mesure de protection judiciaire.

1176 – Opportunité du choix. – Bien que les textes ne l’exigent pas expressément, le choix du mandataire doit être guidé par l’aptitude particulière dont il dispose pour gérer efficacement le patrimoine du mandant. « Cette aptitude pourra être appréciée au regard de différents critères parmi lesquels la complicité qu’il entretient avec le mandant, sa qualification particulière, sa proximité géographique avec les biens objet du mandat, le fait qu’il ait été associé par le mandant à la gestion de ces biens »143. Bien évidemment, les qualités requises pouvant être puisées chez divers intervenants, et en dépit des inconvénients de la formule, le choix d’une pluralité de mandataires peut parfois s’imposer au mandant.

En pratique, bien que la solution ne soit nullement imposée par les textes, et pour des raisons évidentes, c’est très souvent un proche, issu de l’environnement familial qui est choisi144. On songe ici principalement aux enfants, même si l’on sait que la désignation de l’un d’entre eux peut créer des tensions et des suspicions au sein de la fratrie. Une répartition des rôles entre les uns et les autres, en fonction de leurs compétences respectives, tout en ayant conscience des risques de conflits qui en résultent, peut alors constituer une solution idoine.

La question du choix du mandataire présente une réelle particularité si le mandant est marié. Qui choisir en pareille occurrence ? De prime abord, de nombreux avantages postulent pour que le mandat de protection future soit confié au conjoint, lequel est naturellement « la personne la plus proche, la plus disponible, la plus attentive et la plus au fait, dans l’intimité du foyer, de la connaissance du mandant, de son patrimoine, de sa personne »145. Au-delà, ne pas choisir le conjoint est risqué, car les pouvoirs du mandataire de protection future viendront alors en concurrence avec ceux que le conjoint tire des règles issues du régime primaire et des régimes matrimoniaux146 et pourront susciter autant de discordes entre les protagonistes. C’est dire que le principe de réalisme milite en faveur de la désignation du conjoint en qualité de mandataire. Les inconvénients liés à un tel choix ne doivent cependant pas être occultés. Que l’on songe principalement aux conflits d’intérêts qui peuvent surgir, d’une part, entre le mandant et son conjoint en cas de séparation et, d’autre part, entre le conjoint et les enfants du mandant, notamment, mais pas seulement, si ces derniers sont issus d’une autre union. Face à un tel risque, la désignation complémentaire d’un mandataire ad hoc peut s’avérer judicieuse. En tout état de cause, et sauf à prévoir un mandataire de substitution, le choix du conjoint est évidemment à proscrire si ce dernier a approximativement le même âge que le mandant, car le risque est alors évident que le mandataire ne voie sa santé physique et intellectuelle décliner concomitamment à celle du mandant et ne soit donc pas en mesure d’accomplir sa mission.

Dans l’hypothèse où le mandant privilégie un tiers au conjoint, et pour éviter les tensions éventuelles inhérentes à une mise à l’écart totale de ce dernier, il peut être opportun de combiner les dispositions concurrentes, en associant par exemple le conjoint dans les décisions à prendre, ou du moins certaines d’entre elles. Au rebours, dans l’hypothèse où le conjoint a été choisi comme mandataire, il est loisible de prévoir des clauses, certes contraignantes pour le conjoint, mais destinées à sécuriser et protéger les enfants, par exemple en subordonnant à leur accord tous actes de disposition à définir.

Bien évidemment, l’intérêt de toutes ces précautions rédactionnelles doit être apprécié à l’aune du contexte familial. Si ce dernier est déjà particulièrement tendu, le choix d’une personne totalement étrangère à ce contexte, tel un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, doit être privilégié.

La situation est globalement identique si le mandant entend choisir son partenaire ou son concubin en qualité de mandataire de protection future.

Une armée mexicaine… parfois indispensable !

Tout doit être prévu, c’est là toute la difficulté, afin que le mandat fonctionne harmonieusement, sans risques potentiels de conflits. Dans cette optique, et dans l’idéal, le mandat ne peut pas se contenter, dans la plupart des cas, de prévoir la seule désignation d’un mandataire, à qui l’on donnerait carte blanche.

Ainsi, outre la pluralité de mandataires, qui présente certains inconvénients, et avec des réserves globalement similaires, il peut être utilement envisagé la désignation d’un ou plusieurs tiers de confiance. Cette faculté n’est pas prévue par la loi, mais elle résulte des réflexions des praticiens qui y voient plusieurs intérêts, notamment celui d’associer, par ce biais, d’autres personnes de la famille ou d’autres proches – par exemple, les enfants – aux décisions concernant la personne protégée, pour qu’ils ne se sentent pas exclus par le mandataire147.

Au-delà, parce qu’il s’agit de trouver dans le cadre du mandat de protection future des solutions qui permettent d’évacuer, autant que possible, le recours au juge, le mandant peut désigner un subrogé mandataire, qu’il s’agisse d’un autre enfant en présence d’une fratrie ou d’une tierce personne en l’absence d’enfants. Ce subrogé mandataire peut être investi, à l’instar de tout tiers de confiance, d’un pouvoir de surveillance du mandataire de protection future mais, à nos yeux, son rôle de contrepoids à l’action de ce dernier est davantage marqué. Dans la rédaction du contrat, le mandant peut évidemment s’inspirer de l’article 454 du Code civil qui prévoit le rôle alloué classiquement au subrogé curateur et au subrogé tuteur. Il peut aussi aller plus loin et prévoir que les actes de disposition soient soumis au consentement du subrogé mandataire, quitte même, on peut le suggérer, à se passer dans certains cas de l’autorisation du juge, pourtant requise par les textes148.

Enfin, il peut être judicieux de désigner un mandataire ad hoc pour couvrir l’hypothèse de la survenance d’un conflit d’intérêts au cours de l’exécution entre le mandataire et le mandant, et ce d’autant plus que les textes n’offrent aujourd’hui au juge, dans le silence du mandat, qu’une faculté étroite de procéder à une telle désignation (C. civ., art. 485, 2o)149.

§ II – Les conditions de forme

1177 – Dérogation au droit commun. – Contrairement au droit commun du mandat, qui n’exige aucune forme particulière pour la conclusion d’un tel contrat, le mandat de protection future est soumis par la loi à un formalisme minutieux. Il s’agit, par ce biais, d’attirer l’attention du mandant sur la gravité de ce qu’il entreprend. Cependant, si elle n’est pas libre, la conclusion du mandat peut toutefois prendre deux formes, dont le choix est laissé aux parties : l’acte notarié ou la signature privée (C. civ., art. 489).

1178 – Mandat notarié. – Les parties peuvent opter pour la forme authentique. Le mandat est alors reçu par le notaire choisi par le mandant et accepté par le mandataire dans les mêmes formes (C. civ., art. 489, al. 1er).

Une sous-section complète du code est consacrée au mandat notarié (C. civ., art. 489 à 491).

Les textes prévoient ainsi que le mandant a la faculté de modifier ou de révoquer le mandat donné, tant que celui-ci n’a pas pris effet. La modification du mandat doit respecter la règle du parallélisme des formes. Ainsi, par exemple, une modification des pouvoirs du mandataire nécessitera un nouvel acte notarié. En revanche, la révocation du mandat par le mandant ne nécessite pas un acte notarié, une simple lettre recommandée avec demande d’avis de réception au notaire et au mandataire suffit (C. civ., art. 489, al. 2). Quant au changement de mandataire, il nécessitera une notification de la révocation au premier mandataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et l’établissement d’un nouvel acte notarié qui devra être accepté par le nouveau mandataire.

De son côté, et là encore tant que le mandat n’a pas pris effet, le mandataire peut également y renoncer. Il doit alors simplement notifier sa renonciation au mandat et au notaire (C. civ., art. 489, al. 2).

Un mandat n’est jamais écrit une bonne fois pour toutes !

Une fois signé, et tant qu’il n’a pas été mis à exécution, le mandat de protection future n’est jamais figé dans le marbre ; il est susceptible d’être réécrit, complété et amendé. Aussi, durant cette période de latence du mandat, le notaire rédacteur doit-il être, dans la mesure du possible, en relation régulière avec son client, pour assurer un suivi personnalisé. De son côté, le mandant ne doit pas hésiter à venir le consulter pour vérifier l’adaptation constante du contrat à sa situation personnelle, familiale, patrimoniale, financière et géographique. Cette souplesse de révision du mandat tant qu’il n’est pas activé est caractéristique du mandat, qui est le produit d’une volonté, laquelle peut changer ou devoir s’adapter aux circonstances150. Ainsi le choix du mandataire ou encore les pouvoirs qui lui ont été conférés peuvent, au fil du temps, ne plus correspondre aux besoins et aux intérêts du mandant. Au rebours, c’est parfois le mandataire, eu égard à l’évolution de sa propre situation, notamment de son état de santé, qui peut désirer rompre un contrat dont il ne se sent plus d’assumer la charge. Cette liberté de mouvement des parties est d’autant plus indispensable ici qu’un laps de temps très long peut s’écouler entre la conclusion du mandat et sa prise d’effet.

1179 – Mandat sous seing privé. – Les parties peuvent également conclure leur mandat sous seing privé. En pareille occurrence, le mandat peut être soit contresigné par un avocat, soit établi selon un modèle défini par décret en Conseil d’État (modèle Cerfa 13592-02)151.

Quelle que soit la forme choisie, le mandat est alors « daté et signé de la main du mandant » (C. civ., art. 492, al. 1er). En revanche, il n’a pas à être écrit de la main du mandant si bien qu’il peut être dactylographié.

Le mandataire accepte le mandat en y apposant sa signature (C. civ., art. 492, al. 2).

Tant que le mandat n’a pas reçu exécution, le mandant peut le modifier ou le révoquer dans les mêmes formes et le mandataire peut y renoncer en notifiant sa renonciation au mandant (C. civ., art. 492, al. 3).

1180 – Prévalence du mandat notarié. – Le grand principe qui domine l’écriture du mandat est celui de la liberté de rédaction. C’est la volonté du mandant qui fait le mandat. Mais, s’agissant d’un contrat aussi complexe, cette volonté doit être entourée et guidée. Utiliser un modèle type, tel que ceux publiés par la Chancellerie, ne permet en aucune manière de remplir l’objectif poursuivi. En présence d’un acte dont le contenu s’avère aussi étendu que celui du mandat de protection future, qui peut aller de la gestion de l’ensemble du patrimoine à la protection de la personne, il paraît « utopique »152 de penser qu’un cadre tout prêt, aussi précis et détaillé soit-il, peut apporter les informations nécessaires à un consentement de qualité. En réalité, le mandat de protection future est « l’exemple parfait du contrat cousu main »153, c’est-à-dire élaboré très attentivement et particulièrement individualisé, pour coller au plus près à la volonté du mandant et à la configuration de son patrimoine. Le recours à un professionnel, qui fournit une information précise et adaptée aux besoins de son client, apparaît dès lors indispensable. Cette intervention remplit ici un rôle de protection, en constituant la meilleure garantie possible d’un consentement libre et éclairé.

Reste à choisir entre l’acte authentique et l’acte contresigné de l’avocat, dans la mesure où le choix entre les deux formes de mandat n’est pas neutre. À l’analyse, on constate que le mandat notarié présente a minima deux avantages par rapport au mandat sous seing privé154. D’une part, et contrairement au mandat notarié, le mandat sous seing privé n’acquiert date certaine que dans les conditions prévues à l’article 1328 du Code civil (C. civ., art. 492-1), ce qui implique concrètement qu’il doive être enregistré à la recette des impôts à cette fin155. D’autre part et surtout, le mandat sous seing privé confère au mandataire des pouvoirs bien inférieurs à ceux résultant du mandat notarié156, ce qui limite de facto la portée du mandat de protection future et peut donc aboutir à nuire à son efficacité, au détriment des intérêts du mandant. C’est là le signe tangible de la faveur du législateur pour la forme notariée, qui se traduit du reste dans les faits, la plupart des mandats étant rédigés par acte authentique157.

Sous-section II – L’objet

1181 – Mesure de représentation. – La loi ne définit pas le mandat de protection future. On peut considérer qu’il s’agit d’un « mandat de représentation d’une personne physique, lorsque celle-ci, hors d’état de manifester sa volonté, ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts, dans les actes de la vie civile, personnelle et patrimoniale »158.

Élargir l’objet du mandat à l’assistance pour couvrir la zone grise ?

Une piste de réflexion sérieuse concernant le mandat de protection future conduirait, sous l’influence du rapport Caron-Déglise, à « prévoir la possibilité d’une assistance dans le mandat de protection future, à l’image de l’assistance proposée dans l’habilitation familiale »159.

Aujourd’hui, on peut constater et regretter que la « zone grise » de vulnérabilité ne soit pas couverte par le mandat de protection future qui, après sa signature, n’est destiné à prendre effet, sans phase de transition, qu’une fois le mandant hors d’état de manifester sa volonté. La période qui s’écoule entre la lucidité et l’inaptitude fait l’objet aujourd’hui d’une organisation parcellaire, au mieux par la signature d’un mandat ordinaire général ou, à défaut, par le recours à des procurations ponctuelles. Pendant ce temps, le mandat de protection future signé est en sommeil, au point où, si le majeur éprouve le besoin d’être conseillé et contrôlé dans les actes de la vie civile, il devra alors être placé sous le régime de la curatelle. L’idée serait donc de permettre une protection graduée progressive et adaptée dans le cadre du seul mandat de protection future, en conférant un double visage à ce dernier : un mandat-assistance, dont les règles de la curatelle constitueraient le modèle, et un mandat-représentation, qui constitue aujourd’hui le droit positif, dont les règles sont influencées par celles de la tutelle. Ce mandat-assistance permettrait de couvrir des situations où le mandant commence à constater que ses facultés déclinent sans pour autant être dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté, ou encore celles où le mandant, doté de ses pleines facultés intellectuelles, éprouve la nécessité, au regard de handicaps physiques lourds, d’être assisté. On songe notamment, mais pas seulement, au plurihandicap, caractérisé par l’association d’atteintes motrices et/ou sensorielles de même degré (sourds-aveugles, infirmes moteurs cérébraux sourds, etc.) qui rend particulièrement délicate l’expression de la volonté.

Dans cette optique, sans s’attarder sur la faculté de prévoir une application cumulative de ces deux types de mesures, source de difficultés inextricables à nos yeux, nous pourrions songer à une graduation chronologique, qui serait fonction de l’évolution de la perte d’autonomie du mandant. Le déclenchement à double détente du mandat se ferait sur la foi d’un certificat médical témoignant, dans un premier temps, du besoin d’assistance du mandant puis, dans un second temps, de la nécessité de sa représentation. Cette procédure de déclenchement, en deux temps serait confiée au notaire, qui rédigerait un acte valant prise d’effet du mandat-assistance de protection future puis, plus tard, lorsque les facultés du mandant sont davantage altérées, un acte valant prise d’effet du mandat-représentation de protection future. Bien évidemment, la mise en œuvre d’une mesure de publicité adaptée et efficace, témoignant de l’activation du mandat-assistance puis de son glissement vers le mandat-représentation, serait indispensable.

Serait-il envisageable, à l’instar de certains modèles étrangers, de prévoir une prise d’effet immédiate du mandat ? Parce que le mandat de protection future présente l’originalité d’être une œuvre d’anticipation établie à une époque sereine, en prévision de temps qui le seront moins, nous serions enclins à privilégier une prise d’effet différée. Il nous semble toutefois difficile d’exclure la faculté d’une signature tardive du mandat par un majeur dont les facultés physiques et cognitives commencent à être altérées au point d’éprouver le besoin d’être assisté sans délai. En effet, cette faculté serait en tout point conforme à la possibilité actuellement allouée au majeur en curatelle de pouvoir conclure un mandat de protection future avec l’assistance de son curateur.

L’élargissement du mandat de protection future à l’assistance est séduisant, mais le rapport Caron-Déglise, qui a insinué l’idée, ne détaille pas les implications liées à l’introduction de cette technique, à l’instar du législateur qui n’a pas tout réglementé pour l’assistance en habilitation familiale. S’agissant d’une mesure de protection conventionnelle, l’obstacle n’est pas insurmontable : il trouvera sa solution dans le contrat, lequel devra prévoir dans quels cas et pour quels actes le mandataire sera amené à assister le mandant. Plus compliqué, et sur le terrain de la théorie juridique, l’élargissement de l’objet du mandat de protection future supposera « de faire évoluer la conception française du mandat »160, celui-ci étant traditionnellement considéré comme un acte de représentation uniquement.

1182 – La coexistence de pouvoirs concurrents. – Bien qu’étant une mesure de représentation, il est très généralement admis que le mandat de protection future, de manière assez troublante, ne fait pas perdre sa capacité juridique au mandant (§ I). En revanche, parce qu’il s’agit précisément d’une mesure de représentation, ce mandat peut susciter, une fois déclenché, des situations de conflits avec d’autres mesures de protection (§ II).

§ I – L’objet et la capacité du mandant

1183 – Une mesure qui n’est pas incapacitante. – Le mandat de protection future, une fois mis en œuvre, fait-il perdre au mandant sa capacité juridique ? Si la question a soulevé – et soulève encore – de nombreux débats doctrinaux, on peut cependant affirmer, sans guère de risque de se tromper, qu’en prévoyant la sanction des actes que le mandant est susceptible de passer une fois le mandat activé, l’article 488 du Code civil a ainsi formellement exprimé le maintien de sa capacité juridique.

À vrai dire, la solution procède de la volonté claire du législateur161, guidée par les engagements internationaux pris par la France162, lesquels se caractérisent par le refus d’assimiler la vulnérabilité et la perte de capacité. Elle peut s’appuyer, au surplus, sur de solides arguments juridiques. On peut notamment rappeler, à son soutien, d’une part, qu’il paraît difficile d’admettre qu’une protection conventionnellement organisée puisse, à elle seule, créer une véritable incapacité163 et, d’autre part, que la loi a délibérément choisi d’utiliser, s’agissant d’une mesure d’anticipation extrajudiciaire de la vulnérabilité, la technique d’un mandat conventionnel, destiné à assurer la représentation du mandant, dont on sait, en vertu du droit commun, qu’il « laisse au représenté l’exercice de ses droits » (C. civ., art. 1159, al. 2).

Évacuant la thèse d’une capacité limitée au seul domaine où le mandat n’a pas donné au mandataire un pouvoir de représentation – la sphère d’intervention accordée au mandataire par le mandat164 -, le législateur, si l’on en croit la lecture littérale de l’article 488, permet une libre action du mandant, à l’exception de la révocation du mandat qu’il ne peut faire lui-même165.

1184 – Une mesure qui devrait être incapacitante. – La préservation de la capacité du mandant, en dépit de la mesure de représentation dont il fait l’objet, laisse dubitatif si l’on songe que le mandat de protection future ne prend effet précisément qu’en cas de survenance d’une « altération des facultés de nature à empêcher l’expression de la volonté » du mandant (C. civ., art. 425, al. 1er), ce qui devrait pleinement justifier un statut dérogatoire par rapport au droit commun des mandats166. Faut-il souligner à cet égard que les conditions de mise en œuvre du mandat sont similaires à celles requises pour l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, par nature incapacitante ? À vrai dire, on perçoit difficilement comment une personne dont les facultés sont altérées au point de devoir activer le mandat de protection future peut continuer à agir dans tous les actes de la vie civile, et notamment continuer à passer des actes graves sur son patrimoine. Tout ceci n’est guère raisonnable, ni guère rassurant.

Dans les faits, le mandant disposant d’un pouvoir rigoureusement concurrent de celui du mandataire, l’hypothèse d’un conflit de pouvoirs devient alors inévitable. Les deux cocontractants peuvent se retrouver à agir de la même manière, peut-être au même moment, sur les mêmes biens. Quel charivari ! Et quelle sécurité pour les tiers à l’acte comme pour ses rédacteurs ? Et quelle protection pour la personne vulnérable, dont on peut légitimement craindre, puisque ses facultés personnelles sont par définition altérées, qu’elle ne conclue des actes inconsidérés ? En définitive, et sous couvert de respecter les droits fondamentaux de la personne vulnérable, le législateur a consacré une règle qui se révèle concrètement bien moins protectrice pour lui qu’une incapacité pure et simple. L’abrogation de l’article 488 du Code civil, associée à la mise en place d’une mesure de publicité de la mise en œuvre du mandat de protection future, à l’instar de toute mesure de protection incapacitante, permettrait « de sortir de la contradiction dans laquelle se trouve le mandat de protection future, tout à la fois dispositif de représentation de la personne vulnérable et mesure non attentatoire à sa capacité juridique »167.

1185 – Sanctions des actes accomplis par le mandant. – Puisqu’il conserve sa capacité juridique une fois le mandat activé, le mandant peut donc continuer à accomplir des actes juridiques. Néanmoins, ces actes demeurent fragiles dans la mesure où ils peuvent être, d’une part, rescindés pour lésion ou réduits en cas d’excès et, d’autre part, annulés sur le fondement de l’article 414-1 du Code civil, c’est-à-dire lorsque le mandant a été frappé d’un trouble mental au moment de la passation de l’acte (C. civ., art. 488, al. 1). Pour mettre en œuvre la sanction, les tribunaux prennent « notamment en considération l’utilité ou l’inutilité de l’opération, l’importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté ». Si le texte prévoit que l’action n’appartient « qu’à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers » (C. civ., art. 488, al. 2), le pouvoir de représentation générale dont il est doté, en même temps que l’intérêt du mandant militent en faveur d’une extension de l’action en critique au bénéfice du mandataire168. Enfin, l’action est soumise à la prescription quinquennale, prévue à l’article 2224 du Code civil (C. civ., art. 488, al. 2).

L’étrange absence de période suspecte préalablement au déclenchement du mandat

Parce que les conditions de déclenchement du mandat de protection future sont analogues à celles susceptibles de justifier l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, on perçoit difficilement les raisons qui justifient aujourd’hui que les secondes soient précédées d’une période suspecte, au cours de laquelle les actes faits par le majeur ultérieurement protégé peuvent être remis en cause (C. civ., art. 464)169, cependant que les premières y échappent. Tout comme l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, la mise à exécution d’un mandat de protection future laisse à penser que tout acte accompli quelque temps avant peut être suspecté, en ce qu’il comporte le risque d’exploitation par un tiers de la faiblesse de la personne ultérieurement protégée. Aussi conviendrait-il, de lege ferenda, d’étendre le domaine de l’action fondée sur la période suspecte au mandat de protection future170, ce qui contribuerait, aux fins de cohérence, à conforter l’existence d’un socle de droit commun des mesures de protection, quelle que soit leur nature, judiciaire ou conventionnelle.

À cette fin, il faudrait bien évidemment admettre corrélativement, dans un souci de cohérence, et contrairement aux textes actuels, que le mandant perd sa capacité juridique une fois le mandat activé171, car sinon pourquoi remettre en cause les actes signés antérieurement à cette activation si l’on considère qu’il peut théoriquement continuer lui-même à signer des actes ?

§ II – L’objet et la coexistence de pouvoirs concurrents

1186 – Principe de subsidiarité. – Outre les interférences entre les parties, rendues possibles par le maintien de la capacité à agir dont bénéficie le mandant, le mandat de protection future peut susciter, une fois déclenché, des situations de concurrence avec des tiers, dont le risque est aujourd’hui accru par l’absence de publicité dont il fait l’objet.

La loi du 23 mars 2019172 a redéfini la hiérarchie des mesures qui peuvent être prises lorsqu’une personne ne peut plus subvenir seule à ses besoins en raison d’une altération de ses facultés personnelles. Renforçant le principe de subsidiarité, l’article 428 du Code civil prévoit que le mandat de protection future devient la première mesure envisagée ; suivent ensuite les règles de droit commun de la représentation, telles que la procuration, les règles tirées du droit des régimes matrimoniaux et « une autre mesure de protection moins contraignante », à savoir l’habilitation familiale ; enfin, en ultime recours, viennent les mesures de protection judiciaire traditionnelles que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle173.

C’est à l’aune de cette hiérarchie que doivent être appréciées les situations de concurrences possibles.

1187 – Conflits entre mandats. – Le mandat de protection future n’est pas consenti pour aujourd’hui mais pour demain, lorsque le mandant sera hors d’état de manifester sa volonté. Aussi, nous le redirons174, ce mandat de protection future peut-il être précédé utilement d’un mandat général, ce chaînage organisé permettant d’accompagner astucieusement « l’accomplissement d’une réalité progressive »175. Le mandant peut également, avant la signature du mandat de protection future, avoir constitué des mandataires spéciaux. Bien sûr, si le mandataire de protection future était le mandataire de l’opération antérieure, aucune difficulté n’apparaît. Dans le cas contraire, cette pluralité de mandats peut alors naturellement susciter une concurrence de pouvoirs entre les différents mandataires. Doit-on considérer que le mandat de protection future révoque implicitement les mandats antérieurs ? Il n’existe pas, dans le droit du mandat, de forme obligée de révocation, laquelle peut être seulement implicite. Les dispositions de l’article 428 du Code civil invitent à privilégier le mandat de protection future et donc à considérer que sa mise en œuvre constitue chez le mandant une volonté de résilier tacitement les précédents mandats souscrits dans le même champ.

Conseil de rédaction

Afin d’éviter les incohérences qui pourraient survenir par la superposition de plusieurs mandats, une précaution rédactionnelle de base consiste à stipuler dans le contrat que la prise d’effet du mandat de protection future emportera révocation de tous les mandats en cours176.

1188 – Conflits avec les mesures du droit matrimonial. – Lorsque le mandant est marié, et en dépit de l’activation du mandat de protection future, son conjoint demeure son représentant légal, tant en vertu des pouvoirs qu’il tire du régime primaire impératif (C. civ., art. 217 et 219) que des règles applicables aux différents régimes matrimoniaux (C. civ., art. 1426, 1429 et 1432 en régime de communauté ; C. civ., art. 1540 en régime séparatiste). La mission qu’il reçoit l’habilite à agir, après décision du juge, lorsque l’autre époux est hors d’état de manifester sa volonté. La question se pose alors de savoir, lorsque le conjoint du mandant n’a pas été désigné comme mandataire de protection future, si les pouvoirs accordés par la loi au premier s’imposent au second, institué par contrat. Une réponse négative s’impose : elle résulte des dispositions de l’article 428 du Code civil, dans leur version née de la loi du 23 mars 2019, qui laissent clairement entendre que les dispositions du mandat de protection future prennent le pas sur les règles légales résultant du régime matrimonial. Sachant que les règles de la représentation entre époux supposent l’intervention du juge, la solution présente précisément l’utilité de dispenser le conjoint, dès lors qu’il est investi en qualité de mandataire, de devoir solliciter des autorisations judiciaires pour agir et préserver ainsi les intérêts du mandant. En revanche, lorsque le mandant aura fait le choix d’un tiers, le conjoint et le mandataire vont être contraints de cohabiter, avec les risques de discorde qui en résultent indubitablement. En cas de mésentente concernant la gestion des biens propres ou personnels du mandant, priorité doit être donnée au mandataire. En revanche, s’agissant des questions relatives aux biens communs ou indivis, les deux acteurs sont condamnés à s’entendre car ils disposent alors de pouvoirs concurrents. Si le conjoint veut passer outre un refus du mandataire qui lui paraît injustifié, il lui reste à exciper de l’intérêt de la famille pour être autorisé par le juge aux affaires familiales « à passer seul un acte » (C. civ., art. 217) ou, de manière plus drastique, à solliciter du juge des tutelles la révocation judiciaire du mandataire (C. civ., art. 483, 4o)177.

1189 – Conflits positifs de mesures de protection. – Le principe de subsidiarité s’oppose par principe à la mise en place d’une mesure de protection judiciaire en présence d’un mandat de protection future. À l’analyse, on constate toutefois que ce n’est pas tout à fait le cas.

Ce principe de subsidiarité des mesures judiciaires de protection par rapport au mandat de protection future n’est pas absolu puisqu’il ne joue désormais, depuis la loi du 23 mars 2019, qu’à l’égard des mandats mis en œuvre. Certes, en présence d’un mandat de protection future signé mais non encore mis à exécution, le juge, requis pour organiser une curatelle ou une tutelle, peut rechercher si la protection juridique préalablement organisée par le mandant permet de protéger suffisamment ses intérêts personnels et patrimoniaux, auquel cas il peut renvoyer le mandataire désigné à mettre à exécution le mandat178. Mais, le principe de subsidiarité ne déployant pas encore ses ailes, rien ne l’empêche de privilégier l’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle, en contradiction manifeste avec la volonté du mandant. À notre sens, ce dernier risque doit être relativisé. En effet, les conditions de mise en œuvre de ces différentes mesures étant similaires, tout laisse à penser que, sauf en cas de carence du mandataire179, le mandat aura été activé et que le juge n’aura donc pas besoin d’ouvrir une curatelle ou une tutelle180.

Cela étant, on touche là une autre incohérence du système. En prévoyant que la curatelle et la tutelle constituent une cause de révocation du mandat mis à exécution (C. civ., art. 483, 2o), le législateur laisse clairement entendre qu’une mesure de protection judiciaire peut être ouverte, en dépit de l’activation du mandat. L’atteinte au principe de subsidiarité est ici palpable et d’autant plus incompréhensible que la mise à l’écart du mandat s’exerce, en pareil cas, de plein droit. En réalité, le juge ne devrait pas pouvoir ouvrir une mesure de protection, sauf à avoir révoqué préalablement le mandat par une décision spécialement motivée (C. civ., art. 483, 4o)181.

On sait que la loi permet au juge, confronté aux lacunes du mandat, de maintenir ce dernier tout en prononçant l’ouverture complémentaire d’une curatelle ou d’une tutelle (C. civ., art. 485, al. 2)182. Si tel est le cas, même si certaines tensions ne sont pas à exclure, le cumul n’est pas censé générer de sérieuses difficultés dans la mesure où il est organisé par le juge : la protection du majeur se trouve répartie entre le mandataire, pour les actes prévus dans le mandat, et le curateur ou le tuteur, pour le reste.

Enfin, et dans une logique inversée, on sait que la loi permet à la personne en curatelle de conclure un mandat de protection future avec l’assistance du curateur (C. civ., art. 477, al. 2). Dans ce cas, il n’y a pas à proprement parler de cumul, dans la mesure où le mandat, une fois mis à exécution, est destiné à prendre naturellement le relais de la curatelle, au bénéfice peut-être de la même personne qui, ayant la confiance de la personne protégée, abandonnera la casquette de curateur pour coiffer celle de mandataire.

Sous-section III – La publicité

1190 – Une publicité nécessaire. – Indispensable au moment de son activation183, la publicité du mandat de protection future s’avère également nécessaire dès sa rédaction.

Il s’agit notamment d’éviter qu’un notaire puisse être sollicité par un mandant qui a déjà signé un premier mandat dans un autre office notarial. Il est vrai que le risque d’un double mandat peut être aisément évacué si le notaire rédacteur prend soin dans le second, par le biais d’une clause de style, de révoquer le premier.

Il s’agit surtout, au travers la mesure de publicité, d’assurer l’effectivité du principe de subsidiarité des mesures judiciaires. La publicité des mandats signés est destinée à permettre au juge des tutelles saisi d’une requête afin d’ouvrir une mesure de protection de s’assurer de l’existence d’un tel mandat. À défaut, le risque est évident que le juge ignore l’existence du mandat conclu et prononce l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire, en contrariété avec le choix pourtant exprimé par la personne à protéger184.

1191 – Une publicité prévue. – À l’origine, et alors que le notariat avait pourtant insisté sur la nécessité d’une telle publicité et proposé d’utiliser à cet effet le Fichier central des dispositions de dernières volontés, la loi n’avait mis en place aucune publicité permettant de connaître l’existence des mandats conclus. Au soutien de sa position, la Chancellerie a longtemps considéré qu’une « publicité automatique [apparaissait] incompatible avec la nature même du mandat de protection future qui présupposerait que l’on traite ce mandat comme un régime privant la personne concernée de sa capacité juridique. La mise en place de cette publicité serait par ailleurs vécue comme stigmatisante par les intéressés et pourrait ainsi constituer un frein au développement de cet instrument »185. À vrai dire, l’argumentation factuelle apparaissait surprenante lorsque l’on sait que c’est précisément ce défaut de publicité, parmi d’autres raisons, qui a freiné et freine toujours le développement du mandat186. Quant au motif de droit, sans doute le temps est-il venu pour les pouvoirs publics de sortir de la contradiction dans laquelle se trouve le mandat de protection future, tout à la fois dispositif de représentation de la personne vulnérable et mesure non attentatoire à sa capacité juridique.

Toujours est-il que cette lacune a été comblée par la loi du 28 décembre 2015187, qui a créé un nouvel article 477-1 du Code civil, aux termes duquel ce mandat « est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l’accès sont réglés par décret en Conseil d’État ». À ce jour, on peut toutefois constater – et déplorer – que le décret annoncé n’ait jamais été publié et l’on ne peut, à l’instar du rapport Caron-Déglise, qu’espérer la mise en place prochaine d’un « répertoire civil unique, national et dématérialisé assurant la publicité de toutes les mesures de protection judiciaire et des dispositions anticipées, accessibles aux juridictions, aux notaires et aux avocats »188.

1192 – Une publicité confiée au notariat ? – Il convient, une nouvelle fois, de souligner que la profession notariale propose, depuis de nombreuses années, d’assurer la publicité du mandat de protection future par l’instauration de registres dédiés. C’est une option qui a déjà été choisie par certains pays en Europe, comme l’Allemagne, la Belgique ou encore l’Autriche. Il est vrai que les notaires ont l’expérience depuis longtemps des fichiers et disposent des outils nécessaires pour assurer une publicité dématérialisée et généralisée des mandats de protection future. Ce sont des officiers publics qui pourraient sans difficulté assurer une telle mission, ce qui éviterait de faire reposer sur la collectivité publique une charge susceptible d’alourdir le travail des greffes, si la tenue du registre leur était confiée, et de répondre aux objectifs des récentes réformes visant à recentrer les juridictions et leurs services sur leurs domaines propres de compétence, à savoir les activités juridictionnelles.

Proposition du Conseil supérieur du notariat relative à la création, la tenue et le fonctionnement par la profession notariale d’un registre des mandats de protection future

La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a inséré après l’article 477 du Code civil relatif au mandat de protection future un nouvel article 477-1 qui prévoit que : « Le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l’accès sont réglés par décret en Conseil d’État ».

La profession notariale propose d’apporter son expertise dans la création, la tenue et le fonctionnement de ce registre.

I. L’enregistrement

A. Quel mandat ?

Pour assurer la pleine efficacité du registre, il devrait enregistrer tous les mandats de protection future conclus, quelle que soit leur forme.

B. La notion d’enregistrement

L’enregistrement est une mesure de publicité (et non de validité ou de prise d’effet de l’acte) et consiste en l’inscription d’un mandat de protection future conclu (et non ayant pris effet) sur le registre central et automatisé.

C. La mesure d’enregistrement du mandat

Le registre devrait permettre l’inscription :

de la convention initiale ;

des modifications apportées à la convention ;

de la révocation du mandat par le mandant ;

de la renonciation du mandataire.

NB : Il s’agit de l’inscription de l’existence de l’acte (et des événements ultérieurs qui le modifient ou y mettent fin) et non de son contenu.

D. L’enregistrement du mandat par le notaire

Le mandat serait enregistré par :

le notaire instrumentaire du mandat de protection future. L’enregistrement pourrait alors avoir lieu sans délai après la conclusion de l’acte notarié.

En cas de modification du mandat : si le notaire qui reçoit l’acte modificatif n’est pas celui qui a rédigé le mandat initial, la modification devrait être notifiée à ce dernier afin qu’il procède à l’enregistrement de l’acte modifié ;

un notaire quel qu’il soit, en cas de mandat sous seing privé, sur demande du mandant uniquement. La forme de cette requête doit être fixée et les mentions qui y sont incluses doivent être déterminées.

À ce sujet, trois propositions alternatives peuvent être faites :

la première est d’exiger, pour accomplir la formalité de l’enregistrement, que le mandat sous seing privé (et les modifications, révocation et renonciation) soit déposé au rang des minutes d’un notaire (dépôt simple).

L’avantage est que le notaire assurera la conservation du mandat (ce qui évitera les risques de perte ou de destruction) ainsi que son enregistrement. Cette formalité de dépôt ne serait pas une condition de validité de l’acte ou de prise d’effet, mais seulement une modalité de conservation,

la deuxième est que le mandant requière du notaire de son choix d’enregistrer le mandat conclu (et les modifications, révocation et renonciation), sans procéder à une formalité de dépôt.

Pour ce faire, le mandant adresserait au notaire un formulaire comprenant les mentions suivantes :

la date de conclusion de l’acte ;

l’identité du mandant (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) en cas de mandat pour soi-même ;

l’identité du mandant et du bénéficiaire du mandat (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) en cas de mandat pour autrui ;

s’il s’agit de l’enregistrement de la convention initiale, d’une convention modificative ou d’une révocation (la date de ces événements devra à chaque fois être mentionnée).

Il joindrait au formulaire la convention (pour preuve de son existence), qui ne serait pas déposée au rang des minutes, mais conservée au dossier,

la troisième est que le mandant adresse directement le seul formulaire susvisé à l’Association pour le développement du service notarial (ADSN) aux fins d’enregistrer directement le mandat conclu (et les modifications, révocation et renonciation).

C’est notamment le cas en Allemagne où le registre central et automatisé peut être saisi en ligne de la demande du mandant aux fins d’enregistrement.

E. Les mentions au registre

Le registre devrait comporter au minimum les mentions suivantes :

l’identification du notaire procédant à l’enregistrement (informations obtenues par le biais de sa clé Real) ou au moins de l’étude notariale (par le numéro CRPCEN) ;

la date de conclusion de l’acte ;

le numéro d’enregistrement attribué à l’acte (et cela pour permettre un meilleur suivi du mandat notamment en cas de modifications ou de révocation/renonciation) ;

la date de l’enregistrement de l’acte sur le registre ;

l’identité du mandant (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) en cas de mandat pour soi-même ;

l’identité du mandant et du bénéficiaire du mandat (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) en cas de mandat pour autrui ;

l’identité du mandataire (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) et du ou des mandataires subsidiaires en cas de désignation ;

s’il s’agit de l’enregistrement de la convention initiale, d’une convention modificative ou d’une révocation/renonciation (la date de ces événements devra à chaque fois être mentionnée).

NB : Pour des raisons liées au respect de la vie privée et à la confidentialité des informations, seule l’existence du mandat (et des événements ultérieurs qui le modifient ou y mettent fin) est enregistrée, et non son contenu.

Il est ainsi évident que le registre ne doit enregistrer aucune information sur les dispositions prises par le mandant, qu’elles soient patrimoniales ou extrapatrimoniales (comme les actes à caractère personnel, la nature des soins à apporter ou d’éventuelles dispositions liées à la fin de vie, etc.).

F. Le coût de l’inscription

À l’instar des registres mis en place à l’étranger, il conviendrait que le coût de l’inscription soit minime, entre 10 € et 15 €.

G. Un registre centralisé et automatisé

Le registre devrait être centralisé et automatisé.

H. Un registre à caractère confidentiel

Il est nécessaire de prévoir que les notaires sont seuls habilités à enregistrer, conserver, modifier ou traiter les informations relatives aux mandats conclus, et ce afin de préserver l’intimité de la vie privée des parties à l’acte.

En ce sens, il faudrait que toute interconnexion du registre avec d’autres fichiers soit interdite.

Enfin, il faut prévoir que le droit d’accès et de rectification prévu aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 pourra s’exercer auprès de l’office notarial ayant enregistré le mandat.

I. Preuve de l’enregistrement

Il serait opportun de prévoir que le notaire procédant à l’enregistrement remette au mandant un récépissé d’enregistrement.

Ce récépissé serait remis ou adressé à l’occasion de l’enregistrement de la convention initiale, de la convention modificative, de la révocation et de la renonciation du mandataire.

Reste à déterminer si cette formalité doit se faire sans délai ou avec un délai.

II. L’interrogation du registre

A. Les personnes habilitées à interroger le registre

Le registre ne devrait être consulté que par les personnes suivantes :

le juge des tutelles et le greffe du tribunal d’instance compétent ;

le procureur de la République ;

un notaire.

S’agissant du notaire, l’interrogation du registre lui permettra de savoir si un mandat a déjà été rédigé dans le passé, et s’il s’agit uniquement pour lui d’y apporter une modification. L’interrogation lui permettra également de savoir si un mandat a été révoqué dans l’hypothèse où il n’a pas instrumenté la convention initiale.

En définitive, il faut prendre ici en considération le fait que le notaire consulté pour modifier ou établir, après révocation, un nouveau mandat, n’est pas le même que le notaire instrumentaire de la convention initiale.

Pour information, en Belgique, le registre peut être consulté par le juge, le procureur et le notaire, mais aussi par le mandant.

B. Le coût de l’interrogation

L’interrogation du registre serait gratuite.

C. La forme de l’interrogation

Reste à déterminer sous quelle forme l’interrogation sera faite lorsqu’elle émanera d’un magistrat (courrier simple, télécopie, voie électronique…).

Le mieux serait que l’interrogation par les magistrats se fasse par le biais :

soit d’une interconnexion entre le réseau Real et le réseau Justice, sous condition que la Commission nationale de l’informatique et des libertés l’autorise ;

soit d’un portail de consultation internet avec une liste de personnes ayant un accès réservé (accès aux greffiers, par login/mot de passe). Ce serait le mode d’interrogation le moins sécurisé quant à l’échange des données.

La demande d’interrogation devra comporter au moins les informations suivantes :

le nom et la fonction du demandeur ;

la date de la demande d’interrogation ;

l’identité du mandant (nom, prénoms, date et lieu de naissance et domicile).

Section II – La mise en œuvre du mandat de protection future

1193 – Plan. – Le mandat de protection future connaît deux époques successives : après celle de la conception, le temps de l’écriture, vient celle ensuite de l’exécution, le temps de l’application (Sous-section II). Entre ces deux périodes, un instant décisif va se produire, celui de son déclenchement (Sous-section I).

Sous-section I – Le déclenchement du mandat de protection future

1194 – Plan. – Nous allons successivement envisager les conditions (§ I), la procédure (§ II) et la publicité (§ III) liées au déclenchement du mandat de protection future.

§ I – Les conditions de déclenchement du mandat

1195 – Altération des facultés personnelles du mandant. – Selon l’article 481 du Code civil, « le mandat prend effet lorsqu’il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts ». Pour s’assurer que cette condition est bien remplie, la loi exige la production au greffe du tribunal d’instance du mandat et d’un certificat médical « établissant que le mandant se trouve dans l’une des situations prévues à l’article 425 ». C’est dire que le déclenchement du mandat de protection future est subordonné, à l’instar des mesures de protection juridique des majeurs, à ce que le mandant soit « dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

1196 – Certificat médical. – L’altération des facultés personnelles du mandant doit faire l’objet, en vue du déclenchement du mandat, d’un constat médical, qui doit être effectué par un médecin agréé par le procureur de la République (C. civ., art. 425 et 431, sur renvoi de C. civ., art. 481, al. 2), lequel, pour aiguiser son « diagnostic », peut toujours solliciter l’avis du médecin traitant. Ce certificat doit dater de moins de deux mois lorsqu’il est présenté au greffe (C. civ., art. 1258, al. 2).

En revanche, la question subsiste sur le point de savoir si le certificat médical doit être ou non circonstancié. Les textes ne semblent pas l’exiger, ce qui s’explique aisément, selon certains auteurs, s’agissant d’une mesure conventionnelle « qui conduit à émousser les principes de nécessité et de proportionnalité des mesures de protection »189. Nous aurions pourtant tendance à penser, au rebours, qu’en dépit, ou plutôt en raison de sa nature conventionnelle, le mandat de protection future doive être soumis à des conditions de déclenchement en tous points – et pas seulement pour partie – similaires à toute mesure de protection190. Et effet, un certificat « circonstancié » contraint le médecin à mesurer précisément l’altération des facultés personnelles du patient et à vérifier concrètement quelles en sont les conséquences dans les actes de la vie civile, ce qui se justifie d’autant plus s’agissant du mandat de protection future que la mesure va prendre effet sans contrôle judiciaire.

§ II – La procédure de déclenchement du mandat

1197 – Formalités au greffe. – La loi a organisé un véritable cérémonial concernant le déclenchement du mandat.

Le mandataire doit se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel réside le mandant, accompagné de ce dernier, sauf si le certificat médical indique que ce déplacement est incompatible avec son état de santé (CPC, art. 1258, al. 1er)191.

Le mandataire doit alors produire plusieurs pièces justificatives prévues à l’article 1258 du Code de procédure civile : l’original du contrat ou sa copie authentique, le certificat médical, une pièce d’identité du mandant et du mandataire ainsi qu’un justificatif de résidence du mandant. Le mandant qui n’a pas comparu devant le greffier est informé par le mandataire de la prise d’effet du mandat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (C. civ., art. 481 et CPC, art. 1258-4).

1198 – Contrôle formel. – Le greffier doit vérifier que les conditions suivantes sont remplies : capacité des parties au contrat, stipulation expresse des modalités de contrôle de l’activité du mandataire, contreseing de l’avocat lorsque ce dernier a établi le mandat, contreseing du curateur quand le mandant est sous curatelle, justification du mandataire, personne morale, sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (CPC, art. 1258-2).

Cette énumération des éléments devant être vérifiés révèle qu’il ne s’agit que d’un contrôle formel ; le greffier n’est pas habilité à examiner les conditions de fond. Ainsi par exemple, s’il estime que le mandat n’est pas suffisamment explicite, il ne pourra pas pour autant le refuser ; il pourra seulement éventuellement le signaler au juge des tutelles ou au procureur de la République. Il n’a pas davantage à vérifier la validité du mandat, notamment quant à la capacité du mandant et du mandataire lors de la formation du contrat ainsi qu’à l’aptitude du mandataire à l’exercice des charges tutélaires.

Si toutes les conditions sont remplies, le greffier paraphe chaque page, appose son visa sur le mandat et le restitue au mandataire avec les pièces produites (C. civ., art. 481, al. 2, et CPC, art. 1258-3, al. 1er).

Si le greffier estime, au contraire, que toutes les conditions ne sont pas remplies, il n’appose pas son visa et le mandataire peut saisir le juge qui doit se prononcer sans délai. La décision rendue est insusceptible d’appel (CPC, art. 1258-3). Si le juge estime que les conditions sont remplies, le greffier doit alors mettre en œuvre le mandat, en apposant son visa sur celui-ci.

Enfin, cette mise en œuvre du mandat de protection future peut être contestée par tout intéressé (C. civ., art. 484).

1199 – Conservation et enregistrement. – Aucune copie du mandat de protection future n’est conservée par le greffe, pas plus qu’un enregistrement de l’acte n’est effectué par ce dernier, ce qui, à l’évidence, est de nature « à fragiliser considérablement le fonctionnement du mandat »192.

En l’état, afin d’assurer une parfaite conservation des pièces et de préserver la preuve de toute cette procédure, il peut être conseillé au mandataire de déposer au rang des minutes d’un notaire le certificat médical et la copie authentique visée par le greffier. Le notaire peut alors délivrer une copie authentique de cet acte de dépôt, laquelle pourra être remise au mandataire, afin qu’il en justifie à qui de droit.

1200 – La procédure de déclenchement confiée au notaire. – Au regard de l’importance de la procédure de déclenchement du mandat de protection future, pour les parties comme pour les tiers, on pourrait songer à aller plus loin. La solution consisterait alors à confier au notaire le contrôle formel, aujourd’hui dévolu au greffier, ce qui permettrait de soulager ces derniers d’une charge dont ils se passeraient bien volontiers, en même temps que ce choix donnerait une réelle cohérence à un processus qui se veut déjudiciarisé.

Le notaire recevrait le mandataire et rédigerait un acte valant prise d’effet du mandat de protection future, constatant le dépôt des pièces qui lui seraient remises, et assurant tout à la fois l’enregistrement du déclenchement du mandat et la conservation de l’acte. Le plus souvent, et ce serait la solution à favoriser, le notaire dépositaire sera celui qui a reçu le mandat d’origine. De nombreux avantages militent en ce sens. Le notaire rédacteur du mandat de protection future a une parfaite connaissance à la fois des parties – notamment de la personne à protéger, dont il aura pris de soin de connaître les aspirations et de déceler les appréhensions – et du contrat, qu’il a largement contribué à rédiger, et qu’il a parfois complété et amendé au gré du temps, pour assurer son adaptation constante à la situation du mandant. La présence du même notaire, tant au moment de la signature du mandat que de son déclenchement, permettrait ainsi d’assurer un suivi personnalisé du contrat, particulièrement rassurant pour le mandant.

Rien n’exclut toutefois, bien évidemment, que le dépôt se fasse dans un autre office notarial, car il ne s’agit ici que d’assurer la preuve de la mise en œuvre du mandat et sa conservation. Du reste, en l’état, la perspective avantageuse de retrouver le notaire rédacteur du mandat au moment de son activation est exclue, quoi qu’il en soit, si ce dernier a été rédigé sous seing privé.

§ III – La publicité du déclenchement du mandat

1201 – Une publicité indispensable. – La mise en œuvre du mandat constitue une étape décisive. Au moment de sa rédaction, le mandat n’est rien d’autre qu’une œuvre créatrice, prévoyante mais peut-être inutile : le mandat peut ne jamais s’exécuter. Lorsque les facultés intellectuelles du mandant viennent à être altérées, il s’agit d’engager le mandat, qui va alors déployer tous ses effets. L’œuvre purement intellectuelle laisse la place à une organisation de vie extrêmement concrète. C’est pourquoi, si la publicité des mandats signés est nécessaire, celle des mandats mis en œuvre est fondamentale. À défaut de publicité, comment le juge des tutelles et le procureur de la République peuvent-ils concrètement exercer leur mission de surveillance générale des mesures de protection mises en place dans leur ressort (C. civ., art. 416) ? Comment, une nouvelle fois, faire respecter le principe de subsidiarité de l’article 428 du Code civil et empêcher le juge d’ouvrir à l’aveugle une mesure de protection judiciaire qui déjouerait les prévisions, pourtant à privilégier, du mandant. Il en va également de la sécurité des tiers, qui peuvent être conduits à traiter avec un mandant qui a continué à agir, au mépris du mandat dont la prise d’effet a été enregistrée et au mépris du mandataire lui-même qui ne peut le canaliser, ce qui est concevable dans un contexte d’inaptitude. Eu égard à la fragilité des actes conclus par le mandant lorsqu’il contrevient ainsi aux obligations qu’il avait prises, on perçoit combien l’absence d’information au profit des tiers ne peut être que préjudiciable.

La mise en place concrète d’un registre spécial destiné à assurer la publicité du mandat de protection future, tant au moment de sa signature que de son déclenchement, est prévue (C. civ., art. 477-1), mais demeure attendue193. Et, au besoin, qu’il nous soit permis de rappeler ici que l’on pourrait songer à ce que cette publicité soit confiée au notariat qui a toute l’expertise et le savoir-faire nécessaires en ce domaine.

Sous-section II – L’exécution du mandat de protection future

1202 – Obligations du mandant. – Jusqu’alors en sommeil, le mandat, une fois déclenché, développe tous ses effets. S’agissant du mandant, en dépit du contrat signé, il peut continuer à accomplir des actes juridiques dont la fragilité naturelle peut se révéler une source de préjudice évidente pour les tiers194. Quant à ses obligations, les articles 477 à 494 du Code civil ne contenant pas de dispositions spécifiques pour le mandat de protection future, ce sont donc les règles du droit commun du mandat contenues dans les articles 1998 à 2002 du Code civil qui s’appliquent. En toute logique, c’est désormais au mandataire d’agir et de prendre les rênes de la gestion du patrimoine du mandant et, le cas échéant, de pourvoir à la protection de sa personne. À cette fin, il est à la fois doté de pouvoirs (§ I) et soumis à des obligations (§ II).

§ I – Les pouvoirs du mandataire

1203 – Liberté contractuelle encadrée. – Il appartient au contrat de définir l’étendue des pouvoirs confiée au mandataire. Cela étant, s’il est imprégné de liberté contractuelle, le mandat de protection future n’en demeure pas moins une mesure de protection juridique. C’est pourquoi, en droit, la volonté des parties se trouve atténuée par un certain nombre de dispositions impératives. En pratique, l’objet du mandat postule, par ailleurs, que le rédacteur de l’acte soit particulièrement vigilant quant aux clauses susceptibles d’y être insérées. En vue d’une parfaite exécution du mandat, celui-ci doit envisager les nombreuses questions qui se posent autour des pouvoirs du mandataire, mais si le mandat de protection future est trop précis, il risque d’être source de blocage ; à l’inverse, s’il est trop imprécis, il pourra s’avérer inutile et finalement être écarté au profit d’une mesure judiciaire de protection. L’exercice est rendu d’autant plus délicat qu’il s’agit ici d’anticiper sur des difficultés certes prévisibles dans leur survenance, mais souvent floues quant à leurs contours.

1204 – Plan. – Pour déterminer les pouvoirs du mandataire, il est nécessaire de distinguer selon que la mission du mandataire vise la protection des biens du mandant (A) ou la protection de sa personne (B).

A/Les pouvoirs relatifs à la gestion des biens

1205 – Distinction selon la forme du mandat. – La délimitation des pouvoirs du mandataire est subordonnée à une question de forme du mandat, qui domine tout le sujet : alors que l’objet d’un mandat notarié peut être très large (I), celui du mandat rédigé sous seing privé est nécessairement limité (II).

I/ Le mandat notarié

1206 – Plan. – Les pouvoirs du mandataire de protection future sont définis, de prime abord, extrêmement clairement à l’article 490 du Code civil (a). À l’analyse, on constate toutefois que le texte soulève de nombreuses difficultés d’interprétation, de sorte que l’étendue exacte des pouvoirs du mandataire demeure discutée, s’agissant de certaines catégories d’actes (b).

a) Les pouvoirs définis

1207 – Pouvoirs définis légalement. – Lorsque le mandat est notarié, le mandataire peut accomplir, par principe, tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir de faire, y compris ceux qui, dans le cadre d’une tutelle, requerraient une autorisation du juge (C. civ., art. 490, al. 1er)195. En d’autres termes, et même si le mandat est « conçu en termes généraux », le mandataire a la faculté d’effectuer non seulement les actes conservatoires et d’administration, mais aussi les actes de disposition, sans avoir à solliciter au préalable l’aval du juge des tutelles. Il pourra notamment vendre les immeubles du mandant ou les hypothéquer, emprunter pour le compte du mandant ou conclure une transaction. Les pouvoirs du mandataire sont donc considérables et, à l’analyse, plus étendus que ceux dont dispose le tuteur. La pétition de principe s’explique aisément au regard de la nature contractuelle du procédé, lequel repose sur la confiance du mandant envers son mandataire et poursuit le vœu d’une mise à l’écart, aussi prononcée que possible, du juge.

Ces pouvoirs connaissent toutefois une limite s’agissant des actes de disposition à titre gratuit, lesquels restent soumis à autorisation judiciaire (C. civ., art. 490, al. 2). Ce tempérament est également compréhensible. Parce qu’il s’agit prioritairement, au travers du mandat de protection future, d’assurer la protection du majeur vulnérable, il ne saurait être question pour le mandataire d’agir en totale liberté, fût-elle commandée dans un acte de volonté rédigé en des termes très larges par le mandant. Le mandataire doit donc solliciter l’autorisation du juge des tutelles s’il envisage de représenter son mandant pour consentir une donation, quelle que soit sa forme : donation notariée, don manuel, donation indirecte ou déguisée. Partant, et si l’on retient une définition large des « actes de disposition à titre gratuit », le mandataire doit également solliciter l’autorisation du juge des tutelles s’il entend renoncer à une succession, ou encore s’il envisage de consentir une renonciation anticipée à l’action en réduction196.

En revanche, s’agissant d’un acte éminemment personnel, la rédaction d’un testament échappe au mandataire. Tout au plus, le mandant peut-il faire lui-même un testament avec l’autorisation du juge, comme une personne sous tutelle, ainsi que l’article 476, alinéa 2, du Code civil l’y autorise.

L’acte de disposition à titre gratuit suppose nécessairement le recours au juge

Le mandataire ne peut accomplir aucun acte traduisant, sous quelque forme que ce soit, une aliénation gratuite des biens du mandant. Il ne saurait davantage être question de lui conférer cette faculté sous le contrôle d’un subrogé mandataire, comme cela pourrait être envisagé pour la vente du logement ou l’ouverture d’un compte. Ici seul le juge peut autoriser. Cette rigueur s’explique par la nature de l’acte, sa gravité et l’appauvrissement qu’il entraîne sans contrepartie.

1208 – Pouvoirs définis conventionnellement. – Au regard de la nature conventionnelle attachée au mandat de protection future, on pourrait songer que le périmètre légal des pouvoirs du mandataire peut être aménagé à sa guise par le mandant. En réalité, nul doute que le mandat de protection future, en tant que mesure de protection juridique des majeurs, demeure imprégné d’un fort degré d’ordre public. Il en résulte que le périmètre des pouvoirs du mandataire ne saurait être étendu conventionnellement au-delà des frontières fixées par la loi.

Ainsi le mandant ne saurait autoriser le mandataire à accomplir sans l’autorisation du juge des tutelles un acte de disposition à titre gratuit. Si une telle clause devait être insérée dans le mandat, elle serait frappée de nullité, comme contraire à l’ordre public. Reste à déterminer si la nullité, qui ne découle ici d’aucune disposition légale, affecterait seulement la clause illicite ou, plus largement, l’intégralité du mandat. À notre sens, et conformément au droit commun (C. civ., art. 1184), seule la clause illicite devrait être réputée non écrite dès lors qu’elle n’a pas constitué l’élément déterminant du mandat197.

S’il ne peut recevoir aucun élargissement par l’effet de la volonté des parties, le périmètre des pouvoirs du mandataire peut être, en revanche, conventionnellement réduit. Qui peut le plus, peut le moins ! Le mandant pourrait ainsi songer, par exemple, à réduire les pouvoirs du mandataire à l’accomplissement des actes d’administration. Un tel choix, guidé par le souhait – parfois compréhensible – de ne pas vouloir donner carte blanche au mandataire, apparaît toutefois discutable, en opportunité. Brider d’emblée le mandataire en lui réservant un domaine d’action moins étendu aboutit inéluctablement à revenir au contrôle par le juge des tutelles pour tous les actes qui excéderaient la sphère de compétence du mandataire. Or, ce n’est certainement pas en retrouvant le pouvoir du juge que l’on épouse parfaitement l’idée du mandat de protection future. Pour des raisons identiques, il nous semble malvenu, même si la solution n’est pas exclue par les textes, de permettre au mandant de soumettre les actes de disposition à titre onéreux, ou certains d’entre eux, à l’autorisation préalable du juge des tutelles. D’autant que l’on ne peut donner au juge des missions qui ne ressortissent pas de la loi. De fait, il est alors à craindre que le magistrat considère le mandat comme inadapté et ouvre alors une mesure de tutelle ou de curatelle.

En réalité, le mandat doit se suffire à lui-même et l’intervention judiciaire, que le mandat a précisément pour objectif d’éradiquer, doit être limitée aux seules difficultés soulevées par l’exécution du contrat ; elle n’a pas à entrer dans le champ contractuel. Désireux de ne pas délivrer un blanc-seing au mandataire, le mandant peut ainsi, plus opportunément, prévoir, par exemple :

que certains actes déterminés, tels que les actes de disposition, soient soumis au consentement d’un subrogé mandataire ;

la désignation de deux mandataires avec pouvoirs d’administration concurrente s’il s’agit d’actes administration, et pouvoirs de cogestion s’il s’agit d’actes de disposition ;

la désignation d’un tiers de confiance dont la compétence d’attribution peut précisément être celle, outre une mission de contrôle des comptes, de donner un consentement spécial pour certains actes.

b) Les pouvoirs discutés

1209 – Les actes interdits au tuteur. – Contrairement au tuteur, qui ne peut « accomplir des actes qui emportent une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée » (C. civ., art. 509, 1o), le mandataire dispose de la faculté d’accomplir de tels actes, sous couvert d’obtenir préalablement une autorisation judiciaire. Faut-il aller plus loin et considérer que les autres actes interdits au tuteur (C. civ., art. 509, 2o à 5o)198 sont soumis à un régime identique et sont donc ouverts au mandataire, pourvu qu’il soit muni de l’aval du juge des tutelles ? L’exégèse des textes conduit à répondre par l’affirmative, dans la mesure où l’article 490 du Code civil, conçu en termes généraux, ne fixe expressément qu’une seule limite, liée aux actes de disposition à titre gratuit, aux pouvoirs extrêmement étendus du mandataire. Et pourtant, il ne semble pas raisonnable, pour une identité de motifs, de donner au mandataire la faculté d’accomplir des actes qui sont interdits au tuteur. Il s’agit en effet, par ces interdictions, de protéger le majeur vulnérable contre des actes dangereux ou d’éventuels conflits d’intérêts avec le protecteur, et peu importe à cet égard que ce dernier soit un tuteur imposé par le juge ou un mandataire choisi par ses soins. Les travaux parlementaires semblent, du reste, favoriser une transposition au mandataire des interdictions de l’article 509 du Code civil199. Une précision textuelle en ce sens serait cependant la bienvenue.

1210 – Assurance-vie. – Une autre difficulté est de déterminer si, en matière d’assurance-vie, le mandataire peut prendre des initiatives isolément ou si, pour ce faire, il doit solliciter l’autorisation du juge200. Concrètement, il s’agit de savoir s’il peut seul souscrire, racheter, arbitrer un contrat d’assurance-vie, désigner ou substituer un bénéficiaire, demander une avance sur contrat ou encore verser de nouvelles primes sur un contrat existant.

Le décret du 22 décembre 2008 pris en application de la loi no 2007-308 du 5 mars 2007, destiné à compléter l’article L. 132-4-1 du Code des assurances pour les actes relatifs à la gestion du contrat d’assurance201, classe l’avance sur contrat d’assurance, la souscription ou le rachat d’un contrat d’assurance-vie et la désignation ou la substitution du bénéficiaire dans la liste des actes toujours considérés comme des actes de disposition. En revanche, le versement de nouvelles primes et l’acceptation d’un contrat d’assurance avec charges sont regardés comme des actes de disposition, sauf circonstances d’espèce. À l’inverse, l’acceptation d’un contrat d’assurance sans charge est placée dans la catégorie des actes d’administration, sauf circonstances d’espèce. Cette nomenclature, qui est incomplète, soulève en pratique deux difficultés majeures.

La première difficulté tient au fait que de nombreux actes relatifs aux contrats d’assurance-vie et dont l’intérêt et la nécessité surgissent en cours de contrat ne sont pas mentionnés par la loi ni classés par le décret. C’est le cas du rachat partiel, de l’arbitrage, de la transformation d’un contrat en euros en contrat en unités de compte, mais aussi de l’ajout d’une garantie de fidélité, du versement de nouvelles primes dans un contrat à prime unique ou encore de l’affectation en garantie d’un contrat d’assurance.

En dépit du silence des textes, nul doute que certaines de ces opérations doivent être considérées comme relevant de la gestion courante202. Que l’on songe ici aux versements effectués en exécution d’une souscription à primes périodiques prévues depuis la conclusion du contrat et a priori à l’acceptation du bénéfice d’un contrat d’assurance sans charge203. De même, à l’instar des actes de gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières204, les opérations d’arbitrage dans les contrats en unités de compte peuvent-elles, très certainement, être qualifiées d’actes d’administration, sous la condition de « circonstance d’espèce ». De telles circonstances pourraient bien être constituées par le choix de supports plus risqués que les supports initiaux ou lorsque l’arbitrage est décidé en raison de pertes importantes.

Au rebours, l’affectation en garantie du contrat d’assurance, le versement de nouvelles primes sur un contrat à primes uniques ou la souscription en cours de contrat d’une garantie de fidélité adjointe à un contrat antérieur qui en était dépourvu entrent dans la catégorie des actes de disposition205. C’est également la même qualification qui doit être retenue pour la transformation des contrats en euros en contrats multisupports.

La question est plus délicate pour le rachat partiel. À notre sens, si le mandataire rachète dans la limite de la rentabilité du contrat pour subvenir aux besoins de la personne protégée, il s’agit d’un acte de gestion. En revanche, si l’initiative en est prise pour procéder à une autre forme d’investissement, la qualification « d’actes de disposition » doit être retenue, par analogie à celle donnée par le décret aux opérations d’emploi et de remploi des capitaux.

Une fois déterminé le rattachement des diverses opérations relatives à un contrat d’assurance-vie à une catégorie d’actes juridiques, actes de gestion ou actes de disposition, la seconde difficulté tient au fait que la loi n’indique pas si ces derniers, a fortiori quand ils ne sont pas visés expressément dans les textes, sont à titre onéreux, auquel cas le mandataire peut les accomplir seul en dépit d’un mandat conçu en termes généraux, ou des actes à titre gratuit, une autorisation du juge étant alors requise. La question est depuis longtemps débattue en doctrine.

Parce qu’il s’agit manifestement d’actes à titre onéreux, il nous semble que les actes de rachat ou les demandes d’avance doivent pouvoir être effectués par le mandataire seul et sans autorisation. Il en va de même pour la souscription d’un contrat d’assurance-vie à des fins de garantie ou de financement d’un contrat d’obsèques, laquelle peut également s’analyser comme un acte de disposition à titre onéreux. Enfin, la solution est similaire en présence d’une assurance en cas de décès, conclue sans désignation d’un bénéficiaire, puisque le capital ou la rente garantis réintègrent alors purement et simplement la succession du contractant (C. assur., art. L. 132-11)206.

La question est plus épineuse s’agissant des actes de souscription ou de changement de clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. Certes, l’assurance-vie ne correspond pas en principe à une libéralité, mais on sait qu’elle véhicule le plus souvent, dans les relations du souscripteur et du bénéficiaire, une transmission sans contrepartie. Compte tenu de l’ambiguïté relative à la nature juridique de ces actes, et pour éviter ainsi de placer la sphère d’autonomie du mandataire sous la dépendance d’une éventuelle requalification du contrat en « donation indirecte », il semble en conséquence plus prudent de considérer que le mandataire de protection future doit toujours solliciter l’autorisation du juge pour effectuer ou modifier une désignation bénéficiaire au nom du mandant. Selon nous, la solution s’impose également lorsqu’il s’agit d’effectuer un versement supplémentaire dans un contrat d’assurance-vie déjà existant dans la mesure où un tel abondement, non prévu lors de la conclusion du contrat, peut sans nul doute être révélateur d’une intention libérale207.

Dans le cas où le mandataire de protection future est en situation de bénéficiaire éventuel, un mandataire ad hoc doit être nommé pour procéder à la désignation (C. civ., art. 485, al. 2). Par la suite, ce dernier doit être informé et consulté par le mandataire de protection future pour tous les actes graves relatifs au contrat d’assurance. En pratique presque tous, mais ce sont les versements libres sur le contrat d’assurance qui seront ici à surveiller particulièrement. Lorsqu’un conflit d’intérêts de cette nature se pose dans le cadre d’un mandat de protection future, c’est au mandataire lui-même qu’il appartient de saisir le juge, mais les termes de l’article 491, alinéa 2 du Code civil sont suffisamment généraux pour reconnaître au notaire la possibilité d’une telle initiative.

Une anticipation souhaitable lors de la rédaction du mandat

Pour éviter, dans la mesure du possible, tout problème d’interprétation, la prudence commande de préciser clairement dans le mandat les pouvoirs du mandataire en évitant la rédaction de clauses trop générales. Il est recommandé de préciser, pour chaque opération relative au contrat d’assurance-vie, quels sont exactement les pouvoirs du mandataire, au besoin en identifiant précisément chaque contrat d’assurance-vie avec son numéro et la référence à la compagnie d’assurances. Il est également possible de désigner un tiers qui aura une mission de contrôle pour une opération donnée, par exemple pour un rachat au-delà d’un certain montant. En revanche, il paraît malvenu, en dépit d’une pratique en ce sens, de prévoir ab initio la nécessité pour le mandataire d’obtenir une autorisation judiciaire pour pourvoir accomplir tel acte déterminé, dans la mesure où il n’appartient pas aux parties de fixer, dans le contrat, la compétence ratione materiae du juge208. Seule la loi peut le faire.

1211 – Le logement. – « Dans la mesure où la stabilité du cadre de vie revêt une importance considérable dans le traitement de la maladie »209 et parce qu’il apparaît primordial, dans cette optique, « d’assurer un maintien des repères du majeur protégé et d’éviter toute décision hâtive »210, on sait que l’article 426, alinéa 3 du Code civil prévoit que l’accord du juge des tutelles est toujours nécessaire pour qu’il puisse être disposé des droits relatifs à son logement et aux meubles qui le garnissent, « qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire ».

La question, controversée, est de savoir si ce texte a vocation à s’appliquer dans le cadre du mandat de protection future et à prévaloir sur l’article 490 du Code civil. Une réponse positive semble s’imposer dans la mesure où la règle est située dans les dispositions générales applicables à l’ensemble des mesures juridiques de protection, ce compris en conséquence au mandat de protection future211. Si l’on considère donc que l’obligation d’obtenir une ordonnance d’autorisation aux fins de pouvoir disposer du logement de la personne vulnérable et de son mobilier doit être respectée par le mandataire, venant ainsi tempérer les larges pouvoirs dont il dispose par principe, il reste ensuite à savoir si le texte est d’ordre public ou s’il est possible de le contourner en insérant une clause contraire dans le mandat. Au regard de l’objectif poursuivi, on peut penser que les dispositions protectrices du logement de la personne protégée doivent s’imposer impérativement aux parties et qu’il ne saurait y être dérogé. Il s’agit de protéger la personne vulnérable contre les initiatives malheureuses d’un mandataire, qui pourrait être avide de brader son logement pour la placer dans un établissement d’accueil ou pour réaliser une opération financière plus ou moins lucrative. Du reste, dans les faits, et par mesure de précaution, les notaires ne s’autorisent guère de largesses avec ces dispositions, s’interdisant de conseiller à leurs clients la rédaction de clauses dérogatoires à l’article 426 du Code civil. Et pourtant, parallèlement, la pratique notariale n’ignore nullement que l’ordonnance d’autorisation de vente préalable est un frein, si ce n’est (trop) souvent un obstacle à la vente du bien, qui exige une réactivité et une célérité incompatibles avec le dispositif judiciaire mis en place. À l’évidence, eu égard aux délais et aux incertitudes inhérents au recours au juge des tutelles, le risque est grand de dissuader le potentiel acquéreur. En réalité, on touche ici à une faiblesse viscérale du mandat de protection future. Nul doute, en effet, que « l’application de l’article 426 au mandat de protection future est l’une des causes de son faible succès ; pour celui qui possède comme seul bien immobilier sa résidence principale, ce symbole de déjudiciarisation a perdu de son charme »212.

À notre sens, il convient de donner de la fluidité à l’opération, dans l’intérêt bien compris du majeur protégé, dont la vente du logement peut être indispensable pour lui permettre de financer son intégration dans un établissement spécialisé. Il s’agit également de s’assurer tout à la fois de la justesse du prix de vente et de la réaffectation des fonds dans l’intérêt de la personne vulnérable. Dans le cadre des mesures judiciaires de protection des personnes, ce rôle est nécessairement dévolu au juge. Mais pourquoi ne pas imaginer qu’il en aille différemment dans le cadre d’une mesure par essence conventionnelle ? Que l’on comprenne le sens de notre propos : partant du postulat que « le libre mouvement du mandat est l’essence du mandat, le recours au juge est l’accident »213, il ne saurait être question de supprimer la règle de protection mais de modifier ses modalités de mise en œuvre, en substituant au recours au juge une protection organisée par le majeur protégé lui-même. Dans cette optique, et à condition que le mandat le prévoie expressément, les actes de disposition relatifs au « logement de la personne protégée et [des] meubles dont il est garni » pourraient être passés par le mandataire, sous réserve qu’il obtienne, au préalable, l’accord d’un subrogé mandataire. D’une manière générale, il appartiendra alors à ce dernier, en dépit des pressions éventuellement exercées par les divers intervenants, de vérifier si l’opération projetée par le mandataire est conforme aux intérêts de la personne protégée. Plus précisément il devra, pour ce faire, et à l’instar du juge, apprécier la pertinence personnelle et la vraisemblance économique de l’opération, mais aussi s’assurer des conditions de relogement du mandant. En la forme, le subrogé mandataire interviendra à l’acte, tant au stade de l’avant-contrat qu’à celui de la vente définitive.

La solution n’entre pas en totale contradiction avec l’article 426 du Code civil dans la mesure où le texte prévoit déjà une hypothèse, en cas de constitution d’un conseil de famille, où l’intervention du juge en la matière revêt un caractère supplétif. Elle permettrait d’allier le souci de simplification de l’opération de vente et l’impératif de protection de la personne vulnérable, a fortiori si l’on songe que, comme dans toute opération, mais avec ici une vigilance davantage encore renforcée, le notaire instrumentaire prendra nécessairement le soin, en cas de vente, de vérifier la pertinence du prix. Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 426, alinéa 3 du Code civil, « si l’acte a pour finalité l’accueil de l’intéressé dans un établissement, l’avis préalable d’un médecin, n’exerçant pas une fonction ou n’occupant pas un emploi dans cet établissement » devra nécessairement être produit au notaire.

Bien évidemment, en cas de doute, le subrogé mandataire refusera de donner son aval. Il restera alors au mandataire, s’il estime indispensable l’acte de disposition envisagé et considère donc comme injustifié le refus du subrogé mandataire, de se retourner vers le juge, sur le fondement de l’article 484 du Code civil.

Il va sans dire toutefois qu’en l’état du droit positif, et même si cette faculté recueille notre adhésion, il serait hardi pour le rédacteur du mandat d’insérer une clause qui écarterait les dispositions de l’article 426 du Code civil, en dispensant le mandataire de solliciter l’accord préalable du juge pour qu’il puisse être disposé des droits relatifs au logement du mandant.

Pratique

En l’état du droit positif, et pour contourner le hiatus lié au fait que les délais qui président à l’accord sur la chose et le prix en matière de vente sont difficilement compatibles avec les délais d’obtention d’une décision du juge, de surcroît purgée de délais de recours, la pratique a trouvé une parade avec le développement des compromis sous seing privé régularisés par l’intermédiaire des agents immobiliers et consentis sous la condition suspensive de l’obtention d’une ordonnance d’autorisation du juge des tutelles. Si le contrôle judiciaire s’insère alors plus aisément dans la chronologie inhérente au processus d’une vente214, il ne faut pas oublier que le procédé est « d’une orthodoxie toute relative »215 en ce qu’il encourt, selon une jurisprudence constante, la nullité216. La solution s’explique aisément dans la mesure où l’autorisation du juge des tutelles – ou du conseil de famille en cas de tutelle – constitue une condition de la validité même de l’acte de disposition ; elle s’impose donc indubitablement en amont de la conclusion dudit acte et ne peut être érigée en condition suspensive. La refonte des textes semble la seule solution de nature à tordre définitivement le cou à ces pratiques douteuses.

1212 – Gestion des comptes bancaires. – S’agissant des comptes bancaires, l’article 427 du Code civil prévoit que : « La personne chargée de la mesure de protection ne peut procéder ni à la modification des comptes ou livrets ouverts au nom de la personne protégée, ni à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un établissement habilité à recevoir des fonds du public ». Inclus dans les « dispositions générales » applicables à toutes les mesures de protection juridique, le texte a donc tout naturellement vocation à s’appliquer au mandat de protection future. Il en résulte que le mandataire, quelles que soient les stipulations du mandat, ne peut pas librement modifier les comptes bancaires du mandant. Ce n’est que si ce dernier n’est titulaire d’aucun compte ou livret que le mandataire peut lui en ouvrir un, sous certaines conditions, comme un tuteur.

On peut cependant comprendre que le mandataire, dont il s’agit de simplifier la tâche, préfère parfois, pour des raisons de commodité, transférer les comptes habituels du mandant auprès des établissements qui abritent ses propres comptes. Il peut aussi s’agir de rationaliser la situation bancaire du mandant, lorsque celui-ci détient une multitude de comptes, dispersés entre plusieurs établissements, ce qui peut être source de coûts (frais de virement, frais de gestion, etc.), de perte de temps et d’efficacité qui peuvent nuire économiquement à ses intérêts.

C’est pourquoi, à l’instar des actes de disposition concernant le logement, et dans un souci de cohérence, on pourrait imaginer que le mandat confère expressément un tel pouvoir au mandataire, sous réserve qu’il obtienne, au préalable, l’accord d’un subrogé mandataire. Ce dernier veillerait ainsi à la préservation des intérêts du mandant. En effet, les habitudes prises par ce dernier constituent, très généralement, des repères importants qu’il ne faut envisager de modifier qu’avec précaution et pour de justes motifs217. En cas de conflit entre les mandataires, principal et subrogé, ou, en l’absence de subrogé mandataire, seul le juge pourrait autoriser le mandataire à déroger à ces principes, comme le prévoit déjà l’article 427 du Code civil.

II/ Le mandat sous seing privé

1213 – Pouvoirs limités. – Lorsque le mandat est sous seing privé, son objet est plus restreint dans la mesure où le mandataire ne peut effectuer que des actes conservatoires et d’administration sur les biens désignés dans l’acte (C. civ., art. 493, al. 1er, qui renvoie aux actes que le tuteur peut faire sans autorisation). Si un acte de disposition s’avère nécessaire, le mandataire devra saisir le juge. Il en sera par ailleurs de même si le mandataire souhaite accomplir un acte d’administration non prévu par le mandat.

Les pouvoirs du mandataire de protection future sont donc bien moindres lorsque le mandat n’est pas authentique, ce qui semble pour le moins cohérent dans la mesure où le contrôle de l’exécution du mandat est moins poussé dans ce cas. En limitant ainsi les pouvoirs du mandataire sous seing privé, la loi tente également d’éviter que le mandant ne se lie de manière imprudente. Au-delà, il s’agit clairement pour le législateur d’inciter les personnes intéressées à s’orienter vers le mandat notarié, afin qu’elles profitent, s’agissant d’un acte particulièrement important dans ses conséquences et délicat dans sa rédaction, de l’information délivrée par un notaire.

B/Les pouvoirs relatifs à la protection de la personne

1214 – Le mandant reste maître de sa personne. – Aucune distinction selon la forme du mandat n’est à opérer ici. Le constat est le même, que le mandat soit notarié ou sous seing privé : la liberté pour fixer les pouvoirs du mandant est moindre en matière de protection de la personne vulnérable qu’en ce qui concerne la gestion de son patrimoine. L’article 479, alinéa 1er du Code civil prévoit que « les droits et obligations du mandataire sont définis par les articles 457-1 à 459-2 » relatifs aux effets de la curatelle et de la tutelle. Il en résulte, sur le plan personnel et en dépit de la prise d’effet du mandat de protection future, que la personne vulnérable est présumée capable et « prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet » (C. civ., art. 459).

1215 – Les pouvoirs encadrés du mandataire. – Le mandant dispose de la faculté d’anticiper le moment où son état ne lui permettra plus de prendre seul une décision personnelle éclairée, en donnant pouvoir au mandataire de le représenter dans la protection de sa personne. La loi est cependant très prégnante sur ce sujet et bride le pouvoir de la volonté. En effet, l’étendue des pouvoirs du mandataire est définie, de manière impérative, par les articles 457-1 à 459-2 du Code civil, toute stipulation contraire étant réputée non écrite. Cela signifie que la protection de la personne est entendue comme un ensemble d’obligations imposées au mandataire par la loi. Ces obligations ne peuvent pas faire l’objet d’aménagements contractuels entre le mandant et le mandataire. En définitive, lorsque le mandat de protection future prévoit une protection de la personne du mandant, le mandataire se trouve dans une situation identique, en termes de pouvoirs, à celle du curateur ou du tuteur.

Ainsi le mandataire de protection future a-t-il une obligation d’information à l’égard de son mandant « sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part » (C. civ., art. 457-1). Et le texte de préciser que cette information doit être délivrée « selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi ».

Par ailleurs, il ne peut, sans l’autorisation du juge des tutelles, et « sauf urgence », prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle du mandant ou à l’intimité de sa vie privée (C. civ., art. 459, al. 3). En revanche, il peut prendre à l’égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l’intéressé, mais il doit alors en informer sans délai le juge (C. civ., art. 459, al. 4).

1216 – Exclusion des actes strictement personnels. – Certains actes qualifiés par la loi de « strictement personnels » demeurent réservés au mandant. En d’autres termes, ce dernier ne peut en aucun cas, dans le mandat de protection future, donner au mandataire pouvoir pour les accomplir. Il en est ainsi pour « la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant » (C. civ., art. 458, al. 2). Le législateur, par ces limites, a souhaité que la mesure de protection – judiciaire ou non – reste respectueuse de la dignité de la personne protégée.

À notre sens, la liste dressée par le législateur n’est pas limitative. On peut ainsi s’accorder à penser que le mandataire ne peut ni consentir au mariage, ni conclure un pacte civil de solidarité, ni introduire une action en divorce au nom du mandant. Du reste, on sait que la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a consacré une mesure emblématique au bénéfice du majeur protégé, en lui conférant le droit de vote, qu’il « exerce personnellement » et « pour lequel il ne peut être représenté par la personne chargée de la mesure de protection le concernant » (C. élect., art. L. 72-1). Ce faisant, le législateur a intégré le droit de vote de la personne vulnérable à la catégorie des actes « strictement personnels ». Il en résulte, sans surprise, que la mise en place d’une représentation en matière personnelle dans le cadre du mandat de protection future ne saurait emporter pouvoir pour le mandataire de voter en lieu et place du mandant. Sauf à contrevenir à la pétition de principe, et même si le texte ne vise que le « seul (…) mandataire judiciaire à sa protection », il nous semble que le mandant ne peut pas donner procuration au mandataire (C. élect., art. L. 72-1).

Pouvoirs du mandataire en droit de la famille

Si le mandataire ne peut ni consentir au mariage, ni conclure un pacte civil de solidarité, ni introduire une action en divorce au nom du mandant, cela ne l’empêche pas, le moment venu, de devoir assurer la protection de ce dernier dans les mêmes conditions que le ferait un curateur ou un tuteur, sous réserve de clauses dérogatoires insérées dans le mandat.

Ainsi, en matière de mariage, le mandant ne pourra déposer son dossier de mariage en mairie qu’après avoir informé son mandataire de son projet, donc avant la publication des bans afin de permettre à celui-ci d’apprécier les intérêts de la personne protégée à cette union (C. civ., art. 460). Lorsqu’elle considérera que le projet n’est pas conforme aux intérêts de la personne protégée, le mandataire pourra faire usage de son droit d’opposition, qui a été élargi pour être aligné sur celui des parents (C. civ., art. 175). Si le mandant souhaite passer des conventions matrimoniales, il doit être assisté, dans le contrat, par le mandataire. Plus encore, lorsque le mandataire estimera que le mariage risque de porter atteinte aux seuls intérêts financiers du mandant, il pourra saisir le juge aux fins d’être autorisé à conclure seul, au nom du majeur protégé, une convention matrimoniale en vue de préserver ses intérêts qui peuvent exiger un régime différent du régime légal de communauté de biens réduite aux acquêts (C. civ., art. 1399).

En matière de pacte civil de solidarité, le mandataire devra assister le mandant lors de la signature du contrat (C. civ., art. 462, al. 1er). En cas de rupture, si celle-ci émane du mandant, la formalité de signification est opérée à la diligence du mandataire et lorsque l’initiative émane de l’autre partenaire, cette signification est faite au mandataire (C. civ., art. 461, al. 3).

En matière de divorce, le mandant est représenté par le mandataire ou, si son degré d’autonomie le permet, il exerce l’action lui-même avec l’assistance de ce dernier (C. civ., art. 249).

Qu’il s’agisse d’un divorce, de la rupture d’un Pacs ou d’un concubinage, si le mandataire est concerné et se trouve ainsi en opposition d’intérêts avec le mandant, le juge peut désigner un mandataire ad hoc (C. civ., art. 485, al. 2). Bien évidemment, il peut être judicieux ab initio de viser cette hypothèse et de désigner un mandataire ad hoc dans le contrat.

1217 – Missions possibles. – À l’inverse, le mandat peut prévoir que le mandataire exercera les missions que le Code de la santé publique et le Code de l’action sociale et des familles confient au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance (C. civ., art. 479, al. 2).

Le mandat peut ainsi constituer une « occasion idéale »218 pour le mandant afin d’exprimer certaines directives personnelles à ses proches. On songe, notamment, aux directives anticipées de fin de vie, visées à l’article L. 1111-11 du Code de la santé publique, lesquelles « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’actes médicaux »219. Intellectuellement, un tel acte de prévoyance se conçoit, mais, à la réflexion, il semble se heurter à de sérieux obstacles. En droit, d’une part, car on pourrait considérer que ces directives sont « strictement personnelles » au mandant et donc insusceptibles de délégation au mandataire220. En opportunité, d’autre part, tant on peut légitimement craindre que le mandant peut peiner dans la rédaction de ces directives : « trop générales, elles seront peu utiles, trop particulières, elles seront inapplicables parce que la situation vécue sera souvent éloignée de la situation prévue »221. En tous les cas, pour être précises, elles supposeront des connaissances médicales pointues qui, généralement, font défaut au mandant. En outre, elles ne doivent pas avoir pour effet de contrevenir aux devoirs du médecin. Aussi peut-on en conclure, à l’instar de Me Potentier, « que le mandat de protection future n’est pas le siège idéal et approprié pour de telles dispositions »222. Si la réflexion du mandant est suffisamment avancée sur cette question et dûment éclairée par un professionnel de santé, on peut toutefois imaginer que ces directives soient simplement annexées au mandat, sans être soumises au régime juridique de ce dernier, dans l’optique de favoriser leur diffusion, ne serait-ce qu’auprès du mandataire de protection future, et leur conservation, et par-delà leur mise en œuvre. Des raisons de simplicité militent en faveur de cette faculté qui permettrait au mandant de regrouper, au sein d’un document unique, les différentes mesures anticipatives qu’il entend organiser.

De la même manière, si le mandat peut contenir des dispositions particulières quant aux soins qui devront être prodigués au mandant (mode de traitement, établissement devant être fréquenté, médecin devant être sollicité, etc.), nul doute que cette faculté se heurte à nouveau de facto à la difficulté de vouloir mettre en place des solutions de manière anticipée là où l’urgence risque fort de commander, le moment venu, d’autres voies plus adaptées et non envisagées. Au mieux, le mandat s’avérera alors inutile, et, au pire, il pourrait constituer un frein à des solutions idoines au regard de la situation. L’insertion de telles directives n’est pas à exclure, mais elle doit donc être appréciée avec la plus grande prudence.

En revanche, et de manière plus réaliste, le mandant peut désigner le mandataire en qualité de « personne de confiance », afin que ce dernier puisse décider des soins appropriés à lui donner lorsqu’il ne sera plus en état d’exprimer sa volonté (C. santé publ., art. L. 1111-6)223. Encore faut-il alors, comme l’impose le texte, que le mandataire soit un parent ou un proche.

1218 – Lieu de vie. – Le mandat de protection future pourra également contenir des dispositions afférentes à un lieu de vie. Si l’article 459-2 du Code civil précise que « la personne protégée choisit le lieu de sa résidence », cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le mandat envisage les conditions de logement du mandant, si son état ne lui permet plus de faire ce choix. Il pourra ainsi marquer sa volonté absolue de ne pas quitter son domicile, ou au contraire envisager un placement dans un établissement spécialisé, et éventuellement désigner cet établissement. Le mandat pourra enfin prévoir d’une manière générale tout choix de vie sur lequel le mandant souhaitera qu’une attention particulière soit portée, et ayant trait, sans que cette énumération soit limitative à la vie quotidienne, à la vie sociale ou encore à l’entourage du mandant224.

Témoignage d’un praticien225

Me Combret fait référence, de manière très éclairante, à une situation maintes fois rencontrée par les notaires dans leur pratique quotidienne, celle où « le client a souffert antérieurement d’avoir été un jour obligé de placer son père ou sa mère dans un établissement spécialisé, son maintien à domicile devenant source de trop de problèmes. Il y a alors un sentiment fort de culpabilité comme si l’on abandonnait un être cher. Avec le mandat de protection future, le mandant pourra prévoir qu’en cas de difficulté d’être maintenu à domicile, son mandataire devra le placer en établissement. Dans un cadre familial, on dédouane en quelque sorte ses enfants et on leur enlève le sentiment de culpabilité exprimé précédemment. Ils ne font qu’exécuter la volonté de leur père ou leur mère exprimée dans le mandat ».

§ II – Les obligations du mandataire

1219 – Mandat de droit commun. – Le mandat de protection future est d’abord un mandat. La loi le rappelle clairement, en précisant qu’il est régi par les dispositions des articles 1984 à 2010 du Code civil qui ne sont pas incompatibles avec ses règles spécifiques. Ces dernières s’inspirent largement du droit commun du mandat pour déterminer les obligations du mandataire de protection future, qu’il soit originaire, subsidiaire, subrogé ou substitué. Après avoir exposé les obligations qui pèsent sur le mandataire (A), nous envisagerons les questions statutaires qui en constituent le corollaire (B).

A/L’exposé des obligations

1220 – Exécution personnelle. – Le mandataire a été choisi en raison de la confiance qu’a placée en lui le mandant. Dès lors, c’est personnellement qu’il doit exécuter sa mission. Il ne peut se substituer un tiers pour des actes relatifs à la personne protégée, mais cette règle ne peut recevoir exception qu’à titre spécial et seulement pour des actes de gestion du patrimoine (C. civ., art. 482)226. Cette obligation fondamentale étant rappelée à titre liminaire, on peut constater que différentes obligations se succèdent dans le temps, lors de la mise en œuvre du mandat (I), puis pendant son exécution (II).

I/ Au début du mandat

1221 – Formalités en vue de la prise d’effet. – En vue de la prise d’effet du mandat, c’est au mandataire qu’il appartient, tout d’abord, de solliciter du médecin choisi, conformément aux dispositions de l’article 431 du Code civil, un certificat médical relatif au discernement de la personne protégée, circonstancié et répondant aux critères de l’article 425 du Code civil. Ce certificat établira que la personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, en raison d’une altération soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.

Ensuite, le mandataire doit produire ce certificat médical, avec une copie authentique du mandat, au greffe du tribunal d’instance de la résidence de la personne protégée. Il sera accompagné de la personne protégée, sauf s’il est établi par le même certificat médical que l’état de cette dernière ne lui permet pas de se déplacer.

Enfin, le mandataire doit notifier la prise d’effet du mandat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou contre récépissé au mandant, à tous tiers cocontractants de la personne protégée pour tout contrat en cours d’exécution, à tous tiers dépositaires de biens appartenant à ladite personne mais aussi au subrogé mandataire, à tous tiers de confiance ou contrôleurs de gestion désignés le cas échéant dans le mandat. À nos yeux, il doit également, suivant des formes identiques, en informer le notaire rédacteur de l’acte.

Conseil pratique

Si la mise en œuvre du mandat incombe au mandataire, aucun texte ne l’oblige formellement à surveiller l’état de santé du mandant. Pour autant, le mandat pourrait utilement imposer une telle obligation au mandataire, dans le respect du secret médical dû au mandant227. La stipulation d’une telle clause permettrait de pallier les risques inhérents à la mise en œuvre tardive, laquelle pourrait naturellement être reprochée au mandataire. À tout le moins, le notaire doit-il attirer l’attention du mandataire sur ce risque.

1222 – Inventaire. – Lors de l’ouverture de la mesure, le mandataire doit faire procéder à un inventaire estimatif des biens de la personne protégée. Cette obligation pèse sur tout représentant légal d’un majeur protégé228, à l’exception notoire de l’habilité familial. Il est donc normal de la retrouver à l’adresse d’un mandataire de protection future. On en comprend la raison : en même temps qu’il fixe précisément le périmètre du domaine d’action du mandataire, cet inventaire permettra une parfaite et fidèle reddition des comptes. Partant, on comprend également que cet inventaire ne soit pas figé dans le marbre et que le mandataire doive assurer son actualisation aussi souvent que nécessaire, afin de maintenir à jour l’état du patrimoine (C. civ., art. 486). Il appartient au notaire qui a établi le mandat d’assurer la conservation de chaque inventaire (C. civ., art. 491, al. 1er).

II/ Au cours du mandat

1223 – Reddition des comptes. Dispositions générales. – Comme le mandataire de droit commun, le mandataire de protection future doit rendre compte de sa gestion (C. civ., art. 1993). Le mandat de protection future ayant vocation à durer, et à l’image d’une mesure légale de protection, l’article 486, alinéa 2 du Code civil oblige à établir ce compte chaque année. Cette obligation est compréhensible : elle représente le plus sûr moyen de vérifier que la mission du mandataire a été non seulement exécutée, mais encore bien exécutée. Il reste à savoir à qui le mandataire est tenu de rendre des comptes. Ce ne peut être au mandant, inapte par hypothèse à les comprendre et à les analyser. Sur cette question, à nouveau, les obligations du mandataire sont en définitive commandées par la forme du mandat, suivant qu’il a été rédigé devant notaire (a) ou sous seing privé (b).

a) Le mandat notarié

1224 – Compétence ratione materiae du notaire rédacteur. – Lorsqu’il a été désigné par acte authentique, le mandataire doit adresser annuellement ses comptes ainsi que les pièces justificatives au notaire qui a établi le mandat229. Le rôle du notaire est dual. En la forme, il doit assurer la conservation des comptes et des pièces qui lui ont été remis (C. civ., art. 491, al. 1er). C’est un contrôle matériel, du même type que celui que fait le notaire lorsqu’il établit un compte de gestion, par exemple pour une indivision successorale. Quant au fond, il doit contrôler et apercevoir les éventuelles anomalies de gestion. En pareil cas, il lui appartient de saisir le juge des tutelles « de tout mouvement de fonds et de tout acte non justifiés ou n’apparaissant pas conforme aux stipulations du mandat » (C. civ., art. 491, al. 2). Il en va de même, a fortiori, si le mandataire ne défère pas à son obligation annuelle230. Dans cette mouvance, l’article 512 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, prévoit que le juge, uniquement en cas de difficultés, statue « sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection »231.

Le notaire a donc un rôle de lanceur d’alerte, qui est essentiel. C’est une charge à l’évidence pour lui, tant le travail peut apparaître fastidieux et chronophage, mais une sécurité pour la personne protégée, son entourage et ses futurs successibles. Et si le fardeau est trop difficile à porter, au regard de l’ampleur et/ou de la composition du patrimoine du mandant, rien ne s’oppose à ce que le notaire rédacteur du mandat se fasse assister, dans le cadre de sa mission de vérification des actes du mandataire, par un ou plusieurs tiers, intervenant en qualité de sachant, dont il sollicitera l’avis : experts-comptables, conseil en gestion de patrimoine, etc. La solution idoine consiste alors à prévoir ce dispositif complémentaire de vérification dans le mandat232, en spécifiant nommément le professionnel appelé à intervenir, en définissant les contours de son intervention et en fixant le coût de ses diligences233. La fidélité aux habitudes du mandant dans le choix des professionnels chargés de contrôler les comptes du mandataire participe des éléments d’appréciation de la conformité du mandat aux intérêts du mandant.

Le notaire « lanceur d’alerte »

Quel est le rôle du notaire rédacteur dans le cadre de sa mission de contrôle de la gestion du patrimoine du mandant ? Compte tenu de la formule sibylline retenue à l’article 491 du Code civil, la question agite la pratique notariale depuis plusieurs années. Les travaux préparatoires de la loi du 5 mars 2007 avaient précisé, en leur temps, que le notaire était chargé d’une mission d’information auprès du juge « en cas d’actes injustifiés ou anormaux »234. On sait que cette mission d’information ne se déclenche qu’en présence d’un excès de pouvoir du mandataire, assez aisé à déceler car apprécié à l’aune des termes du mandat, mais aussi, ce qui soulève davantage d’interrogations, d’un mouvement de fonds et d’un acte « injustifiés ». À cet égard, deux lectures sont possibles selon que l’on considère que la notion peut se réduire à une simple question probatoire ou qu’elle implique, aussi, l’appréciation de l’opportunité235. Dans la première acception, le mouvement de fonds ou l’acte est considéré comme injustifié car aucune justification ne permet d’en démontrer la réalité. Le mandataire ne fournit aucune pièce justificative. Dans la seconde, le mouvement de fonds où l’acte est considéré comme non justifié lorsque aucune explication ne permet de fonder sa légitimité. Le mandataire ne fournit aucune justification.

Dans un souci compréhensible de limiter l’étendue de leur responsabilité, les notaires ont une tendance naturelle à privilégier la première interprétation, dite « probatoire ». Mais, en toute conscience, comment le notaire pourrait-il s’apercevoir d’éventuelles anomalies de gestion en se contentant d’un contrôle purement formel ? Le rôle confié au notaire est d’apprécier la conformité ou non de l’exécution de la mission avec les termes du mandat, et d’assurer dans cette optique, plus généralement, la protection du mandant, qui peut être confronté à un mandataire négligent, incompétent ou peu scrupuleux. Partant, si l’on ne saurait contraindre le notaire à s’immiscer dans la gestion du mandataire, son obligation d’alerte lui enjoint de vérifier, à la lumière de la volonté exprimée par le mandant, que le mandataire agit de manière raisonnable, soucieux des biens et intérêts qui lui ont été confiés. Et ce n’est que si le notaire a un doute manifeste sur cette gestion, c’est-à-dire sur l’opportunité de telle ou telle opération, qu’il peut saisir le juge des tutelles.

Dans un mécanisme par essence contractuel, et dans un système toujours plus déjudiciarisé, le notaire ne peut faire l’économie d’un précontrôle d’opportunité, ce qui doit lui imposer de ne recourir au juge qu’en cas de crainte sérieuse et avérée. Dans les faits, ce contrôle est parfois facilité parce que l’acte en question relève de son champ d’intervention habituel. Par exemple, s’il s’agit d’apprécier le bien-fondé de la vente d’un bien immobilier, le notaire doit s’assurer que le bien en question a été vendu à son juste prix. Dans d’autres hypothèses, ce contrôle sera rendu plus délicat car ne relevant pas de ses domaines de prédilection. Il peut en être ainsi, par exemple, s’il s’agit de vérifier la cohérence d’un arbitrage de portefeuille de valeurs mobilières. En ce cas, l’intervention à ses côtés d’un professionnel du chiffre sera la bienvenue. De la même façon, son rôle par essence restreint, lorsque le mandataire est un professionnel ou lorsque certains actes auront reçu l’approbation d’un subrogé mandataire ou d’un tiers de confiance, peut s’avérer bien plus lourd dans le cas inverse, et impliquer une appréciation à la fois économique et personnelle du mouvement de fonds ou de l’acte, tenant compte de l’état de la personne protégée ou de ses besoins financiers.

1225 – Compétence ratione personae du notaire rédacteur. – Eu égard au caractère intuitu personae qui y est attaché, le notaire ne saurait déléguer sa mission de vérification à un tiers236, ce compris à l’un de ses confrères, et quand bien même il aurait obtenu l’accord du mandataire pour ce faire. À notre sens, seul le juge des tutelles, alerté par tout intéressé, en vertu de l’article 484 du Code civil peut, en cas de carence avérée du notaire qui a tenu la plume, lui substituer l’un de ses confrères. Certes, on sait que « ce n’est pas le juge qui fait le mandat, mais le mandant » ! Il s’agit là d’une interprétation extensive du texte, justifiée à nos yeux par un souci de protection du mandant face au danger que lui ferait courir la carence du notaire, en présence d’un mandataire négligent, incompétent ou nuisible. Cette faculté constituerait une soupape de sécurité quand ce danger est si prégnant qu’il aura conduit un tiers à saisir le juge.

Une autre difficulté peut surgir dans le cas où le notaire « qui a établi le mandat » n’exerce plus lorsque le mandat vient à exécution. À qui le mandataire doit-il alors rendre des comptes237 ? Pour éviter toute difficulté le moment venu, il est opportun de prévoir dans le mandat notarié que les comptes seront rendus au notaire qui a tenu la plume, et à défaut si ce notaire n’exerce plus, pour quelque raison que ce soit, et avec l’accord du mandant, au notaire qui exercera dans l’office notarial où résidait le notaire qui avait établi le mandat. À défaut d’une telle précaution rédactionnelle, on engage indéniablement des risques d’exécution et l’on se trouve réduit à espérer que le juge, éventuellement saisi de cette difficulté au visa de l’article 484 du Code civil, accepte de se déclarer compétent pour désigner un notaire de substitution.

Le notaire qui a établi le mandat, à qui le mandataire doit rendre des comptes, peut-il recevoir les actes concernant directement ou indirectement le mandant238 ?

On aperçoit ici les termes du débat bien connus de toute activité notariale : s’agissant d’un acte où le mandant est partie à l’acte, et où le notaire est lui-même intéressé par la rémunération qu’il en retirera, le potentiel conflit d’intérêts ne le condamne-t-il pas à s’abstenir et à confier la réception de l’acte à un autre notaire ? D’emblée, et sans aucune autre réflexion plus approfondie, la sagesse commande l’abstention. Mais ne peut-on pas avoir une lecture plus compréhensive de l’attribution qui est confiée au notaire sur ce sujet ? Le mandat de protection future s’appuie à la fois sur une volonté et une confiance du mandant dans la désignation du mandataire et sur le choix du notaire qui orchestre cette mesure originale et volontaire de protection. La responsabilité du notaire est totale dans les actes et les missions qui lui sont confiés. Le notaire doit en retirer une autonomie plus grande. Comment peut-on imaginer qu’une personne en pleine possession de ses moyens vienne confier ses intérêts à un notaire, officier public, pour décider d’un mandat de protection future, choisir son mandataire, choisir son notaire qui en contrôlera le moment venu son exécution, sans convenir en même temps et implicitement que ce même notaire recevra les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine ? Un tel clivage des activités notariales relèverait d’une grande incohérence.

Le seul constat qu’il est permis de faire à la suite des développements qui précèdent est la responsabilité du notaire qui en est décuplée. Le notaire s’engage avec le mandataire sur l’utilité de l’acte entrepris, son opportunité, ses modalités financières et ses conséquences.

b) Le mandat sous seing privé

1226 – Reddition des comptes moins contraignante. – Lorsque le mandat est établi par acte sous seing privé, le contrôle de la gestion du mandataire fait l’objet de dispositions moins contraignantes, ce qui s’explique par l’étendue plus réduite de sa mission. En pareille occurrence, le mandataire doit seulement conserver « l’inventaire des biens et ses actualisations, les cinq derniers comptes de gestion, les pièces justificatives ainsi que celles nécessaires à la continuation de celle-ci » (C. civ., art. 494). Consciente du déficit de protection qui en résulte, la Chancellerie invite toutefois le mandant, dans le modèle Cerfa 13592-02 de mandat sous seing privé qu’elle a mis en ligne, à désigner une personne physique ou morale chargée de contrôler le mandataire dans sa mission de protection de la personne et/ou du patrimoine du mandant. Il peut s’agir d’un proche, d’une personne de confiance, de plusieurs de ces personnes, professionnelles ou non, etc. Dans les faits, il paraît d’ailleurs difficile de faire l’économie de cette précision dans la mesure où le greffier, lors de la mise en œuvre du mandat, doit vérifier que « les modalités de contrôle de l’activité du mandataire sont formellement prévues » (CPC, art. 1258-2). La personne ainsi désignée pourra, en cas de difficulté, demander au juge de statuer sur la conformité des comptes (C. civ., art. 512, al. 1er).

À la différence du mandat notarié, le contrôle de la mission du mandataire demeure ici presque exclusivement tributaire de la seule volonté des parties, ce qui laisse quelque peu dubitatif tant il est à craindre que le système contractuellement prévu puisse alors relever « du plus parfait amateurisme »239. Si rien n’est prévu dans le mandat, aucun système d’alerte spécifique et systématique du juge n’est prévu. Certes, en pareil cas, la gestion du mandataire demeure soumise au pouvoir de surveillance générale du juge des tutelles et du procureur de la République prévu à l’article 416 du Code civil (C. civ., art. 494, al. 2), mais encore faut-il, pour que ce contrôle soit effectif, que ces magistrats aient le moyen de prendre connaissance des mandats mis à exécution dans leur ressort. Certes, cela n’empêche pas que « tout intéressé » puisse « saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en œuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution » (C. civ., art. 484), mais encore faut-il alors que la « personne intéressée » ait pu détecter l’existence d’éventuelles anomalies de gestion. Il ressort de tout ceci une impression de flottement et d’insécurité qui, pour tout dire, ne milite pas en faveur du mandat sous seing privé.

B/Le corollaire des obligations

1227 – Rémunération du mandataire. – S’agissant de la rémunération du mandataire, c’est le droit commun qui s’applique dans la mesure où aucune disposition spécifique n’est consacrée à cette question. En conséquence, le mandat de protection future est en principe exercé à titre gratuit, sauf convention contraire (C. civ., art. 1986). Le principe se trouve cependant exclu lorsque le mandataire exerce cette fonction dans le cadre de sa profession habituelle, la mission ne pouvant alors être que rémunérée240. Cela étant, en cas de gratuité, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et les frais que celui-ci a faits pour l’exécution de son mandat (C. civ., art. 1999). En cas de rémunération, celle-ci doit être explicitement indiquée à la fois dans son principe et dans son montant. Le modèle Cerfa 13592-02 de mandat sous seing privé, prévoit trois options : une rémunération forfaitaire annuelle, une rémunération forfaitaire mensuelle, ou une rémunération fixée selon des modalités particulières. On pourrait songer, dans ce dernier cas, à une rémunération proportionnelle à l’actif à gérer ou qui est fonction de l’ampleur des diligences à accomplir. En tout état de cause, les modalités de la rémunération doivent, pour éviter toute contestation ultérieure, être précisées dans le mandat.

1228 – Responsabilité du mandataire. – La responsabilité du mandataire, à raison de l’exécution de la mesure de protection, se détermine également par référence au droit commun du mandat (C. civ., art. 424). C’est dire que le mandataire répond de toutes ses fautes, qu’elles soient ou non dolosives (C. civ., art. 1992, al. 1er), étant ici précisé que « la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire » (C. civ., art. 1992, al. 2). La solution est frappée du coin du bon sens, celui qui rend service devant être traité moins sévèrement que celui qui reçoit une contrepartie financière. Pour le reste, s’appliquent les règles classiques du droit de la responsabilité. Le mandataire sera donc tenu d’indemniser la victime pour l’intégralité du préjudice subi et dans le cas où le mandataire se substitue à un tiers dans l’exercice de sa mission, il devra répondre de la personne à qui il se sera substitué (C. civ., art. 1994). Les fautes à même de lui être reprochées peuvent être énumérées, à titre indicatif, à l’aune des différents manquements éventuels de tout mandataire : le dépassement de mandat, la faute de gestion et l’atteinte aux intérêts du mandant sont les principaux. Enfin, notons que l’action en responsabilité civile diligentée à l’encontre du mandataire se prescrit par un délai de cinq ans à compter de la fin du mandat, alors même que la gestion aurait continué au-delà (C. civ., art. 423).

Section III – La fin du mandat de protection future

1229 – Plan. – Le mandat de protection future mis en œuvre ne prend fin que pour des causes limitativement énumérées par la loi. Ces causes de cessation peuvent être distinguées suivant qu’elles font cesser le mandat de plein droit ou de manière facultative : dans le premier cas, elles sont imposées par la loi (Sous-section I) alors que dans le second cas, elles dépendent du juge (Sous-section II).

Sous-section I – La fin du mandat imposée par la loi

1230 – Plan. – Les événements qui entraînent de plein droit la cessation du mandat de protection future sont énumérés à l’article 483 du Code civil. Certains sont liés au mandant (§ I), d’autres au mandataire (§ II).

§ I – Les causes relatives au mandant

1231 – Impossibilité d’une révocation ad nutum par le mandant. – Une fois conclu, le mandat de protection future reste en quelque sorte en sommeil tant qu’il n’est pas activé. Parce qu’il ne développe pas encore ses effets, le mandat peut être révoqué assez facilement, notamment par son bénéficiaire. En revanche, une fois qu’il a été activé, et contrairement au droit commun du mandat (C. civ., art. 2004), le mandat de protection future ne peut plus être révoqué ad nutum par le mandant. Cette solution paraît contradictoire avec l’idée que le mandant conserve sa capacité juridique et qu’il peut, à ce titre, faire des actes concurrents au mandataire qui pourraient s’analyser en révocation partielle. Au rebours, si l’on considérait que le mandant est dessaisi de ses droits, elle serait parée de tous les atours d’une saine logique juridique : le mandant n’étant plus en capacité de contracter, il ne peut plus révoquer son mandat établi alors qu’il bénéficiait de toutes ses facultés mentales. Quoi qu’il en soit, on peut constater, s’agissant du mandant, que la révocation du mandat mis à exécution ne peut donc être prononcée que judiciairement, et à la condition d’être en présence de l’une des trois causes de révocation prévues par la loi241.

1232 – Le rétablissement des facultés personnelles du mandant. – La raison d’être du mandat de protection future réside dans la protection d’une personne qui n’est plus apte à pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés personnelles. Une telle situation, souvent hélas durable, peut parfois n’être que temporaire et la personne recouvrer la santé. Partant, si son état de santé s’est rétabli, le mandat perd sa justification et son bénéficiaire doit retrouver son autonomie (C. civ., art. 483, 1o). En la forme, ce rétablissement est constaté, à la demande du mandant ou du mandataire, au moyen d’un certificat médical dressé par un médecin inscrit sur la liste du parquet et daté de moins de deux mois, et selon des modalités très précises définies à l’article 1259 du Code de procédure civile.

Remarque

Lorsque c’est le mandant qui en prend l’initiative, il est nécessaire que le mandataire soit personnellement informé de la fin du mandat. La loi ne prévoyant rien à ce sujet, nous pensons que la démarche effectuée doit être notifiée au(x) mandataire(s), tiers de confiance et au notaire qui a tenu la plume, si le mandat a été rédigé en la forme authentique.

1233 – Le décès du mandant ou son placement sous curatelle ou sous tutelle. – Le décès du mandant ôte tout intérêt au mandat de protection future puisque c’est pour elle qu’il avait été conclu. Ce décès emporte donc nécessairement son extinction (C. civ., art. 483, 2o).

1234 – Le placement sous curatelle ou sous tutelle du mandant. – Le mandat prend fin par l’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle à l’égard du mandant « sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure » (C. civ., art. 483, 2o). Cette cessation s’applique, en principe, de plein droit, sans que le juge ait à statuer, en pareil cas, sur la fin de la mesure conventionnelle, à la condition toutefois que celle-ci ait été mise en œuvre242.

On sait, et l’on comprend qu’une mesure judiciaire puisse être nécessaire, en dépit de l’existence d’un mandat de protection future, dont les termes trop restrictifs ne permettent pas de préserver les intérêts du mandant (C. civ., art. 485, al. 2), on perçoit plus difficilement pourquoi elle devrait entraîner de plein droit la disparition de ce dernier. Cet effet révocatoire est d’autant moins compréhensible que la loi permet à la personne en curatelle de conclure un mandat de protection future avec l’assistance du curateur (C. civ., art. 477, al. 2). Pourquoi la coexistence entre la curatelle et le mandat de protection future devrait-elle être permise dans un cas (lorsque la curatelle précède la signature du mandat) et pas dans l’autre (lorsque la mise en œuvre du mandat précède la curatelle) ?

À vrai dire, et même si une soupape de sécurité est prévue, cette disposition paraît clairement en discordance avec le principe de subsidiarité des mesures judiciaires par rapport au mandat de protection future (C. civ., art. 428), récemment renforcé par la loi du 23 mars 2019. En réalité, dans cette logique, le maintien du mandat devrait être la règle, et sa mise à l’écart l’exception. Concrètement, il serait donc incontestablement plus cohérent de subordonner la révocation du mandat de protection future à la décision expresse du juge qui prononce la mesure judiciaire, et non l’inverse243. Il s’agit là d’une préconisation de bon sens si l’on souhaite respecter la volonté du majeur protégé qui avait été bien formalisé, et de manière anticipée, au temps où il était lucide.

De manière plus énergique encore, le juge ne devrait pas pouvoir ouvrir une mesure de protection sans avoir révoqué préalablement le mandat par une décision spécialement motivée, sur le fondement de l’article 483, 4o du Code civil. Dans cette perspective, la cause de cessation de plein droit du mandat de l’article 483, 2o du Code civil devrait être supprimée.

§ II – Les causes relatives au mandataire

1235 – Le décès du mandataire. – Parce que c’est le mandataire qui était chargé, intuitu personae, de mettre en œuvre le mandat de protection future, son décès rend l’exécution dudit mandat impossible. Il entraîne donc son extinction, sauf si le mandant avait pris soin de désigner, dans son mandat, un mandataire appelé à se substituer au premier nommé en cas de décès244. Il s’agit là d’une sage précaution dans la mesure où le champ d’intervention du juge des tutelles, circonscrit selon les termes choisis de l’article 484 du Code civil, ne lui permet certainement pas de modifier cet élément central du contrat et donc de remplacer le mandataire défaillant par un autre245. De la même manière, si le mandat fonctionne dès l’origine avec plusieurs mandataires, il est judicieux de prévoir dans le contrat ce qu’il advient si l’un d’entre eux vient à décéder.

1236 – Le placement sous protection ou la déconfiture du mandataire. – Lorsque le mandataire personne physique voit lui-même ses facultés décliner au point de faire l’objet d’une mesure de protection juridique, quelle qu’elle soit, il n’est pas opportun de continuer à lui confier les intérêts du bénéficiaire du mandat de protection future. Aussi la loi prévoit-elle l’extinction systématique du mandat dans ce cas (C. civ., art. 483, 3o). Il en va de même lorsque le mandataire personne morale se trouve en état de déconfiture. De nouveau, il convient de rappeler que la désignation d’un mandataire prioritaire et d’un mandataire subsidiaire constitue une précaution rédactionnelle élémentaire, car elle présente l’intérêt de permettre au mandat de continuer à vivre malgré la survenance de l’une des causes de cessation de plein droit visées par le texte246.

1237 – La renonciation du mandataire est par principe inopérante. – Si, avant que le mandat ait pris effet, le mandataire peut assez facilement renoncer à la mission qu’il a acceptée247, il en va autrement lorsque le mandat a été mis en œuvre. La renonciation du mandataire revêt alors une plus grande gravité. Celui-ci abandonne le vaisseau, alors que l’on comptait sur lui. Il bouleverse ainsi les prévisions du mandant alors que ce dernier n’est plus en état de choisir un autre mandataire. La renonciation ne peut donc être libre. Par sagesse, la loi ne l’interdit pas, car le mandataire est susceptible de connaître des empêchements sérieux, qui nuisent à l’accomplissement de sa mission. Le mandataire, pour renoncer, doit être autorisé par le juge des tutelles (C. civ., art. 480, sur la saisine duquel, V. CPC, art. 1259-3). Dans ce cas, le mandat est appelé à disparaître, sauf si un mandataire subsidiaire a été prévu au contrat.

Sous-section II – La fin du mandat décidée par le juge

1238 – Une révocation judiciaire. – D’autres événements sont susceptibles de mettre un terme au mandat de protection future mais une décision du juge des tutelles est alors nécessaire, ce qui rend la révocation facultative. Alors que l’activation du mandat de protection future fait l’objet d’un contrôle réduit à sa plus simple expression248, duquel le juge est évincé, le souci de protection du mandant ouvre la voie, une fois le mandat mis en œuvre, à un possible contrôle judiciaire a posteriori (C. civ., art. 483, 4o)249.

Selon la loi, « tout intéressé » peut saisir le juge des tutelles d’une demande en révocation. La formule légale étant large, peuvent notamment saisir le juge des tutelles, le mandant, les membres de sa famille, des créanciers, ses proches, le(s) mandataire(s) ou encore le procureur de la République. Le notaire qui a reçu le mandat de protection future a aussi un intérêt à agir.

1239 – L’absence d’altération médicalement constatée des facultés personnelles du mandant. – Le juge des tutelles a la possibilité de révoquer le mandat de protection future « lorsqu’il s’avère que les conditions prévues par l’article 425 » ne sont pas réunies. Ce texte détermine l’état de la personne qui est susceptible d’être soumise à une mesure de protection. Ces facultés doivent être altérées au point de l’empêcher de pourvoir seule à ses intérêts. Tout intéressé peut ainsi contester l’ouverture du mandat de protection future par une remise en cause du certificat médical attestant l’inaptitude. Cette cause de révocation semble faire double emploi avec l’article 484 du Code civil qui ouvre également à tout intéressé le droit de contester la mise en œuvre du mandat de protection future250. Dans les faits, l’hypothèse demeure marginale.

1240 – L’atteinte aux intérêts du mandant. – Selon l’article 483, 4o du Code civil, le mandat peut être judiciairement révoqué lorsque son exécution « est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ». L’esprit du texte, à la lecture des travaux préparatoires, est de confier au juge des tutelles le « pouvoir d’apprécier si l’exécution de la mesure conventionnelle assure effectivement la protection de la personne et des biens du mandant »251. Cette disposition se situe dans la droite ligne de l’article 484 du Code civil, en se montrant toutefois plus exigeante dans ses conditions d’application, ce qui est cohérent, dans la mesure où il s’agit non pas ici de corriger un hiatus dans l’exécution du mandat pour permettre sa poursuite, mais, plus radicalement, d’y mettre fin.

Concrètement, le texte vise les situations dans lesquelles le mandataire se révèle inapte à exécuter le mandat de protection future, par négligence ou incompétence252, ou dans lesquelles il se montre malveillant253. Un arrêt récent de la Cour de cassation en fournit une intéressante illustration, en estimant justifiée la révocation judiciaire du mandat de protection future, dès lors que le mandataire avait manqué à son obligation de bonne gestion en produisant avec retard un inventaire lacunaire, en ne justifiant pas de l’utilisation des sommes prélevées sur les comptes du mandant et en omettant de procéder à la déclaration d’ISF de ce dernier254. C’est ici rappeler, à bon escient, que l’obligation d’une saine gestion pesant sur le mandataire lui impose également de s’acquitter correctement des obligations fiscales du mandant. L’exécution seulement partielle du mandat ou son activation tardive par le mandataire, lorsqu’elle témoigne de sa négligence, peuvent également aboutir à la mise à l’écart du mandat255. Des différends entre les mandataires, lorsqu’ils sont plusieurs, pourraient également être retenus.

La formule légale est conçue en termes suffisamment larges pour ouvrir au juge des tutelles une importante marge d’appréciation pour décider s’il y a lieu, ou non, de révoquer le mandat de protection future256, mais aussi pour lui permettre d’intervenir de façon préventive, sans qu’il soit nécessaire que l’atteinte soit déjà réalisée. Il suffit que, par son (in)action, le comportement du mandataire constitue une menace pour les intérêts du mandant. Encore faut-il être susceptible de produire des indices tangibles au soutien d’une telle demande.

1241 – Conséquences de la révocation judiciaire. – L’article 485 du Code civil autorise le juge qui met fin au mandat à « ouvrir une mesure de protection juridique dans les conditions et selon les modalités prévues aux sections 1 à 4 du présent chapitre ». Cette faculté est pleinement compréhensible tant on conçoit malaisément, en pratique, que le juge puisse révoquer le mandat sans se préoccuper d’ouvrir immédiatement une procédure de mise sous protection judiciaire et sans prendre les mesures urgentes que requièrent les intérêts du mandant. Toutefois, parce qu’il s’agit ici de « renforcer le régime de protection de l’intéressé », le juge doit être saisi « d’une requête en ce sens satisfaisant aux articles 430 et 431 » (C. civ., art. 442, al. 4). C’est dire que la saisine d’office du juge des tutelles demeure ici écartée, ce qui peut constituer, dans certaines hypothèses, « une faille majeure du dispositif »257. Dès lors, ne devrait-on pas exiger du demandeur en révocation du mandat de solliciter automatiquement l’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle, et de respecter les formes pour ce faire, aux fins d’éviter que la personne vulnérable ne se retrouve sans protection organisée ?

À l’expiration du mandat et dans les cinq ans qui suivent, le mandataire doit, quelle que soit la forme du mandat, tenir « à la disposition de la personne qui est amenée à poursuivre la gestion, de la personne protégée si elle a recouvré ses facultés ou de ses héritiers l’inventaire des biens et les actualisations auxquelles il a donné lieu ainsi que les cinq derniers comptes de gestion et les pièces nécessaires pour continuer celle-ci ou assurer la liquidation de la succession de la personne protégée » (C. civ., art. 487).

1242 – Alternatives à la révocation judiciaire. – Saisi aux fins de révocation, le juge ne se trouve pas dans l’obligation de détruire systématiquement le mandat de protection future. En réalité, la loi lui offre plusieurs alternatives.

D’une part, il peut placer le mandant sous sauvegarde de justice et suspendre les effets du mandat de protection future (C. civ., art. 483, dernier al.). Cette suspension est destinée à lui permettre de prendre connaissance du mandat de protection future et aussi de vérifier ses conditions d’exécution. Au vu de ces éléments, le juge sera ensuite libre d’ordonner ou non la mainlevée de la sauvegarde de justice et donc de redonner ou non effet au mandat.

D’autre part, « lorsque la mise en œuvre du mandat ne permet pas, en raison de son champ d’application, de protéger suffisamment les intérêts personnels ou patrimoniaux » du mandant, le juge peut décider de maintenir le mandat tout en prononçant l’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle, à titre complémentaire (C. civ., art. 485, al. 2). En pareil cas, il fait cohabiter deux régimes, un régime légal et un régime conventionnel. Concrètement, les pouvoirs du curateur ou du tuteur sont alors amputés des pouvoirs accordés au mandataire, à la lecture du contrat. Il s’agit clairement ici de venir au secours d’un mandat trop étriqué et non de sanctionner l’incurie du mandataire. Le texte prévoit que le juge peut du reste confier la charge de la curatelle ou de la tutelle à ce dernier. Mieux encore, si cela est suffisant pour préserver les intérêts du mandant, il peut se contenter d’autoriser le mandataire « à accomplir un ou plusieurs actes déterminés non couverts par le mandat ». Enfin, il peut aussi autoriser un mandataire ad hoc à accomplir lesdits actes, si une évolution de la situation, pas nécessairement prévisible lors de la rédaction du mandat, a fait apparaître un conflit d’intérêts entre le mandataire et le mandant. Le panel des solutions est très large, étant ici souligné que si ces autorisations ponctuelles sont de nature à combler les lacunes dans la protection du mandant, le placement du mandant sous curatelle ou tutelle doit à l’évidence être évité. D’une manière plus générale, c’est toujours le maintien du mandat qui doit être privilégié. Le principe de subsidiarité le commande258. Quelle que soit l’option choisie, le texte précise que : « Le mandataire de protection future et les personnes désignées par le juge sont indépendants et ne sont pas responsables l’un envers l’autre ; ils s’informent toutefois des décisions qu’ils prennent » (C. civ., art. 485, al. 3).

La désignation d’un mandataire ad hoc

On peut certainement regretter que, dans le silence du mandat, la faculté de désigner un mandataire ad hoc ne soit, en l’état, offerte au juge qu’aux cas d’extension du mandat (C. civ., art. 485, al. 2). Ainsi entendu, le mandataire ad hoc ne peut intervenir qu’en complément et non en remplacement du mandataire, ce qui est trop réducteur. Les textes devraient prévoir, d’une manière générale, à l’instar de l’article 455 du Code civil s’agissant de la curatelle et de la tutelle, que le juge dispose de la possibilité, en cas d’opposition d’intérêts avérée entre le mandant et le mandataire, de pourvoir à la désignation d’un mandataire ad hoc. Il s’agit là d’une préconisation du rapport Caron-Déglise259, qui nous paraît totalement justifiée.

1243 – Le juge et le mandat de protection future. – Comparé à ceux qui sont classiquement les siens en matière de protection des personnes, les pouvoirs du juge, s’agissant du mandat de protection future, sont très particuliers, en ce qu’il est appelé à intervenir sur une situation déjà organisée par contrat, en quelque sorte à titre subsidiaire, et surtout à titre éventuel. En dehors des autorisations classiques concernant les actes les plus dangereux, qui lui valent, à titre exceptionnel, de devoir intervenir au cœur de l’exécution, le juge doit seulement s’inviter dans les circonstances de crise, lorsque le mandat a été mal écrit ou qu’il est mal exécuté. Sa palette d’intervention est alors étendue : il peut compléter le mandat (adjonction d’une curatelle ou d’une tutelle), étendre les pouvoirs du mandataire, ponctuellement (en autorisant le mandataire à accomplir certains actes non prévus) ou plus largement (le mandataire devient curateur ou tuteur), suspendre le mandat après ouverture d’une sauvegarde de justice ou, en ultime recours, y mettre fin et décider de lui substituer une mesure de protection juridique. Mais, aussi large que soit l’éventail des solutions dont il dispose, il n’est amené à en faire usage qu’à la condition d’avoir été saisi en ultimum remedium et avec le souci de respecter, dans la mesure du possible, ce que le mandant avait prévu au moment où il disposait pleinement de ses capacités. « Un mandat qui suffit à assurer les intérêts de son mandant est un acte réussi, alors qu’un mandat nécessitant l’intervention du juge est un mandat sauvé »260. En ce sens, le mandat de protection future est le fruit d’un savant dosage entre une contractualisation contrôlée et une judiciarisation circonscrite.

Au-delà, et parce qu’il s’agit ici d’assurer la protection juridique d’une personne vulnérable, la présence du juge, au même titre que celle du notaire du reste, témoigne de la volonté des pouvoirs publics de conserver un regard attentif sur ce mécanisme contractuel, privilégiant par nature l’autonomie de la volonté et la liberté de l’individu. Une présence certes discrète mais efficace, et surtout complémentaire et résiduelle de celle du notaire. Celui-ci est souvent l’initiateur du mandat, toujours le garant de son écriture, puis de son exécution. Dans cette phase idyllique, le juge est quasiment absent, mais il réapparaît aussitôt dès que des dysfonctionnements apparaissent et viennent troubler l’ordre social. « Au notaire, le bon huilage du mandat de protection future. Au juge, la salvatrice réparation des désordres »261. Au final, la protection du majeur vulnérable est assurée, car l’État est présent partout, dans la prévention et dans la sanction, au cas où…

1244 – Conclusion sur le mandat de protection future. – Toute la vulnérabilité ne se résoudra pas dans le mandat de protection future, c’est-à-dire à la fois dans son anticipation et dans la seule expression d’une volonté individuelle. Mais « cette attention accordée à la personne, à sa volonté, à son consentement est une valeur inestimable qui doit se déployer chaque fois qu’il est possible »262. Pour ce faire, le mandat de protection future doit définitivement revêtir les galons d’une véritable mesure de protection, en dépit de la coloration contractuelle de la forme juridique qui l’enveloppe. Atteindre cet objectif suppose des évolutions, des avancées, parfois perturbantes, toujours indispensables. Elles ont trait, tout d’abord, au dessaisissement du mandant, conforme à l’objet du mandat, qui est une technique de représentation, et source de sécurité juridique pour les tiers. Il conviendrait, ensuite, d’admettre l’élargissement du mandat de protection future à l’assistance, ce qui permettrait, selon la volonté du mandant, de couvrir la « zone grise ». Il s’agirait, enfin, de conférer, par principe, les pouvoirs les plus étendus, y compris sur le logement familial, au mandataire, choisi en raison de la confiance placée en lui.

Bien évidemment, il ne s’agit pas de verser dans l’angélisme. Parce que les risques de négligence, d’incompétence et de malveillance ne sont jamais à exclure, il faudra souvent garder un œil attentif sur le mandataire. À cette fin, le mandat doit inclure un certain nombre de verrous ou de précautions, en étoffant, dans la mesure du possible, le cercle des personnes susceptibles, le moment venu, d’exercer une mission de protection de la personne ou des biens du mandant. Dans cette optique, il peut être judicieux pour le mandant de prévoir l’intervention d’un subrogé mandataire, doté d’un pouvoir de contrôle pour certains actes les plus importants, et le législateur devrait faciliter la désignation généralisée d’un mandataire ad hoc. Face à la difficulté parfois constatée de puiser dans l’environnement familial ou amical, il peut être conseillé de recourir à un mandataire professionnel, qui pourra contribuer, grâce à sa compétence et à son objectivité, à la bonne exécution du contrat.

Surtout, il conviendrait à notre sens de renforcer le rôle du notariat. Au regard des enjeux d’un tel acte, il conviendrait d’assumer davantage encore la priorité donnée à la forme notariée du mandat de protection future, puis de proposer que les formalités de déclenchement du mandat relèvent de la compétence du notaire (et non plus du greffier, simple enregistreur), lequel pourrait ainsi assurer la conservation des actes et la publicité – indispensable dans l’optique de son développement – du mandat. Le notaire, si possible le même, rédigerait l’acte, l’amenderait le cas échéant au gré des vicissitudes de la vie du mandant, contrôlerait son déclenchement puis in fine veillerait à la juste application de sa tâche par le mandataire. La boucle serait ainsi bouclée. Parce que le mandat de protection future a vocation à être mis en œuvre à un moment où celui qui a voulu la mesure n’est plus apte à pourvoir seul à ses intérêts et qu’il ne peut donc plus maîtriser ce qu’il a voulu, ce contrat, davantage que beaucoup d’autres, suppose pour le mandant de s’en remettre à un professionnel de confiance, qui assurera un suivi personnalisé de son mandat et veillera, de manière rassurante, au respect de sa volonté. C’est un rôle qui sied naturellement au notaire, car il permet à la fois de s’intéresser à la personne et de préserver son patrimoine, deux préoccupations traditionnellement au cœur de son métier.

Ceci dit, nous ne sommes pas dupe et connaissons les réticences de la profession notariale à l’égard du mandat de protection future, principalement parce que « la mission de contrôle des comptes par le notaire peut sembler lourde, mal rémunérée par le tarif et source de responsabilité »263, mais aussi, il ne faut pas se leurrer, parce que l’écriture du mandat est un art difficile. Et pour cause ! Il s’agit de rédiger un contrat sur mesure dont l’objet consiste à conjecturer un futur que l’on ignore, subordonné lui-même à un événement incertain, la perte de capacité du mandant. Si toutes les mauvaises écritures du mandat peuvent être sauvées quand le mandat ne vient jamais à s’appliquer, « elles seront au contraire regrettées si le mandat vient à être mis en œuvre, car elles seront susceptibles de revisiter le rôle du notaire et sa responsabilité dans l’élaboration de ce mandat »264. En réalité, on peut constater que le mandat n’est pas si complexe à gérer en présence d’un patrimoine « classique ». Et, si l’ampleur du patrimoine le justifie, le notaire peut demander l’assistance d’un professionnel du chiffre pour le contrôle annuel des comptes. Enfin, en cas de conflit familial ou de difficultés, le recours au juge est toujours possible, permettant au notaire de se dégager du mandat litigieux. Certes, il ne faut pas s’en cacher, la motivation des troupes passera inévitablement par un niveau de rémunération plus conforme à la compétence et aux diligences qu’il requiert, sans jamais asphyxier la personne protégée, l’émolument notarial étant lié au niveau de ressources de ce dernier. Enfin, on sait que le notaire est un officier public, représentant l’État mais contrôlé par lui, engageant une responsabilité professionnelle lourdement sanctionnée dans le cadre de son devoir de conseil qui majore encore sa fonction. Il reste seulement à espérer que les juges, le moment venu, veilleront à ce que la responsabilité des acteurs de ce mandat, principalement mandataire(s) et notaire, soit une responsabilité partagée et non pas à sens unique.

La question de la dépendance, enjeu pour notre société, est un sujet de préoccupation central pour nos concitoyens. Aujourd’hui, avec le mandat de protection future, le notaire dispose d’une réponse efficace et adaptée, dont il doit davantage s’emparer et ne pas hésiter à faire la promotion auprès de ses clients, dont on sait qu’ils ont d’indéniables réticences et des difficultés à anticiper.


124) J. Combret, Anticiper son état de vulnérabilité. Assurer la protection de sa personne et de son patrimoine : Actes prat. strat. patrimoniale janv. 2017, no 1, dossier 3, spéc. no 16.
125) V. not. 94e Congrès des notaires de France, Lyon, 17-20 mai 1998, Le contrat, Liberté contractuelle et sécurité juridique. – 102e Congrès des notaires de France, Strasbourg, 21-24 mai 2006, Les personnes vulnérables.
126) Le législateur français s’est inspiré de la recommandation no R. 99 du comité des ministres du Conseil de l’Europe du 23 février 1999 et de la Convention de La Haye du 13 janv. 2000 sur la protection internationale des adultes qui prévoit, dans son article 15, le mandat d’inaptitude. La loi no 2008-737 du 28 juill. 2008 a autorisé la ratification de cette convention.
127) H. Fulchiron, Chronique de droit des personnes protégées : Dr. et patrimoine 2009, no 166, p. 123.
128) M.-A. Blanc, présidente de l’Unaf, discours prononcé le 19 nov. 2015 à l’occasion d’une journée nationale dédiée au mandat de protection future organisée par l’Unaf en partenariat avec le Conseil supérieur du notariat, cité par C. Bernard-Xemard, JCl. Ingénierie du patrimoine, Fasc. 31, Vo Mandat de protection future, 2016, no 49.
129) V. Statistiques du ministère de la Justice, reprises in Rapp. AN no 2075, sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, 26 juin 2019, p. 38.
130) V. infra, no a1248.
131) Nous avons peine à suivre les textes lorsqu’ils prévoient, ce qui paraît inconciliable, que la curatelle en amont ne fait pas obstacle au mandat de protection future, alors que la mise en place d’une curatelle en aval entraîne la cessation de plein droit d’un tel mandat. En ce sens, V. not. I. Maria, Majeurs protégés. Le mandat de protection future conclu par une personne vulnérable : une douce illusion ? : Dr. famille 2013, comm. 55.
132) N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 411.41.
133) V. infra, no a1521.
134) J. Hauser, obs. ss Cass., avis, 20 juin 2011, no 11-00.004 : RTD civ. 2011, 512.
135) V. Cass. 1re civ., 12 janv. 2011, no 09-16.519 : Bull. civ. 2011, I, no 11 ; D. 2011, 1204, note Noguéro ; JCP G 2011, 691, note Peterka ; AJF 2011, 110, obs. Verheyde ; Defrénois 2011, 690, note Massip ; Dr. famille 2011, no 42, note Maria ; Rev. Lamy dr. civ. 2011/80, no 4176, obs. Gallois ; RTD civ. 2011, 323, obs. Hauser.
136) Cass. 1re civ., 29 mai 2013, no 12-19.851 : D. 2013, 1815, note D. Noguéro ; ibid. 2196, obs. J.-J. Lemouland, D. Noguéro et J.-M. Plazy ; AJF 2013, 510, obs. T. Verheyde ; Dr. famille 2013, no 155, note Maria ; JCP G 2013, 908, note Peterka ; RTD civ. 2011, 323, obs. Hauser.
137) J. Hauser, obs. ss Cass. 1re civ., 12 janv. 2011, no 09-16.519 : RTD civ. 2011, 323.
138) T. Verheyde, obs. ss Cass. 1re civ., 29 mai 2013, no 12-19.851 : AJF 2013, 510.
139) V. CA Douai, 31 mars 2016, no 15/02397 : Dr. famille 2016, comm. 164, obs. I. Maria.
140) V. infra, no a1240.
141) En ce sens, V. P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
142) En ce sens, V. not. G. Calvet et H. Fabre, Protection de la personne vulnérable : le recours aux mandats pour soi et pour autrui : JCP N 27 avr. 2012, no 17, 1194.
143) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
144) Comp. D. Fenouillet, Le mandat de protection future ou la double illusion : Defrénois 2009, p. 142, qui estime, et regrette, que la liberté octroyée au mandant dans le choix du mandataire a pour effet d’écarter le principe de priorité familiale qui encadre les mesures judiciaires.
145) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
146) V. infra, no a1473.
147) Sur lesquels, V. G. Calvet et H. Fabre, Protection de la personne vulnérable : le recours aux mandats pour soi et pour autrui : JCP N 27 avr. 2012, no 17, 1194, nos 28 et s. À défaut, il peut être judicieux d’imposer, à tout le moins, une obligation élémentaire d’information du mandataire auprès des proches ou de la famille sur l’évolution de l’état de santé ou de la consistance du patrimoine du mandant, ce qui peut permettre, si ce n’est d’éviter, tout au moins d’atténuer, les tensions, les soupçons et les ressentiments, à l’égard du mandataire choisi.
148) Ainsi, pour la vente du logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni, V. infra, no a1211.
149) Sur laquelle, V. infra, no a1242.
150) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
151) D. no 2007-1702, 30 nov. 2007, mod. par D. no 2009-1628, 23 déc. 2009, art. 18.
152) V. Depadt, Quelques réflexions sur le mandat de protection future : Études en l’honneur du Professeur J. Huet, LGDJ, 2017, p. 115.
153) J. Combret, Anticiper son état de vulnérabilité. Assurer la protection de sa personne et de son patrimoine : Actes prat. strat. patrimoniale janv. 2017, no 1, dossier 3, spéc. no 37.
154) Sur les garanties apportées par la forme authentique, Vo La sécurité juridique : un défi authentique, 111e Congrès des notaires de France, 2015, 1re commission, no 1342 et s.
155) Peu importe à cet égard qu’il ait été ou non contresigné par un avocat.
156) V. infra, no a1213.
157) V. Statistiques du ministère de la Justice, reprises in Rapp. AN no 2075, sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, 26 juin 2019, p. 38 : pour l’année 2017, sur 1 164 mandats de protection future, 1 054 ont pris la forme d’un acte notarié, soit 90,55 %.
158) P. Potentier, JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 10, Vo Mandat de protection future, 2017, no 1.
159) A. Caron-Déglise, Rapport de mission interministérielle, L’évolution de la protection des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, Doc. fr., sept. 2018 ; JCP N 2018, no 39, act. 771, spéc. p. 45.
160) Ibid.
161) Les travaux préparatoires de la loi du 5 mars 2007 témoignent clairement de ce que la volonté du législateur a été, en la matière, que « l’intéressé conserve sa pleine capacité et [puisse] toujours passer des actes entrant dans le champ du mandat » (Rapp. Sénat no 212, 2006-2007, p. 192, par H. de Richemont). Cette analyse a été confirmée, si besoin en était, par la circulaire du 9 février 2009 : selon laquelle « Le mandat de protection future ne constitue pas un régime d’incapacité : même après la mise en œuvre du mandat, le mandant ne perd pas sa capacité (sauf pour révoquer le mandat, ce qu’il ne peut faire lui-même). Il peut continuer à agir dans tous les actes de la vie civile, et notamment continuer à passer des actes graves sur son patrimoine. Le mandat de protection, comme toute procuration, met en présence deux personnes en mesure et en capacité d’agir sur le même périmètre patrimonial » (Circ. DACS no CIV/01/09/C1, 9 févr. 2009, relative à l’application des dispositions législatives et réglementaires issues de la réforme du droit de la protection juridique des mineurs et des majeurs : BO Justice 28 févr. 2009, p. 40).
162) Cons. UE, Recomm. R(99)4, 23 févr. 1999 ; CIDPH, 13 déc. 2006.
163) J. Massip, Les incapacités, étude théorique et pratique : Defrénois 2002, no 520.
164) En ce sens, V. D. Fenouillet, Le mandat de protection future ou la double illusion : Defrénois 2009, p. 155, no 31.
165) V. infra, no a1231.
166) On peut souligner, au surplus, que le législateur lui-même n’a pas hésité à prendre quelques distances avec le droit commun du mandat, qui ne requiert pour sa validité aucune forme, en concevant le mandat de protection future comme un acte solennel, précisément encadré quant à sa forme.
167) A. Caron-Déglise, Rapport de mission interministérielle, L’évolution de la protection des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, Doc. fr., sept. 2018 ; JCP N 2018, no 39, act. 771, spéc. p. 45.
168) En ce sens, V. L. Taudin, Mandat de protection future. Itinéraire sinueux d’une représentation : JCP N 2009, no 52, 1357, no 27.
169) V. infra, no a1552.
170) En ce sens, V. P. Murat, Retour sur quelques difficultés d’interprétation de l’article 464 du Code civil : Defrénois 2017, p. 879.
171) V. supra, no a1184.
172) L. no 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : JO 24 mars 2019 ; JCP N 2019, no 13, act. 335.
173) V. supra, no a1470.
174) V. supra, no a1254.
175) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
176) V., en ce sens, le modèle Cerfa 13592-02 de mandat sous seing privé, préc., qui prévoit que : « Le présent mandat annule tout mandat de protection future fait antérieurement ; une fois mis en œuvre, il mettra fin à toute procuration consentie à autrui, portant sur les événements du patrimoine du mandant visés dans le présent mandat ».
177) V. infra, no a1240.
178) CA Paris, 14 janv. 2013, no 12/03648 : AJF 2013, 509, obs. J. Massip ; Dr. famille 2013, comm. 61, I. Maria ; D. 2013, 2207, obs. J.-M. Plazy.
179) On peut aussi imaginer que le juge ouvre une curatelle ou une tutelle dans l’ignorance de la mise en œuvre du mandat, auquel cas il appartiendra au mandataire de solliciter la mainlevée de la mesure sur le fondement de l’article 428 du Code civil.
180) En réalité, c’est vrai pour la tutelle qui, comme le mandat, constitue une mesure de représentation. En revanche, le juge pourrait parfaitement ouvrir une curatelle pour pallier le besoin d’assistance de la personne protégée, lequel, n’étant pas couvert par le mandat, ne déclenche donc pas sa mise en œuvre.
181) V. infra, no a1240.
182) V. infra, no a1224.
183) V. infra, no a1201.
184) Pour une illustration, V. not. Cass. 1re civ., 4 janv. 2017, no 15-28.669 : JCP G 2017, 200, note N. Peterka ; D. 2017, p. 191, note D. Noguéro ; Defrénois 28 févr. 2017, no 125u1, p. 245, note A. Batteur ; AJF 2017, p. 144, obs. G. Raoul-Cormeil ; Dr. famille 2017, comm. 49, note I. Maria ; RTD civ. 2017, p. 100, obs. J. Hauser.
185) Rép. min. no 414, 18 févr. 2014 : JO 18 févr. 2014, p. 1625.
186) V. en sens, Rép. min. no 85698, 6 sept. 2016 : JO 18 févr. 2014, p. 7998.
187) L. no 2015-1776, 28 déc. 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement.
188) A. Caron-Déglise, Rapport de mission interministérielle, L’évolution de la protection des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, Doc. fr., sept. 2018 ; JCP N 2018, no 39, act. 771, spéc. p. 44.
189) N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection de la personne vulnérable, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 412.12.
190) En ce sens, V. not. D. Fenouillet, Le mandat de protection future ou la double illusion : Defrénois 2009, 142, spéc. no 15.
191) En pareil cas, le mandant qui n’a pas comparu devant le greffier du tribunal est informé par le mandataire de la prise d’effet du mandat de protection future par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (CPC, art. 1258-4).
192) N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, op. cit., no 412.22.
193) V. supra, no a1191.
194) V. supra, no a1185.
195) La règle est dérogatoire au droit commun du mandat, lequel soumet les actes de disposition à l’existence d’un mandat exprès (C. civ., art. 1988).
196) Il convient ici, en effet, de rappeler que selon l’art. 930-1, alinéa 1er du Code civil, la capacité requise du renonçant est précisément « celle exigée pour consentir une donation entre vifs », et ce même si l’alinéa 2 du même texte précise, non sans une certaine contradiction, que « la renonciation, quelles que soient ses modalités, ne constitue pas une libéralité ».
197) En ce sens, V. not. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection de la personne vulnérable, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 412.85.
198) V. infra, no a1489.
199) N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 412.82.
200) Sur cette question, V. not. S. Hovasse, Assurance-vie et régimes de protection juridique : JCP N 2009, no 21, 1182.
201) D. no 2008-1484, 22 déc. 2008, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du Code civil.
202) En ce sens, V. S. Hovasse, Assurance-vie et régimes de protection juridique : JCP N 2009, no 21, 1182.
203) Le classement de l’acceptation du bénéfice d’un contrat d’assurance-vie, dans la catégorie des actes de disposition ou d’administration en fonction des charges qui y sont adjointes, peut être infléchi en considération du montant du capital reçu et de l’importance des charges transmises.
204) D. no 2008-1484, 22 déc. 2008, relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du Code civil, ann. 2.
205) En ce sens, S. Hovasse, Assurance-vie et régimes de protection juridique : JCP N 2009, no 21, 1182.
206) V. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 412.83.
207) En ce sens, V. P. Potentier, Le domaine du mandat de protection future : JCP N 2007, no 42, 1262.
208) En ce sens, V. not. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 412.85. – P. Potentier, Le domaine du mandat de protection future : JCP N 2007, no 42, 1262.
209) J.-M. Plazy et F. Gémignani, Le logement de la personne vulnérable : JCP N 2012, no 17, 1193.
210) Ibid.
211) V. not., en ce sens, F. Vancleemput, L. Fabre et E. Grimond, 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, Familles, Solidarité, Numérique, Le notaire au cœur des mutations de la société, no 2700.
212) P. Dauptain, Vers une simplification de la vente par une personne protégée : JCP N 2013, no 43, 1247.
213) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
214) Le délai d’obtention d’une ordonnance autorisant une vente est souvent de plusieurs mois, mais il s’inscrit alors dans le délai classique de deux ou trois mois qui court entre la signature de l’avant-contrat et celui de la vente définitive.
215) P. Dauptain, Vers une simplification de la vente par une personne protégée : JCP N 2013, no 43, 1247.
216) V. Cass. ch. réunies, 21 mai 1897 : DP 1897, 1, 277, concl. Manaud. Pour une application plus récente, V. Cass. 1re civ., 7 nov. 2006, no 04-15.799 ; AJF 2006, p. 466, obs. L. Pécaut-Rivolier.
217) Il s’agit de ne pas perturber les personnes, notamment âgées ou souffrant d’un handicap, en les obligeant à changer d’interlocuteur ou de guichet bancaire.
218) V. G. Calvet et H. Fabre, Protection de la personne vulnérable : le recours aux mandats pour soi et pour autrui : JCP N 27 avr. 2012, no 17, 1194, spéc. no 19.
219) V. infra, nos a1268 et s.
220) En ce sens, V. S. Mazeaud-Leveneur, JCl. Civil Code, Art. 477 à 494, Vo Mandat de protection future, 2019, no 49.
221) P. Potentier, JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 10, Vo Mandat de protection future, 2017, no 58.
222) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22, qui invoque deux raisons en ce sens. Selon lui, les dispositions anticipées de fin de vie « sont susceptibles de changer plus souvent : le document doit donc être établi d’une façon plus simple et moins solennelle que celle d’un acte notarié, là où l’urgence commande souvent la situation. En second lieu, le corps médical a souvent raison de dire que le notaire n’est pas le meilleur conseil pour prendre de telles dispositions requérant une compétence particulière, qu’il faut mieux réserver aux médecins eux-mêmes qui connaissent ou sondent beaucoup mieux leurs patients ».
223) V. infra, no a1262.
224) V. G. Calvet et H. Fabre, Protection de la personne vulnérable : le recours aux mandats pour soi et pour autrui : JCP N 27 avr. 2012, no 17, 1194, spéc. no 21.
225) J. Combret, Anticiper son état de vulnérabilité. Assurer la protection de sa personne et de son patrimoine : Actes prat. strat. patrimoniale janv. 2017, no 1, dossier 3, spéc. no 33.
226) Sur ce point, V. D. Fenouillet, Le mandat de protection future ou la double illusion : Defrénois 2009, no 142, no 45, qui s’interroge, à juste titre, à propos de cette faculté de substitution : « L’intuitu personae renforcé qui caractérise le mandat de protection future, au moins lorsqu’il est conféré à une personne physique, ne devrait-il pas conduire à interdire au mandataire désigné par le majeur de se substituer un tiers, sauf autorisation expresse dans le mandat ? ».
227) En ce sens, V. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 413.33.
228) V. infra, nos a1499 et s.
229) À cette fin, le mandataire fera état des opérations qu’il exécutera pour le mandant au fur et à mesure de leur accomplissement et établira le compte des recettes et dépenses (trimestrielles, semestrielles ou annuelles), l’état des capitaux détenus et des revenus perçus, les sommes restant à recouvrer ou à acquitter, les dépenses engagées et non acquittées. Le mandat prévoit la forme (par ex., par courrier recommandé avec demande d’avis de réception) et la date (par ex., au plus tard le 31 janv. de chaque année) de remise des documents au notaire.
230) Le notaire doit exiger du mandataire la remise ponctuelle des documents. S’il ne les reçoit pas, ou s’il manque des justificatifs, il doit mettre en demeure ce dernier de les fournir sans délai avant, si la situation persiste, de saisir le juge des tutelles.
231) Avant la loi du 23 mars 2019, le notaire pouvait à tout instant faire vérifier les comptes au greffier en chef du tribunal d’instance (C. civ., art. 511 ancien), suivant des modalités bien connues, ou peut-être même trop connues, pour une mesure de tutelle. De l’aveu même des greffiers, ce contrôle ne s’avérait pas réellement effectif et suffisant. Désormais, et c’est heureux, le juge ne statuera qu’en ultime recours, au besoin en faisant appel à un professionnel qualifié.
232) Encore faut-il que le notaire ait anticipé ses probables difficultés pour contrôler les comptes. À défaut, si le notaire ne s’aperçoit qu’en cours d’exécution du mandat de la lourdeur de sa tâche, l’adjonction d’un professionnel supposera l’accord du mandataire.
233) Il va sans dire, dans un souci de réalisme, que ce type d’intervention ne se justifie que si, d’une part, le patrimoine du mandant atteint une certaine taille, ou qu’il est composé d’actifs complexes tels que titres de société, biens immobiliers de rapport, portefeuilles de valeurs mobilières, et, d’autre part, ses facultés financières sont suffisamment importantes pour y faire face.
234) Rapp. Sénat no 212, 2006-2007, p. 195, par H. de Richemont.
235) Sur cette question, V. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 412.102.
236) V. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 412.102.
237) À ce propos, V. P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
238) Sur cette question, V. les propos éclairants, ici reproduits, de P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
239) P. Potentier, JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 10, Vo Mandat de protection future, 2017, no 149.
240) V., par ex., Cass. 1re civ., 16 juin 1998, no 96-10.718.
241) V. P. Potentier, JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 10, Vo Mandat de protection future, 2017, no 128, qui souligne, à juste titre, qu’en définitive et « en dehors de maladresses rédactionnelles ou d’exécution défectueuse du mandat, il y a peu de salut pour un mandant soudainement pris de remords, sous le regard désabusé et impuissant de son entourage proche. Le mandat s’exécutera vaille que vaille. Cette position est légitime, mais sera parfois, à n’en pas douter, un peu douloureuse ».
242) Cass. 1re civ., 4 janv. 2017, no 15-28.669 : JCP G 2017, 200, note N. Peterka ; D. 2017, p. 191, note D. Noguéro ; Defrénois 28 févr. 2017, no 125u1, p. 245, note A. Batteur ; AJF 2017, p. 144, obs. G. Raoul-Cormeil ; Dr. famille 2017, comm. 49, note I. Maria ; RTD civ. 2017, p. 100, obs. J. Hauser.
243) En ce sens, V. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 411.22.
244) V. supra, no a1175.
245) V., en ce sens, S. Mazeaud-Leveneur, JCl. Civil Code, Art. 477 à 494, Vo Mandat de protection future, 2019, no 73.
246) V. supra, no a1175.
247) V. supra, no a1178.
248) V. supra, no a1198.
249) En revanche, tant que le mandat n’a pas été mis à exécution, il n’appartient pas au juge des tutelles de le révoquer (V., par ex., CA Nancy, 27 juin 2011, nos 10/03490 et 11/01900 : JurisData no 2011-032253 ; Dr. famille 2012, comm. 86, I. Maria).
250) En ce sens, V. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 411.31.
251) Rapp. Sénat no 212, 7 févr. 2007, sur le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs, p. 189, par H. de Richemont.
252) Pour un budget largement déficitaire créant une méfiance au sein de la fratrie, V. CA Rennes, 29 oct. 2013, no 13/00748 : JurisData no 2013-025508 ; Dr. et patrimoine déc. 2014, no 242.
253) Pour un exemple de comportement frauduleux, V. CA Nancy, 27 févr. 2015, no 14/02708 : JurisData no 2015-004599 (détournement de fonds et déménagement du mobilier de la personne protégée).
254) Cass. 1re civ., 17 avr. 2019, no 18-14.250 : JCP N 2019, no 20, act. 474, obs. N. Peterka ; JCP G 2019, 593, obs. G. Raoul-Cormeil ; Dr. famille 2019, comm. 134, note I. Maria ; LPA 18 juin 2009, no 121, p. 7, note D. Noguéro. Adde Cass. 1re civ., 13 juin 2019, no 18-19.079 ; Dr. famille 2019, comm. 185, note I. Maria, qui considère, concernant des manquements assez proches, que « le manque de rigueur et de diligences dans la gestion du patrimoine » du mandant peut également justifier sa révocation.
255) CA Nancy, 27 févr. 2015, no 14/02708, préc.
256) V. Cass. 1re civ., 4 janv. 2017, no 15-28.669 : JCP G 2017, 200, obs. N. Peterka ; Dr. famille 2017, comm. 49, I. Maria ; Defrénois 2017, p. 245, obs. A. Batteur ; D. 2017, p. 191, note D. Noguéro ; AJF 2017, p. 144, obs. G. Raoul-Cormeil.
257) En ce sens, V. N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection des personnes vulnérables, Dalloz Action, 4e éd. 2017-2018, no 411.41.
258) Dans les faits, on constate chez certains magistrats une tendance à aller au plus simple et à ne pas s’embarrasser avec le cumul des protections judiciaire et conventionnelle. Comp. Cass. 1re civ., 4 janv. 2017, no 15-28.669 : JCP G 2017, 200, note N. Peterka ; D. 2017, p. 191, note D. Noguéro ; Defrénois 28 févr. 2017, no 125u1, p. 245, note A. Batteur ; AJF 2017, p. 144, obs. G. Raoul-Cormeil ; Dr. famille 2017, comm. 49, note I. Maria ; RTD civ. 2017, p. 100, obs. J. Hauser, qui privilégie la mise à l’écart du mandat de protection future au profit d’une curatelle renforcée, tout en confiant à l’épouse, mandataire de protection future, la protection de la personne de son mari, désormais en qualité de curatrice. La continuité dans l’exercice de cette charge, en dépit du changement de qualité, permet de rassurer la personne protégée et de prendre en considération ses préférences.
259) A. Caron-Déglise, Rapport de mission interministérielle, L’évolution de la protection des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, Doc. fr., sept. 2018 ; JCP N 2018, no 39, act. 771, spéc. p. 46.
260) V. Depadt, Quelques réflexions sur le mandat de protection future. Études en l’honneur du Professeur J. Huet, LGDJ, 2017, p. 115.
261) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.
262) Ibid.
263) F. Vancleemput, L. Fabre et E. Grimond, 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, Familles, Solidarité, Numérique, Le notaire au cœur des mutations de la société, no 2705.
264) P. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, p. 22.


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