CGV – CGU

Partie I – L’anticipation de la vulnérabilité
Titre 1 – L’anticipation de la vulnérabilité des mineurs
Sous-titre 2 – La transmission d’un patrimoine au mineur
Chapitre II – Les libéralités au profit d’un mineur

1119 Dans l’optique de protection d’un mineur et afin de lui garantir une sécurité matérielle, il est également possible de le gratifier de libéralités et de lui transmettre un capital et/ou des revenus89. Les parents ou les grands-parents peuvent ainsi souhaiter consentir des libéralités au profit d’un enfant mineur. Nous envisagerons les règles de représentation du mineur pour accepter une libéralité et certaines modalités particulières de la libéralité elle-même qui peuvent être utiles lorsqu’elle est consentie à un mineur pour le protéger.

Section I – L’acceptation d’une libéralité au profit d’un mineur

1120 – Capacité de recevoir et représentation du mineur. – Frappé d’une incapacité d’exercice mais non de jouissance, le mineur peut parfaitement être le bénéficiaire d’une libéralité. Les modalités de sa représentation et l’acceptation pour son compte de cette libéralité varient selon sa nature90.

1121 – La donation simple sans charge. – L’acceptation d’une donation sans charge constitue un acte d’administration. En cas d’administration légale exercée conjointement par les deux parents, la donation simple sans charge peut être acceptée par l’un ou l’autre des administrateurs. En cas d’administration légale exercée par un administrateur unique, la donation est acceptée par cet administrateur seul. Précisons que si l’administrateur est également le donateur, l’acceptation devra être réalisée soit par l’autre administrateur si l’administration est conjointe, soit par un administrateur ad hoc, soit par un autre ascendant du mineur (C. civ., art. 935). Si le mineur est sous tutelle, le tuteur peut accepter seul une donation simple sans l’autorisation du conseil de famille.

1122 – La donation avec charges. – L’acceptation d’une donation avec charges constitue un acte de disposition, mais qui n’est pas soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles. En cas d’administration légale exercée conjointement par les deux parents, la donation avec charge doit être acceptée par les deux administrateurs conjointement. Si l’un des administrateurs est également donateur, l’autorisation du juge est nécessaire pour autoriser l’autre parent non donateur à représenter seul le mineur pour l’acceptation de la donation avec charge (C. civ., art. 383, al. 2).

En cas d’administration légale exercée par un administrateur unique, cet administrateur peut accepter seul une donation avec charges. Si cet administrateur est également le donateur, l’acceptation devra être réalisée soit par un administrateur ad hoc, soit par un autre ascendant du mineur (C. civ., art. 935).

Si le mineur est sous tutelle, le tuteur ne peut accepter une donation avec charges qu’avec l’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille (C. civ., art. 505, al. 1 ; D. no 2008-1484, 22 déc. 2008, ann. 1).

1123 – La donation-partage. – La donation-partage est un acte qui réalise à la fois une libéralité entre vifs et un partage anticipé de succession91. Les règles et formalités d’acceptation d’une donation et d’un partage devraient donc s’appliquer cumulativement. Depuis l’ordonnance du 15 octobre 2015 pour l’administration légale et la loi du 23 mars 2019 pour la tutelle, le partage n’est plus subordonné à l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille. Le partage fait partie des actes qui peuvent être régularisés librement par les administrateurs ou le tuteur.

Ainsi, pour la donation-partage simple ou conjonctive, les solutions qui ont été exposées précédemment pour l’acceptation d’une donation simple, avec ou sans charge, s’appliquent. La pratique des « acceptations croisées » suivant laquelle le père accepte la donation faite par la mère et inversement même lorsque la donation porte sur un bien commun demeure valable.

La gratification d’un mineur aux termes d’une donation-partage transgénérationnelle obéit aux mêmes règles. Si l’administrateur légal est simultanément l’enfant intermédiaire donataire, cela ne constitue pas par principe une opposition d’intérêts nécessitant automatiquement la désignation d’un administrateur ad hoc.

Cependant, la participation d’un mineur à une donation-partage cumulative nécessite la désignation d’un administrateur ad hoc pour le représenter. Dans cette situation, le parent survivant donateur ne peut représenter son enfant donataire.

1124 – L’incorporation à une donation-partage par le mineur d’une donation antérieure. – Une donation antérieurement consentie peut être utilement incorporée à une donation-partage92. Cette incorporation est assimilée à une opération de partage. Réalisée pour le compte d’un mineur, elle est soumise aux mêmes règles de représentation et de pouvoir que la donation-partage.

On peut cependant s’interroger sur la liberté de l’administrateur ou du tuteur du mineur pour réaliser une telle incorporation lorsque celle-ci constitue une aggravation de la situation du mineur. L’incorporation de donations antérieures présente de multiples avantages pour sécuriser une transmission et un partage anticipé et elle est souvent conseillée par les notaires. Il est cependant des cas où l’avantage individuel de l’incorporant ne va pas de soi. Il en est notamment ainsi lorsque la donation initialement hors part successorale devient en avancement de part successorale. Il en est également ainsi parce que la donation initiale perd un rang privilégié dans l’ordre d’imputation des libéralités. Il en est encore ainsi lorsque l’incorporation génère une réaffectation des lots et se traduit par la réattribution du bien à un autre copartageant et l’attribution d’un autre bien au mineur. En synthèse, lorsque l’incorporation constitue, de fait, une révocation ou une novation de la donation antérieure et donc une aggravation de la situation du mineur, le représentant de ce dernier, administrateur ou tuteur, peut-il agir librement ? Compte tenu des enjeux, la réponse nous semble négative et l’autorisation du juge des tutelles devrait être sollicitée. La balance entre les avantages de l’incorporation (sécurité du partage et fixation de la valeur de réunion fictive) et les inconvénients ci-avant mentionnés n’est pas évidente. Ce n’est qu’au décès du donateur que les liquidations définitives pourraient être réalisées pour les comparer.

1125 – Le legs particulier. – Il convient de distinguer le legs avec charge et sans charge.

Le legs particulier sans charge. L’acceptation d’un legs particulier sans charge constitue un acte d’administration. Par conséquent, dans l’administration légale exercée conjointement, il est accepté par un l’un ou l’autre des administrateurs agissant seul, sauf opposition de l’autre. Dans l’administration légale unique, il est accepté par l’administrateur. En cas de tutelle, le tuteur accepte le legs sans autorisation particulière.

Le legs particulier avec charge. L’acceptation d’un legs particulier avec charges constitue un acte de disposition. Dans l’administration légale conjointe, les deux administrateurs acceptent ensemble le legs93. Dans l’administration légale unique, l’administrateur accepte seul, sans autorisation particulière. En cas de tutelle, le tuteur doit être préalablement autorisé par le juge des tutelles ou le conseil de famille.

1126 – Le legs universel ou à titre universel. – Le régime de l’acceptation varie selon sa nature.

L’acceptation pure et simple. Dans l’administration légale, l’acceptation pure et simple d’un legs universel ou à titre universel doit préalablement être autorisée par le juge des tutelles en application de l’article 387-1, 5o du Code civil. La requête adressée au juge doit contenir en annexe un état liquidatif de la succession et l’inventaire. En cas de tutelle, le tuteur peut, depuis la loi du 23 mars 2019, accepter le legs universel ou à titre universel, sans l’autorisation préalable du conseil de famille. Il n’a plus à être autorisé préalablement (C. civ., art. 507-1).

L’acceptation à concurrence de l’actif net. Dans l’administration légale, l’administrateur unique ou l’un seul des administrateurs légaux conjoints peut accepter à concurrence de l’actif net un legs universel ou à titre universel (C. civ., art. 382-1). En cas de tutelle, le tuteur peut réaliser cette acceptation sans autorisation préalable (C. civ., art. 507-1).

Section II – Les modalités d’une libéralité consentie à un mineur

1127 – Libéralités avec charges. – Une charge est une obligation imposée au bénéficiaire de la libéralité par le disposant. Elle peut être stipulée dans l’intérêt du disposant, d’un tiers ou du gratifié lui-même. Pour être valable, la charge imposée au bénéficiaire ne doit pas être impossible, illicite ou immorale. Si tel était le cas, la charge pourrait être annulée sans remettre en cause la validité de la libéralité. Dans le cadre des libéralités consenties à des mineurs, il est fréquent de stipuler certaines charges destinées à préserver les biens transmis et garantir une bonne utilisation dans l’intérêt du mineur. Les charges imposées ont pour objet d’empêcher la dilapidation ou la captation des biens appartenant au mineur.

1128 – Clause d’inaliénabilité. – Cette clause a pour effet d’interdire au donataire ou légataire d’aliéner le bien qui lui a été transmis. Cette interdiction est généralement assortie d’une interdiction d’hypothéquer ou de nantir, selon la nature du bien transmis, afin d’empêcher une disposition passive du bien.

Conditions de validité. La clause d’inaliénabilité est réglementée par l’article 900-1 du Code civil94. Pour être valable, elle doit d’abord être justifiée par un intérêt légitime et sérieux. La minorité du donataire et la protection de son patrimoine remplissent cette première condition. Il est fort utile de prévoir cette clause pour protéger le donataire contre lui-même ou son entourage et prévenir une dilapidation ou une captation de ses biens. Il est également admis que cette clause soit justifiée pour garantir l’exécution d’autres clauses de la donation comme le droit de retour.

La clause d’inaliénabilité doit par ailleurs être temporaire95. Cette limitation peut être fixée au décès du donateur ou à l’âge du donataire. Il convient d’adapter cette clause en fonction des droits transmis (pleine propriété ou nue-propriété), du bien donné (immeuble, titres de société, produits financiers). Généralement des donations de contrats de capitalisation au profit d’un mineur contiennent une clause d’inaliénabilité jusqu’aux vingt-cinq ans du donataire. Les donations portant sur un bien immobilier contiennent une clause plus longue, jusqu’au décès du donateur.

La levée de la clause. Tout gratifié peut demander en justice que soient révisées les conditions et charges grevant les libéralités qu’il a reçues lorsque, « par suite d’un changement de circonstances, l’exécution en est devenue pour lui soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable ». Nous comprenons que la révision judiciaire est subordonnée à des conditions de fond et de procédure qu’il peut être difficile de remplir.

Pourtant, selon l’évolution de la situation personnelle et patrimoniale du donataire et de ses projets, la levée totale ou partielle de l’interdiction d’aliéner le bien donné peut s’avérer intéressante. Il peut être en effet opportun d’arbitrer le patrimoine du mineur pour lui permettre de financer des études ou d’acquérir un bien immobilier. Cette préoccupation est d’ailleurs souvent exprimée par les parents ou grands-parents souhaitant gratifier leurs enfants ou petits-enfants. La clause d’inaliénabilité peut utilement prévoir la possibilité de lever cette interdiction, soit par le donateur lui-même, soit par un tiers désigné à l’acte, soit par le juge. Cette levée peut être totale ou partielle et se limiter aux produits capitalisés du bien.

L’efficacité de la clause. La clause d’inaliénabilité doit figurer dans l’acte qui établit la libéralité. Pour garantir son efficacité, il est nécessaire d’assurer son opposabilité. Lorsque la libéralité porte sur un bien immobilier, une telle clause constituant une restriction au droit de disposer doit être publiée au service de la publicité foncière. Lorsque la libéralité porte sur des parts sociales (titres sociaux non négociables), il convient d’assurer l’opposabilité de la clause à la société en la lui notifiant ou en faisant intervenir le gérant à l’acte de donation à l’effet de prendre acte de cette clause. Lorsque la libéralité porte sur des actions ou autres valeurs mobilières, l’opposabilité doit être assurée par une inscription sur le compte de l’actionnaire par la société émettrice ou l’établissement teneur de comptes. Enfin, si la libéralité porte sur un contrat de capitalisation ou un autre produit financier, il est nécessaire, lors de la notification de la donation à la compagnie d’assurance ou l’établissement financier, de requérir l’inscription de la clause d’interdiction d’aliéner en marge du compte ouvert au nom du donataire.

1129 – La donation d’un contrat de capitalisation, une alternative intéressante à la donation de somme d’argent96. – Il est fréquent que des parents ou des grands-parents souhaitent donner une somme d’argent à leurs descendants tout en conservant un droit de regard sur la bonne utilisation des fonds. La donation de somme d’argent ne permet pas de constituer des réserves de droits ou des interdictions d’aliéner. Pour cette raison, la souscription d’un contrat de capitalisation constitue une alternative intéressante. Ce produit financier réglementé par le Code des assurances permet d’investir les sommes sur le fonds euro ou sur des unités de comptes et d’adapter la gestion financière à court ou long terme selon l’âge et les besoins du donataire. Le donateur peut prévoir une clause d’inaliénabilité en vertu de laquelle le contrat ne pourra faire l’objet de rachats sans son accord avant une date anniversaire. L’inaliénabilité peut être modulée en prévoyant une fraction rachetable sans l’accord du donateur, limitée par exemple à la valorisation du contrat à compter de la majorité du donataire.

1130 – Obligation d’emploi. – Pour contrôler la bonne utilisation des fonds dans l’intérêt du donataire, le disposant peut également imposer une obligation d’emploi. Cette clause s’avère très utile pour les donations de sommes d’argent. Le donateur peut par exemple imposer que les fonds qu’il donne seront investis dans l’acquisition d’un bien immobilier, et si le donataire n’a pas de projet immédiat, le donateur peut imposer la souscription d’un contrat de capitalisation ou d’un contrat d’assurance-vie. Pour que la clause d’emploi ne pénalise pas le donataire lors du règlement de la succession du donateur par le mécanisme du rapport, il convient de réaliser cette libéralité aux termes d’une donation-partage ou de stipuler une clause de rapport à la valeur nominale de la somme donnée.

1131

Modèle de clause d’obligation d’emploi et d’inaliénabilité dans une donation de somme d’argent

« Conditions particulières de la donation de somme d’argent

Obligation d’emploi

Le donataire devra souscrire, ce qu’il accepte, un contrat de capitalisation et y placer l’intégralité des sommes données aux termes des présentes.

Inaliénabilité du capital – Gestion des fonds

Le contrat de capitalisation ainsi souscrit au nom du donataire sera inaliénable jusqu’à son vingt-cinquième anniversaire. À compter de cette date, le donataire pourra librement disposer du capital.

Avant cette date, le contrat ne pourra faire l’objet d’aucun rachat total ou partiel ni d’aucune avance. Il ne pourra pas être affecté en nantissement à la garantie d’une obligation du donataire ni d’un tiers.

Les administrateurs légaux ou le tuteur en cas de minorité du donataire ou le donataire lui-même en cas de majorité décideront, en fonction de la situation patrimoniale et personnelle du donataire, de l’allocation du capital en fonds euro ou en unités de comptes. En tout état de cause, la proportion d’unités de comptes ne pourra en aucun cas excéder 20 % du capital investi.

Le contrat de capitalisation demeurera donc indisponible et ses produits seront eux-mêmes capitalisés. Cependant, les administrateurs, le tuteur ou le donataire lui-même à sa majorité seront autorisés à prélever les produits du contrat à condition de les affecter à l’entretien du donataire. À titre exceptionnel, la clause d’inaliénabilité pourra être levée par le donateur lui-même ou en cas de prédécès de ce dernier, par M. X, père du donataire / Mme Y, mère du donataire, ou à défaut par décision du juge, et il pourra être disposé du capital soit pour financer les études du donataire, soit pour lui permettre d’acquérir un bien immobilier.

Garantie d’exécution – Désignation d’un contrôleur

À l’effet de garantir sa bonne exécution, la clause d’inaliénabilité et d’interdiction de nantissement sera mentionnée par la compagnie d’assurance sur le bulletin de souscription du contrat. La compagnie ne pourra remettre les fonds au donataire qu’à ses vingt-cinq ans révolus ou sur présentation de la levée de cette interdiction conformément à l’alinéa précédent.

M. … [identification du contrôleur de gestion : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse] est désigné en qualité de contrôleur. Ce dernier intervient au présent acte et accepte la mission qui lui est confiée.

Il a pour mission de contresigner le bulletin de souscription et de s’assurer de la bonne exécution de la clause d’inaliénabilité et d’interdiction de nantissement.

En cas de non-respect de cette clause par les administrateurs légaux, le tuteur ou le donataire, le contrôleur a tous pouvoirs pour saisir le juge compétent afin de faire exécuter cette clause.

En cas de prédécès de cette personne, de refus ou d’incapacité d’exercer cette fonction de contrôleur, je charge M. … [identification de l’administrateur suppléant : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse] de remplir cette fonction.

À …, le … »

1132 – Désignation d’un administrateur. – Les libéralités consenties à un mineur peuvent également contenir une clause d’exclusion de l’administration légale et de désignation d’un administrateur. Cette faculté a déjà été étudiée au sous-titre précédent.


89) Y. Favier, La constitution du patrimoine du mineur par les libéralités : AJF 2002, p. 360.
90) Mémento Lefebvre Droit de la famille, 2018-2019, no 63102.
91) D. Boulanger, Les libéralités adressées aux personnes vulnérables : Actes prat. strat. patrimoniale oct.-nov.-déc. 2010, p. 27.
92) Mémento Lefebvre Successions – Libéralités, 2019, p. 192, no 10555.
93) Modernisation et simplification du droit régissant la minorité : Cah. Cridon Lyon XXX.
94) R. Marty, De l’indisponibilité conventionnelle des biens : LPA 21-22 nov. 2000.
95) Cass. 1re civ., 8 janv. 1975 : JCP G 1976, II, 18240, note Thuillier ; Defrénois 1975, 524, note Ponsard.
96) Donner un contrat de capitalisation à un mineur : Conseils des notaires janv. 2018, no 466.
Aller au contenu principal