Les promesses de vente avec faculté de substitution

Les promesses de vente avec faculté de substitution

Le mécanisme de la substitution en chiffres

Le mécanisme de la substitution représente 78 % de l'activité des SAFER (soit environ 61 000 opérations) contre 5 % en matière de préemption (soit un peu moins de 7 000) et 17 % en matière d'acquisitions amiables 1503246190129.
En 2011, la marge brute dégagée par l'activité de substitution représentait 49,2 % du total des ressources des SAFER. Elle atteignait 66 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur et 68 % en Aquitaine-Atlantique.

Le mécanisme des substitutions SAFER

– Le renforcement de la présence de la SAFER sur le marché rural. – Introduite par la loi d'orientation agricole de 1999 1503238442900, la promesse avec faculté de substitution est une technique contractuelle amiable permettant à la SAFER de renforcer sa présence sur le marché foncier rural. Elle ne paye aucun prix de vente et perçoit une commission d'intermédiaire à cette occasion 1503238484551.
– Description du mécanisme. – La SAFER a la possibilité de se substituer un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession de tout ou partie des droits conférés (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1). Dès la formation de la promesse unilatérale de vente, essentiellement utilisée en pratique, elle envisage de se substituer un tiers 1503238522793.
– La nature juridique des promesses de vente avec faculté de substitution conclues par la SAFER 1503252314660. – Les promesses de vente avec faculté de substitution conclues par la SAFER sont régies par des dispositions singulières dérogeant au droit commun des contrats (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, II). Il s'agit d'un mécanisme d'ordre public, spécifique au droit rural 1503760036354. En effet, l'exercice de la faculté de substitution n'est pas subordonné au consentement du promettant. La SAFER dispose d'un pouvoir unilatéral à ce titre.
L'article L. 141-1 du Code rural et de la pêche maritime emploie l'expression de « cession de tout ou partie des droits conférés », laissant supposer une cession de contrat. Pourtant, la Cour de cassation a refusé à maintes reprises de qualifier la substitution de cession de contrat 1503756798291. La réforme du droit des contrats n'a pas modifié le droit positif 1503760225449.
– L'impossibilité pour la SAFER de revendiquer la qualité de propriétaire. – En utilisant la technique de la substitution, la SAFER n'est pas à même de revendiquer la qualité de propriétaire du bien. Dans l'hypothèse inverse, l'opération est qualifiée d'acquisition/rétrocession. N'ayant à aucun moment la qualité de propriétaire, elle est privée de la faculté de consentir une convention de mise à disposition ou un bail, ou de résilier le bail grevant le bien objet des promesses, en attendant l'aboutissement de l'opération de substitution. En effet, le ou les attributaires deviennent seuls et rétroactivement propriétaires comme tenant dès l'origine exclusivement leurs droits du vendeur, à l'exception de l'adhésion au cahier des charges imposé par la SAFER.

Un outil aux contours légalement définis

– Le délai de substitution. – La SAFER dispose d'un délai légal de six mois pour se substituer le tiers choisi. Ce délai court à compter du jour où la promesse a acquis date certaine.
– Les substitutions partielles, multiples ou groupées. – Les substitutions partielles, multiples ou groupées sont autorisées (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, II, 2°). Pour la SAFER, la faculté de substitution partielle consiste à acquérir une partie de l'objet initial de la promesse et à se substituer un ou plusieurs autres acquéreurs pour le surplus. La substitution est multiple lorsqu'une SAFER se substitue plusieurs attributaires : la propriété initiale étant divisée, le promettant consent expressément à constituer plusieurs lots individualisés quant à leur consistance et leur prix. Le mécanisme de la substitution aboutit alors à des ventes partielles divises au profit de chacun des attributaires substitués dans les droits et obligations de la SAFER. La promesse synallagmatique valant vente (C. civ., art. 1589) ne se prête pas à une substitution au profit de plusieurs attributaires divis 1504343619873. Enfin, la SAFER a la possibilité de réaliser des substitutions groupées, c'est-à-dire se substituer un seul et même attributaire dans le bénéfice de plusieurs promesses consenties par différents propriétaires.

Les notifications au preneur en cas de substitutions multiples

Le notaire instrumentaire est tenu de notifier au preneur aux fins de purge de son droit de préemption l'intention des promettants de céder le bien exploité (C. rur. pêche marit., art. L. 412-8).

La notification comporte obligatoirement :

L'objectif est de permettre au preneur en place d'acquérir une partie seulement des biens objet d'une vente partielle
<sup class="note" data-contentnote=" Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 21 sept. 2005, n° 04-15.835 : JurisData n° 2005-029781. – S. Prigent : AJDI 2005, p. 916.">1512247981079</sup>.

– Un cahier des charges imposé à l'acquéreur. – Les cessions de biens par la SAFER sont généralement soumises à un cahier des charges. En matière de cession amiable, et par conséquent de substitution, il n'est pas obligatoire (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, III, 1°). En revanche, si la SAFER l'impose, il comporte nécessairement l'engagement de maintenir l'usage agricole du bien pendant un délai minimal de dix ans. Cette disposition signifie que l'engagement ne peut concerner qu'un bien agricole dont l'usage serait maintenu 1512249286275. Pendant ce même délai, toute opération de cession à titre onéreux en propriété ou en jouissance du bien attribué est soumise à l'accord préalable de la SAFER. En cas de non-respect, l'attributaire est tenu de délaisser le bien, sur sa demande, au prix fixé dans le cahier des charges. À défaut, il est fixé par le juge de l'expropriation.

La SAFER à l'épreuve de la théorie des clauses abusives

Parmi les innovations de l'ordonnance du 16 février 2016 réécrivant le droit commun des contrats, l'une des plus corrosives concerne l'introduction de la théorie des clauses abusives dans la théorie générale des contrats. Selon le nouvel article 1171 du Code civil, dans un contrat d'adhésion, à l'exclusion des contrats de gré à gré, toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation de ce déséquilibre ne peut cependant pas porter sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. Les engagements souscrits par l'acquéreur du bien envers la SAFER, dans les droits de laquelle il a été substitué, sont-ils susceptibles de tomber sous le coup de cette nullité ?
Pour répondre par l'affirmative à cette question, encore faut-il intellectuellement franchir une série d'obstacles.
Existe-t-il un contrat ?
Le premier obstacle consiste à déterminer s'il existe un véritable contrat entre la SAFER et l'acquéreur substitué. L'opération de substitution recouvre-t-elle une stipulation pour autrui ou une cession de contrat ? Dans le premier cas, le droit du substitué naîtrait directement d'un contrat passé entre le vendeur et la SAFER (la promesse de vente), et non d'un contrat passé entre la SAFER et l'acquéreur. Dans le second cas, il y aurait bien un contrat passé entre la SAFER et le substitué ; et ce contrat ne serait rien d'autre qu'une « cession de contrat ». L'opération de cession de contrat implique en effet la passation d'une convention nouvelle entre le cédant et le cessionnaire (C. civ., art. 1216, al. 2). La doctrine majoritaire incline à qualifier la substitution de cession de contrat 1514739141375. Ainsi, il est acquis qu'il existe bien un contrat entre la SAFER et l'acquéreur substitué.
Existe-t-il un contrat d'adhésion ?
Le deuxième obstacle concerne la qualification de contrat d'adhésion au sens du nouvel article 1110 du Code civil. L'ordonnance le définit comme « … celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ». La notion est floue et le projet de loi de ratification envisage une clarification : pourrait prétendre à une telle qualification celui « qui comporte des clauses non négociables, unilatéralement déterminées à l'avance par l'une des parties » 1514739221162. Ainsi que le relève un auteur, « la SAFER décide, s'agissant de chaque contrat, d'imposer ou non des obligations à l'acquéreur. Le cahier des charges, bien qu'issu de la loi, a en réalité une origine volontaire » 1514739254591. Mais, pour autant, est-il possible d'appréhender le cahier des charges imposé à l'acquéreur comme des « conditions générales » ? Ne serait-on pas en présence de conditions particulières, tenant compte des éléments spécifiques à l'opération envisagée et rédigées différemment pour chaque contrat de substitution ? Resterait à apprécier si ces « conditions générales » ont bel et bien été soustraites à la négociation. Il s'agit là d'une question de pur fait et, ainsi, d'appréciation souveraine au cas par cas par les juges du fond. Ceci étant, l'importance des prérogatives accordées à la SAFER, comme la menace de la préemption, réduit en pratique à la portion congrue la marge de discussion laissée aux candidats à la substitution 1514739375204.
Existe-t-il des clauses abusives ?
À supposer la qualification de contrat d'adhésion retenue, un dernier obstacle resterait à franchir : les clauses imposées à l'acquéreur créent-elles un « déséquilibre significatif » au sens de ce texte ? Rien n'est moins sûr, car cette notion a été conçue avant tout en considération de contrats synallagmatiques. Sans doute faut-il distinguer deux situations. Si les obligations imposées à l'acquéreur ont pour but la sauvegarde ou la préservation d'un intérêt « commun » ou « général », alors la notion paraît difficilement applicable. L'obligation peut être excessive du point de vue de l'acquéreur, mais la notion de déséquilibre entre les obligations des parties ne semble pas adaptée, puisqu'il n'y pas d'idée de commutativité dans le contrat, n'étant pas fait pour réaliser un échange de valeurs entre les deux contractants. Si, en revanche, l'obligation est souscrite dans l'intérêt plus ou moins direct de la SAFER, alors on peut considérer que les prestations sont en quelque sorte réciproques (la SAFER transmet son droit d'option issu de la promesse en échange d'engagements dont elle a vocation à bénéficier en cas d'achat), auquel cas la notion de déséquilibre significatif retrouverait peut-être davantage de sens. Ainsi en est-il de toutes les clauses obligeant l'acquéreur à solliciter une autorisation de la SAFER avant de réaliser une opération (aliénation à titre onéreux ou même gratuit, apport en société ou mise à disposition à une société, morcellement ou lotissement, etc.). Quand l'intérêt général est en jeu, ces clauses peuvent se justifier. Mais parfois, l'intermédiation de la SAFER répond à des préoccupations plus personnelles… Et dans ce cas, les acquéreurs iront-ils dénoncer judiciairement la main qui les a nourris ?