Les éléments stabilisateurs du statut

Les éléments stabilisateurs du statut

La stabilité de l'exploitation du preneur résulte d'un ensemble de mesures contenues dans le statut du fermage. Il s'agit, dans un premier temps, de garantir une durée minimum d'exploitation (§ I). D'autres aspects, tels la maîtrise de l'exploitation et l'encadrement des loyers, créent également des conditions favorables à une exploitation pérenne (§ II).

Une durée d'exploitation garantie

La mise en place d'une exploitation favorisant la fertilité du sol et s'appuyant sur des infrastructures performantes n'est envisageable qu'avec la garantie d'une durée de jouissance suffisante pour amortir ces investissements. Ainsi, la garantie de la durée du bail est fondamentale, s'agissant de sa durée initiale (A), de sa prorogation (B) ou des conditions de son renouvellement (C).

La durée initiale du bail

– Le principe : neuf ans. – Le bail rural, écrit ou verbal, est conclu pour une durée minimum d'ordre public de neuf ans (C. rur. pêche marit., art. L. 411-5). Cette durée commence à courir à compter de la signature du bail et en cas de bail verbal à la date de prise de possession par le preneur 1510787266820. Toutefois, il est conventionnellement possible de prévoir une exécution différée ou rétroactive à la date d'entrée en jouissance effective du preneur.
– Des exceptions limitées. – Les exceptions sont strictement encadrées et limitées à trois hypothèses :
  • les baux de petites parcelles (C. rur. pêche marit., art. L. 411-3). Ils concernent les parcelles non essentielles à l'exploitation 1511376952467ou ne constituant pas un corps de ferme et d'une superficie inférieure à celle fixée par arrêté préfectoral 1511377210115. Leur durée et le loyer sont fixés librement par les parties. De plus, le preneur ne bénéficie d'aucun droit de préemption ou de renouvellement ;
  • les locations annuelles renouvelables, d'une durée maximum de six ans (C. rur. pêche marit., art. L. 411-40). Elles sont possibles uniquement pour installer un ou plusieurs descendants majeurs nommément désignés à l'échéance de l'un des renouvellements ;
  • et les baux SAFER, d'une durée de cinq années maximum (C. rur. pêche marit., art. L. 142-4) ainsi que ceux de six ans en intermédiation locative (C. rur. pêche marit., art. L. 142-6) 1510505140374.

La prorogation du bail

– Prorogation conventionnelle. – La prorogation conventionnelle du bail est autorisée (C. civ., art. 1213). Le point de départ du bail renouvelé est la date de la prorogation.
– Prorogation légale au profit des preneurs âgés. – Afin de garantir une exploitation pérenne jusqu'à la cessation d'activité, le preneur a la faculté de s'opposer à la reprise du bailleur :
  • lorsqu'au jour de la fin du bail, lui ou un copreneur est à moins de cinq ans de l'âge :Dans les quatre mois de la réception du congé, il notifie au propriétaire son intention de se maintenir en place par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (C. rur. pêche marit., art. L. 411-58, al. 2) ou il saisit le tribunal paritaire en contestation de congé. Le bail est alors prorogé de plein droit pour une durée lui permettant d'atteindre l'âge requis. Le droit de reprise du bailleur à l'issue de la prorogation nécessite un nouveau congé, délivré au preneur au moins dix-huit mois à l'avance (C. rur. pêche marit., art. L. 411-58, al. 3) 1503731187844 ;
  • lorsqu'au jour de la fin du bail le preneur approche l'âge de la retraite, il a également la possibilité de s'opposer au refus ou à la limitation du renouvellement du bail fondé sur l'atteinte de l'âge de la retraite. Il bénéficie en effet du droit de demander le report de la date d'effet du congé à la fin de l'année culturale au cours de laquelle il atteint l'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein (C. rur. pêche marit., art. L. 411-64, al. 1 et 2).

Le renouvellement du bail

– Droit au renouvellement. – Le droit au renouvellement du bail permet à l'exploitant d'envisager la poursuite de son activité au-delà de son bail initial (C. rur. pêche marit., art. L. 411-46). En l'absence de congé, le bail est renouvelé par un effet légal. Résultant d'un droit spécial, il écarte l'interdiction de droit commun d'exiger le renouvellement (C. civ., art. 1212, al. 2) 1503733464407. Le renouvellement forme un nouveau contrat (C. civ., art. 1214, al. 2) 1503732781320prenant effet à sa date 1503733621791et aux conditions du précédent.
Le droit au renouvellement est écarté dans deux hypothèses légales :
  • si le bailleur justifie d'un motif grave ou légitime (C. rur. pêche marit., art. L. 411-31), les causes de résiliation étant également des motifs de non-renouvellement 1503735112560 ;
  • si le bailleur fait valoir son droit de reprise (C. rur. pêche marit., art. L. 411-57 et s.).
En outre, en cours de bail (une fois le droit acquis), il est possible de voir le preneur y renoncer conventionnellement 1512937184982.
– Durée du bail renouvelé. – Le bail renouvelé est impérativement d'une durée minimale de neuf ans (C. rur. pêche marit., art. L. 411-50). Par dérogation, le bailleur a la faculté de limiter la durée du renouvellement à l'expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteint l'âge de la retraite (C. rur. pêche marit., art. L. 411-64). Suivant cet âge, la durée du bail renouvelé est ainsi limitée à trois ou six ans.

Des conditions d'exploitation adaptées aux besoins du fermier

Outre la durée du bail, le statut du fermage confère à l'exploitant des avantages essentiels, tels que les prérogatives attachées au statut de chef d'exploitation (A) et un coût de mise à disposition raisonnable grâce à l'encadrement des loyers (B).

Les prérogatives d'un chef d'exploitation

– Une large liberté d'activité. – Le preneur conduit l'exploitation du bien loué à sa convenance 1504120026129. À ce titre, il choisit librement ses productions en fonction de la rentabilité attendue des cultures 1504119816265.
– Les échanges ou locations des parcelles prises à bail. – Le preneur a la possibilité de réaliser des échanges ou locations de parcelles prises à bail, sous réserve du respect de trois conditions (C. rur. pêche marit., art. L. 411-39) 1504122232212 :
  • assurer une meilleure exploitation du fonds : lorsque les parcelles exploitées sont enclavées ou plus éloignées du centre de son exploitation que de celui d'une autre ferme ;
  • porter sur des parcelles n'excédant pas certaines superficies : la part de surface de fonds loué susceptible d'être échangée est fixée pour chaque région agricole par la commission consultative départementale des baux ruraux, puis publiée par arrêté préfectoral ;
  • que ces échanges ou locations de parcelles soient connus et autorisés par le bailleur : le preneur notifie le projet au propriétaire qui peut s'y opposer en saisissant le tribunal paritaire dans un délai de deux mois. À défaut, il est réputé avoir accepté l'opération 1504124147926.
Ces échanges culturaux portent sur tout ou partie du fonds loué, mais sont limités à la durée du droit de jouissance des intéressés. Les rapports du bailleur et du preneur sont maintenus, le fermier restant tenu de toutes les obligations de son contrat. Il s'agit d'une exception au principe de l'interdiction des cessions de bail et des sous-locations.
– Les améliorations foncières. – Lorsque la réunion de plusieurs parcelles attenantes permet d'optimiser l'exploitation, le preneur a la possibilité de réaliser des améliorations foncières. Il s'agit de faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres les séparant ou les morcelant (C. rur. pêche marit., art. L. 411-28, al. 1). Le bailleur dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer à la réalisation des travaux projetés à compter de la date de l'avis de réception de la lettre recommandée envoyée par le preneur 1504125577023. Passé ce délai, son silence vaut accord (C. rur. pêche marit., art. L. 411-28, al. 2). Ces aménagements étant susceptibles de nuire à la biodiversité, le préfet est en droit d'interdire la destruction des talus et des haies (C. env., art. R. 411-15 et R. 411-17).
– Les travaux de réorientation culturale. – Afin d'améliorer les conditions d'exploitation, le preneur peut mettre en place des travaux de réorientation culturale (C. rur. pêche marit., art. L. 411-29), tels que le retournement de parcelles de terres en herbe, la mise en herbe de parcelles de terres, ou la mise en œuvre de moyens culturaux non prévus au bail 1504120632755. Après notification du projet au bailleur, ce dernier consent à l'opération ou s'y oppose en saisissant le tribunal paritaire s'il estime que les opérations entraînent une dégradation du fonds 1504126080420. Sauf clause ou convention contraire, le preneur ne peut pas prétendre à une indemnité de sortie pour ces travaux (C. rur. pêche marit., art. L. 411-29, al. 2).

La difficulté des activités plurales

Alors que la diversification des activités est un élément de la stratégie de l'entreprise agricole, elle est susceptible d'engendrer des difficultés dans les rapports locatifs entre le preneur et le bailleur. En effet, l'application du statut du fermage est conditionnée à l'exercice d'une activité principalement agricole. Lorsque le chiffre d'affaires des activités non agricoles (commercialisation, prestation de services, etc.) devient prépondérant, la novation du bail est constatée 1503863049720. Le bail devient alors commercial ou civil selon la nature de l'activité majoritaire. Ainsi, il convient d'être vigilant en cas d'activités plurales afin d'adapter, le cas échéant, le régime juridique du bail.
– Des obligations limitées. – Au regard de la liberté accordée au preneur dans la conduite de son exploitation, ses obligations spécifiques sont en réalité assez limitées :
  • garnir le domaine : le fermier est tenu de garnir l'héritage rural des bestiaux et ustensiles nécessaires à l'exploitation (C. civ., art. 1766), afin d'assurer l'efficacité du privilège du bailleur (C. civ., art. 2332, 1°). La résiliation du bail est envisagée uniquement si le défaut de garnissement compromet la bonne exploitation du fonds ;
  • engranger les récoltes dans les lieux destinés à cet effet : l'objectif est également d'assurer au bailleur l'effet de son privilège sur les fruits de l'année (C. civ., art. 2332, 1°) ;
  • cultiver et entretenir le fonds : le preneur cultive le fonds de manière raisonnable (C. civ., art. 1766). En cas de violation grave de cette obligation compromettant la bonne exploitation, le bail est résilié 1504127551276. L'adoption de pratiques agroenvironnementales ne permet pas au propriétaire de demander la résiliation du bail (C. rur. pêche marit., art. L. 411-27) 1506170038358 ;
  • entretenir le fonds : le preneur supporte les réparations locatives et de menu entretien (C. rur. pêche marit., art. L. 415-4), toute clause contraire étant réputée non écrite (C. rur. pêche marit., art. L. 415-12) ;
  • user du fonds loué suivant sa destination : le preneur respecte la destination prévue par le bail, sauf exceptions légales (C. rur. pêche marit., art. L. 411-29) ou accord du bailleur ;
  • avertir le propriétaire en cas d'usurpation : en étant présent, le locataire devient le gardien du fonds au profit du propriétaire (C. civ., art. 1768) 1504129535676.

L'encadrement des loyers

– Une régulation étatique des loyers. – Tous les baux soumis au statut du fermage sont tenus de respecter un loyer dont les minima et maxima sont fixés par arrêté préfectoral (C. rur. pêche marit., art. L. 411-11). Aucune majoration n'est en principe possible, sauf investissements particuliers supportés par le bailleur (C. rur. pêche marit., art. L. 411-12) 1503823969346. L'actualisation du loyer est ensuite assurée annuellement au moyen d'un indice national des fermages mis en place en 2010 1503821169595. Ce mécanisme de régulation permet aux exploitants de bénéficier d'un coût de location raisonnable et soumis à de faibles variations 1503824904882.
– Un mécanisme d'ordre public. – Afin de garantir cette régulation, l'ensemble du mécanisme est d'ordre public (C. rur. pêche marit., art. L. 411-14). Seule l'hypothèse d'une exploitation dont les particularités sont telles qu'aucune disposition de l'arrêté ne lui est applicable permet de revenir au principe du consensualisme. Il s'agit notamment des marais salants, d'étangs et bassins de pisciculture, de l'horticulture, des cultures maraîchères, des champignonnières, ou de l'apiculture (C. rur. pêche marit., art. L. 415-10) 1503821471002. Enfin, la partie estimant que le loyer convenu est supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative bénéficie d'une action unique devant le tribunal paritaire des baux ruraux au cours de la troisième année de jouissance, afin de faire fixer le prix normal (C. rur. pêche marit., art. L. 411-13).

Les indemnités de fin de bail

Lorsque le preneur a amélioré le fonds loué, il en est indemnisé par le bailleur selon un régime précisément défini, quelle que soit la cause de la fin du bail (C. rur. pêche marit., art. L. 411-69 et s.). Cette indemnisation participe au développement de l'exploitation. En effet, même sans avoir l'assurance de rester en place jusqu'à l'amortissement complet de ses investissements 1506235498003, le preneur a la faculté de réaliser des améliorations sans craindre une perte économique 1506235666996.