La propriété des chemins ruraux

La propriété des chemins ruraux

Les chemins ruraux sont présumés appartenir à la commune (§ I). Leur aliénation est soumise à des règles singulières (§ II).

La présomption de propriété des chemins ruraux

– La présomption d'appartenance à la commune. – Les chemins ruraux sont présumés appartenir à la commune (C. rur. pêche marit., art. L. 161-3). En effet, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé appartenir à sa commune de situation. L'affectation à l'usage du public se présume, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par l'accomplissement régulier d'actes de surveillance ou de voirie par l'autorité municipale. Cette présomption simple s'étend non seulement à l'assiette du chemin rural, mais aussi à ses dépendances, telles que les talus et les berges 1494081314296. En revanche, les haies sont présumées appartenir aux propriétaires riverains dont elles protègent les cultures 1494081410387.
– La revendication de la propriété des chemins ruraux. – Il appartient au propriétaire revendiquant la propriété du sol de faire échec à cette présomption 1494081519032 :
  • soit en produisant un titre de propriété ;
  • soit en invoquant une prescription acquisitive (C. civ., art. 2227) 1494077112342.
Le fait qu'un chemin figure au cadastre sous le nom de chemin rural ne suffit pas à prouver qu'il a effectivement cette nature juridique. En cas de litige, les indications cadastrales constituent de simples présomptions. Les contestations relèvent de la compétence du juge judiciaire.

La désignation des chemins dans les actes translatifs de propriété

La désignation des chemins dans les actes translatifs de propriété requiert une attention particulière.

Les mentions figurant dans un acte authentique réduisent en effet à néant la présomption de propriété de la commune. La jurisprudence exige néanmoins que la portée des clauses ne soit pas équivoque
<sup class="note" data-contentnote=" Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 19 févr. 2013, n° 11-26.997.">1494767654265</sup>. À titre d'exemple, il convient d'éviter la formule « formant un seul tenant » souvent utilisée en pratique afin d'éviter toute difficulté d'interprétation par le juge.

L'aliénation des chemins ruraux

– Les conditions préalables à l'aliénation. – Lorsqu'un chemin n'est plus affecté à l'usage du public, sa vente est susceptible d'intervenir après une enquête diligentée par le conseil municipal (C. rur. pêche marit., art. L. 161-10). En cas de pluralité de communes propriétaires du chemin, les maires concernés prennent un arrêté commun 1494780174921, précisant l'objet de l'enquête, la date à laquelle elle s'ouvre et les heures et le lieu où le public prend connaissance du dossier afin de formuler ses observations. La durée de l'enquête est fixée à quinze jours (C. rur. pêche marit., art. R. 161-26).
La désaffectation d'un chemin rural résulte d'un état de fait 1494155872460. La circonstance que des chemins ruraux ne soient plus affectés à l'usage du public ne fait pas obstacle à ce qu'une commune décide de les affecter de nouveau à cet usage en accomplissant les actes de surveillance et de voirie nécessaires 1494173659727.
En l'absence de désaffectation, la délibération est entachée de nullité. Ainsi, lorsque le chemin constitue une voie de passage, il est toujours affecté à l'usage du public 1494149316249. Une décision de déclassement n'est pas nécessaire. Elle n'est requise que pour déclasser dans le domaine privé les voies appartenant au domaine public. Ce qui n'est pas le cas des chemins ruraux dépendant du domaine privé communal.

Aliénation d'un chemin rural et avis de la Direction de l'immobilier de l'État

Dans les communes de plus de 2 000 habitants, la délibération décidant de la cession de tout ou partie d'un chemin rural est prise au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'État. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine. Une délibération prise sans cet avis ou sans saisie de la Direction de l'immobilier de l'État
<sup class="note" data-contentnote=" Antérieurement France Domaine.">1500501226988</sup>un mois avant la réunion du conseil municipal est entachée d'illégalité.

– Les particularités des chemins ruraux inscrits sur le plan départemental d'itinéraire de promenade et de randonnée (PDIPR). – Lorsqu'un chemin est inscrit sur un plan départemental d'itinéraire de promenade et de randonnée, la vente prévoit, à peine de nullité, soit son maintien, soit un itinéraire de substitution (C. env., art. L. 361-1). En outre, le conseil municipal a l'obligation de proposer au conseil départemental un itinéraire de substitution approprié à la pratique de la promenade et de la randonnée avant toute décision ayant pour effet la suppression d'un chemin rural (C. rur. pêche marit., art. L. 121-17).
– Les chemins ruraux compris dans un périmètre d'AFAF. – Dans le cadre d'une opération d'aménagement foncier agricole et forestier, il appartient à la CCAF de proposer au conseil municipal la création, l'aménagement du tracé ou la suppression d'un chemin rural (C. rur. pêche marit., art. L. 121-17). Le silence gardé pendant deux mois vaut approbation de la mesure proposée.
Cependant, lorsque le chemin est inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, la décision du conseil municipal doit être expresse.
– La délimitation des chemins ruraux et l'action en bornage. – Préalablement à toute mutation, il convient de délimiter les chemins ruraux avec les propriétés privées riveraines. Il s'agit d'une action en bornage relevant de la compétence exclusive des géomètres experts (C. civ., art. 646).
– Le droit de préemption des propriétaires riverains. – Lorsque la décision de vente des chemins ruraux est prise, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenants à leurs propriétés (C. rur. pêche marit., art. L. 161-10). Cela concerne tous les propriétaires possédant au moins une parcelle contiguë au chemin rural, même si le chemin ne constitue pas un accès à leur propriété 1494148448777. Le lien physique avec le chemin rural est le fait générateur de la mise en demeure, peu important l'utilité qu'en retire le propriétaire riverain.
Les dispositions du Code rural et de la pêche maritime instaurent ainsi un véritable droit de préemption au profit des propriétaires riverains 1494148654887. En effet, le défaut de mise en demeure entraîne la nullité de la délibération et, par conséquent, celle de la vente elle-même 1494775065277. Par ailleurs, le Conseil d'État considère que cette formalité constitue une condition substantielle de la vente 1494775207121.
Ce droit de préemption s'exerce sur la partie du chemin attenant aux propriétés concernées. Lorsque le chemin passe entre deux propriétés, chaque riverain acquiert en priorité la moitié de la surface du chemin du côté où il borde sa propriété, sur toute la longueur de sa clôture 1494773982409.
– La vente de chemins ruraux : seul modus operandi. – Si les propriétaires riverains ne donnent pas suite à la mise en demeure d'acquérir, la vente du chemin rural suit les règles édictées en matière de biens communaux 1494174766308, à l'exclusion de toute autre procédure, notamment l'échange 1494173926826. Le Conseil d'État prohibe l'échange des chemins ruraux, considérant que le législateur n'a pas entendu ouvrir aux communes, pour l'aliénation des chemins ruraux, d'autres procédures que celle de l'article L. 161-10 du Code rural et de la pêche maritime 1500729933141. La solution est identique lorsqu'il s'agit d'en rectifier l'assiette 1500730381602.

L'aliénation des chemins ruraux et le notariat

La rédaction d'un acte de vente d'un chemin rural nécessite certaines précautions
<sup class="note" data-contentnote=" J.-P. Borel, Vente d&#039;un chemin rural : précisions sur la notion de propriétaire riverain et sur la portée de la notification prévue par l&#039;article L. 161-10 du Code rural : JCP N 2014, 19.">1494781839261</sup>.

Il convient en effet de vérifier :