La prestation de services en agriculture

La prestation de services en agriculture

La prestation de services est incluse dans la définition de l'entreprise. Cet aspect a longtemps été oublié dans les exploitations agricoles familiales. Les pouvoirs publics encourageaient en effet les schémas visant à l'exploitation personnelle par les agriculteurs de leurs propres terres (faire-valoir direct) ou des terres prises à bail (faire-valoir indirect). L'idée sous-jacente était que l'exploitation réalisée pour son propre compte favorisait l'esprit d'initiative et le souci d'une exploitation performante. Ainsi, la prestation de services apparaissait nuisible à l'exploitation à long terme du territoire agricole. Déjà constatée depuis plus de vingt ans 1508662912861, sa montée en puissance est aujourd'hui une réalité concrète 1508661796195. Ainsi, il convient d'en décrire le fonctionnement (Sous-section I), et d'en appréhender les intérêts (Sous-section II).

Le fonctionnement de la prestation de services

Un périmètre variable

Également connue sous le terme de travail à façon, la prestation de services consiste, pour un exploitant ou un propriétaire, à faire réaliser par un prestataire de services tout ou partie de ses travaux agricoles, quelle que soit leur nature
<sup class="note" data-contentnote=" B. Chevalier, préc. (V. n° note 994) : « Ce sont les plus grandes exploitations qui recourent le plus largement à ces services, et au sein des spécialisations, celle d&#039;élevage laitier. L&#039;entretien de certains vignobles d&#039;appellation est entièrement sous-traité ».">1508661851556</sup>. La prestation de services agricoles correspond à deux situations pour le client :

Il existe également deux types de prestataires de services :

Toutes les missions effectuées dans le cadre d'un contrat de prestation de services concernent un exploitant et un prestataire de services. Il s'agit en effet d'un contrat (§ I) créant des obligations pour chacune des parties (§ II).

Une activité contractuelle : le contrat d'entreprise

– Définition. – La prestation de services est un contrat d'entreprise. Moyennant rémunération, une partie réalise un travail déterminé pour le compte d'une autre partie, sans la représenter et de façon indépendante (C. civ., art. 1710 et 1787 et s.) 1508593225181. Ainsi, il s'agit d'une obligation de faire à titre onéreux mise à la charge d'un entrepreneur par son client, le maître de l'ouvrage.

Une activité à la frontière du statut du fermage et du métayage

  • Distinction avec le statut du fermage :Lorsque le propriétaire fait réaliser des travaux par une entreprise de prestations de services agricoles, elle ne verse pas de loyer, mais au contraire perçoit une rémunération en contrepartie de l'exploitation.
  • Distinction avec le métayage :Le bail à métayage est un contrat de louage d'un bien rural au profit d'un preneur moyennant le partage des charges et produits d'exploitation avec le bailleur (C. rur. pêche marit., art. L. 417-1 et s.). Lorsque la rémunération de la prestation de services est assurée par la remise d'une partie de la récolte, il est tentant d'assimiler ce contrat à un bail à métayage.La différence est juridique : le bail rural et le métayage relèvent du louage de biens alors que la prestation de services est un louage d'ouvrage. Il convient d'être vigilant dans la rédaction des contrats pour éviter toute confusion.
– Contenu du contrat. – Le contrat de prestation de services comporte :
  • son objet : la description des prestations à réaliser par l'entrepreneur ;
  • son lieu d'exécution : la désignation des parcelles cadastrales et des bâtiments concernés ;
  • sa durée : le contrat peut-être ponctuel, pluriannuel, renouvelable ou non ;
  • son prix : le montant est déterminé ou déterminable, les modalités de paiement et de révision sont fixées 1508600496818 ;
  • les obligations réciproques des parties.

Les obligations des parties

L'entrepreneur et son client sont tenus à des obligations générales, assorties d'une description précise des missions mises à leur charge. D'un contrat à l'autre, certaines tâches sont susceptibles d'être mises à la charge de l'un ou l'autre. Il convient de définir précisément les obligations de l'entrepreneur (A) et du client (B).

Les obligations de l'entrepreneur

– Obligation de moyen. – L'entrepreneur est tenu de réaliser la prestation promise en respectant les normes et usages gouvernant sa profession 1508594789520. Ainsi, il s'agit d'assurer une qualité conforme aux attentes du cocontractant (C. civ., art. 1166). Par ailleurs, selon le degré d'intuitu personae prévu au contrat, son exécution peut être déléguée à des sous-traitants. Enfin, étant responsable civilement des tâches réalisées, il appartient à l'entrepreneur de s'assurer pour ce type d'activité.

Exemples pratiques d'obligations à la charge du prestataire

Les obligations du client

L'obligation fondamentale du client réside dans le paiement du prix fixé. Mais il lui incombe également de coopérer en facilitant l'exécution du travail afin de respecter l'exécution de bonne foi des contrats (C. civ., art. 1104).

Exemples pratiques d'obligations à la charge du prestataire

Des intérêts mutuels

La prestation de services présente des intérêts pour chacun des intervenants : le propriétaire non exploitant (§ I), l'exploitant agricole (§ II) et l'entreprise de prestation de services (§ III).

Les intérêts pour le propriétaire non exploitant

– L'amélioration du rendement foncier. – La mise en place du statut du fermage et l'encadrement des loyers l'accompagnant ont rendu le rendement de la terre agricole plutôt faible 1508257386192. La possibilité de faire exploiter la terre par un prestataire permet au propriétaire de bénéficier d'un revenu plus élevé qu'un fermage.
– Une solution face à certaines difficultés. – Entre la pénurie d'exploitants, l'incessibilité des baux et les perspectives économiques incertaines, il est parfois difficile de transmettre une exploitation agricole. Le travail à façon constitue une solution transitoire pour l'exploitant n'ayant pas encore trouvé de repreneur. Il évite ainsi la non-exploitation des terres. Cette solution est également judicieuse en cas de problèmes de santé, ou pour les héritiers de l'exploitant décédé.

Les intérêts pour les exploitants prestataires

– Une garantie d'activité stable et rentable. – Alors que les prix de vente des produits agricoles ne permettent pas toujours de réaliser un bénéfice, la prestation de services assure un revenu à l'exploitant prestataire. En effet, le contrat de prestation de services lui garantit le paiement de ses coûts de production 1508659784356. Il lui confère ainsi une certaine visibilité économique.
– L'optimisation du capital d'exploitation. – L'exploitant agricole prestataire de services augmente la superficie exploitée au moyen de son capital d'exploitation. Il améliore ainsi sa rentabilité, son coût étant réparti sur un chiffre d'affaires plus élevé.
– Une transition vers la reprise. – Lorsque le repreneur n'est pas issu de la sphère familiale, il est souvent nécessaire de mettre en place une période de transition. Celle-ci prend parfois la forme d'une prestation de services réalisée par le candidat à la reprise. Cela permet de tisser les liens de confiance nécessaires à la signature d'un bail à son profit, mais également d'accompagner financièrement la reprise en lui donnant une visibilité économique.

Un travail à façon, deux rôles et trois stratégies

Le travail à façon offre aux exploitations agricoles trois stratégies selon leur positionnement :

Les intérêts pour les entreprises de prestations de services

– Une nouveauté dans le paysage agricole. – Jusqu'à une période récente, le travail à façon mettait essentiellement en relation deux exploitants proches géographiquement, réalisant des tâches ponctuelles au gré des besoins (problème de santé de l'exploitant, compétence particulière, équipement spécifique, etc.). Il s'agissait d'une sorte d'entraide rémunérée. Désormais, de véritables entreprises réalisent exclusivement des activités de prestations de services agricoles. Elles disposent de moyens humains, matériels et administratifs leur permettant de réaliser la totalité des tâches d'une exploitation agricole. La mise en relation de ces entreprises avec les exploitations se fait désormais par internet 1509049679629.

Des risques juridiques à ne pas négliger

Ces entreprises proposent de réaliser leurs prestations pour le compte de tous les exploitants, y compris les preneurs à bail. Dans cette hypothèse, le travail à façon présente un réel danger. En effet, si le preneur à bail peut recourir au travail à façon, sans que soit constatée une sous-location prohibée, il se heurte tout de même à une difficulté : l'obligation d'exploiter personnellement le bien loué. Le non-respect de cette obligation est une cause de résiliation du bail 1511096394992.
Un arrêt récent 1511101344253 retient que le travail à façon total est susceptible d'entraîner la perte de la direction effective de l'exploitation. En effet, la participation effective et permanente aux travaux ne se limite pas à la direction et à la surveillance de l'exploitation. Ainsi, face à l'intérêt grandissant du monde agricole pour ces entreprises, une clarification législative est indispensable.