La densification par la restructuration du bâti existant

La densification par la restructuration du bâti existant

– La seconde vie d'un bâtiment. – Les retours d'expérience démontrent que presque tous les biens immobiliers sont susceptibles de connaître une seconde vie 1495811767381. La plupart du temps, par choix économique, cette seconde chance ne leur est pas donnée 1515184967605. Le bâtiment devenu obsolète est démoli. Mais parfois, une simple restructuration est privilégiée.
Le choix du réaménagement (Sous-section I) ne va pas de soi. Il présuppose le dépassement des contraintes de l'existant (Sous-section II).

Le choix du réaménagement

– Rénovation, réhabilitation et restauration. – La restructuration d'un immeuble se fait par une rénovation sans destruction totale de l'existant, par une réhabilitation, voire par une restauration 1495818108440. Le choix de la nature du réaménagement dépend le plus souvent du cadre de l'immeuble à restructurer. Les immeubles bénéficiant d'une situation géographique privilégiée sont la plupart du temps réhabilités (§ I), quand la rénovation est privilégiée pour les sites orphelins (§ II).

La réhabilitation d'immeubles bien situés mais devenus obsolètes

– « Faire du neuf avec du vieux ». – Certains immeubles ont mal vieilli dans un cadre apprécié. Un temps fleurons de la ville, ils ont été implantés à des endroits privilégiés de la cité, mais ne répondent plus aux attentes de leurs utilisateurs. Ces biens ont besoin d'être transformés pour apporter le meilleur d'un emplacement premium.
Le cahier des charges à respecter pour le réaménagement de ces sites stratégiques est souvent complexe et très spécifique. L'aval politique est presque toujours indivisible du projet. Mais, dans un monde où l'apparence permet d'amorcer le cercle vertueux de l'attractivité, comment les édiles pourraient-ils ne pas favoriser ces projets à la fois créateurs d'emplois durant les phases de réaménagement et d'exploitation du site réhabilité, mais aussi et surtout constituant une vitrine sans prix des valeurs de leur ville 1495817758735 ?
– Une multifonctionnalité difficile. – Dans les villes en déficit de logements, il serait utile de pouvoir transformer tout ou partie des immeubles de bureaux vacants en appartements. Mais la volonté politique affichée à cet égard 1513199054293se heurte aux contraintes techniques, réglementaires et juridiques (V. n° ). La multifonctionnalité dans l'existant ressemble donc à un vœu pieux.

La rénovation de sites orphelins

– Le passé non réfléchi des sites orphelins. – Le bon mot bien connu faisant de « l'emplacement, l'emplacement et l'emplacement » les trois critères principaux de l'immobilier s'applique aussi en matière de réaménagement des bâtiments existants. En effet, si la réhabilitation des bâtiments les mieux placés résonne régulièrement comme une évidence, le sort des constructions moins bien situées se révèle plus complexe.
Ainsi, dans un pays en pleine désindustrialisation, de nombreuses villes s'interrogent sur l'avenir de leurs friches : que faire des anciens sites, témoins historiques d'un passé prospère et révolu ? Les laisser en l'état dans l'attente d'une hypothétique reprise d'un secteur dont ils furent le fleuron ? Les réhabiliter pour une autre activité ? Les démolir et repartir de zéro ? Lorsque l'usine désaffectée n'est pas située dans une aire urbaine à la mode, et a fortiori lorsque l'activité exercée sur le site était polluante, il n'y a guère que la troisième hypothèse qui soit applicable, souvent à perte dans le cadre de sociétés d'économie mixte « sauvant les meubles » 1495979529006.
De nombreux sites industriels dont l'avenir n'avait pas été pensé sont d'ores et déjà entrés dans cette phase négative créatrice de sites orphelins.
– Agir avant qu'il ne soit trop tard. – Dans les années 1970 et 1980 en Île-de-France, les parcs de bureaux étaient conçus assez loin des agglomérations dans des zones de bâti peu denses, accessibles principalement en voiture. Ces particularités, constituant à l'origine l'attrait de ces parcs, sont aujourd'hui des inconvénients. Les charges importantes et les médiocres performances énergétiques accompagnant généralement ces ensembles de bureaux dessinent des contours peu engageants 1495704309002, engendrant vacance puis abandon.
Ainsi, il est capital de profiter de la densification nécessaire des zones déjà investies pour réaménager ces sites avant qu'ils ne deviennent orphelins.

L'exemple du Fort d'Issy

L'écoquartier numérique du Fort d'Issy, fort de ses 1 600 logements dont 300 logements sociaux 1496132342730, 3 500 habitants, 1 500 mètres carrés de commerces de proximité, ainsi que de ses équipements et espaces publics innovants 1496132659582 peut servir de modèle sur de nombreux points. Construit sur le site d'une ancienne forteresse du 19e siècle, démilitarisée en 2009, il répond en effet à lui seul à une grande quantité des objectifs de l'article L. 101-2 du Code de l'urbanisme (V. n° ). Ainsi, il respecte notamment :
  • le renouvellement urbain et le développement urbain maîtrisé ;
  • la conservation et la restauration du patrimoine culturel ;
  • les qualités urbaine et architecturale ;
  • la diversité des fonctions et la mixité sociale dans l'habitat ;
  • la création d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial ;
  • l'amélioration des performances énergétiques ;
  • le développement des communications électroniques ;
  • la diminution des obligations de déplacements motorisés 1496132966481.

Le dépassement des contraintes de l'existant

– Un titre en trompe-l'œil. – Sous un même titre se cachent parfois deux situations opposées. C'est le cas lorsque le dépassement des contraintes de l'existant évoque à la fois le but recherché (§ I) et l'obstacle à surmonter (§ II).

Les contraintes de l'existant, créatrices de restructuration

– Un véritable besoin d'investissements énergétiques. – Les bâtiments sont responsables de plus de 40 % de la consommation d'énergie finale et de 25 % des émissions de gaz à effet de serre 1495806204746. Dès lors, l'optimisation de la sobriété énergétique dans le cadre de la rénovation de l'existant constitue l'un des principaux gisements d'économies. Même s'il s'agit encore principalement d'économies d'énergie, les citoyens commencent à parler d'économies en général à l'heure où la rareté des combustibles fossiles et l'insuffisance des énergies renouvelables conduisent à une augmentation sensible des coûts. Dès lors, le caractère plus ou moins énergivore des habitations devient une source d'inquiétude pour les particuliers, dans un pays où près des deux tiers des logements ont été construits avant la première réglementation thermique de 1974 (RT 1974), et où plus des trois quarts d'entre eux se situent à un niveau de performance énergétique égal ou supérieur à la classe D 1495809177730.
Ainsi, il convient de permettre au plus grand nombre de réaliser rapidement les travaux nécessaires à un allègement significatif des factures énergétiques. Les aides existantes à ce titre méritent d'être renforcées à différents niveaux (V. nos  et s.). En particulier, les logements sociaux pâtissent de la faiblesse des investissements engendrant des économies d'énergie.
– L'exemple des tours. – Chères à démolir, encore plus chères à remplacer, les tours sont l'archétype des bâtiments où les efforts énergétiques sont pertinents. Les économies sont en effet d'autant plus sensibles que la surface d'occupation est importante. Or, les programmes de travaux vont généralement très loin dans ce type de biens 1495816608235. L'exemple des tours est criant : la rénovation énergétique est porteuse d'avenir, même pour des immeubles de moindre importance. Des précautions s'imposent néanmoins. Par exemple, il est indispensable de s'assurer que des actions ponctuelles n'empêcheront pas d'autres actions futures. Un effort financier parfois modique permet également de faire d'importantes économies à l'avenir 1496149942736.
– Vers des textes (enfin) coercitifs ? – La loi « Grenelle 2 » 1497297941936avait prévu une obligation d'économie d'énergie dans certains bâtiments tertiaires. Il a fallu attendre le 9 mai 2017 pour que son décret d'application voie le jour 1497298256261, le texte fixant une réduction de consommation de 25 % d'ici 2020 pour les bâtiments à usage de bureaux, commerces et enseignement d'une surface supérieure à 2 000 mètres carrés.
Mais, par une décision du 11 juillet 2017, le juge des référés du Conseil d'État a intégralement suspendu ce « décret tertiaire » 1515186353306qui obligeait les propriétaires à réaliser une étude énergétique et les occupants à instaurer une charte de bonne utilisation des équipements de confort et d'activité
En revanche, la loi de transition énergétique 1497298066627n'a pas été remise en cause. Elle prolonge l'obligation d'économies par périodes de dix ans à partir de 2020 jusqu'en 2050. La prochaine période impose une réduction des consommations de 40 % d'ici 2030, assortie de mesures coercitives.

Les contraintes : obstacles à la restructuration de l'existant

– Trop de normes… beaucoup trop de normes. – Les normes coûtent cher. L'ex-ministre délégué au Logement Benoist Apparu évaluait à 30 % le surcoût induit par les normes hexagonales par rapport à l'Allemagne 1497301258138.
Même si depuis des années la simplification est à la mode, ayant notamment eu le privilège de se voir dédier un secrétariat d'État de juin 2014 à mai 2017, la frénésie textuelle reste la norme (V., par ex., n° ).
Dans le cadre de la rénovation des immeubles, les contraintes en résultant augmentent considérablement les complications techniques du travail sur l'existant, décourageant nombre de bonnes volontés. Or, les normes continuent de s'empiler régulièrement, constituant petit à petit un mille-feuille indigeste où se perdent les énergies 1495813780124.
Ainsi, il semble que pour se dispenser d'une norme, il faille en créer d'autres, au point de faire de la France, forte de plus de 10 500 lois, 130 000 décrets et 400 000 normes, le 126e pays sur 144 en matière de complexité administrative.
– Les lueurs d'espoir. – Et pourtant, il faut bien se raccrocher aux lueurs d'espoir !
La simplification des normes « accessibilités » en est une, même si elle ne touche que les logements neufs 1499807670272. Les promoteurs étaient ainsi en forte attente de ces textes modifiant de fond en comble la réglementation des constructions au niveau des normes applicables aux personnes à mobilité réduite. La plupart n'osaient plus espérer la disposition permettant dorénavant à l'acquéreur d'un logement neuf situé dans un bâtiment d'habitation collectif vendu en l'état futur d'achèvement de conclure avec le promoteur un contrat de travaux modificatifs dès lors que le logement demeure visitable par une personne handicapée et que les travaux modificatifs permettent la réversibilité des aménagements par des travaux simples.
Un allègement des contraintes est également possible dans le cadre de la construction avec l'existant. Ainsi, dans les zones à forte densité de population, le préfet a la faculté d'accorder des dérogations à certaines dispositions relatives notamment à l'isolation acoustique, dans le cadre d'un projet de surélévation d'immeuble achevé depuis plus de deux ans (CCH, art. L. 111-4-1). Il est néanmoins regrettable de constater la longueur de la liste des conditions à remplir pour que la dérogation prévue par ce texte soit accordée par le préfet.
– La fin du tunnel . – Pourtant, à la suite de beaucoup d'autres 1512598444041, les gouvernants du pays semblent avoir vraiment pris conscience de la situation. Outre qu'ils pestent tous contre les normes et leurs excès 1497300516997, ils annoncent enfin des mesures applicables immédiatement 1512597843749.
Acceptons-en l'augure, les contours de la ville de demain en dépendent.