La densification aux confins du bâti

La densification aux confins du bâti

– L'exemple de la copropriété. – L'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété donne un excellent exemple de ce qu'il est possible de faire évoluer en terme de construction dans un cadre contraint. Il définit quatre types de droits accessoires aux parties communes. Trois d'entre eux correspondent à des droits à construire utilisables pour densifier le bâti 1495877130089 : le droit de surélévation, le droit d'affouiller le sol et le droit d'édifier des bâtiments nouveaux.
Cet exemple démontre que même s'il ne s'agissait pas d'une priorité de l'époque, les juristes ont pris conscience très tôt de ce que les réserves foncières se trouvaient dans les sous-sols (Sous-section I), ainsi qu'en surélévation et sur le pourtour des bâtiments existants (Sous-section II).

Les réserves foncières des sous-sols

– Le point d'équilibre financier. – Le sous-sol des villes compactes offre des espaces utilisables dans le futur. Son aménagement est sans doute trop onéreux à ce jour pour se généraliser. Par ailleurs, seuls certains sites spécifiques peuvent être appréhendés avec une vision urbanistique. Mais le prix du foncier en surface augmente sans cesse et les avancées technologiques amenuisent peu à peu le coût des affouillements. Le jour viendra où un point d'équilibre sera atteint, généralisant des aménagements en tréfonds devenus rentables.
Ainsi, il convient de s'intéresser à une matière recelant des potentialités partout (§ I), dans la lignée de l'exemplaire ville de Montréal (§ II).

Des potentialités partout

– Le charme des dessous. – Fin 2014, la mairie de Paris a lancé un appel à projets intitulé « Réinventer Paris » portant sur vingt-deux sites à réaménager. Devant le succès des propositions faites par les architectes et les promoteurs immobiliers pour réhabiliter des bâtis désaffectés comme d'anciens bains-douches, une station électrique ou des immeubles-ponts surplombant le périphérique, elle a lancé le 23 mai 2017 une seconde édition intitulée « Les Dessous de Paris ». Sur les trente-quatre sites soumis à la sagacité des imaginations innovantes, vingt-six sont souterrains. C'est dire le potentiel de ces espaces, aussi variés que des tunnels et voies de circulation, des parkings inutilisés, d'anciennes gares ou stations de métro désaffectées 1495727658824. Les villes compactes bénéficiant de ce type d'infrastructures réaménageables sont nombreuses.
– Le sous-sol vécu comme en surface. – De l'avis de tous, la condition principale de la réussite de la vie souterraine réside dans l'établissement d'une synergie entre la surface et le tréfonds. Il est nécessaire que les occupants n'aient pas l'impression d'être en sous-sol 1495729670865.
Cette synergie nécessite tout d'abord d'introduire de l'air et de la lumière dans les espaces souterrains. À Paris, le PLU a été modifié en juillet 2016 pour permettre de creuser le sol, comme un nouvel exemple des capacités de la volonté politique à aménager les règles d'urbanisme dans le sens de l'histoire.
Mais, pour dépasser la sensation incommodante d'être sous terre, il faut que les occupants puissent circuler « en sous-sol du nord au sud, d'est en ouest », et qu'il n'y ait « pas de culs-de-sac » 1495730932889. Cette contrainte technique est un défi lancé à l'imagination architecturale dans les villes françaises les plus denses dont les tréfonds sont envahis par les réseaux divers, le métro et les parkings souterrains.
Mais il s'agit également d'un défi juridique obligeant à développer la volumétrie pour en adapter les règles aux nécessités collectives de la densification (V. nos et s.) 1496145661260.

Le modèle de Montréal

– Vive le Québec souterrain. – En matière d'aménagement des sous-sols, Montréal est la ville du globe attirant tous les regards et servant d'exemple à travers le monde 1495735611238. La métropole québécoise a réussi la gageure de faire de son bâti souterrain une partie intégrante du cœur de la ville, y insérant harmonieusement des commerces, des hôtels, des universités, des bureaux, des stations de métro, des gares, etc. Cette extension de la surface utilisable du centre-ville 1495737059167permet un développement durable en évitant de rogner sur les terres environnantes et en limitant les constructions en hauteur.
– Un exemple… mais pas duplicable partout. – Malgré tous ses avantages, l'exemple de Montréal n'est pas duplicable partout sur une échelle aussi importante. En effet, le réseau souterrain de la métropole québécoise a la particularité d'avoir été pensé dès les années 1950 dans le cadre des plans de modernisation voulus par le maire de l'époque, Jean Drapeau. Mis en place à compter de 1962, il n'a pas eu à surmonter autant de contraintes techniques que les villes n'ayant pas réfléchi à l'avenir des tréfonds dès cette époque.
De plus, les efforts à faire pour mettre en place ce réseau intérieur étaient d'autant plus supportables au Canada qu'indépendamment de l'aménagement foncier, il répondait également à une autre contrainte : permettre le maintien d'une vie sociale active lors des fréquentes intempéries de la région.
Ainsi, pour être efficace, la volonté politique de développement des tréfonds doit intervenir le plus tôt possible dans la construction de la ville. Les concepteurs des nouveaux quartiers doivent en tenir compte. À défaut, la mutation future devra surmonter les contraintes techniques au même titre qu'aujourd'hui 1510827412105.
Cet obstacle est moindre dans le cadre de l'utilisation des réserves foncières situées au-dessus ou au pourtour des constructions actuelles, pour lesquelles les contraintes sont davantage juridiques.

Les réserves foncières au-dessus et sur le pourtour du bâti

– Le cas du propriétaire unique. – L'utilisation des réserves foncières est encouragée partout, y compris sur le dessus des constructions existantes 1496127848237et sur leur pourtour. Lorsque le pétitionnaire de l'autorisation de construire est seul propriétaire de l'assiette foncière, il est confronté uniquement aux règles du droit de l'urbanisme et de la construction. Dans ce cadre, les extensions sur les terrains nus à côté du bâti sont fréquentes et sans particularités notables.
En revanche, les surélévations sont encore peu nombreuses en pratique, hormis le cas des particuliers créant un étage de plus à leur maison individuelle. Sans doute cette rareté est-elle due à ce que la plupart des immeubles entiers n'appartiennent pas à un seul et même propriétaire. Les exemples connus renvoient généralement à des bailleurs sociaux rehaussant leurs immeubles d'un niveau supplémentaire, souvent fait de structures en bois 1495701080934, plus légères à supporter par les fondations d'origine qu'une surcharge de béton.
En revanche, lorsque la propriété de l'immeuble devant supporter l'extension est partagée, les cas sont plus nombreux mais des difficultés singulières apparaissent.
– En volumétrie. – En volumétrie, l'extension n'est possible qu'à l'intérieur de la propriété du pétitionnaire. Ainsi, il convient de vérifier que la construction envisagée ne dépasse pas le cadre du volume lui appartenant 1495974120221.
Les véritables difficultés ont trait à l'application de la loi du 10 juillet 1965, tant pour la surélévation (§ I) que pour la construction sur les parties non bâties de l'assiette des copropriétés (§ II).

La surélévation en copropriété

– Une volonté politique de surélévation. – En matière de copropriété, la réglementation applicable à la surélévation a été récemment décrite avec exhaustivité 1495991804664. Il en ressort une volonté législative et politique d'inciter à une augmentation sensible des surélévations de bâtiments. Ainsi, de la loi du 25 mars 2009 ayant allégé les conditions de vote de la décision d'aliénation à un tiers des droits de surélévation d'un bâtiment 1495994899106, à la loi ALUR ayant de facto supprimé le droit de veto des copropriétaires de l'étage supérieur sur les projets de rehaussement 1496125507660, les textes récents facilitent tous l'utilisation des droits de surélévation et leur commercialisation.
– L'intérêt économique. – Les copropriétés constituent un gisement important de ressources foncières. Au surplus, les copropriétaires peuvent y trouver un intérêt économique, dès lors qu'ils ont dépassé l'étape des inquiétudes techniques et nouvelles gênes potentielles.
Plus que la construction de nouveaux locaux à usage commun prévue par l'article 30 de la loi de 1965, l'option majoritairement choisie par le syndicat des copropriétaires est assurément la commercialisation des droits à construire. Au prix des mètres carrés constructibles dans les zones tendues, il est ainsi possible de récupérer une somme non négligeable, susceptible d'être réinvestie par exemple dans le financement des travaux de rénovation thermique 1496130327046. Accessoirement, la création de nouvelles parties privatives diminue les charges liées aux lots déjà existants. Enfin, les travaux donnent une nouvelle jeunesse à la toiture.

La construction sur les parties non bâties de la copropriété

Les droits à construire sont utilisés sur un terrain appartenant à la copropriété (A) ou sorti de son assiette à dessein (B).

L'utilisation des droits à construire sur l'assiette foncière de la copropriété

– Une utilisation au profit de qui ? – Les aspects juridiques de l'utilisation des droits à construire sur l'assiette foncière de la copropriété ont également fait l'objet de développements complets dans le rapport du 112e Congrès des notaires de France 1503407100275. La pluralité de situations invite à s'interroger sur le statut de celui profitant de cette utilisation. Il peut s'agir, selon les cas :
  • du syndicat des copropriétaires : c'est le cas de droit commun. Le syndicat peut alors soit exercer ce droit lui-même 1497206254919, soit l'aliéner ;
  • d'un copropriétaire (ou d'un tiers) s'étant réservé ce droit à utilisation dans le règlement de copropriété, en précisant dès l'origine, à peine de nullité, l'importance et la consistance des locaux à construire, ainsi que les modifications que leur exécution entraînerait dans les droits et charges des copropriétaires. Il doit alors exercer ce droit dans un délai de dix ans sous peine de caducité 1497205802769 ;
  • d'un copropriétaire bénéficiant d'un droit à construire rattaché à son lot privatif, ou, le plus souvent, d'un lot transitoire constitué pour la totalité de sa partie privative de ce droit à construire 1497206436113.
En pratique, la mise en place de ces droits à construire est plus aisée lorsqu'il s'agit d'un copropriétaire en ayant fait réserve à son profit dans le règlement de copropriété ou pour un copropriétaire bénéficiant d'un lot transitoire 1497208006057que pour la majorité des copropriétaires, souvent adeptes du statu quo. Pourtant, au même titre que pour la surélévation, l'aliénation du droit à construire est souvent très rémunératrice pour le syndicat des copropriétaires.
À défaut d'avoir privatisé les droits de construire avant de les vendre 1497297345923, le syndicat peut décider de les céder en dehors de la copropriété.

L'utilisation des droits à construire en dehors de la copropriété

– Vente et scission. – Les copropriétaires ont la faculté de diviser le terrain d'assiette de la copropriété afin d'en céder une partie. Il s'agit d'un montage simple, le seul utilisable en pratique dès lors qu'il n'y a pas au moins un bâtiment sur la parcelle à céder. La décision est prise à la majorité de l'article 26 de la loi de 1965, soit à la moitié des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix.
Les conditions de majorité sont plus simples en matière de scission de copropriété. En effet, la décision de scission est prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, mais elle est conditionnée à ce qu'il y ait plusieurs bâtiments et que la division de la propriété du sol soit possible 1497385384328. Le Congrès des notaires a déjà eu l'occasion d'analyser les scissions de copropriétés, qu'elles soient « classiques » 1503407125072ou « en volumes » 1503407146559. Le lecteur est renvoyé à ces ouvrages.