CGV – CGU

Partie I – L’anticipation de la vulnérabilité
Titre 1 – L’anticipation de la vulnérabilité des mineurs
Sous-titre 1 – La désignation d’une personne de confiance
Chapitre II – Le mandat de protection future pour autrui

1037 Le mandat de protection future constitue l’innovation juridique emblématique de la loi du 5 mars 2007 poursuivant la contractualisation du droit de la famille et plus particulièrement de la protection des personnes vulnérables.

Le mandat de protection future, défini à l’article 477 du Code civil, permet à toute personne majeure ou tout mineur émancipé de charger une ou plusieurs personnes de le représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts30. Ce mandat de protection est conçu pour soi. Un mandat stipulé pour autrui serait en effet liberticide31. Pourtant, à titre dérogatoire, le 3e alinéa de l’article 477 permet aux parents de désigner un ou plusieurs mandataires chargés de représenter leur enfant handicapé.

Le régime juridique du mandat de protection future révèle sa nature hybride. Mesure de protection, l’ordre public du droit des personnes s’impose et son fonctionnement caractérise une nature institutionnelle. Mesure de prévision, la liberté contractuelle ouvre le champ de l’innovation juridique et du sur-mesure. Ce mandat représente la technique contractuelle d’anticipation par excellence en matière de protection des vulnérables.

Pourtant, dix ans après son entrée en vigueur, son utilisation demeure faible. Il n’est pas entré dans les mœurs des citoyens et des praticiens. Au-delà d’une mesure technique, ce type de réforme peine à se déployer en raison du changement culturel qu’elle produit. La protection des personnes évolue d’un système dirigiste sous contrôle judiciaire étroit dont l’objet était de protéger une personne, traitée quasiment comme spectateur de sa protection, dans son intérêt supérieur présumé, vers un système plus respectueux des libertés individuelles dans lequel la personne à protéger et sa famille sont mises au centre du dispositif et pour lequel les techniques contractuelles et le pouvoir de la volonté sont mis en avant. Nous sommes dans cette période transitoire dans laquelle les techniques anciennes telles que la tutelle et la curatelle perdurent et forment le socle de la protection des personnes et dans laquelle les techniques nouvelles peinent à émerger. Les premières sont sécurisantes car elles sont connues et la validation judiciaire systématique renforce leur efficacité juridique. Les secondes paraissent moins rassurantes car moins connues ; elles sortent du cadre réglementaire et la liberté peut faire craindre des abus si un contrôle efficace n’est pas organisé. Il faudra peut-être qu’une génération se passe pour abandonner nos réflexes anciens et que la pratique du mandat de protection future se banalise.

En tout état de cause, les fondamentaux demeurent. La sécurité juridique se nourrit de confiance et une mesure de protection ne peut être efficace que si elle respecte un délicat équilibre entre la dignité de la personne en organisant une protection efficace, le respect de ses droits et libertés fondamentaux, et enfin la sécurité juridique et les droits des tiers. Rompre cet équilibre, privilégier un intérêt au détriment des autres nuirait à la cohérence et à l’efficacité de l’ensemble de la mesure.

Le mandat de protection future pour autrui constitue donc une mesure, un outil contractuel, à la disposition des parents soucieux du devenir de leur enfant handicapé pour le jour où ils ne seront plus là pour assumer eux-mêmes sa protection32. Grâce à ce contrat, les parents d’un enfant handicapé peuvent désigner un mandataire, une personne de confiance qui sera chargée de s’occuper de cet enfant en cas de décès ou d’incapacité des parents. Le mandat, technique de représentation, se classe parmi les contrats conclus intuitu personae car il repose sur un lien de confiance entre le mandant et son mandataire. Le mandat de protection future est l’expression la plus aboutie de cette relation de confiance entre deux personnes qui va se formaliser aux termes d’un contrat créateur d’obligations juridiques et dont l’objet est la protection d’une tierce personne33.

Dans ce contrat très particulier, lourd de conséquences juridiques, le notaire joue un rôle central à chaque étape décisive. Lors de la conclusion du mandat de protection future pour autrui, le conseil est primordial car l’établissement de ce mandat constitue un exercice d’anticipation délicat (Section I). Mais c’est lors de l’activation du mandat que la confiance placée dans le mandataire va se déployer (Section II) sous le contrôle notamment du notaire.

Section I – La conclusion d’un mandat de protection future : un exercice d’anticipation délicat

1038 La conclusion d’un mandat de protection future pour autrui constitue un exercice de prévision. Un parent anticipe la vulnérabilité de son enfant liée à un handicap pour le cas où lui-même ne serait plus en capacité d’assurer sa protection. La rédaction d’un tel contrat s’avère compliquée, car beaucoup d’éléments importants lors de l’activation du mandat demeurent inconnus ou hypothétiques lors de sa conclusion. Quel âge auront l’enfant protégé et le mandataire ? Quelles seront leurs situations familiale, patrimoniale et professionnelle ? Ces variables, soumises à beaucoup d’aléas et d’imprévision, impliquent autant d’hypothèses et de sous-hypothèses lors de l’élaboration du contrat.

L’intervention du notaire34 est donc capitale lors de l’établissement du mandat, tant pour des raisons de forme que de fond.

Sous-section I – La forme du mandat de protection future pour autrui

1039 – La forme notariée obligatoire. – Le législateur impose la forme notariée pour établir un mandat de protection future pour autrui35. Lorsque le mandat est stipulé pour soi, la forme sous seing privé peut suffire même si ses effets juridiques sont de moindre portée. Lorsqu’il est stipulé pour autrui, le contrat doit, à peine de nullité, être établi en la forme notariée.

Le mandat de protection future pour autrui est un contrat très particulier36. Son objet est d’organiser entre un mandant et un mandataire, à l’avance, la protection d’une tierce personne en raison de sa vulnérabilité. Même s’il n’est pas une mesure incapacitante, il organise la protection d’une personne et de manière incidente modifie son état juridique. Compte tenu de l’enjeu important de ce contrat, le législateur a imposé la forme notariée.

1040 – Une garantie d’authenticité. – La forme notariée garantit l’authenticité des éléments constatés aux termes de l’acte. La date et l’identité des comparants sont naturellement garanties. Mais, bien au-delà, l’échange entre le client et le notaire permet à ce dernier de s’assurer de l’intégrité du consentement et de la parfaite compréhension par les parties de la nature et de la portée des droits et obligations créés aux termes de ce contrat. L’intervention de l’officier public permet de vérifier les conditions de fond de ce contrat.

1041 – Une garantie de conseil. – L’intervention du notaire est également capitale pour conseiller et aider les familles dans l’établissement d’un tel mandat. Nous avons souligné l’importance d’anticiper les différents cas de figure susceptibles de se produire afin d’établir un contrat qui soit efficace et adapté le jour de son activation. Grâce à sa pratique du droit de la famille, le notaire enrichit ses connaissances et affine sa perception. Cette expérience est précieuse pour exercer utilement son devoir de conseil. Elle est vitale pour préparer un mandat de protection future efficace. L’anticipation demeure la clé de la pertinence et de l’efficacité de ce contrat.

Sous-section II – Le mandant

1042 L’article 477, alinéa 3 du Code civil reconnaît aux parents ou au dernier vivant des père et mère ne faisant pas l’objet d’une mesure de curatelle, de tutelle ou d’habilitation familiale, qui exercent l’autorité parentale sur leur enfant mineur ou assument la charge matérielle et affective de leur enfant majeur, la faculté de désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter, pour le cas où cet enfant ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts, conformément à l’article 425 du Code civil37. Cette désignation prend effet le jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de l’intéressé.

Le mandat de protection future pour autrui permet donc aux parents, soucieux de l’avenir de leur enfant handicapé, d’organiser sa protection en désignant un tiers de confiance38. Ce droit est reconnu de manière exclusive aux parents. Lorsqu’ils sont tous les deux vivants, la loi impose que le mandat soit consenti par les deux parents. En cas de prédécès de l’un des parents, la faculté de conclure un tel mandat est attribuée au survivant qui est habilité à contracter seul.

La cogestion voulue par le législateur lorsque les deux parents sont vivants semble aller de soi pour conclure un tel acte. Pourtant, dans des situations familiales complexes, elle peut se révéler très contraignante. Ainsi dans des situations de mésentente entre les parents, d’abandon de famille, ou d’incapacité, le parent qui assume seul la charge de son enfant handicapé n’est pas autorisé à conclure seul un mandant de protection future pour autrui.

Sous-section III – Le mandataire

1043 – Le principe de liberté de choix du mandataire. – L’article 480 du Code civil dispose que : « Le mandataire peut être toute personne physique choisie par le mandant ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs prévue à l’article 471-2 du Code de l’action sociale et des familles ». Les parents ou le survivant des parents peuvent donc librement choisir le mandataire de protection future pour leur enfant.

1044 – Les exceptions à la liberté de choix du mandataire. – La liberté de choix du mandataire de protection future n’est cependant pas totale. Lorsque le mandataire est une personne physique, il doit jouir, durant l’exécution du mandat, de sa capacité civile (C. civ., art. 480, al. 2). Par ailleurs, il doit remplir pendant cette même durée les conditions requises pour l’exercice des charges tutélaires (C. civ., art. 395). Ainsi, à l’instar du tuteur testamentaire, ne peuvent être investis de cette mission les mineurs non émancipés, les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, les personnes à qui l’autorité parentale a été retirée et les personnes à qui l’exercice des charges tutélaires a été interdit en application de l’article 131-26 du Code pénal.

Ne peuvent non plus être mandataires le médecin, le pharmacien ainsi que les auxiliaires médicaux tels que les infirmiers et les kinésithérapeutes dont le bénéficiaire du mandat est patient (C. civ., art. 445).

Pour désigner une personne morale en qualité de mandataire, la loi impose qu’il soit choisi dans la liste des mandataires judiciaires. Cette exigence s’explique notamment pour éviter l’intrusion du mouvement sectaire dans le mandat de protection future. Elle s’explique également par le fait que ce contrat est conclu intuitu personae, ce qui est peu compatible avec la désignation d’une personne morale.

1045 – Les critères pratiques de choix. – Si le choix du mandataire est théoriquement très ouvert, la pratique est plus complexe et les questions soulevées pour le choix du tuteur testamentaire se posent également pour le mandataire39. Le mandat de protection future pour autrui est le contrat de confiance par excellence et le mandataire doit être un proche qui a la confiance de la famille, du mandant et dans la mesure du possible du bénéficiaire, selon son état de conscience.

La confiance et la bonne volonté ne suffisent pas. Le mandataire doit posséder certaines compétences en matière de prise en charge et de suivi d’une personne handicapée et en matière de gestion de patrimoine. À ce titre, selon la composition du patrimoine de l’enfant à protéger, le mandataire doit avoir un minimum de connaissances économiques et juridiques.

Il est également nécessaire de choisir un mandataire qui ne soit pas en conflit d’intérêts avec l’enfant à protéger.

1046 – La désignation d’une pluralité de mandataires. – Selon la situation familiale et patrimoniale de l’enfant à protéger, il peut être opportun de désigner plusieurs mandataires40. Les raisons qui peuvent justifier cette collégialité de mandataires sont multiples :

utiliser et faire bénéficier à l’enfant des compétences et des savoir-faire de plusieurs mandataires. Il est ainsi possible de dissocier la protection de la personne, surtout pour la prise en charge d’un handicapé et la protection de son patrimoine, d’autant plus s’il est important et nécessite des compétences techniques. Les différentes missions peuvent ainsi être dissociées et attribuées à des mandataires différents ;

la collégialité peut également être considérée comme un gage de bonne gestion pour l’enfant. Une personne seule peut se tromper et prendre de mauvaises décisions. Ce risque diminue lorsque la décision est prise collectivement. La gestion collégiale peut d’ailleurs être organisée en distinguant les décisions courantes qui peuvent être prises par un mandataire seul et les décisions plus graves qui nécessitent une décision collective ;

la collégialité permet également de créer un autocontrôle de la gestion des affaires de l’enfant ;

la collégialité permet enfin d’éviter ou de diminuer le risque de conflits d’intérêts.

1047 – L’acceptation et la renonciation du mandataire. – L’acceptation de sa mission par le mandataire est obligatoire et elle doit intervenir en la forme authentique. Le plus fréquemment le mandataire intervient directement à l’acte initial pour donner son consentement. L’acceptation peut intervenir ultérieurement et elle doit être constatée selon les mêmes formes que l’acte initial.

Tant que le mandat n’a pas été activé, le mandataire peut y renoncer.

Sous-section IV – Le bénéficiaire du mandat de protection future pour autrui

1048 – La particularité d’un contrat stipulé pour autrui. – Le mandat de protection future pour autrui présente une grande singularité juridique. Le bénéficiaire du contrat n’y est pas partie. Pourtant, il en est plus que le bénéficiaire, il en est la raison d’être. L’organisation de sa protection constitue l’objet de ce contrat très particulier.

1049 – Les conditions de validité du mandat de protection future relatives à l’enfant à protéger. – Pour que le mandat de protection future pour autrui produise effets, il est nécessaire que l’enfant, dans l’intérêt duquel ce contrat est conclu, se trouve dans l’incapacité de pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, conformément aux dispositions de l’article 425 du Code civil.

1050 – L’association de l’enfant à la conclusion du mandat. – Dans la mesure où le mandat de protection future pour autrui présente l’originalité de dissocier le mandant et le bénéficiaire, il est souhaitable d’associer ce dernier à l’établissement du contrat41. Naturellement cette association à la décision dépend de l’âge et de l’état de santé de l’enfant, mais autant que faire se peut, il convient de le faire participer à la mise en place de son dispositif protecteur, notamment en l’associant au choix du mandataire.

1051

La combinaison du mandat de protection future et de la tutelle testamentaire

Le mandat de protection future pour autrui peut être contracté au profit d’un enfant mineur ou majeur42. En tout état de cause, s’agissant d’une mesure de protection des majeurs, il ne prendra effet qu’à la majorité de l’enfant s’il se trouve dans l’incapacité de pourvoir seul à ses intérêts. Il est donc opportun, pour les parents d’un enfant handicapé, d’associer un mandat de protection future et une tutelle testamentaire. En cas de décès des deux parents durant la minorité de l’enfant, la tutelle s’ouvre et le tuteur testamentaire pourra s’occuper de l’enfant. À sa majorité, la tutelle cesse et le mandataire débute sa mission en exécution du mandat de protection. La même personne peut naturellement être désignée tuteur puis mandataire. Les deux techniques se combinent donc parfaitement et il convient de les prévoir toutes les deux.

Sous-section V – Les pouvoirs du mandataire

1052 – Entre anticipation contractuelle et ordre public. – La nature hybride, institutionnelle et contractuelle du mandat de protection future se cristallise lors de la détermination des pouvoirs du mandataire. Mesure de protection des personnes, l’ordre public imprègne le régime juridique du mandat et contraint fortement la liberté contractuelle. Technique au service des familles pour organiser la protection de leurs proches, le mandat de protection future doit permettre d’atteindre un objectif essentiel pour établir un mandat efficace : l’anticipation. Comme nous l’avons déjà démontré, l’anticipation constitue la clé de l’efficacité et de la pertinence du mandat. Beaucoup d’éléments déterminants du mandat, liés à la situation du mandataire ou du bénéficiaire, demeurent incertains et évolutifs au moment de sa conclusion.

1053 – Un délicat exercice de rédaction. – Le notaire doit donc trouver un délicat équilibre lors de la rédaction du mandat de protection, car plusieurs écueils menacent sa validité et son efficacité43.

Tout d’abord, le contrat doit naturellement respecter la loi et particulièrement les dispositions d’ordre public qui régissent la matière. Ainsi des limites tenant à la protection de la personne et de son cadre de vie comme des limites tenant à la protection de son patrimoine et aux modalités d’exercice de la mission du mandataire sont arrêtées par la loi, sans dérogation possible. Les pouvoirs du mandataire sont donc circonscrits par les règles d’ordre public.

Le deuxième écueil serait de consentir au mandataire des pouvoirs trop restreints44. Sans marge de manœuvre, le mandataire ne pourrait remplir efficacement sa mission et devrait, du fait de situations de blocage récurrentes, requérir une autorisation.

Le troisième écueil serait, à l’inverse, de lui reconnaître des pouvoirs trop larges. Le fonctionnement du dispositif s’en trouverait notablement fluidifié mais le risque serait alors l’abus de pouvoir et le détournement de son objet. Pour prévenir ce risque, il convient de nommer plusieurs mandataires et d’organiser un contrôle de la gestion du mandataire par des organes extérieurs.

1054 – L’impossibilité d’adapter les pouvoirs du mandataire après l’activation du mandat. – L’anticipation lors de la rédaction du mandat est d’autant plus cruciale qu’il n’est plus possible de la modifier après son activation. Tant qu’il n’a pas été activé, il est possible de le modifier pour notamment réviser les pouvoirs du mandataire. Après son activation, ces adaptations ne sont plus permises car les parties au contrat ne sont plus, par hypothèse, en capacité juridique de contracter. Cette impossibilité d’adapter les pouvoirs du mandataire en cours de mandat ne peut être résolue par le juge. Ce dernier n’a pas le pouvoir de modifier le contrat pour combler des lacunes ou suppléer le manque de prévision. Si le mandat ne permet pas d’assurer efficacement la protection de l’enfant, le juge n’aura pas d’autre choix que de le remplacer par une autre mesure de protection. L’anticipation et la rédaction appropriée du mandat conditionnent donc son efficacité.

1055 – La détermination des pouvoirs du mandataire. – Le contrat doit donc déterminer de manière exhaustive les pouvoirs qui sont attribués au mandataire. Dans la mesure où il n’y a pas de différence significative entre le mandat de protection future pour soi et pour autrui sur la question des pouvoirs du mandataire, nous renvoyons sur ce point aux développements qui y sont consacrés au titre suivant.

Section II – L’activation du mandat de protection future pour autrui : une exécution contractuelle placée sous le signe de la confiance

1056 C’est lors de l’activation du mandat de protection future que la confiance mise par des parents en la personne du mandataire pour s’occuper de leur enfant handicapé va être éprouvée concrètement45. Lorsque ces parents ne seront plus en mesure de s’en occuper eux-mêmes, ce mandataire doté des pouvoirs prévus au contrat prend leur relais et poursuit cette mission protectrice en leurs lieu et place. Quelle grande preuve de confiance que de confier ainsi son enfant handicapé à un tiers ! L’État recule et délaisse la protection des personnes pour ne traiter en dernier recours que des cas les plus graves. Ce retrait de l’État fait émerger la famille pour assurer la protection des vulnérables. La confiance constitue donc le fil conducteur de la phase d’exécution de ce contrat très spécial.

Sous-section I – L’activation du mandat de protection future pour autrui

1057 – Les conditions de fond de l’activation du mandat. – L’activation du mandat de protection future pour autrui est subordonnée à la réalisation de deux conditions de fond.

La première condition concerne le mandant. Le mandat prend effet à compter du jour où le mandant, c’est-à-dire le survivant des père et mère, décède ou ne peut plus prendre soin de son enfant handicapé. Elle implique que le mandant soit dans l’impossibilité de pourvoir seul aux intérêts de son enfant par suite d’une altération de ses facultés mentales ou physiques de nature à empêcher l’expression de sa volonté46.

La seconde condition concerne le bénéficiaire du mandat. Pour activer le mandat, son bénéficiaire doit avoir atteint l’âge de la majorité et se trouver dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts par suite d’une altération de ses facultés mentales ou de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté47. Cette altération est constatée par un médecin mentionné sur la liste du procureur de la République qui établit un certificat médical. Ce certificat médical ainsi exigé pour l’activation du mandat de protection est distinct du certificat médical circonstancié visé à l’article 1219 du Code de procédure civile, constituant le préalable nécessaire à l’ouverture d’une mesure de protection. L’exigence d’un certificat médical circonstancié pour l’ouverture d’une mesure de protection se fonde sur le caractère liberticide et incapacitant de telles mesures. Le mandat de protection n’est pas incapacitant et ne prive pas son bénéficiaire de sa capacité juridique. Le législateur a considéré par conséquent qu’un certificat médical non circonstancié suffisait pour activer le mandat.

1058 – Les conditions de forme de l’activation du mandat. – L’activation du mandat de protection future pour autrui a lieu, à l’initiative du mandataire qui doit se présenter en personne au greffe du tribunal d’instance du ressort de la résidence du bénéficiaire du mandat, accompagné de ce dernier, sauf raison médicale empêchant ce transport. Le mandataire présente au greffier la copie authentique du mandat, un certificat de décès du mandant ou un certificat médical de moins de deux mois émanant d’un médecin inscrit sur la liste mentionnée à l’article 431 du Code civil établissant que le mandant est hors d’état de prendre soin de son enfant handicapé ainsi qu’un certificat médical de moins de deux mois établissant que cet enfant majeur, bénéficiaire du mandat, se trouve également dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts par suite d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté. Lorsque le bénéficiaire n’a pas comparu devant le greffier, il est informé par le mandataire de la prise d’effet du mandat de protection par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

1059 – Contrôle purement formel du greffe. – Lors de l’activation du mandat, le greffier n’effectue qu’un contrôle formel des pièces qui lui sont remises par le mandataire48. Lorsque ces vérifications formelles sont réalisées, le greffier paraphe chaque page du mandat, mentionne en fin d’acte qu’il prend effet le jour de sa présentation au greffe, y appose son visa et le restitue au mandataire. Aucune vérification au fond n’est réalisée lors de l’activation du mandat, notamment sur la capacité du mandataire à exercer des charges tutélaires. Aucune copie du mandat avec la mention de son activation n’est conservée. Aucun enregistrement ne constate l’existence d’un mandat de protection activé. Le notaire rédacteur du mandat n’est même pas informé de son activation. Si le client ne l’en informe pas spontanément, le notaire, pourtant détenteur de la minute, peut l’ignorer.

1060 – L’absence de contrôle du juge des tutelles. – Lors de l’activation du mandat de protection, le juge des tutelles n’intervient pas. Le contrôle purement formel exigé par la loi incombe au greffier. Le juge des tutelles peut être saisi par le mandataire en cas de refus du greffier d’activer le mandat. Le juge peut alors se prononcer sans débat et sa décision n’est pas susceptible d’appel. En dehors de ce cas spécifique, le juge n’intervient pas dans la mise en œuvre du mandat. Il ne peut apprécier l’opportunité de l’activation du mandat. S’il est saisi par une autre voie, il pourra ouvrir une autre mesure de protection qu’il estimerait plus appropriée ; mais il ne peut pas moduler le mandat pour l’adapter, le cas échéant, à la situation s’il s’avérait inapproprié.

1061 – L’absence de rôle du notaire lors de l’activation du mandat. – Le notaire ne joue aucun rôle lors de la procédure d’activation du mandat49. Celle-ci relève de la responsabilité du mandataire, du médecin et du greffier. Nous venons de préciser que l’information officielle du notaire rédacteur n’est même pas prévue par les textes alors que la loi impose la forme notariée pour sa rédaction. Cette absence d’information est d’autant plus surprenante que l’activation du mandat génère une obligation de contrôle du mandataire par le notaire rédacteur. Le rôle du notaire se limite au conseil et au devoir de vigilance. Il peut mettre en observation son client pour lequel un mandat a été régularisé et sensibiliser le mandataire sur la nécessité de l’activer au moment opportun.

1062 – Le rôle du mandataire. – Dans la mesure où le mandat de protection est activé à l’initiative du mandataire, le rôle de ce dernier est crucial. Il l’est même bien avant son activation car en acceptant le mandat, il contracte, dès sa conclusion, implicitement mais certainement, une obligation de surveillance et de vigilance à l’égard du mandant et du bénéficiaire. Incontestablement, la première obligation du mandataire est de mettre en œuvre le mandat, lorsque les conditions de fond sont réunies. Cela suppose de la part du mandataire une relation suivie et bienveillante à l’égard du mandant et du bénéficiaire, ce qui caractérise la première manifestation de confiance dans l’exécution du contrat.

Sous-section II – L’exécution du mandat de protection future par le mandataire

1063 C’est lorsque le mandat de protection future pour autrui sera activé que la confiance placée par les parents en la personne du mandataire pour s’occuper de leur enfant handicapé sera mise à l’épreuve50.

Le mandataire devra alors prendre le relais des parents pour assurer la protection de cet enfant, tant de sa personne que de son patrimoine.

Les commentaires relatifs à l’exécution de la mission du mandataire et ceux relatifs à son contrôle sont identiques pour le mandat de protection pour autrui et pour soi. Aussi nous renvoyons le lecteur aux développements ultérieurs portant sur le mandat de protection future mis en œuvre pour la protection des majeurs et figurant au titre 2 de la présente partie.


30) J. Hauser, L’enfance du mandat de protection future, in Mél. en l’honneur du Professeur R. Le Guidec, LexisNexis, 2014, p. 709 et s.
31) Ph. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, no 10, p. 22.
32) A. Delfosse et N. Baillon-Wirtz, Le mandat de protection future : JCP N 2007, I, 147.
33) N. Peterka, Le mandat de protection future : bilan et perspectives : Defrénois 2017, no 8, p. 497.
34) J. Casey, Le mandat de protection future : Gaz. Pal. 13 août 2011, p. 7.
35) C. civ., art. 477, al. 4.
36) E. Delouis, Le mandat de protection future : le point sur un contrat très attendu : LPA 4 nov. 2010, no 220, p. 25.
37) N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection de la personne vulnérable, Dalloz Action, 2017-2018, p. 609 et s.
38) J. Combret et J. Cazey, Le mandat de protection future : RJPF juill.-août 2007, p. 8.
39) G. Raoul-Cormeil, Le mandat de protection future, un contrat pour préserver les biens professionnels ou l’intérêt de la famille : LPA 3 juin 2014, no 110, p. 43.
40) L. Taudin, Mandat de protection future. Itinéraire sinueux d’une représentation : JCP N 2009, 1357.
41) Circ. DACS no CIV/01/09/C1, 9 févr. 2009, p. 36.
42) N. Peterka, A. Caron-Déglise et F. Arbellot, Protection de la personne vulnérable, Dalloz Action, 2017-2018, no 411.46, p. 615.
43) P. Carli, Exactitude et probité. Le mandat notarié de protection future, instrument de pérennité de la gestion de patrimoine : JCP N 2009, 1233.
44) Ph. Potentier, Le mandat de protection future entre écriture et pratique : Defrénois 2018, no 10, p. 22.
45) Ph. Potentier, Forces et faiblesses du mandat de protection future : Dr. et patrimoine avr. 2008, 74.
46) C. civ., art. 477, al. 3 et art. 425.
47) N. Peterka, Le mandat de protection future : bilan et perspectives : Defrénois 30 avr. 2017, no 8, p. 497.
48) D. Fenouillet, Le mandat de protection future ou la double illusion : Defrénois 2009, art. 38882, p. 142.
49) H. Fulchiron, Le notaire et l’exécution du mandat de protection future : Defrénois 2009, art. 38883, p. 178.
50) L. Leveneur, Intérêts et limites du mandat de protection future, in Mél. en l’honneur de G. Champenois, Lextenso, 2012, p. 571.
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