Mieux protéger le donateur

Mieux protéger le donateur

- Pourquoi protéger davantage le donateur ? - Pour le donateur, la donation correspond à un dessein, à un objectif bien précis. Il se peut que certains événements viennent perturber ce projet, comme le prédécès, la renonciation à la succession, la survenance d'un autre enfant, etc. Il est possible dans l'acte de remédier à ces situations qui pourraient s'avérer désastreuses pour le donateur (Sous-section I), comme il est possible, tout en donnant, de préserver l'avenir du donateur (Sous-section II).

Protéger en sécurisant le projet du donateur

Le retour conventionnel : une protection du donateur et d'autres proches

- Définition. - La clause de retour conventionnel est la clause de la donation qui prévoit qu'en cas de décès du donataire ou du donataire et de ses descendants avant le donateur, les biens donnés retournent dans le patrimoine du donateur. Ce droit de retour conventionnel est assimilé à une condition résolutoire, laquelle est expressément autorisée par l'article 951 du Code civil.

Une clause prudente et modulable

- Intérêts de la clause. - Le droit de retour conventionnel traduit un double souci de protection : protéger le donataire en lui transférant la propriété d'un bien, c'est effectuer une donation tout en permettant au donateur de se protéger lui-même et de protéger le patrimoine familial. Le droit de retour permet en effet que, par le hasard de l'ordre des décès, le bien donné ne s'éloigne pas dans le patrimoine des successeurs du donataire sous les yeux du donateur. Le retour conventionnel évite que, du vivant du donateur, le bien donné aille aux successeurs du donataire lesquels peuvent être ses héritiers légaux (sous réserve des pseudos droits de retour légaux), mais aussi ses successeurs testamentaires. Le droit de retour traduit le fort intuitu personae existant dans la donation qui est tout simplement le reflet de l'affection qui unit le donateur au donataire . Le proche est le donataire, pas ses héritiers ! En insérant le droit de retour, le donateur se protège lui-même mais protège aussi d'autres proches, qui certes ne sont pas sur le même plan que le donataire mais qui, si ce dernier prédécède, pourront bénéficier des biens objets du retour.
- Nature du droit de retour. - Il est traditionnellement donné au droit de retour la nature de condition résolutoire . En effet, la donation ainsi consentie est faite sous condition que le donataire et éventuellement ses descendants ne décèdent pas avant le donateur. Aussi, on applique au droit de retour le régime de la condition, et plus spécialement celui de la condition résolutoire. Ce régime juridique engendre pour le donataire une certaine incertitude quant à la pérennité de son droit de propriété sur le bien donné, qui ne lui est définitivement acquis qu'au jour du décès du donateur même si la donation produit tous ses effets au jour de l'acte de donation lui-même.
- Conditions de validité du droit de retour. - Même si le droit de retour peut être stipulé dans toute donation sans considération de la forme, sa mention dans une donation non solennelle est dangereuse. Sa stipulation dans une donation déguisée fait encourir le risque de révéler le caractère gratuit de la donation et de frapper l'acte de nullité. Dans le pacte adjoint, la difficulté de la présence de ce droit est de conférer à ce pacte le caractère de donation. Aussi la plus grande prudence s'impose donc quant à la stipulation d'un droit de retour en dehors des donations authentiques. Il importe, pour sa validité, que ce pacte ne fasse que constater ou définir les conditions d'une donation passée . Tous les biens donnés peuvent faire l'objet d'un droit de retour : meubles ou immeubles, biens fongibles ou non fongibles . La souplesse du droit est ici très large, aux praticiens de l'utiliser à bon escient. Le droit de retour conventionnel ne peut bénéficier qu'au donateur, il ne saurait donc être stipulé au profit d'autres héritiers présomptifs ou d'autres donataires. Cette règle, pourtant évidente, n'est pas sans poser de difficultés en cas de donations complexes par plusieurs personnes. Ce sera le cas des donations-partages cumulatives.
- Une adaptation utile. - La stipulation du droit de retour est quasi systématique et son libellé rarement nuancé. C'est sans doute un tort, car le droit de retour conventionnel est très malléable . Aussi est-il possible de l'adapter à chaque situation en fonction des projets et des préoccupations du donateur et de son dessein protecteur.
Quant à la condition : il peut être prévu que le droit de retour jouera en cas du seul prédécès du donataire, ou du prédécès de lui-même et de ses descendants, ou plus simplement en cas d'absence de descendance.
Quant à son automaticité : le droit de retour peut être automatique, de droit, ou bien il peut être conventionnellement prévu que le donataire jugera, lorsque l'événement se produit, s'il le met en œuvre ou pas.
Quant à son envergure : il peut également être prévu que le droit de retour n'aura qu'un effet partiel, dans la mesure où il ne fera pas obstacle à une disposition à cause de mort en usufruit au bénéfice de telle ou telle personne, et particulièrement d'un conjoint survivant.
Quant aux biens : il arrive très fréquemment que la donation porte sur plusieurs biens. Selon leur nature, le droit de retour pourra être prévu pour certains, et pas pour d'autres. Si la conservation des biens dans la famille est une préoccupation du donateur pour des immeubles bien évidemment, ou des groupes de parts ou d'actions de sociétés familiales par exemple, alors on aura tendance à conseiller ce droit de retour. Un droit de retour sur une somme d'argent n'a peut-être, au regard de cette volonté de conserver les biens dans la famille, pas de signification. En revanche, si seules comptent pour le donateur les valeurs et la richesse que représente le bien donné, alors un droit de retour sur des deniers est concevable même s'il ne sera, en pratique, pas facile à mettre en œuvre. On pourrait même concevoir un droit de retour en valeur, c'est-à-dire que le bien donné resterait dans la succession du donataire, à charge pour cette dernière d'en restituer la valeur au donateur. Sur un plan fiscal, il convient de remarquer que les réponses ministérielles anciennes qui admettaient la déduction, au passif de la succession du donataire, d'une créance égale à la valeur du bien donné qui ne se retrouvait plus en nature, n'ont pas été reprises au Bulletin officiel des Finances publiques-Impôts (BOFiP).
Quant à la durée : rien ne s'oppose également à prévoir que le droit de retour s'appliquera si le ou les prédécès se produisent dans un certain laps de temps après la donation (dix ou vingt ans par exemple), mais qu'après cette durée il n'aura plus cours. Une telle disposition est concevable, car on peut considérer qu'un donateur d'âge moyen peut trouver intérêt à récupérer un bien en cas de prédécès du donataire, mais qu'à partir d'un certain âge cette préoccupation n'a plus de sens.

Les effets du retour conventionnel

- Avant le prédécès ( pendente conditione ). - Le donataire ne subit aucune restriction dans son droit de propriété. Aussi il peut non seulement accomplir des actes de conservation ou d'administration, mais aussi des actes de disposition. Il peut donc vendre ou donner les biens reçus. Toutefois, l'exercice de cette propriété est relativement limité et s'explique par les effets du droit de retour lorsqu'il entre en jeu.

La subrogation et le droit de retour

Le donateur pourrait-il imposer que le droit de retour s'applique non seulement au bien donné, mais aussi au bien acquis par le donataire en remplacement de ce bien ? Au décès du donataire, les biens qu'il aurait acquis par subrogation devraient être restitués au donateur. La doctrine est divisée : certains auteurs admettent que la subrogation pourrait être prévue pour l'exercice du retour , d'autres y sont farouchement opposés . Nous rejoignons l'éclairante démonstration de M. Michel Grimaldi qui refuse une telle extension conventionnelle du droit de retour. Rappelons ses arguments :
  • l'argument tiré de la notion même de retour : « un retour ne peut ramener un bien que là d'où il est parti » ;
  • l'argument tiré de la nature de condition résolutoire du retour qui opère par rétroactivité. Ici la rétroactivité ne permet pas de faire revenir le bien dans le patrimoine du donateur, le retour au statu quo ante est donc illusoire ;
  • l'argument tiré de la finalité du retour qui est la conservation des biens dans la famille pour éviter que les biens donnés passent, du vivant du donateur, dans un patrimoine étranger ;
  • enfin le droit de retour est un pacte sur succession future exceptionnellement autorisé. Or cette restitution par la subrogation ferait entrer à l'évidence la convention dans la prohibition générale des pactes sur succession future.
Sans compter les arguments d'ordre fiscal et pratique ! Si le remploi ne devait être que partiel… aurait-on un droit de retour sur une partie indivise du bien ? Ou bien faudrait-il faire naître une dette de valeur à la charge du donateur ?… Qu'en serait-il exactement sur le plan de la publicité foncière et de l'opposabilité aux tiers de ce droit de retour sur les biens dont l'origine de propriété n'est pas une donation, mais une acquisition ?… Difficile de repérer ce droit de retour qui, pourtant, serait un sérieux risque d'éviction pour les tiers acquéreurs. Sans doute faut-il ici distinguer. De deux choses l'une : soit, au moment de l'acquisition, il a été fait mention dans l'acte de l'origine des fonds et de la subrogation, quant aux conditions de la donation, sur le bien nouvellement acquis. Dans ce cas, la publication du titre entraînera information des tiers et, par voie de conséquence, opposabilité à leur encontre du droit de retour ainsi inscrit sur le bien subrogé. Soit rien n'est indiqué, et ce droit ne leur sera alors pas opposable.
- Au prédécès du donateur (et de ses descendants). - Ce sont les effets classiques de la condition résolutoire. La donation est donc anéantie et le bien restitué au donateur, c'est un retour au statu quo ante : les choses sont remises en l'état dans la situation précédant la donation. Il faut distinguer selon la nature des actes accomplis par le donataire avant le jeu de la condition :
  • les actes conservatoires sont maintenus ;
  • les actes d'administration sont eux aussi maintenus, de sorte que les contrats de baux consentis sur le bien sont opposables au donateur ; l'exercice du droit de retour ne provoque pas la restitution des fruits perçus avant la résolution. Par contre, les fruits perçus après le décès du donataire ou des descendants doivent être restitués au donateur ;
  • les actes de disposition sont résolus rétroactivement. Dans l'hypothèse où le donataire a apporté une plus-value au bien, le donateur devra indemniser sa succession par application de la théorie des impenses. Les impenses nécessaires ou simplement utiles seront remboursées respectivement selon la dépense faite ou le profit subsistant (s'il n'y a pas de plus-value, l'impense utile ne sera pas remboursée). Toutefois, les dépenses d'entretien ou somptuaires ne feront l'objet d'aucun rétablissement.
- L'interdiction d'aliéner. - Nous venons de voir que, comme la condition résolutoire, le droit de retour tant qu'il n'est pas accompli ne porte pas atteinte, au moins sur le plan théorique, aux droits du donataire. Toutefois, le risque pour le donateur est d'avoir des difficultés à le mettre en œuvre en raison d'une succession d'actes de disposition sur le bien qu'il aurait du mal, en fait, à récupérer. Aussi la stipulation du droit de retour est presque systématiquement assortie d'une interdiction d'aliéner. La licéité de cette clause est incontestable dans la mesure où elle est la garantie d'un droit reconnu par le Code civil et que, par la force des choses, ses effets sont limités dans le temps .
- La renonciation au droit de retour. - Avant son exécution, le droit de retour peut faire l'objet d'une renonciation de la part de celui au profit duquel il a été réservé. Ce sera le cas lorsque le donataire voudra aliéner le bien sans faire courir le risque à son acquéreur d'être évincé par le jeu de ce retour . Cette renonciation est bien connue de la pratique. La question plus embarrassante est celle de savoir si, une fois le prédécès du donataire survenu, le donateur peut y renoncer. La doctrine était divisée . Il semble que depuis la réforme du droit des obligations - et dans la mesure où le droit de retour conventionnel n'étant qu'un modèle de condition résolutoire, son jeu opère de plein droit -, la seule survenance du prédécès suffit. En effet cette règle découle d'une lecture a contrario de l'article 1304-4 du Code civil. Cela, avouons-le, peut être légèrement embarrassant pour le donateur qui aurait peut-être aimé apprécier l'opportunité de l'exercice de ce retour le jour où il se produit. Mais il est désormais admis que dans la rédaction du droit de retour on puisse stipuler, comme pour la condition résolutoire, cette faculté pour le donateur d'y renoncer même après la survenance du décès .
- Fiscalité et publicité foncière. - Le retour s'accompagne de tous les effets de la résolution rétroactive de l'acte. Aussi, sur demande, les droits de mutation seront restitués par l'administration fiscale sauf à les imputer sur ceux dus en raison d'une donation faite à un autre descendant dans les cinq ans (CGI, art. 791 ter, al. 2). Par ailleurs, pour les biens immobiliers, l'exécution de ce retour doit faire l'objet d'un acte qui sera, quant à lui, soumis à la taxe de publicité foncière.

Formules : clauses de droit de retour conventionnel

• <strong>Retour en cas de prédécès du donataire</strong>

LE DONATEUR fait réserve expresse à son profit du droit de retour sur le bien donné pour le cas où LE DONATAIRE décéderait avant lui, conformément aux articles 951 et 952 du Code civil.

Ce droit de retour aura lieu si bon semble au DONATEUR, lequel disposera d'un délai d'un mois à compter de la mise en demeure faite par les héritiers du DONATAIRE pour faire connaître sa décision. À défaut de réponse, le DONATEUR sera présumé vouloir exécuter ce retour.

• <strong>Retour en cas de prédécès du donateur et d'absence de descendant</strong>

Le DONATEUR fait réserve expresse à son profit du droit de retour sur le bien donné pour le cas où le DONATAIRE décéderait avant lui sans lui-même laisser de descendant, conformément aux articles 951 et 952 du Code civil.

Ce droit de retour aura lieu si bon semble au DONATEUR, lequel disposera d'un délai d'un mois à compter de la mise en demeure faite par les héritiers du DONATAIRE pour faire connaître sa décision. À défaut de réponse, le DONATEUR sera présumé vouloir exécuter ce retour.

• <strong>Retour sans interdiction d'aliéner</strong>

<em>Ajouter à l'une ou l'autre des formules ci-dessus :</em>

Le DONATEUR reconnaît ne pas avoir voulu imposer au DONATAIRE d'interdiction d'aliéner et d'hypothéquer à la garantie de l'exécution de ce droit de retour. Il reconnaît avoir été informé des conséquences de l'absence d'une telle interdiction.

La clause de révocation pour survenance d'enfant

- Nécessité de la prévoir. - Pour les donations consenties avant le 1er janvier 2007 (entrée en vigueur de la réforme du 23 juin 2006), la révocation pour survenance d'enfant a un caractère légal et automatique. Aucun besoin d'une décision judiciaire, et si le juge devait statuer, il serait lié dans son prononcé dès lors que les conditions sont réunies. Il n'était pas utile de la prévoir dans la donation et elle opérait de plein droit. Le donateur ne peut même pas renoncer à cette révocation. À compter du 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur du nouvel article 960 du Code civil, la révocation pour survenance d'enfant ne peut être invoquée que si l'acte de donation le prévoit expressément. Rappelons rapidement les conditions que doit remplir cette révocation :
  • le donateur ne doit pas avoir d'enfant vivant au jour de la donation. Ainsi cette révocation ne peut jouer si, au jour de la donation, le donateur a un enfant vivant décédé postérieurement à la donation ;
  • la révocation pour survenance d'enfant ne vise que le cas où le donateur n'a aucun enfant. Aussi jamais la révocation ne pourra être invoquée si le donateur a un enfant supplémentaire. Dans cette hypothèse, le rapport suffira pour garantir l'égalité entre les héritiers ;
  • la clause de révocation pour survenance d'enfant doit figurer dans l'acte ;
  • la révocation n'opère pas automatiquement. Il est nécessaire d'intenter une action en justice dans les cinq ans à compter de l'adoption ou de la naissance du dernier enfant. Le juge constate l'existence des conditions de la révocation et la prononce. Par contre, cette révocation a lieu de plein droit ; le juge est lié et il n'a pas de pouvoir d'appréciation.

Formule : clause de révocation en cas de survenance d'enfant

Le donateur, conformément à l'article 960 du Code civil, entend que la présente donation pourra être révoquée en cas de survenance d'enfant, ce qui est accepté par le donataire. La révocation aura lieu dans les formes et aux conditions légales. Cette révocation pourra être exercée dans le délai de cinq années à compter de la naissance ou de l'adoption du dernier enfant.

La clause résolutoire

- Validité de la clause de résolution de plein droit. - Jadis la clause prévoyant que la donation serait résolue sans avoir recours au juge était contestée, car contraire à la lettre de l'article 956 du Code civil. La jurisprudence s'est montrée assez tôt favorable à ces clauses résolutoires . La réforme du droit des obligations a entériné la validité des clauses résolutoires dans tous les contrats et donc dans les donations, tout en en précisant les conditions.
- Les conditions de la clause résolutoire. - L'article 1225 du Code civil issu de la réforme du droit des obligations précise les conditions que doit respecter la clause de résolution unilatérale qui avait été admise par l'arrêt Tocqueville .
Les conditions de validité de cette clause appliquées aux donations sont les suivantes :
  • elle doit être expressément prévue dans l'acte de donation. Elle doit être non équivoque ;
  • elle doit préciser l'obligation dont le non-respect entraînera la mise en œuvre de la résolution. À la différence de la résolution unilatérale ou judiciaire, le jeu de cette résolution n'est pas soumis à l'exigence de gravité. Il suffit que l'obligation non respectée par le donataire soit visée par la donation. La question qui reste posée est de savoir si « une clause balai », c'est-à-dire qui prévoirait le jeu de la résolution conventionnelle pour toutes les clauses, conditions et charges de l'acte serait valable. La doctrine majoritaire ainsi que les débats parlementaires semblent favorables à cette interprétation extensive . Toutefois, eu égard à l'absence de position jurisprudentielle, il est conseillé au notaire rédacteur de la donation d'être à la fois général et précis (V. infra, no , formule) ;
  • la clause résolutoire doit prévoir ses modalités d'exécution : une grande liberté est donnée aux contractants qui peuvent organiser les conditions de la résolution en cas d'inexécution. La seule exigence est celle d'une mise en demeure préalable. Cette condition peut également être écartée par les parties elles-mêmes en prévoyant que la résolution résulterait de la seule inexécution (C. civ., art. 1225, al. 2) .
- La mise en œuvre de la clause résolutoire. - Le donateur, créancier, doit mettre en demeure le donataire de s'exécuter en rappelant qu'il entend faire valoir cette clause résolutoire. En l'absence d'exécution des obligations par le donataire dans le délai prévu dans la clause, la donation sera résolue. La mise en demeure devra respecter les règles de forme prévues au contrat lui-même, lettre recommandée ou acte d'huissier. Il est une autre condition dans l'exercice de cette condition résolutoire : celle de la bonne foi . En effet, il n'est pas question pour le donateur, afin de récupérer son bien, de prétexter une inexécution futile que pendant longtemps il a tolérée. Il s'agit tout simplement d'une application de l'exigence de bonne foi qui s'impose aux contractants tout au long du process contractuel (C. civ., art. 1104).

Clause résolutoire

« En application de l'article 1226 du Code civil, donateur et donataire sont expressément convenus qu'en cas d'inexécution par le donataire d'une ou de plusieurs des charges lui incombant en vertu des présentes, dont celles suivantes :

La résolution sera constatée par un acte notarié dressé à la requête du donateur. Le notaire procédera à toutes les formalités, notamment celles de publicité foncière. Les frais dudit acte seront avancés par le donateur qui pourra les réclamer au donataire, ce qui est expressément accepté par lui. »

La clause pénale

- Renvoi au droit commun des contrats. - Dans une donation simple, la clause pénale se conçoit parfaitement en cas d'inexécution des charges imposées au donataire. Elle sera un simple complément à la clause résolutoire et permettra au donateur d'être éventuellement indemnisé du préjudice qu'il subit du fait de l'inexécution fautive ou de la non-exécution du donataire. Cette pénalité (pour reprendre les termes de la réforme du droit des obligations) est l'allocation d'une somme forfaitaire au donateur pour le couvrir de son préjudice. Le juge est toutefois autorisé à réviser la clause pénale qui serait manifestement excessive. Cette faculté est d'ordre public et les parties ne pourraient exclure cette possibilité de réduction judiciaire de la pénalité (C. civ., art. 1231-5, al. 2 à 4) .
- Les « clauses pénales » dans les donations-partages : renvoi. - Il est couramment appelée « clause pénale » la clause qui, dans une donation-partage, priverait un des copartagés de droits sur tel ou tel bien ou sur la quotité disponible s'il venait à attaquer le partage ou intenter une action en réduction contre l'un ou l'autre de ses cohéritiers. Ces clauses, dont la qualification de « clause pénale » est contestable dans la mesure où le copartagé ne fait qu'exercer un droit et n'est pas « en faute », sont à manipuler désormais avec la plus grande précaution, leur validité étant douteuse à plusieurs titres. Nous les aborderons avec plus de précision lorsque nous traiterons des donations-partages.

L'interdiction d'aliéner : la protection de l'exécution des charges

- Une possibilité de principe, mais doublement limitée. - En inscrivant à l'article 900-1 du Code civil la licéité des clauses d'inaliénabilité, le législateur de 1971 n'a fait qu'entériner une jurisprudence de la Cour de cassation . La clause d'inaliénabilité n'est valable que si elle limitée dans le temps et justifiée par un intérêt sérieux et légitime . Cet intérêt est apprécié souverainement par les juges du fond. L'article 900-1 a même innové par rapport à la jurisprudence qui a rendu licite cette clause en permettant de lever cette interdiction faite au donataire si l'intérêt qui l'avait justifié a disparu ou si un intérêt supérieur ultérieur justifie sa suppression.
Cet intérêt est parfaitement présent lorsque la donation est assortie d'une réserve d'un droit d'usufruit ou de jouissance, du versement d'une rente, de l'obligation de soins et d'hébergement, d'un droit de retour, et de la charge d'incorporer à une donation-partage future si sa licéité est admise .
- Les effets de l'interdiction d'aliéner. - La clause a des effets radicaux : elle interdit au donataire d'aliéner, sous quelque forme que ce soit, la chose donnée sous peine de nullité de l'acte d'aliénation. Ses effets, s'ils permettent la prise d'une inscription d'hypothèque judiciaire ou légale, n'autorisent pas la mise en œuvre d'une saisie . L'interdiction d'aliéner induit nécessairement l'interdiction d'hypothéquer. Il est possible que le donateur renonce à cette interdiction soit à l'occasion d'un acte d'aliénation que souhaite accomplir le donataire, soit « en blanc » ; c'est une charge de la donation qui disparaît. Cette renonciation, si elle porte sur un immeuble, doit être publiée au fichier immobilier. La Cour de cassation a, dans une espèce récente, estimé que l'autorisation par le donateur d'hypothéquer le bien donné vaut renonciation implicite tant à l'interdiction d'aliéner qu'au droit de retour qu'il s'était réservé .
- Conclusion sur l'interdiction d'aliéner : une vraie protection. - La clause d'inaliénabilité est l'une des meilleures protections que le donateur peut prévoir pour lui et pour ses proches. En effet, elle peut être stipulée à son bénéfice pour garantir un droit qu'il tient de l'acte de donation (réserve d'usufruit, rente, droit de retour). Elle peut être stipulée dans le souci de protéger le donataire contre son inexpérience, de protéger le patrimoine ou l'entreprise familiale (bloc d'actions qui contribue à la majorité familiale), etc.

Protéger en préservant l'avenir du donateur

Préserver l'avenir économique du donateur et de son conjoint

- La réserve d'usufruit. - Nous ne reviendrons pas sur le démembrement de propriété et la répartition de ses attributs qui en résulte entre plusieurs personnes. Dans beaucoup de donations, le donateur se réserve l'usufruit du bien donné ce qui lui permet, tout en ayant transmis la propriété du bien de manière irrévocable, d'en conserver l'utilité économique, le donateur, nu-propriétaire, ne recevant que les attributs correspondant à l'abusus. La réserve d'usufruit est fréquente dans les donations puisqu'elle permet de répondre au souci de transmettre son bien, c'est-à-dire protéger son donataire, en ménageant ses propres intérêts. L'acte de donation qui provoque ce démembrement de propriété doit organiser cette répartition des droits mais aussi celle des pouvoirs entre donateur et nu-propriétaire, car il peut arriver que les règles du Code civil ne donnent pas pleine et entière satisfaction. Ainsi le notaire sera particulièrement avisé de demander si les parties entendent déroger à la répartition légale des travaux, à l'obligation d'emploi et à l'obligation pour le nu-propriétaire donateur de fournir caution. En cas de donation sur des droits sociaux, les droits et les pouvoirs des uns et des autres pourront également être aménagés dans les statuts de la société. Le droit offre une liberté qui permet de s'adapter aux situations des personnes et de répondre à leurs préoccupations. Pour cette organisation du démembrement de propriété, nous renvoyons au chapitre qui lui est consacré. Dans l'autre sens, le donateur peut ne donner qu'un usufruit viager ou temporaire à un donataire, souhaitant lui transmettre ou l'usage d'un bien déterminé, ou les revenus qu'il peut procurer.
- La réversion d'usufruit. - Non seulement le donateur peut se réserver la vie durant l'usufruit du bien qu'il donne, mais il peut en outre stipuler que cet usufruit, à son décès, se reportera sur la tête de telle ou telle personne pour finalement durer jusqu'à son décès ou jusqu'à l'expiration d'un délai (usufruit temporaire). Cette possibilité a longtemps été qualifiée de donation de bien futur et donc frappée, sauf entre époux où elle est spécialement autorisée, de nullité au titre de la prohibition des pactes sur succession future . La jurisprudence a évolué et il est désormais admis que la réversion d'usufruit est une donation à terme de bien présent . Nous pouvons en tirer deux conséquences importantes :
  • la réversion d'usufruit peut être stipulée au bénéfice de toute personne ; elle n'est plus réservée à l'époux ou à l'épouse, pourvu que le bénéficiaire l'accepte dans l'acte ;
  • pour les époux, puisqu'il s'agit d'une donation de bien présent, elle n'est plus révocable.
La réversion d'usufruit est donc un outil de protection précieux soit au bénéfice d'un partenaire, d'un ascendant, soit même d'un enfant dont le besoin de protection est plus important que celui des autres. Elle gagne donc à être pratiquée, car elle peut répondre à de nombreux besoins.
- Les charges d'entretenir et de recueillir le donateur. - Le donateur peut également, dans l'acte de donation, imposer à son donataire de lui prodiguer des soins, de lui verser des aliments, de l'accueillir tant en santé qu'en maladie chez lui ou dans le bien donné, de participer aux frais d'hébergement en maison de retraite. Ces charges ne doivent, bien évidemment, pas être contraires à l'ordre public. Si elles deviennent trop lourdes pour le donataire, le juge peut l'en relever. Elles peuvent justifier à elles seules l'interdiction d'aliéner que nous avons déjà étudiée.

Préserver sa liberté de gratifier d'autres personnes

Ces clauses que l'on peut insérer dans un acte de donation prédéfinissent des règles liquidatives dérogatoires au droit commun. Elles ont toutes pour objectif que le donateur, tout en donnant, conserve sa faculté de disposer à titre gratuit en faveur de toute personne. Ces clauses vont aménager le rapport à succession et la réduction des libéralités. Nous envisagerons donc successivement la clause d'imputation sur la réserve globale (A), puis la clause imposant « le rapport » en cas de renonciation à la succession (B).

La clause d'imputation sur la réserve globale

- Mécanisme. - L'article 919-1 du Code civil dispose que la donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire acceptant s'impute principalement sur sa part de réserve et subsidiairement sur la quotité disponible. Cela signifie que sur le plan de l'imputation des donations, la réserve individuelle de chaque réservataire est prise en compte et c'est sur cette part de réserve individuelle que s'impute la donation. Si la part de réserve individuelle ne suffit pas (si la donation la dépasse), alors le surplus s'impute sur la quotité disponible. Si elle le dépasse, elle est alors réductible à hauteur de cet excès. Les parts de réserve des autres héritiers ne sont pas touchées. Pour autant, la donation étant rapportable, tous les héritiers en bénéficieront. La règle paraît logique. Elle peut néanmoins ne pas donner entière satisfaction si le de cujus a fait des libéralités ultérieures. En effet, ces libéralités ultérieures pourront ne pas recevoir pleine et entière exécution puisque le disponible aura été amputé des donations faites aux héritiers qui en réalité bénéficient du rapport et ne sont donc pas lésés. Aussi le texte lui-même prévoit que la donation peut déroger à cette règle d'imputation en stipulant que la donation s'imputera non pas sur la réserve du gratifié mais sur la réserve globale , celle de tous les réservataires, et subsidiairement sur la quotité disponible.
- Effets. - Au-delà des questions purement théoriques que pose cette clause, nous pouvons simplement insister sur ses effets : les donations rapportables seront imputées sur la totalité de la réserve héréditaire avant de venir entamer le disponible. Son atout est donc de retarder le plus tard possible la perte pour le disposant de sa faculté de disposer à titre gratuit hors part successorale. Cette clause est vivement conseillée dans la mesure où elle protège la faculté pour le disposant de gratifier ultérieurement en fonction de ce que la vie lui réservera.
Les effets de cette clause d'imputation sur la réserve globale, s'ils permettent au disposant de se ménager du disponible, peuvent être déjoués par la seule volonté de l'héritier-donataire simplement en renonçant à la succession. Cette clause, à elle seule, n'est pas suffisante pour garantir cette volonté du disposant de préserver son disponible.

Exemple

Le défunt laisse deux enfants A et B.
B a reçu une donation en avancement de part successorale de 300. Il a institué sa compagne C comme légataire universelle.
Calcul de la quotité disponible et de la réserve :
Tableau à venir
Imputation
1) En l'absence de clause d'imputation de la réserve globale
La donation faite à B s'impute sur sa part de réserve qu'elle absorbe en totalité :
200 - 300.
Le surplus s'impute sur la quotité disponible et il reste disponible :
200 - 100 = 100.
Le legs fait à C ne peut s'exécuter qu'à hauteur de 100.
2) Avec clause d'imputation sur la réserve globale
La donation faite à B s'impute sur la réserve globale (400 - 300 = 100) qu'elle ne dépasse pas, la quotité disponible reste intacte et C peut donc bénéficier d'un legs de 200.
Conclusion
Avec la clause d'imputation sur la réserve globale, le donateur préserve son disponible mais ne remet pas en cause l'égalité entre ses héritiers débiteurs du rapport.

Formule de clause d'imputation sur la réserve globale

Par dérogation à l'article 919-1, la présente donation en avancement de part successorale s'imputera prioritairement sur la réserve globale des héritiers et subsidiairement sur la quotité disponible.

La clause de rapport en cas de renonciation

- Rappel sur les effets de la renonciation à succession. - Le droit à renoncer à une succession est un droit fondamental et une liberté individuelle. Cette branche de l'option successorale ne peut s'exercer qu'au décès du de cujus et il ne peut y avoir renonciation par anticipation. On voit bien la difficulté ou le paradoxe qui peut exister entre la volonté d'anticiper le règlement d'une succession selon une dévolution légale par le biais de donation en avancement de part successorale et la liberté totale, discrétionnaire, que le présomptif aura de renoncer à la succession de celui qui, en lui donnant certains de ses biens, avait voulu anticiper.
Rappelons que l'héritier renonçant est censé n'avoir jamais hérité (C. civ., art. 805, al. 1) et que s'il a reçu des donations en avancement de part successorale, n'étant plus rapportables, elles viennent s'imputer à leur date sur la quotité disponible (C. civ., art. 845) : « La libéralité conserve sa date mais change d'assiette » .
- Les conséquences malheureuses. - La renonciation par l'héritier donataire à la succession aura pour effet de déjouer complètement les prévisions du de cujus quant aux libéralités qu'il avait pu faire sur son disponible. En effet, dans son esprit, les donations rapportables devaient s'imputer à titre principal sur la réserve individuelle du donataire, voire sur la réserve globale, et ce n'est qu'à titre secondaire qu'elles pouvaient venir grignoter le disponible. Par la renonciation, la règle d'imputation va s'inverser et c'est le disponible qui va être mangé par la donation devenue préciputaire par la seule renonciation, acte unilatéral s'il en est. Les donations ultérieures, notamment celles consenties hors part successorale et les legs risquent d'être réduits, voire impossibles à exécuter faute de disponible. Cette règle permet ainsi aux héritiers de mettre en place une stratégie de la renonciation pour barrer la route de la succession à des tiers bénéficiaires de libéralités.
Cette situation est également à rapprocher de la nouvelle règle qui veut que le renonçant n'est plus pris en compte pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible. La renonciation peut également avoir pour effet d'augmenter le disponible. En renonçant, le donataire non seulement s'extrait du rapport qui l'obligeait à partager ce qu'il avait déjà reçu, mais cela lui permet aussi de minimiser le risque de réduction…
Le législateur de 2006, dans son élan de libéralisme, a proposé une parade à cette situation, en permettant de prévoir dans la donation « une clause de rapport en cas de renonciation ». Nous verrons que si cette nouveauté va dans une bonne direction, elle n'est pas suffisante.

Les effets de la renonciation sur le rapport : en l'absence de la clause imposant le rapport

Premier exemple : la rupture de l'égalité provoquée par la renonciation
Le de cujus a six enfants : Aubin, Pierre, Domitille, Hugues, Quitterie et Foucauld. Il a consenti à Aubin une donation en avancement de part successorale de 800 (valeur au décès). Ses biens existants au décès sont de 400. En l'absence de renonciation, le rapport est de 800 et l'actif à partager de 1 200. Chacun reçoit 200. Aubin doit simplement verser aux autres 600. Si Aubin renonce, sa donation s'impute sur le disponible qui est d'un quart, soit 300. Elle est réductible pour 500, qu'il doit verser à ses frères et sœurs. On voit bien que sa renonciation lui fait gagner 100 et rompt l'égalité dans la fratrie, car il n'est pas astreint au rapport.
Second exemple : la méconnaissance des dernières volontés du de cujus
Le de cujus a quatre enfants : Paul, Marc, Étienne et Philomène. Il est veuf et a une compagne, Élisabeth. Il a consenti une donation à chacun de Marc, Étienne et Philomène de biens qui valent 400 et à Paul 600. Les biens existants, à son décès, sont de 300. Le de cujus a fait un legs au bénéfice d'Élisabeth, sa compagne, portant sur les biens existants :
La masse de calcul de la quotité disponible est de :
400 × 3 + 600 + 300 = 2 100
et la QD est de ¼, soit : 575.
En l'absence de renonciation, le legs des biens existants fait au profit d'Élisabeth peut s'exécuter intégralement puisqu'il est inférieur à la quotité disponible.
Les enfants, par le rapport auquel ils sont tenus, reçoivent chacun 450.
Si Paul, l'un des enfants, renonce, alors la QD est non seulement totalement utilisée mais dépassée par l'imputation de sa donation de 600 (elle est réductible de 25).
Le legs fait à Élisabeth ne peut s'exécuter.
Paul reçoit 575 et les autres enfants se partagent le reste, soit 508,33.
Cette renonciation est profitable à tous les enfants.
- Le remède : la clause de rapport en cas de renonciation. - La seconde partie de l'article 845 du Code civil autorise la stipulation dans l'acte de donation d'une clause imposant le rapport en cas de renonciation . La présence de cette clause va avoir deux effets sur les règles liquidatives :
  • l'héritier renonçant va être pris en compte pour le calcul de la réserve héréditaire et la quotité disponible (C. civ., art. 913 in fine) ;
  • l'héritier renonçant pourra être amené à dédommager les autres héritiers lorsque la « valeur rapportée » au titre de la donation qu'il a reçue va dépasser les droits qu'il aurait eus s'il avait participé au partage. Ce dédommagement sera égal à cet excédent.

Les effets de la renonciation sur le rapport : en présence de la clause imposant le rapport

Reprenons les précédents exemples en leur appliquant les règles liquidatives imposées par la clause de rapport :
Premier exemple
Aubin, s'il n'avait pas renoncé, aurait reçu 200. Il a reçu en réalité 800. Il verse donc 600, mais à ses frères et sœurs qui reçoivent chacun 200 : l'égalité initialement voulue est obtenue !
Second exemple
Paul, s'il n'avait pas renoncé aurait reçu :
2 100 (total des biens) - 300 (legs) = 1 800 / 4, soit 450.
Il a reçu 600 et il doit indemniser ses frères et sœur pour 150.
Au final :
Paul reçoit 450,
Marc, Étienne et Philomène reçoivent 450.
Élisabeth reçoit 300.
L'égalité entre les enfants est ainsi préservée et le legs fait à la compagne s'exécute.

Formule : la clause de rapport en cas de renonciation

À titre de condition essentielle et déterminante, le DONATEUR impose au DONATAIRE qui s'y soumet, dans le cas où il viendrait à renoncer à la succession du DONATEUR, de rapporter la présente donation conformément à l'article 845 du Code civil.

DONATEUR et DONATAIRE reconnaissent avoir été informés par le notaire soussigné des conséquences de cette stipulation quant au règlement de la succession du DONATEUR.

- Un remède moyennement satisfaisant. - Il est vivement conseillé d'insérer dans les donations la clause imposant le rapport en cas de renonciation , car si l'impact liquidatif est relativement complexe, elle est dotée d'une force dissuasive certaine. En effet, l'existence de la clause qui, au final, fait que l'héritier renonçant ne peut tirer aucun bénéfice de sa renonciation, va l'inciter à ne pas procéder à de telles renonciations calculées. Néanmoins, la clause peut provoquer de réelles injustices si le défunt a consenti plusieurs donations et que certaines contiennent cette clause alors que les autres non. Il s'ensuivra une injustice totale de traitement entre les héritiers. La solution serait de rendre homogènes les donations établissant un acte complémentaire prévoyant le rapport en cas de renonciation pour chacune .
- De lege ferenda . - On ne peut que louer le législateur d'avoir voulu remédier aux effets pervers d'une renonciation calculée. Néanmoins, il est permis de penser qu'en voulant entrer dans une distinction purement liquidative, il n'a pas été en mesure d'envisager tous les cas qui peuvent se présenter et ainsi l'objectif initial n'est que partiellement atteint. Aussi nous pouvons, avec M. Charles Bahurel, estimer qu'il y aurait une solution plus simple et sans doute plus juste. Il s'agirait non plus de jouer sur l'assiette de l'imputation, mais sur sa date en édictant la règle selon laquelle la donation rapportable faite à un renonçant s'imputera non pas à sa date, mais en dernier lieu après les legs .

Protéger le dessein successoral du donateur

La charge imposant l'incorporation à une donation-partage future

- Rappel sur l'incorporation à une donation-partage. - On sait que la donation-partage, jadis le partage d'ascendant, permet d'attribuer à un des copartagés le bien qu'il avait reçu auparavant dans une donation . Il est alloti d'un bien qu'il a déjà reçu. Ce mécanisme d'incorporation sera étudié avec davantage de précision avec les donations-partages. La question que nous nous posons ici est celle de savoir si, en toute légalité, un donateur peut, dans la donation qu'il consent, imposer au titre des charges l'obligation pour le donataire d'incorporer une donation-partage ultérieure qu'il ferait à ses présomptifs héritiers. Après quelques discussions doctrinales, l'incorporation s'analyse aujourd'hui comme un mutuus dissensus, la donation est ainsi conventionnellement révoquée pour aboutir à cet allotissement .
- Intérêt de la clause. - On voit bien au travers de cette clause la préoccupation du donateur. Il a plusieurs enfants, il donne à l'un mais pas aux autres. Les raisons de cette situation peuvent être multiples :
  • la consistance actuelle de son patrimoine ne le permet pas (il veut donner une somme d'argent à chacun de ses enfants, mais pour l'instant il n'a pas les liquidités suffisantes pour tous les allotir et celui à qui il donne a un besoin immédiat d'argent car il achète son logement) ;
  • la situation juridique de certains biens ne lui permet pas d'en disposer librement (il a deux appartements de valeur identique qu'il pourrait donner à chacun de ses deux enfants, mais pour l'un il reste lié par des engagements fiscaux lui ayant procuré des avantages qui seraient remis en cause par la donation) ;
  • la situation purement personnelle ou familiale (le dernier de ses enfants est trop jeune pour recevoir un tel bien, l'un d'eux est en instance de divorce et une donation risquerait d'alourdir la prestation compensatoire qu'il pourrait devoir, etc.).
Ce donateur pourrait-il, par une charge de la donation, signifier au donataire que non seulement il s'agit d'une donation en avancement de part successorale, mais également d'une « avance sur donation-partage » à laquelle il s'engage de participer ? Cette préoccupation peut même revêtir un caractère essentiel et déterminant dans cette donation simple qui ne serait qu'une première étape vers une libéralité-partage. Le refus par ce donataire d'y participer mettrait en péril son projet successoral .

La licéité de la clause

- Les obstacles à la licéité de la clause. - Il est permis de douter de cette charge à plusieurs titres. En effet, ne s'opposerait-elle pas au principe d'irrévocabilité spéciale des donations, le donateur donnant provisoirement puisque le donataire devra remettre le bien sur la table de la donation-partage ? Les conditions de la donation seraient, elles aussi, modifiées (valeur). De plus, cette clause ne porterait-elle pas atteinte à cette liberté dont dispose le présomptif héritier de renoncer à une donation et à une donation-partage ? Cette restriction ne serait-elle pas trop attentatoire à la liberté individuelle contractuelle, et spécialement en matière de donation ? Si l'on s'arrête à cette analyse, une telle charge prévue dans la donation serait frappée de nullité.
- Les éléments en faveur de la validité de la clause. - L'incorporation peut apparaître comme une atteinte au principe d'irrévocabilité spéciale des donations. À cela on peut répondre qu'en dehors du cas où le bien incorporé est attribué à un autre que le donataire, c'est-à-dire dans le cas le plus fréquent où le donataire initial est attributaire de ce qu'il a déjà reçu, il n'y a pas véritablement remise en cause de sa propriété, puisqu'il conserve le bien. La seule exigence de l'incorporation à une donation-partage étant le consentement du donataire, pourquoi ne pourrait-il pas donner son consentement par anticipation ? Il s'agit là du consentement à l'incorporation et non pas de l'acceptation à la donation-partage, qui sera l'étape suivante. Si cette incorporation est possible dans le testament-partage pour les donations en avancement de part successorale, pourquoi ne serait-il pas possible de le prévoir dans la donation ? Car, en cas de refus de ce donataire, le de cujus pourrait valablement opérer par un testament-partage qui, finalement, lui serait peut-être plus défavorable (absence de gel des valeurs). Cette dernière observation ne vaut à l'évidence pas pour l'incorporation d'une donation hors part successorale qui, dans la donation-partage, change véritablement de nature.
- La sanction en cas d'illicéité de la charge d'incorporation. - Il faut distinguer si la charge revêt un caractère essentiel et déterminant ou pas :
  • dans le premier cas, qui risque d'être fréquent, la nullité de la charge d'incorporation entraînerait également la nullité de la donation dans sa globalité et le retour au statu quo ante. Au donataire qui l'invoque de restituer le bien qu'il a reçu… ;
  • si cette clause n'a pas un caractère aussi important, alors elle sera simplement réputée non écrite et le reste de l'acte produira tous ses effets.
- En conclusion. - La question de la licéité de cette charge d'incorporer la donation à une donation-partage future ne peut-être que nuancée :
  • dans une donation consentie hors part successorale, elle est à proscrire car contradictoire avec l'idée même d'un avantage préciputaire ;
  • la clause ne doit pas conduire à obliger le donataire à remettre le bien qu'il a reçu dans la donation-partage pour qu'il soit attribué à un autre copartagé. Ce procédé parfaitement licite ne peut avoir lieu que du consentement du donataire initial qui se voit attribuer un autre bien en remplacement ;
  • la clause doit sans doute être assez précise quant à l'évaluation du bien incorporé. Le bien doit bien évidemment être estimé à la date de l'incorporation mais dans l'état au jour il a été reçu. Cette estimation peut être faite à dire d'expert ou par la moyenne de plusieurs avis de valeur établis par des professionnels. La clause doit être assez précise à ce sujet ;
  • enfin, il est sans doute prudent de prévoir un certain délai dans lequel la donation-partage doit intervenir.