- Mesure de représentation. - La loi ne définit pas le mandat de protection future. On peut considérer qu'il s'agit d'un « mandat de représentation d'une personne physique, lorsque celle-ci, hors d'état de manifester sa volonté, ne peut plus pourvoir seule à ses intérêts, dans les actes de la vie civile, personnelle et patrimoniale »
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Élargir l'objet du mandat à l'assistance pour couvrir la zone grise ?
Une piste de réflexion sérieuse concernant le mandat de protection future conduirait, sous l'influence du rapport Caron-Déglise, à « prévoir la possibilité d'une assistance dans le mandat de protection future, à l'image de l'assistance proposée dans l'habilitation familiale »
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Aujourd'hui, on peut constater et regretter que la « zone grise » de vulnérabilité ne soit pas couverte par le mandat de protection future qui, après sa signature, n'est destiné à prendre effet, sans phase de transition, qu'une fois le mandant hors d'état de manifester sa volonté. La période qui s'écoule entre la lucidité et l'inaptitude fait l'objet aujourd'hui d'une organisation parcellaire, au mieux par la signature d'un mandat ordinaire général ou, à défaut, par le recours à des procurations ponctuelles. Pendant ce temps, le mandat de protection future signé est en sommeil, au point où, si le majeur éprouve le besoin d'être conseillé et contrôlé dans les actes de la vie civile, il devra alors être placé sous le régime de la curatelle. L'idée serait donc de permettre une protection graduée progressive et adaptée dans le cadre du seul mandat de protection future, en conférant un double visage à ce dernier : un mandat-assistance, dont les règles de la curatelle constitueraient le modèle, et un mandat-représentation, qui constitue aujourd'hui le droit positif, dont les règles sont influencées par celles de la tutelle. Ce mandat-assistance permettrait de couvrir des situations où le mandant commence à constater que ses facultés déclinent sans pour autant être dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté, ou encore celles où le mandant, doté de ses pleines facultés intellectuelles, éprouve la nécessité, au regard de handicaps physiques lourds, d'être assisté. On songe notamment, mais pas seulement, au plurihandicap, caractérisé par l'association d'atteintes motrices et/ou sensorielles de même degré (sourds-aveugles, infirmes moteurs cérébraux sourds, etc.) qui rend particulièrement délicate l'expression de la volonté.
Dans cette optique, sans s'attarder sur la faculté de prévoir une application cumulative de ces deux types de mesures, source de difficultés inextricables à nos yeux, nous pourrions songer à une graduation chronologique, qui serait fonction de l'évolution de la perte d'autonomie du mandant. Le déclenchement à double détente du mandat se ferait sur la foi d'un certificat médical témoignant, dans un premier temps, du besoin d'assistance du mandant puis, dans un second temps, de la nécessité de sa représentation. Cette procédure de déclenchement, en deux temps serait confiée au notaire, qui rédigerait un acte valant prise d'effet du mandat-assistance de protection future puis, plus tard, lorsque les facultés du mandant sont davantage altérées, un acte valant prise d'effet du mandat-représentation de protection future. Bien évidemment, la mise en ?uvre d'une mesure de publicité adaptée et efficace, témoignant de l'activation du mandat-assistance puis de son glissement vers le mandat-représentation, serait indispensable.
Serait-il envisageable, à l'instar de certains modèles étrangers, de prévoir une prise d'effet immédiate du mandat ? Parce que le mandat de protection future présente l'originalité d'être une ?uvre d'anticipation établie à une époque sereine, en prévision de temps qui le seront moins, nous serions enclins à privilégier une prise d'effet différée. Il nous semble toutefois difficile d'exclure la faculté d'une signature tardive du mandat par un majeur dont les facultés physiques et cognitives commencent à être altérées au point d'éprouver le besoin d'être assisté sans délai. En effet, cette faculté serait en tout point conforme à la possibilité actuellement allouée au majeur en curatelle de pouvoir conclure un mandat de protection future avec l'assistance de son curateur.
L'élargissement du mandat de protection future à l'assistance est séduisant, mais le rapport Caron-Déglise, qui a insinué l'idée, ne détaille pas les implications liées à l'introduction de cette technique, à l'instar du législateur qui n'a pas tout réglementé pour l'assistance en habilitation familiale. S'agissant d'une mesure de protection conventionnelle, l'obstacle n'est pas insurmontable : il trouvera sa solution dans le contrat, lequel devra prévoir dans quels cas et pour quels actes le mandataire sera amené à assister le mandant. Plus compliqué, et sur le terrain de la théorie juridique, l'élargissement de l'objet du mandat de protection future supposera « de faire évoluer la conception française du mandat »
, celui-ci étant traditionnellement considéré comme un acte de représentation uniquement.