L'intérêt pratique du mandat à effet posthume pour la protection des mineurs

L'intérêt pratique du mandat à effet posthume pour la protection des mineurs

L'article 812-1 du Code civil dispose que : « Le mandataire exerce ses pouvoirs alors même qu'il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers ».
Deux questions se posent :
  • Est-il opportun d'utiliser le mandat à effet posthume pour confier la gestion des biens transmis à un mineur alors que d'autres techniques de gestion et de représentation existent ?
  • Comment s'articulent les pouvoirs du mandataire et du représentant du mineur ?
- L'opportunité du mandat à effet posthume pour la protection du mineur. - Quel est l'intérêt de désigner un mandataire posthume alors que l'administrateur légal ou le tuteur demeure chargé par la loi de la gestion des biens du mineur ?
Le mandat n'a pas vocation à remplacer l'administration légale ou la tutelle. Ces deux techniques doivent se combiner, car elles n'ont pas les mêmes champs d'application et elles ne confèrent pas les mêmes prérogatives. L'administrateur légal ou le tuteur sont chargés de protéger la personne du mineur et son patrimoine. Le mandataire n'est investi que des pouvoirs d'administration et de gestion sur tout ou partie des biens successoraux. Ces deux personnes se trouvent donc en concours concernant la gestion des biens du mineur. Il en résulte un risque de neutralisation mutuelle de leurs pouvoirs et de conflit, contraire à l'intérêt du mineur.
Pour apprécier l'opportunité du mandat posthume à l'effet de gérer les biens dévolus à un mineur, il convient de revenir à la cause essentielle de ce contrat, à savoir l'intérêt légitime et sérieux. Est-ce que la minorité remplit à elle seule cette condition de validité du mandat ? Une réponse positive semble être admise en doctrine sans que cela ait été démontré. En quoi la minorité d'un héritier constitue-t-elle un intérêt légitime et sérieux justifiant à elle seule la conclusion d'un mandat posthume alors que la loi organise la protection du mineur ? Si le mandat n'est pas justifié par une autre cause liée à la composition des biens de la succession, la minorité ne nous semble pas, en pratique, un élément suffisant pouvant justifier à elle seule l'établissement de ce mandat.
Le mandat posthume peut cependant présenter un intérêt significatif pour le mineur lorsqu'il porte sur certains biens spécifiques, notamment une entreprise . Dans cette hypothèse, la mise en place du mandat peut utilement se combiner, dans l'intérêt du mineur, avec l'administration légale ou la tutelle. Le mandat posthume peut se justifier par la nécessité de désigner un gestionnaire compétent, disponible et connaissant parfaitement l'entreprise . Pour préserver la valeur patrimoniale de cet héritage, la gestion par un professionnel ou une personne de confiance constitue un gage de bonne administration du patrimoine du mineur. Le mandat peut également être utilisé comme un instrument de transition, pour organiser la cession de l'entreprise dans de bonnes conditions. Le mandat peut encore être mis en ?uvre dans l'attente de la prise en main de l'entreprise par l'héritier pour lui permettre d'acquérir l'expérience et la maturité suffisantes. Notons à cet égard que le mandat présente un avantage par rapport à l'administration légale et la tutelle. Dans la mesure où il est conclu pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq années avec possibilité de prorogation, il peut se prolonger au-delà de la majorité de l'héritier.
Ainsi cette utilisation du mandat posthume, justifié par un réel intérêt et mis en ?uvre en complément de l'administration légale ou de la tutelle nous semble présenter une opportunité pour la gestion des biens du mineur. L'intérêt réel et sérieux doit être analysé, par le mandant et son notaire, concrètement, en considération des biens transmis au mineur et de la situation familiale.
Si le mandat ne répond pas à ces préoccupations concrètes, il risque d'être inefficace, voire d'être source de conflit. L'immixtion du mandataire dans la gestion des biens successoraux pourra être perçue par les héritiers ou le représentant du mineur comme une intrusion illégitime dans les affaires familiales. Alors que le mandat posthume a été conçu notamment pour faciliter le règlement de succession dans l'hypothèse de mésentente, le mandant risque, s'il l'utilise uniquement dans le but de contrer les pouvoirs de l'administrateur légal ou du tuteur, de semer les graines d'un conflit qui germeront à l'ouverture de sa succession. Dans ce cas, le mandataire et le représentant du mineur peuvent s'opposer et se neutraliser mutuellement.
- L'articulation des pouvoirs du mandataire et du représentant du mineur. - Le mandataire posthume est doté des pouvoirs d'administration et de gestion sur les biens mentionnés au mandat. La doctrine a tenté de préciser les nuances entre l'administration et la gestion. Mais l'essentiel est de déterminer ce qu'englobent ces pouvoirs. La gestion autorise-t-elle le mandataire à disposer des biens successoraux ? La réponse à cette question est déterminante pour évaluer la portée du mandat à effet posthume.
La réponse est clairement négative. Lors des débats parlementaires, le rapporteur à l'Assemblée nationale a répondu sans équivoque à cette question : « En ce qui concerne la mission du mandataire, celui-ci n'a aucun pouvoir de disposer des biens, mais seulement de les administrer et de les gérer » ; le principe de cette limite « n'est pas contestable si l'on veut respecter le droit de propriété ». En précisant cette limite, le fondement du mandat à effet posthume est clair. Il s'agit uniquement d'une technique de gestion des biens de la succession et non d'un outil de transmission.
La jurisprudence a confirmé le droit pour les héritiers ou leurs représentants légaux de disposer des biens objet du mandat . Le mandataire n'a pas la faculté de s'y opposer et cette aliénation met fin au mandat.
En théorie, la distinction semble cohérente. Le mandataire gère tout ou partie des biens successoraux. Les héritiers, bien que dessaisis, conservent toutes les autres prérogatives : droit de disposer des biens et de les partager. Lorsque l'héritier est mineur, ces droits sont exercés par l'administrateur légal ou le tuteur.
En pratique, cette distinction paraît beaucoup plus complexe à respecter. S'ils n'?uvrent pas dans le même sens pour aboutir au règlement successoral, le mandataire et l'administrateur ou le tuteur risquent d'entrer en conflit et de se neutraliser, l'un empêchant l'autre d'exercer ses droits.
- Conclusion sur l'intérêt pratique du mandat. - En raison de la faiblesse des pouvoirs qu'il confère au mandataire, le mandat posthume n'est pas une technique qui permet de faciliter à lui seul le règlement d'une succession. Ces pouvoirs sont trop faibles pour résoudre un litige ou une difficulté. Ils sont cependant suffisants pour constituer une nuisance. Le mandat peut alors être source de conflit car il constitue l'ingérence d'un tiers. Si le mandat posthume est utilisé dans l'unique but d'empêcher l'administrateur légal ou le tuteur de gérer comme il l'entend les biens dévolus au mineur, il sera inefficace. Le défunt devra doubler le mandat de la désignation d'un administrateur aux termes d'une libéralité.