L'intérêt pratique de la clause d'exclusion de l'administration légale pour la protection des mineurs

L'intérêt pratique de la clause d'exclusion de l'administration légale pour la protection des mineurs

- L'efficacité de la clause d'exclusion de l'administration légale. - La clause d'exclusion de l'administration légale est d'une efficacité redoutable. Nous avons vu avec quelle bienveillance la jurisprudence traite les testaments contenant une telle disposition. D'une part, la Cour de cassation n'hésite pas à interpréter de manière très souple, voire extensive ces dispositions afin de leur reconnaître une pleine efficacité juridique. D'autre part, elle veille à ce que les juridictions du fond ne subordonnent leur validité à aucune autre condition, notamment une condition d'opportunité. Enfin, elle admet qu'elle grève la réserve héréditaire. La volonté du testateur est donc parfaitement préservée.
La clause d'exclusion de l'administration légale est surtout redoutable par ses effets. Comme nous l'avons indiqué, elle doit être attachée à une libéralité et en constituer une condition. Il n'empêche qu'elle aboutit à priver les parents ou le parent survivant de l'un des attributs essentiels de l'autorité parentale. Cette privation de l'exercice de ses droits de parents sur les biens de son enfant mineur est perçue, dans la plupart des cas, comme une défiance, voire une violence. Le second effet de cette clause d'exclusion de l'administration légale est la privation du droit de jouissance légale. Elle n'est pas automatique mais elle en est souvent le corollaire.
- L'intérêt de la clause d'exclusion de l'administration légale. - En raison de son efficacité, les praticiens ont parfaitement compris l'intérêt de cette clause et ils n'hésitent pas à en user.
La clause d'exclusion de l'administration légale pour protéger un mineur se justifie si elle accroît réellement sa protection. Plusieurs hypothèses peuvent se présenter.
D'abord, le ou les parents se révèlent incapables de gérer les biens de leur enfant par leur inaptitude ou leur incompétence. Pire, ils représentent un danger pour cet enfant qu'ils pourraient abandonner ou spolier.
Ensuite, les biens transmis au mineur peuvent nécessiter des compétences techniques, des connaissances ou un savoir-faire spécifiques. Un fonds de commerce, des titres sociaux, un portefeuille boursier, un patrimoine immobilier locatif, des ?uvres d'art, des droits d'auteurs sont autant de biens qui peuvent être dévolus à un mineur et dont la gestion nécessite des compétences techniques, juridiques et économiques. Nous avons également mis en évidence que cette clause permet de faire bénéficier à un mineur le produit d'une cession d'entreprise en réalisant des objectifs tant civils que fiscaux, sans que la présence d'un mineur ne représente des contraintes juridiques de nature à compliquer la transmission.
Dans ce cas, le recours à la clause d'exclusion de l'administration légale pour protéger un enfant se justifie parfaitement car il est guidé par l'intérêt du mineur.
- Les dangers de la clause d'exclusion de l'administration légale. - À l'inverse, lorsqu'il n'est pas guidé par l'intérêt de l'enfant, le recours à la clause d'exclusion de l'administration légale peut ne pas être pertinent. L'utilisation de cette clause révèle souvent des situations familiales complexes, voire conflictuelles. La défiance et le ressentiment constituent, plus souvent que l'intérêt de l'enfant, la motivation réelle du disposant. Utilisée pour de mauvaises raisons, la clause d'exclusion de l'administration légale ne peut produire que des effets délétères.
Ainsi, grâce à cette stipulation, le disposant peut, d'outre-tombe, jouer un dernier mauvais coup à son ex-conjoint. Les familles recomposées forment le terreau naturel du développement de cette clause et il n'est pas rare de constater qu'elle est détournée de sa finalité qui devrait pourtant demeurer l'intérêt de l'enfant. Le choix de l'administrateur peut être révélateur du détournement de la clause. Ainsi il est fréquent qu'après une séparation, une personne reconstitue un nouveau foyer et acquiert en indivision un bien avec un nouveau conjoint qu'elle souhaite protéger en cas de décès. La désignation de ce nouveau conjoint administrateur des biens de l'enfant mineur permet de neutraliser le parent biologique qui ne peut plus revendiquer la jouissance légale ni exercer l'action en partage sur les biens dévolus au mineur. Dans cette situation, la clause d'exclusion de l'administration légale protège le nouveau conjoint et non l'enfant.
On peut également s'interroger sur les réelles motivations d'une personne, souvent d'un grand-parent, qui souhaite consentir une donation à un enfant mineur en désignant un tiers administrateur. Quels sont le sens et la sincérité de cette intention libérale qui tend à priver un parent de l'un des attributs fondamentaux de l'autorité parentale et à imposer l'immixtion d'un tiers entre un parent et son enfant ? Certains auteurs légitiment souvent cette clause d'exclusion en considérant qu'elle est forcément conforme à l'intérêt de l'enfant car elle serait de nature à favoriser une donation . L'argent et le patrimoine ne représentent que l'un des aspects des relations qui se tissent entre les membres d'une famille. Heureusement d'autres liens les unissent. Ces donations, à l'intention libérale trouble, peuvent être le germe de la division et de la discorde au sein des familles.
Il convient d'être prudent avec cette clause d'exclusion de l'administration légale utilisée pour de bonnes mais aussi de mauvaises raisons. Le notaire doit éclairer le client sur toutes ses conséquences, y compris collatérales et le mettre en garde contre des excès de ranC?ur.

Modèle de désignation d'un administrateur par testament

« Je soussigné(e) M. ? <em>[identification du testateur : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> établis comme suit mon testament.

Je révoque toutes dispositions à cause de mort antérieures à ce jour.

Je lègue tous mes biens à mes enfants, nés ou à naître, vivants ou représentés par parts égales.

Mes enfants nés sont à ce jour :

Issus de mon union avec M. ? <em>[identification du parent des enfants : prénom, nom, date et lieu de naissance]</em>.

Si mes enfants, ou l'un d'eux, sont encore mineurs et n'ont pas été émancipés au jour de mon décès, M. X, leur père / M<sup>me</sup> Y, leur mère, sera privé(e) de tous droits de jouissance et d'administration légale sur les biens légués.

Ceux-ci seront administrés par M. ? <em>[Identification de l'administrateur : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em>, jusqu'à leur majorité.

En cas de prédécès de cette personne, de refus ou d'incapacité d'exercer cette fonction d'administrateur, je charge M. ? <em>[identification de l'administrateur suppléant : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> de remplir cette fonction.

L'administrateur sera investi des mêmes pouvoirs d'administration et de disposition qui sont attribués à l'administrateur légal. Il exercera seul ces pouvoirs. Les droits et obligations de cet administrateur seront exercés sous le contrôle du juge des tutelles, conformément aux règles applicables en matière d'administration légale, lorsque celle-ci est exercée par un administrateur unique.

L'administrateur sera tenu d'établir un inventaire afin de déterminer les biens revenant à mes légataires et soumis à son administration. En cas d'aliénation de tout ou partie de ces biens, les pouvoirs de l'administrateur se reporteront sur les biens qui leur seront subrogés.

<strong>Variante : désignation d'un contrôleur</strong>

Je désigne M. ? <em>[identification du contrôleur de gestion : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> en qualité de contrôleur de gestion.

Il a pour mission de contrôler et surveiller la gestion du tiers administrateur. Il peut également, en cas de besoin, suppléer le tiers administrateur, notamment en cas d'opposition d'intérêts.

En cas de défaillance du tiers administrateur dans ses obligations, le contrôleur de gestion a tous pouvoirs pour saisir le juge compétent afin de faire prononcer sa révocation et la désignation du tiers administrateur subsidiaire.

En cas de prédécès de cette personne, de refus ou d'incapacité d'exercer cette fonction de contrôleur, je charge M. ? <em>[identification de l'administrateur suppléant : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> de remplir cette fonction.

Fait à ?, le ? »

Modèle de clause de désignation d'un administrateur stipulée dans un acte de donation d'immeuble

« <strong><em>Désignation d'un tiers administrateur</em></strong>

La présente donation est réalisée à la condition que les biens immobiliers donnés soient administrés par un tiers et, par suite, ne soient pas soumis à l'administration légale et que la jouissance légale en soit exclue.

À cet effet, le donateur désigne M. ? <em>[identification de l'administrateur : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> comme tiers administrateur, qui intervient au présent acte et qui accepte la mission qui lui est confiée.

En cas de décès de cet administrateur, d'incapacité, de défaillance, de révocation ou de refus d'exercer cette mission, le donateur désigne, à titre subsidiaire, M. ? <em>[identification de l'administrateur suppléant : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> comme tiers administrateur suppléant, qui intervient au présent acte et qui accepte la mission qui lui est confiée.

<strong><em>Pouvoirs de gestion du tiers administrateur</em></strong>

Le tiers administrateur disposera, sur les biens immobiliers objet de la présente donation, des pouvoirs de gestion et d'administration. Il pourra exercer notamment les actes suivants sans que cette liste soit limitative :

<strong>Représentation du donataire</strong>

- Représenter le donataire pour la gestion du bien objet des présentes auprès de tous tiers, administrations, syndics, gérants d'immeuble, entreprises, locataires, banques et établissements financiers.

<strong>Gestion locative</strong>

<strong>Propriété - Entretien - Travaux</strong>

<strong>Copropriété</strong>

<strong>Assurance</strong>

<strong>Procédure - Contentieux</strong>

<strong>Impôts et taxes</strong>

<strong>Gestion financière</strong>

<strong><em>Disposition du bien donné</em></strong>

Le donateur ne souhaite pas qu'il soit disposé du bien donné. Cependant, la disposition du bien donné pourra être envisagée si cela est conforme à l'intérêt du donataire.

Dans ce cas, le tiers administrateur pourra réaliser tout acte de disposition du bien immobilier donné. Pour réaliser un acte de disposition (vente, échange, constitution de garantie réelle, baux de longue durée ou conférant un droit au renouvellement au preneur, incorporation du bien donné à un partage?), il devra préalablement obtenir l'autorisation du contrôleur de gestion ci-après nommé. En cas d'aliénation de ces biens, les pouvoirs de l'administrateur se reporteront sur les biens ou valeurs qui leur seront subrogés.

<strong><em>Obligations du tiers administrateur</em></strong>

Le tiers administrateur a l'obligation de produire, tous les ans, un état de sa gestion. Ce document est à remettre au contrôleur de gestion dont il est fait mention ci-après.

Lorsque sa mission cesse, il devra fournir une copie des cinq derniers comptes de gestion, le compte de l'année en cours ainsi que les pièces justificatives, selon le cas, au mineur devenu majeur, ses héritiers, à la personne nouvellement chargée de la gestion de ces biens et dans tous les cas au contrôleur de gestion.

<strong><em>Désignation et mission du contrôleur de gestion</em></strong>

M. ? <em>[identification du contrôleur de gestion : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> est désigné en qualité de contrôleur de gestion. Ce dernier intervient au présent acte et accepte la mission qui lui est confiée.

Il a pour mission de contrôler et surveiller la gestion du tiers administrateur. Il peut également, en cas de besoin, suppléer le tiers administrateur, notamment en cas d'opposition d'intérêts. Il peut enfin consentir aux actes de disposition que l'administrateur envisagerait de réaliser.

En cas de défaillance du tiers administrateur dans ses obligations, le contrôleur de gestion a tous pouvoirs pour saisir le juge compétent afin de faire prononcer sa révocation et la désignation du tiers administrateur subsidiaire. »

Le coin du rédacteur - Modèle de clause de désignation d'un administrateur stipulée dans un acte de donation de titres sociaux

« <strong><em>Désignation d'un tiers administrateur</em></strong>

La présente donation est réalisée à la condition que les titres sociaux donnés soient administrés par un tiers et, par suite, ne soient pas soumis à l'administration légale et que la jouissance légale en soit exclue.

À cet effet, le donateur désigne M. ? <em>[identification de l'administrateur : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> comme tiers administrateur, qui intervient au présent acte et qui accepte la mission qui lui est confiée.

En cas de décès de cet administrateur, d'incapacité, de défaillance, de révocation ou de refus d'exercer cette mission, le donateur désigne, à titre subsidiaire, M. ? <em>[identification de l'administrateur suppléant : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> comme tiers administrateur suppléant, qui intervient au présent acte et qui accepte la mission qui lui est confiée.

<strong>Pouvoirs du tiers administrateur</strong>

Le tiers administrateur disposera, sur les titres sociaux objet de la présente donation, des pouvoirs de gestion et d'administration. Il pourra exercer notamment les actes suivants sans que cette liste soit limitative :

<strong>Représentation du donataire</strong>

<strong>Dividende - Remboursement des titres - Boni de liquidation</strong>

- Encaisser toutes distributions de dividendes ou de réserves versées par la société, tout remboursement de titres sociaux consécutif à une réduction de capital social ou tout boni de liquidation et les créditer sur un compte spécial ouvert au nom du donataire.

<strong>Pacte d'associés - Engagements de conservation Dutreil</strong>

<strong>Procédure - Contentieux</strong>

<strong>Impôts et taxes</strong>

<strong>Gestion financière</strong>

<strong><em>Disposition du bien donné</em></strong>

Le donateur ne souhaite pas qu'il soit disposé des biens donnés. Cependant, la disposition des biens donnés pourra être envisagée si cela est conforme à l'intérêt du donataire.

Dans ce cas, le tiers administrateur pourra réaliser tout acte de disposition des biens donnés. Pour réaliser un acte de disposition (vente, échange, constitution de garantie réelle, incorporation des biens donnés à un partage?), il devra préalablement obtenir l'autorisation du contrôleur de gestion ci-après nommé. En cas d'aliénation de ces biens, les pouvoirs de l'administrateur se reporteront sur les biens ou valeurs qui leur seront subrogés.

<strong><em>Obligations du tiers administrateur</em></strong>

Le tiers administrateur a l'obligation de produire, tous les ans, un état de sa gestion. Ce document est à remettre au contrôleur de gestion dont il est fait mention ci-après.

Lorsque sa mission cesse, il devra fournir une copie des cinq derniers comptes de gestion, le compte de l'année en cours ainsi que les pièces justificatives, selon le cas, au mineur devenu majeur, ses héritiers, à la personne nouvellement chargée de la gestion de ces biens et dans tous les cas au contrôleur de gestion.

<strong><em>Désignation et mission du contrôleur de gestion</em></strong>

M. ? <em>[identification du contrôleur de gestion : prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse]</em> est désigné en qualité de contrôleur de gestion. Ce dernier intervient au présent acte et accepte la mission qui lui est confiée.

Il a pour mission de contrôler et surveiller la gestion du tiers administrateur. Il peut également, en cas de besoin, suppléer le tiers administrateur, notamment en cas d'opposition d'intérêts. Il peut enfin consentir aux actes de disposition que l'administrateur envisagerait de réaliser.

En cas de défaillance du tiers administrateur dans ses obligations, le contrôleur de gestion a tous pouvoirs pour saisir le juge compétent afin de faire prononcer sa révocation et la désignation du tiers administrateur subsidiaire. »

- Conclusion du sous-titre 1. - À titre de conclusion du sous-titre 1 relatif à la désignation d'un tiers de confiance pour protéger un mineur, nous présentons ci-après un tableau de synthèse des techniques qui ont été présentées.
* Sauf incapacités prévues aux articles 395 (incapacité d'exercer des charges tutélaires) et 396 (conflit d'intérêts et inaptitude) du Code civil.