L'insaisissabilité est limitée à l'immeuble de l'entrepreneur, mais ce dernier garde pratiquement tous ses pouvoirs sur celui-ci.
L'étendue de l'insaisissabilité
L'étendue de l'insaisissabilité
La notion d'immeuble
- L'immeuble. - L'article L. 526-1 du Code de commerce vise « l'immeuble où est située la résidence principale » ; il s'agira de la partie utilisée à cet effet, le surplus restant ouvert aux poursuites des créanciers professionnels.
Si l'usage n'est que partiel ou s'il s'agit d'une simple domiciliation au sens de l'article L. 123-10 du même code, il n'y a même pas besoin d'établir un état descriptif de division pour isoler la part saisissable du domicile. Il s'agit d'une difficulté supplémentaire pour les créanciers qui devront eux-mêmes isoler la partie professionnelle. Dans ces conditions, il ne sera pas simple de trouver un acquéreur qui acceptera de devenir propriétaire d'un lot ne comprenant ni parties communes ni charges définies.
Les meubles. Les meubles qui garnissent l'habitation principale échappent également à la saisie, sans que, à notre sens, leur liste se limite aux meubles déclarés insaisissables par l'article 39 du décret du 31 juillet 1992
. Par exemple, la totalité des livres et la totalité des meubles meublants doivent être protégées sans se limiter aux livres nécessaires à la poursuite des études ou à la table et aux chaises permettant les repas en commun comme il est prévu à l'article 39 du décret précité.
Les fruits. Dans l'hypothèse où l'immeuble insaisissable produit des fruits, comme des loyers, récoltes ou coupes de bois, rien ne s'oppose à ce que ces derniers échappent au droit de gage des créanciers professionnels.
Les pouvoirs de l'entrepreneur
Les pouvoirs de l'entrepreneur individuel sur sa résidence principale ne sont pratiquement pas limités. Toutefois, le sort de l'hypothèque judiciaire a fait l'objet d'une jurisprudence changeante.
- Le droit de disposer. - Le fait que la résidence principale soit insaisissable ne limite pas les droits de l'entrepreneur sur celle-ci. Il peut librement constituer une servitude, hypothéquer ce bien au profit des créanciers non professionnels, le vendre et même le donner.
Si le bien est détenu en indivision, l'entrepreneur peut procéder au partage de ce bien, le liquidateur lui-même ne pouvant agir en partage et en licitation de l'immeuble indivis
.
La prise d'une sûreté réelle sur la résidence principale nécessite une précision. Si l'hypothèque est constituée pour garantir une créance personnelle, l'entrepreneur pourra librement la constituer. Cependant, si la créance est professionnelle, la résidence étant insaisissable ne se trouve pas dans le commerce au sens de l'article 2397 et ne peut donc faire l'objet d'une hypothèque
.
Nullité de l'hypothèque prise sur la résidence principale de l'entrepreneur individuel
La réforme du 6 août 2015 a rendu insaisissable la résidence principale de l'entrepreneur individuel pour ses créanciers professionnels. Les dispositions de l'article 2397 du Code civil doivent être rappelées :
« Sont seuls susceptibles d'hypothèques :
1o Les biens immobiliers qui sont dans le commerce… ».
À ce titre, il sera indispensable que l'acte de prêt comportant affectation hypothécaire de la résidence principale indique expressément l'utilisation qui sera effectuée de la somme prêtée, et éventuellement que l'emprunteur déclare expressément que les fonds ne seront pas utilisés pour les besoins de son activité. En effet, dans cette hypothèse l'hypothèque sera nulle car le bien immobilier ne sera pas dans le commerce au regard de la créance garantie. La seule solution sera de convenir avec le créancier d'une renonciation (V. infra, no ) et d'effectuer les formalités prévues par la loi.
- L'hypothèque judiciaire à titre conservatoire. - Dès l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, la question de la possibilité de l'inscription d'une mesure conservatoire sur le bien faisant l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité s'était posée. Depuis la réforme des procédures d'exécution par la loi no 91-650 du 6 juillet 1991
, il faut distinguer les saisies conservatoires et les saisies judiciaires. Les premières, rendant les biens indisponibles, ne sont pas compatibles avec l'insaisissabilité, les secondes conférant uniquement au créancier un droit de préférence et un droit de suite sur le bien n'entraînent aucune indisponibilité
. C'est en ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation par un arrêt du 11 juin 2014
dans lequel elle considère que l'article L. 526-1 du Code de commerce est d'interprétation stricte et que, certes, il interdit la saisie de la résidence principale, mais non l'inscription d'une hypothèque judiciaire à titre conservatoire.
Nous relèverons qu'il s'agit de la conclusion d'un débat doctrinal, mais que le notaire ne peut adopter en l'état à l'occasion de la vente de la résidence principale de l'entrepreneur. Nous indiquerons plus loin les conditions dans lesquelles le créancier professionnel peut appréhender le prix de vente de ce bien, mais dans l'hypothèse où le débiteur souhaite vendre sa résidence pour en acquérir une nouvelle, il lui sera extrêmement difficile de financer la nouvelle acquisition avec le prix de vente de l'ancienne.
Comment concilier les droits des créanciers avec la liberté de l'entrepreneur dans cette situation ?