Les ressources tirées du logement

Les ressources tirées du logement

- L'aliénation pure et simple du logement. - En l'absence de patrimoine financier ou en complément de la mobilisation de celui-ci, la personne prévoyante, lorsqu'elle est propriétaire de bien(s) immobiliers(s), peut utiliser le(s)dit(s) bien(s), afin de disposer à terme d'un complément de revenus, qui pourra s'avérer indispensable pour financer une éventuelle dépendance. Au sein de ce patrimoine immobilier, on le sait, c'est très généralement le logement familial qui constitue le bien représentant le plus de valeur. Occupé, ce logement ne procure aucun revenu à son propriétaire. Bien plus, au fil de temps, il risque de devenir inadapté aux besoins de ce dernier. C'est pourquoi, dans la perspective d'une éventuelle vulnérabilité, certains estiment que le logement ne doit plus être un simple capital dormant et un lieu de vie, mais devenir une source de liquidités pour son propriétaire. Dans cette froide logique, la première solution consiste pour celui-ci à vendre son logement. Ce choix peut tout d'abord être guidé par la volonté de se procurer les ressources lui permettant de financer soit l'achat ou la location d'un logement plus adapté et plus fonctionnel, aux charges plus restreintes, soit le coût d'un futur placement dans un établissement de santé ou de retraite. Il peut s'agir également, dans une perspective plus psychologique, de fuir parfois le sentiment de solitude et de faire le choix d'un logement collectif pour se sentir plus entouré. Enfin, il peut être guidé par la volonté de soulager les proches aidants d'une charge devenue trop lourde. Il reste que l'opération implique, tout au moins à court terme, de devoir louer un nouveau toit et donc d'imposer au vendeur de nouvelles charges financières et de nouvelles contraintes de gestion. Surtout, on connaît l'attachement des Français à la pierre, et plus particulièrement à leur résidence principale. De nombreuses études et sondages le confirment régulièrement . Ce constat se trouve renforcé en présence de personnes fragilisées. On songe ici aux personnes qui souffrent d'un handicap, mais aussi aux seniors. Très souvent, le logement est un lieu qui reflète le parcours de vie de chacun. Pour beaucoup de personnes âgées, il devient le miroir de leur personnalité et leur procure un sentiment de bien-être. En vieillissant, la personne restreint son champ d'action en le limitant à un espace qu'elle peut maîtriser grâce à des repères renforcés par le temps. Ainsi l'environnement du domicile, imprégné de l'histoire individuelle, les rapports avec le voisinage, la connaissance des commerçants distillent un sentiment de sécurité. Outre qu'il peut représenter pour certains l'investissement de toute une vie, ce bien constitue ainsi un cocon rassurant que les propriétaires, en vieillissant, souhaitent très souvent conserver.
- La conservation du logement. - Celui qui ne se résout pas à vendre son logement, mais qui souhaite cependant optimiser cet élément de son patrimoine afin de s'assurer une sérénité financière jusqu'à la fin de sa vie, dispose de plusieurs options. Il peut, tout d'abord, en envisager la location. Tout dépend alors si la configuration matérielle du bien s'y prête et, s'agissant de son logement, si cette personne est attachée ou non à son cadre de vie. S'il peut séduire par sa simplicité, il n'est pas certain que, l'âge avançant, l'investissement locatif constitue toutefois le procédé le plus serein afin de se procurer des revenus complémentaires. La perspective de devoir gérer, en état de faiblesse, des rapports parfois compliqués avec les locataires peut clairement rebuter les candidats éventuels. Deux autres options s'offrent alors à la personne prévoyante. La première consiste à aliéner son logement, tout en conservant le droit d'y vivre (Sous-section I). La seconde, de prime abord encore plus protectrice que la précédente, consiste à se procurer des liquidités grâce à son logement, tout en conservant la propriété de celui-ci. Cette solution, idéale sur le papier, porte un nom : c'est le prêt viager hypothécaire (Sous-section II).

La vente du logement

- La vente avec réserve du droit d'usage. - Désireuse de conserver son cadre de vie, la personne qui souhaite cependant anticiper et financer son éventuelle dépendance peut décider de vendre son logement, avec une réserve d'usufruit ou de droit d'usage et d'habitation, à son seul profit ou en prévoyant une réversibilité au profit d'un tiers. La vente d'un droit démembré de propriété n'appelle pas d'observations particulières, si ce n'est que l'on peut simplement souligner qu'elle est souvent conçue dans un cadre familial ou au profit d'institutionnels qui se sont spécialisés dans ce type d'opération. Il est possible d'aller plus loin. Il s'agit alors, par le biais de contrats particulièrement adaptés à la vulnérabilité, tout à la fois de vendre son logement, d'y demeurer et d'obtenir, en sus, une aide pécuniaire ou en nature. Sont ici visées, d'une part, la vente en viager (§ I) et, d'autre part, la vente contre soins (§ II).

La vente en viager

- L'intéressante option pour un viager occupé. - Encadrée par le Code civil aux articles 1968 à 1983, la vente d'un bien immobilier « en viager » est un contrat par lequel une personne, le crédirentier, vend un bien à une autre personne, le débirentier, moyennant la conversion du prix en l'attribution immédiate d'une somme d'argent et/ou d'une rente viagère périodique.
Si la vente en viager est une vieille institution, en apparence un peu poussiéreuse avec ses textes datant, pour la plupart d'entre eux, de 1804, elle n'en constitue pas moins une solution efficace pour répondre aux besoins de vie des personnes âgées qui ne disposent que de revenus limités, avec un patrimoine modeste, consistant essentiellement dans l'immeuble d'habitation qu'elles occupent. Le plus souvent, dans cette optique, elle prend la forme non pas d'un « viager libre » , mais plutôt celle d'un « viager occupé », laquelle consiste pour le vendeur à vendre la seule nue-propriété du bien ou à se réserver un droit d'usage et d'habitation. L'opération lui permet ainsi de conserver son lieu de vie, tout en se délestant de certaines dépenses telles que les gros travaux et la taxe foncière, puisqu'il n'est plus tenu que des charges dites « locatives ».
Elle constitue au surplus une source de financement non négligeable. Cette source peut être duale. Relevant du consensualisme des parties, le paiement du prix de vente est converti le plus souvent, d'une part, en un paiement comptant dit le « bouquet », offrant ainsi au vendeur une source de trésorerie à court terme d'un montant représentant généralement 10 % à 30 % du prix de vente de l'immeuble, suivant l'âge du vendeur, et, d'autre part, en un versement régulier d'une rente du vivant du vendeur, dite « arrérage », lequel contribue à créer une source de revenus complémentaires pour la personne âgée visant à faire face au coût de sa dépendance. Bien évidemment, afin que le vendeur conserve une équivalence de revenus en dépit de l'écoulement du temps, la rente doit être indexée. Le bouquet n'a rien d'obligatoire et le prix peut être entièrement constitué d'une rente viagère. Toutefois, en pratique, le vendeur aura souvent besoin de ce capital, qu'il s'agisse de vouloir le transmettre à sa famille ou d'en faire un usage personnel. Dans cette dernière optique, le capital ainsi perçu est souvent utilisé pour les besoins d'adaptation de son logement, mais il peut également servir à des investissements ou à une épargne de précaution, que le manque de moyens n'a pas permis de réaliser jusqu'alors .
Si elle jouit d'indéniables attraits pour le vendeur, la vente en viager présente également des intérêts pour l'acquéreur : d'une part, parce qu'en présence d'une réserve de jouissance il achète souvent moins cher et, d'autre part, car son financement s'en trouve facilité dans la mesure où il ne verse pas la totalité du prix au jour de la signature et s'évite la recherche parfois difficile d'un crédit bancaire. Et puis, il ne faut pas s'en cacher, se dessine généralement chez lui, en filigrane, l'espoir, discret et inconvenant, de faire une bonne affaire.
- Régime juridique de la vente en viager. - Ce contrat ayant déjà fait l'objet d'une analyse complète tant par la troisième commission du 102e Congrès des notaires de France que par la deuxième commission du 113e Congrès des notaires de France, il est inutile de s'appesantir, une nouvelle fois, sur son régime, dont on se contentera ici de rappeler très brièvement les caractéristiques essentielles.
Parce qu'il s'agit d'une vente immobilière à part entière, et en dépit des spécificités attachées à sa forme de règlement, l'opération répond à un régime juridique semblable au droit commun de la vente, qu'il s'agisse des conditions de validité et de forme, des droits de préemption applicables au bien vendu, de l'exigence de la forme notariée ou encore des garanties applicables. Sa fiscalité est également celle applicable à une vente traditionnelle .
Son originalité, on le sait, tient au caractère aléatoire, fondamental, qui est le sien. Cet aléa est lié à la durée de vie du vendeur, véritable clé de voûte de l'opération, laquelle est naturellement incertaine, ce qui ne permet pas à ce dernier de savoir si, par la perception des arrérages, il recevra finalement la valeur de l'immeuble qu'il cède. Elle peut être longue, elle peut être courte. De son côté, l'acquéreur débirentier s'engage à verser la rente pour une durée indéterminée, peut-être brève, le rendant gagnant, peut-être longue, fort longue, le rendant perdant par rapport à la valeur de l'immeuble qu'il acquiert par ce biais . Entre espoir de gain et risque de perte, cette variable aléatoire constitue la spécificité de ce type de vente laissant entrevoir l'opportunité de réaliser pour chacune des parties une bonne opération.
- La délicate fixation du juste prix du viager. - Sur un terrain technique, l'une des difficultés majeures soulevées par le viager a trait aux modalités de fixation du taux de la rente. Faut-il rappeler, en effet, qu'il n'y a pas de méthode légale de calcul de la rente viagère, l'article 1976 du Code civil énonçant simplement qu'elle « peut être constituée au taux qu'il plaît aux parties contractantes de fixer ». En l'absence de barème, « chaque praticien y va donc de son idée, de sa formule, de son calcul » en maniant, à sa guise, non seulement l'espérance de vie du vendeur, la valeur du bien, son taux de rendement, mais aussi la valeur économique ou fiscale de la réserve de jouissance. Moralité, les prix de la rente fluctuent d'un professionnel du viager à un autre sans réelle justification et l'on sait, par ailleurs, que le Conseil supérieur du notariat, constatant ce chahut, a proposé sa propre méthode que les notaires mettent en ?uvre à peu près systématiquement. Les incidences de ces divergences ne sont pas à négliger. Au plan civil, un calcul erroné ou contestable peut entraîner l'annulation de la vente pour défaut d'aléa ou sa remise en cause sur le terrain de la simulation. Sur le plan fiscal, un tel calcul peut engendrer un redressement en matière de droits d'enregistrement lors de l'acquisition, voire une requalification de l'opération sur le terrain de l'abus de droit (LPF, art. L. 64), une contestation au titre des plus-values lors de la revente, ou la remise en cause des droits de succession au titre de la taxation d'une réversion de rente ou de la déduction du passif constitué par la rente. Tout ceci est regrettable, a fortiori si l'on songe que la pression dans ces négociations ouvertes pèse le plus souvent sur la partie la plus vulnérable.
Aussi la grande liberté laissée aux parties, orientée de manière relativement désordonnée par les professionnels du viager, mériterait-elle sans nul doute un encadrement. L'établissement d'un mode de calcul général et uniforme de la rente viagère, servant ainsi de grille de référence serait de nature à permettre au marché du viager de gagner en lisibilité et en équité . Les pratiques éprouvées pourraient servir à l'élaboration de cette méthode, qui aurait l'avantage d'être réglementée, tout en restant supplétive de la volonté des parties. Muni de ce barème unique, le notaire pourrait sécuriser la vente, tant sur le plan civil en matière d'aléa que sur le terrain fiscal en matière d'assiette des différents impôts et taxes.

Majoration de la rente en cas de libération anticipée

Dans le cadre de la vente en viager occupé, et alors même qu'il dispose d'un droit d'usufruit ou d'un droit d'usage et d'habitation sa vie durant, le crédirentier peut être contraint de quitter le logement de manière impromptue, notamment pour des raisons de santé. Cette faculté de quitter les lieux par anticipation doit être organisée ab initio, c'est-à-dire au moment de la vente. À défaut, la situation est susceptible de se révéler préjudiciable à l'un comme à l'autre puisque le vendeur, demeurant officiellement titulaire de son droit démembré de propriété, devrait continuer à supporter les charges courantes du bien, tandis qu'il devrait subvenir en sus aux frais de sa nouvelle installation, alors que l'acquéreur, de son côté, ne pourrait pas prendre possession du bien qu'il a acquis. Aussi, pour éviter cette situation doublement fâcheuse, le rédacteur de l'acte de vente doit-il prendre le soin de prévoir la faculté, sous certaines conditions, de majorer le montant de la rente initiale en contrepartie de l'abandon de son droit de jouissance par son titulaire. Pour éviter toute source de conflit, le contrat doit définir avec précision les modalités de cette révision du contrat, tant en ce qui concerne le montant de la rente revalorisée que les modalités de la libération anticipée. À ce propos, il convient de rappeler que le non-usage du bien par le crédirentier ne vaut pas renonciation à ce droit. Partant, le crédirentier qui souhaite user de son droit à renoncer à la jouissance du bien devra exprimer de manière non équivoque sa volonté de quitter les lieux et informer le débirentier de la date de remise des clés, et par corrélation le moment où la majoration de la rente trouvera à s'appliquer.
- Un marché relativement confidentiel. - Si le marché de la vente en viager connaît de nos jours un regain d'intérêt, il demeure toutefois relativement restreint . Les différents freins limitant le développement en France de ce type d'opération sont connus. Cela commence par la mauvaise réputation qui l'accompagne. On lui reproche traditionnellement un caractère spéculatif sur la mort du vendeur et l'opposition frontale d'intérêts qu'elle organise. Rarement l'intérêt du vendeur sera celui de l'acquéreur, et si l'affection familiale qui peut parfois les réunir parvient à estomper cet antagonisme, celui-ci existe toujours à l'état latent. Au-delà, cette vente complexe peut présenter des inconvénients et des risques, dont il convient d'avoir conscience, principalement en raison de l'aléa qui l'affecte.
Chez le vendeur, outre un montant de rente souvent décevant et une fiscalité importante, il existe parfois ce sentiment diffus et mal vécu de ne rien transmettre à ses héritiers et par conséquent de les exhéréder de fait, pour des préoccupations personnelles de fin de vie et de confort. Surtout, ce sont les risques liés à l'insolvabilité de son acquéreur qui peuvent rebuter le vendeur. Il ne faut pas omettre que la réussite de cette stratégie comme mode de financement de sa dépendance est étroitement liée aux facultés contributives de l'acheteur. C'est pourquoi, à l'évidence, celui-ci doit être sélectionné avec minutie par le vendeur. Il n'en reste pas moins qu'il est toujours quelque peu divinatoire d'évaluer convenablement la solvabilité dans le temps de l'acquéreur, lequel n'est jamais à l'abri d'un changement de situation personnelle, familiale ou professionnelle, obérant des facultés contributives, d'apparence solides. Pour rassurer des propriétaires inquiets à l'idée de devoir supporter l'impayé de la rente, le rédacteur de l'acte prend très généralement le soin d'insérer une clause résolutoire, assortie d'une clause pénale, mais cette sanction couperet n'est qu'un pis-aller en ce qu'elle aboutit à l'anéantissement du contrat, la solution idoine étant d'obtenir des garanties de paiement qui permettront au vendeur de continuer à percevoir régulièrement les arrérages sur lesquels il compte .
Chez les acheteurs potentiels, ce sont avant tout les incertitudes économiques inhérentes à cette opération qui constituent leur principale source de réticence. Comme tout contrat aléatoire, le risque est l'essence même de ce contrat et il pèse particulièrement sur l'acquéreur qui peut se retrouver - à une époque où l'espérance de vie augmente régulièrement chaque année - à payer bien plus que ne vaut le bien acquis. L'exemple de la maison de Jeanne Calment décédée à l'âge de cent vingt-deux ans illustre, si besoin en était, l'impossible détermination à l'avance du coût final de l'achat. Quand on sait que le surplus de la rente, comme les travaux et charges diverses, seront à sa charge jusqu'au décès du crédirentier (voire du survivant du crédirentier, en cas de réversion de la rente), avec le risque de la résolution de la vente et de la clause pénale en cas de simple incident, on perçoit la difficulté à séduire un potentiel acquéreur. Dans les faits, on constate du reste un déséquilibre manifeste entre l'offre et la demande : les vendeurs étant trois à quatre fois plus nombreux que les acheteurs potentiels.
- Un marché en mouvement. - Cette inquiétude des vendeurs à faire face à la défaillance de leurs acquéreurs, mais également celle de ces derniers d'avoir à payer au-delà de l'espérance de vie théorique du vendeur, freinent le marché de la vente en viager. L'idée a donc été lancée de traiter différemment le viager. Ces dernières années, deux nouvelles formes de viager sont ainsi apparues, destinées à donner un nouveau souffle à ce type d'opération.
On songe, d'une part, au viager mutualisé, dont la différence notable avec le viager classique se trouve non pas du côté du vendeur, mais du côté de l'acheteur, ou plutôt, pour être plus juste, « des » acheteurs, dans la mesure où le viager mutualisé consiste à faire l'acquisition de plusieurs biens immobiliers en viager en mutualisant les ressources financières de plusieurs personnes à la fois. Concrètement, un groupement d'acquéreurs s'unit via un fonds d'investissement ou plus simplement via une société civile immobilière. Le fonds ou la société fait l'acquisition de plusieurs logements en viager. Un bouquet est remis au vendeur ainsi qu'une rente mensuelle. Une fois le vendeur décédé, le fonds ou la société doit obligatoirement céder le bien immobilier et le groupe d'acheteurs peut alors percevoir ses bénéfices. Le viager est ici abordé comme un produit de placement plutôt que comme un achat stricto sensu dans la mesure où les acquéreurs ne deviennent pas propriétaires des biens acquis mais détiennent des parts dans un fonds ou une société, avec en ligne de mire la possibilité d'enregistrer une plus-value intéressante à la revente. Ce type de viager est avantageux pour le vendeur, car le paiement de la rente est assuré par un groupe d'investisseurs, ce qui augmente la fiabilité du contrat. Du côté des acheteurs, l'achat mutualisé en viager limite les risques inhérents à l'aléa irréductiblement attaché au viager classique, tout en constituant une formule de placement que l'on peut espérer rentable.
Il s'agit, d'autre part, du viager intermédié lancé en 2014 par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Conscient que la vente en viager répond au besoin de compléments de revenus des personnes âgées, auxquelles il s'agit de redonner du pouvoir d'achat, la CDC a eu l'idée de « stimuler et sécuriser » le marché du viager en France par « des standards de qualité élevés » et « une exigence forte en matière de qualité ». Dans cette optique, associée à plusieurs investisseurs institutionnels , la CDC a constitué le Fonds viager Certivia dédié à l'achat et à la gestion de biens immobiliers en viager. Ce fonds investit exclusivement dans l'acquisition de biens immobiliers en viager occupé, situés en France (Paris, Île-de-France, région Paca, grandes métropoles régionales) auprès de vendeurs âgés de plus de soixante-dix ans. À l'instar d'un viager classique, un bouquet et une rente à vie sont versés au vendeur. À son décès ou s'il quitte le bien prématurément, celui-ci est mis en vente, le schéma excluant la location des biens. Il s'agit par ce biais de sécuriser le vendeur dans son projet. Traitant avec des investisseurs institutionnels de référence, présentant une solidité financière très forte, il n'a pas à s'inquiéter des risques d'impayés inhérents au viager classique. Le vendeur bénéficie en outre d'un accompagnement et d'un suivi personnalisé, assurés par une équipe technique et des conseillers experts dédiés.

L'indispensable intervention publique au développement du viager

Conscient du potentiel du viager pour contribuer au financement de la perte d'autonomie, le rapport Libault sur le grand âge et l'autonomie a souligné que les pouvoirs publics devaient encourager et encadrer le développement de ce type de contrat, y compris dans ces formes innovantes . Dans cette optique, plusieurs propositions ont été formulées :
  • la création d'un observatoire ;
  • la labellisation à dimension sociale, applicable aux investissements en viager comprenant une proportion minimale de logements modestes ou détenus par des populations à faibles revenus ;
  • l'intervention directe de l'État ou de la Caisse des dépôts et consignations, à travers la création d'un fonds pour l'achat en viager de logements sociaux ;
  • la codification des tables de mortalité, afin de limiter la disparité des tables utilisées par les acheteurs et d'homogénéiser davantage les produits.

La vente contre soins

- Une forme de bail à nourriture. - Avec la vente contre soins, on descend encore d'un cran supplémentaire dans les mécanismes manifestement désuets, fruits d'une pratique juridique ancienne, mais qui pourraient de nos jours faire l'objet d'un regain d'intérêt à l'aune du besoin de financement d'une dépendance future. En effet, il y a de plus en plus de personnes isolées sans proche parenté mais ayant tissé des liens affectifs forts avec une tierce personne, souvent un voisin ou un ami. Cette personne isolée veut assurer son avenir en cas de perte d'autonomie en préservant si possible son cadre de vie. Dès lors, il est loisible pour elle, à condition qu'elle soit propriétaire d'un bien immobilier, de vendre ledit bien moyennant un prix converti en la charge, pour le tiers de confiance qu'elle aura choisi, de la nourrir et de l'entretenir. On l'aura compris, la vente avec soins ne constitue qu'une illustration, dans sa forme la plus répandue, du bail à nourriture .
Dans le silence des textes, le bail à nourriture peut se définir comme un contrat par lequel le preneur, contre un capital en argent, une redevance périodique ou, pour ce qui nous intéresse, l'aliénation d'un bien, s'engage à pourvoir aux besoins vitaux du bailleur : la nourriture mais aussi le logement, l'entretien courant, le chauffage, les soins et toute l'assistance qui lui est indispensable pour vivre.
Le bail à nourriture est traditionnellement pratiqué dans les régions rurales. Son essor en zone urbaine n'est cependant pas à écarter aujourd'hui en raison du coût des conventions d'hébergement des personnes âgées ou malades. On pressent que l'allongement de la durée de la vie, les insuffisances des familles et de l'État dans la prise en charge de la dépendance liée au grand âge ou à la maladie pourraient justifier à l'avenir un regain d'intérêt pour ce contrat. Le contentieux, certes modéré, que suscite encore le bail à nourriture montre en toute hypothèse que cette vieille institution qui souffre d'une appellation à la fois archaïque et trompeuse - le contrat n'ayant rien d'un bail et la notion de nourriture étant réductrice - demeure bien vivante.
- Les traits caractéristiques du bail à nourriture. - Les rédacteurs du Code civil n'ont pas cru devoir fixer les règles de ce contrat. C'est donc la jurisprudence qui a été amenée à fixer les traits spécifiques du bail à nourriture, sur lesquels nous ne reviendrons guère, renvoyant le lecteur vers les développements très riches contenus dans le rapport du 102e Congrès des notaires de France .
Que l'on se contente ici de rappeler que, parmi les classifications de la théorie générale des contrats, le bail à nourriture est un contrat innomé. Ni défini ni réglementé par le Code civil ou une loi particulière, il est soumis aux règles générales du droit commun des obligations.
Surtout, il s'agit d'un contrat aléatoire (C. civ., art. 1108, al. 2), en ce sens où la chance de gain ou de perte pour chacun des contractants est suspendue à un aléa. Contrairement à la vente en viager, il s'agit là, plus précisément, d'un double aléa qui tient, d'une part, à la durée de vie du vendeur et à son état de santé, mais aussi, d'autre part, à la nature de ses besoins futurs. L'aléa constitue un élément essentiel du contrat, qui s'apprécie au jour de sa conclusion. Plusieurs conséquences juridiques en résultent : l'aléa chasse la lésion , en même temps qu'il constitue un obstacle à une action en nullité pour vileté du prix ou en nullité pour indétermination du prix . Par ailleurs, si le hasard n'est pas préservé et qu'au jour de la conclusion du contrat l'âge avancé du vendeur ou sa mauvaise santé rendent trop probable la disparition prochaine de ce dernier , le contrat sera frappé de nullité absolue, pour défaut de cause .
La vente contre soins, comme tout bail à nourriture, est étroitement liée au choix de la personne qui a vocation, en contrepartie de son achat, à subvenir aux besoins vitaux du vendeur. Il s'agit donc d'un contrat marqué par un fort intuitu personae , qui nécessite donc une exécution personnelle de la part de l'acquéreur . Conclu en considération de la personne, sa cessibilité entre vifs est donc exclue, ce qui n'empêche cependant pas les parties de stipuler que l'obligation sera exécutée par un tiers . Le caractère personnel du contrat rend en outre la créance du bailleur insaisissable .
Enfin, il s'agit d'un contrat à titre onéreux parce qu'il comporte pour l'acquéreur l'obligation d'assurer en nature l'entretien, et souvent aussi le logement, au vendeur. Gare toutefois à la requalification ! En effet, en l'absence ou en cas d'insuffisance de contrepartie matérielle, la charge peut devenir évanescente et dissiper le caractère onéreux de l'opération. En ce cas, le bail à nourriture peut être requalifié en donation déguisée , avec les conséquences fiscales qui en résultent.

Dangers fiscaux

Le bail à nourriture est un nid à contentieux fiscal. Outre sa possible requalification en libéralité, la présomption posée à l'article 751 du Code général des impôts apparaît comme une épée de Damoclès lorsque le contrat lie le vendeur à l'un de ses successibles, ce qui est une hypothèse tout à fait vraisemblable eu égard à la nature si personnelle des prestations convenues. Ce texte répute faire partie de la succession de l'usufruitier toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l'usufruit au défunt, et pour la nue-propriété à l'un de ses présomptifs héritiers ou descendants d'eux. Dès lors, l'administration peut être tentée, lorsque le vendeur continue à vivre dans le bien objet du bail à nourriture, d'étendre cette présomption au cas considéré, en estimant que l'opération s'assimile alors à une vente avec réserve d'usufruit. Cette interprétation ne devrait toutefois pas prospérer tant ces deux formes d'aliénation sont distinctes juridiquement. Mais la vigilance est de mise. Comme l'a recommandé le 102<sup>e</sup> Congrès des notaires de France, toute ambiguïté sur le transfert de propriété réalisé par l'acte doit être levée, ce qui n'exclut nullement que le vendeur puisse être logé en son domicile, désormais vendu. Il doit seulement être spécifié que l'occupation est la résultante non pas d'une réserve d'usufruit, mais de l'obligation prise par l'acquéreur de loger le vendeur, sans bourse déliée pour ce dernier
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- Des précautions rédactionnelles indispensables. - La perspective d'anticiper son éventuelle dépendance, par le biais de ce contrat particulier, doit pousser le vendeur à être particulièrement vigilant quant à la rédaction du contrat, principalement en ce qui concerne la définition des obligations pesant sur l'acquéreur. Fréquemment, le contrat prévoit que le vendeur va conserver l'usage du bien, et ainsi préserver son cadre de vie. Mais que se passera-t-il lorsqu'il sera contraint de quitter son logement pour être hospitalisé, avec le risque de devoir intégrer une unité de soins de longue durée, ou pour être accueilli dans un Ehpad ou une maison de retraite ? La question renvoie à la définition des obligations de soins et d'entretien qui pèsent sur l'acquéreur : il s'agit de savoir si celles-ci s'étendent aux frais d'hospitalisation qui ne seraient pas pris en charge par la caisse d'assurance maladie, par une complémentaire santé ou par des aides publiques. De son côté, le vendeur cherchera naturellement à être rassuré à ce propos. Il ne saurait être question pour lui que le bail à nourriture cesse de produire ses effets au moment même où son éventuelle dépendance nécessitera qu'il reçoive une aide humaine et financière. Du côté de l'acquéreur, on perçoit combien les frais liés à un tel hébergement, mais aussi le risque de devoir financer des soins chirurgicaux lourds risquent d'engendrer un coût difficilement supportable, autant dans son montant que dans la durée.
À ce stade, l'exercice de rédaction devient un travail d'équilibriste. Les parties, tout en respectant les critères élémentaires du bail à nourriture, peuvent librement aménager les prestations dues par l'acquéreur ainsi que les modalités d'exécution. Le contrat est modelé selon les besoins du vendeur. C'est là un de ses atouts majeurs . Partant, si la liste des obligations pesant sur l'acquéreur peut être plus ou moins longue, il est fortement conseillé de détailler ces dernières, sous peine d'engendrer des discussions. Dans l'intérêt de l'acquéreur, les formules trop vagues sont à proscrire. En effet, confrontés à une clause générale d'entretien, les juges du fond ont tendance à considérer que le contrat emporte l'obligation pour lui de prendre en charge les frais de séjour du vendeur dans une maison de retraite ou en long séjour . Aussi la question du départ en maison de retraite ou en établissement de santé doit-elle expressément être envisagée et intégrée dans le champ contractuel. Pour protéger le vendeur, il peut être prévu, sur le terrain financier, que l'acquéreur prenne à son compte « les frais non remboursés par la CPAM ou les mutuelles » . Sur le plan humain, il peut être prévu en sus certaines prestations en nature. Que l'on songe, par exemple, à une obligation de visites régulières, à l'organisation de sorties de temps en temps si l'état de santé du vendeur le permet, à la fourniture de prestations de base pour le confort de la vie (achat de vêtements, de revues, etc.), « en un mot tout ce qui permet de laisser espérer au vendeur qu'il aura toujours des conditions de vie correctes » . Peu rassuré par la perspective de devoir supporter des frais dont le montant est très difficile à appréhender, l'acquéreur peut imposer, quant à lui, une clause contractuelle prévoyant, dans ces circonstances, la conversion des obligations en nature en une rente viagère dont le montant et l'indexation doivent également être définis.
Le vendeur doit également se prémunir, dans la mesure du possible, contre les aléas susceptibles d'affecter l'exécution de ses obligations par l'acquéreur. Généralement, le contrat est assorti d'une clause résolutoire de plein droit à défaut d'exécution des prestations convenues , étant ici rappelé qu'en l'absence de prévision expresse en ce sens, « la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice » (C. civ., art. 1227). Le bail à nourriture peut également comporter des risques d'impossibilité d'exécution d'ordre psychologique. La nature des obligations imposées à l'acquéreur étant très spécifiques et pouvant être de longue durée, les risques de mésentente liés aux exigences d'un vendeur vieillissant, à la lassitude ou à l'avarice de l'acquéreur ne sont pas à négliger, sans que l'on puisse du reste nécessairement les imputer à l'un plutôt qu'à l'autre. Le vendeur peut se prémunir contre cette situation en faisant insérer dans l'acte une clause de conversion du bail à nourriture en rente viagère pour le cas de mésentente. En ce cas, il est fondamental de définir les circonstances dans lesquelles cette faculté sera mise en ?uvre. D'une manière générale, à défaut de substitution contractuelle prévue ab initio, il convient de souligner que les juges du fond disposent de la faculté d'imposer une telle substitution, ce qui permet de sauver le contrat . Encore faut-il, pour ce faire, que les circonstances d'ordre matériel ou moral rendent impossible l'exécution en nature des prestations prévues, et que cette conversion soit possible, eu égard aux facultés contributives de l'acquéreur.
Cette faculté d'insérer dans l'acte une clause de conversion du bail à nourriture en rente viagère peut également être préconisée pour le cas du décès anticipé de l'acquéreur. Le caractère personnel attaché au bail à nourriture semble naturellement impliquer son intransmissibilité à cause de mort. Mais rien ne semble s'opposer à la faculté pour l'acquéreur de s'engager pour lui et pour ses héritiers, le terme étant alors le décès du vendeur. Bien évidemment, il doit avoir conscience, en pareil cas, de la charge qu'il impose à ses ayants droit, lesquels peuvent se retrouver contraints de renoncer à la succession s'il s'avère, à son décès, qu'ils ne sont pas aptes à assumer de telles obligations. C'est pourquoi, pour pallier ce risque, le contrat peut prévoir que le décès du preneur emportera la substitution d'une rente viagère ou, ce qui peut être plus confortable pour les héritiers de l'acquéreur, d'un versement en capital, réglé une fois pour toutes.

Le prêt viager hypothécaire

- Définition du prêt. - Tout droit importée des pays de common law, cette forme particulière de prêt a été insérée dans notre droit positif par l'ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés et amendée, à plusieurs reprises, depuis lors. Son régime est aujourd'hui codifié aux articles L. 315-1 et suivants, L. 341-53 à L. 341-61 et R. 315-1 et suivants du Code de la consommation. Le prêt viager hypothécaire peut se définir comme « un contrat par lequel un établissement de crédit ou un établissement financier consent à une personne physique un prêt sous forme d'un capital ou de versements périodiques, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l'emprunteur à usage exclusif d'habitation et dont le remboursement-principal et intérêts capitalisés annuellement ne peut être exigé qu'au décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué s'ils surviennent avant le décès » (C. consom., art. L. 315-1, al. 1er) . Nous allons procéder à une analyse descriptive du prêt viager hypothécaire (§ I), avant de jeter un regard critique sur cet instrument (§ II).

L'analyse descriptive du prêt viager hypothécaire

- Objet du prêt. - Le prêt viager hypothécaire est destiné à permettre à une personne propriétaire d'un bien immobilier, en échange de la mise en garantie de ce bien, d'emprunter une somme d'argent sans avoir à rembourser ni le capital, ni les intérêts de son vivant. Ce faisant, il peut sans nul doute constituer un outil financier aux fins d'anticiper une éventuelle vulnérabilité. Il s'agit là encore d'une anticipation tardive dans la mesure où le prêt viager hypothécaire cible principalement les personnes âgées. En effet, si les textes ne soumettent la souscription d'un tel prêt à aucune condition d'âge, on constate, dans les faits, que les établissements bancaires possédant ce type de produits dans leurs catalogues ne les présentent qu'aux propriétaires seniors, âgés de soixante-cinq ans et plus. En cela, il constitue un produit financier qui permet l'accès au crédit à la consommation à des personnes propriétaires de leur logement mais qui, compte tenu de leur âge, n'ont plus la faculté d'obtenir un prêt classique, en mobilisant, sans s'en départir, leur résidence principale. La somme empruntée peut être versée en une seule fois pour un besoin ponctuel ou par le biais de versements périodiques (tous les mois ou tous les trimestres par exemple). Sous réserve de ne pas financer une activité professionnelle (C. consom., art. L. 315-1, al. 3), elle peut servir à financer tout type de projet personnel. Il peut s'agir notamment de financer des dépenses courantes, en complément de la retraite, des dépenses de santé, ou encore des travaux de mise aux normes ou d'adaptation de son logement à sa fin de vie.
- Conditions du prêt. - De prime abord, les conditions de l'obtention du prêt viager hypothécaire sont peu contraignantes dans la mesure où l'emprunteur n'a pas l'obligation de souscrire à une assurance de prêt, et qu'il n'est soumis à aucune condition de ressources ou d'état de santé , l'idée étant ici - faut-il le rappeler - de proposer un produit à l'attention des retraités, lesquels n'ont pour la plupart, outre une santé fragilisée, que de faibles revenus. En revanche, pour pouvoir souscrire un prêt viager hypothécaire, et c'est la condition de base, il faut être propriétaire d'un bien immobilier, lequel va servir de garantie à l'établissement prêteur. Ce bien doit être un bien à usage exclusif d'habitation, ce qui exclut du mécanisme un bien immobilier à usage mixte (habitation et professionnel) , le bien détenu sous forme de société civile immobilière, le terrain nu ou encore le bien en état futur d'achèvement (Vefa). Par ailleurs, le dispositif légal ne saurait utilement s'appliquer en présence d'un bien indivis ou détenu en démembrement de propriété .
- Obligations des parties. - On constate toutefois que derrière cette souplesse de façade, le prêt viager hypothécaire obéit à un cadre réglementaire strict. Ainsi, pour souscrire un tel prêt, l'emprunteur doit se soumettre à plusieurs obligations légales.
Parce que le bien immobilier sert de garantie et qu'il est donc au C?ur du prêt viager hypothécaire, l'évaluation de sa valeur est essentielle. Un expert indépendant, choisi en accord avec l'organisme prêteur mais dont l'emprunteur supporte entièrement la charge financière, doit réaliser cette évaluation, sous l'?il attentif du notaire instrumentaire qui doit veiller à sa cohérence.
Au cours du contrat, aucune obligation de rembourser le prêt de son vivant ne pèse sur l'emprunteur, sauf à ce que le contrat ait prévu le paiement périodique des intérêts de l'emprunt avant son échéance (C. consom., art. L. 315-1, al. 2). En revanche, l'emprunteur doit « apporter à l'immeuble hypothéqué tous les soins raisonnables » (C. consom., art. L. 315-12), ce qui revient à faire peser sur lui une obligation d'entretenir le bien hypothéqué afin de ne pas en réduire la valeur de son propre fait (ravalement de façade, entretien du jardin, etc.). Par ailleurs, si l'emprunteur entend mettre son bien en location, il doit obtenir, pour ce faire, l'accord écrit de l'organisme prêteur.
De son côté, compte tenu de la spécificité attachée à ce contrat de prêt, le prêteur est soumis à une obligation d'information renforcée, destinée à protéger l'emprunteur (C. consom., art. L. 315-4 à L. 315-11). Cette obligation se concrétise dès les modalités de commercialisation du produit et se retrouve dans le contenu de l'offre, l'une comme l'autre faisant l'objet d'une réglementation très encadrée : mentions obligatoires dans l'offre de prêt, maintien de l'offre de prêt pendant trente jours et délai de réflexion en vue de l'acceptation d'au moins dix jours, acte notarié, interdiction du démarchage, publicité loyale et informative, etc.
- Montant du prêt. - S'agissant du montant du prêt, les pouvoirs publics ont laissé une large marge d'appréciation aux banques. Ce montant, capital et intérêts cumulés, dépend de l'âge de l'emprunteur et de la valeur du logement offert en garantie, étant ici souligné qu'il ne saurait cependant excéder la valeur du bien, appréciée lors de l'échéance du terme (C. consom., art. L. 315-15, al. 1er). Dans les faits, ce montant est compris entre 15 % et 75 % de la valeur du bien estimée. Comme le prêt est d'une durée viagère, plus l'emprunteur est âgé, plus le montant est élevé. Le sexe de l'emprunteur est également pris en compte. Dans la mesure où, en France, les femmes ont (encore) une espérance de vie plus élevée que celle des hommes, elles peuvent ainsi prétendre à disposer d'une somme d'argent plus importante qu'eux, à âge et situation égale.
- Dénouement du prêt. - Le contrat de prêt est destiné à prendre fin avec le décès de l'emprunteur, auquel cas l'organisme prêteur se rembourse en vendant le bien, sauf aux héritiers à rembourser les fonds prêtés pour conserver le bien (C. consom., art. L. 315-20).
En cas de mise en ?uvre de l'hypothèque, les textes sont fluides et prévoient que le montant du capital et des intérêts ne peut pas être supérieur à la valeur du bien hypothéqué estimée à la fin du contrat (C. consom., art. L. 315-15, al. 1er). L'emprunteur peut donc contracter en toute sérénité, sachant que ses héritiers ne seront pas tenus au-delà de cette valeur. À l'inverse, si la dette est inférieure à cette valeur, fixée par expert, le différentiel doit être restitué aux héritiers (C. consom., art. L. 315-15, al. 2).
L'hypothèse d'un paiement spontané des héritiers laisse plus dubitatif, non pas dans son principe, mais dans ses modalités de mise en ?uvre, nullement organisées et manifestement supposées aller de soi. Les questionnements, pour ne pas dire les inquiétudes, sont pourtant nombreux . S'agissant des héritiers, s'ils sont plusieurs, la loi n'a prévu aucun délai ni aucune procédure de concertation leur permettant d'exercer sereinement, et par une décision collective, le choix que leur ménage la loi soit de payer la dette, soit de laisser le créancier se désintéresser sur le bien grevé . La banque, armée d'un titre exécutoire, pourrait ainsi faire valoir ses droits huit jours à peine après l'avoir signifié aux héritiers (C. civ., art. 877), sans même attendre l'exercice de l'option successorale que l'article L. 315-20, alinéa 2 du Code de la consommation tient ici pour indifférente . En ce qui concerne le prêteur, il peut craindre que les héritiers ne prêtent pas la main à un dénouement rapide et heureux, notamment s'ils découvrent l'existence du prêt à la mort de l'emprunteur. Le prêteur risque alors de se trouver confronté sinon à l'opposition, du moins à l'inertie des survivants.
Le prêt viager hypothécaire peut également prendre fin, de manière prématurée, à l'initiative du propriétaire. D'une part, il peut vendre lui-même son bien, auquel cas la banque récupère son capital et a l'autorisation de contester la vente si elle juge le montant du bien sous-estimé. D'autre part, il peut décider de procéder à un remboursement anticipé, total ou partiel, du prêt (C. consom., art. L. 315-16 et s.), ce qui peut toutefois représenter une mauvaise opération financière, car un tel remboursement entraîne le paiement de pénalités qui dépendent du moment où il intervient dans le temps (C. consom., art. L. 315-17).

Les regards critiques sur le prêt viager hypothécaire

- Une destinée décevante. - Le prêt viager hypothécaire permet d'emprunter à un âge avancé et de se procurer des ressources sans avoir à procéder à des remboursements de son vivant et donc sans ponctionner dans son épargne, sans vendre son patrimoine, sans obérer son niveau de vie et sans solliciter ses enfants ou des proches . Il présente au surplus l'avantage de permettre la perception d'un versement, susceptible d'être périodique, de la part d'un cocontractant - un établissement financier - par essence solvable.
Et pourtant, « l'innovation la plus médiatisée de la réforme des sûretés » n'a pas connu l'engouement que ses promoteurs lui prédisaient, faute d'avoir su trouver son public, qu'il s'agisse des banques ou bien des clients eux-mêmes . De leur côté, les établissements prêteurs y voient un mécanisme bien trop risqué, car trop aléatoire. À vrai dire, la crainte est doublement fondée. D'une part, les prêteurs s'exposent au risque d'une sous-évaluation de l'espérance de vie de l'emprunteur et du retournement du marché immobilier ; la dette étant impérativement plafonnée à la valeur du bien, si la dette est supérieure au prix de vente du bien pour l'une des deux raisons évoquées, c'est l'établissement financier qui supportera cette perte et non le débiteur ou ses héritiers. D'autre part, ils s'exposent au risque de « non-liquidité » du bien immobilier dans la mesure où le délai entre le décès et la liquidation de la succession peut s'avérer très long. Si l'on rajoute que le prêt viager hypothécaire ne fait l'objet d'aucune aide publique, on comprend que l'établissement prêteur assume seul la totalité de ces risques, ce qui explique peut-être la modicité des sommes prêtées eu égard à la valeur du bien.
Les emprunteurs, quant à eux, éprouvent une réelle « méfiance vis-à-vis d'un mécanisme qui promet le beurre (un prêt), l'argent du beurre (non remboursable de leur vivant) et le sourire du banquier » . En réalité, l'emprunteur ne percevra pas un prêt d'un montant égal à la valeur de son bien et contractera sur la base d'un taux d'intérêt plus élevé que ceux pratiqués en matière de prêt immobilier classique . Si l'on y ajoute les frais d'expertise du bien, objet de la garantie, et les frais d'inscription de l'hypothèque, le coût de ce crédit peut devenir prohibitif. Par ailleurs, le ratio montant prêté/valeur du bien est jugé trop faible. Enfin, il ne faut pas oublier non plus que l'emprunteur est certes toujours chez lui et propriétaire de son logement, mais sous surveillance du créancier qui veillera à la conservation de la valeur de son bien et à son utilisation selon ce qui aura été convenu. L'avantage d'être « propriétaire » doit donc être relativisé.
Le tableau ne serait pas complet si l'on passait sous silence la situation des héritiers de l'emprunteur. Il convient, en effet, d'avoir à l'esprit qu'avec le prêt viager hypothécaire, et ce ne pas la moindre de ses particularités, l'emprunteur n'est pas le débiteur ! Dès lors qu'elle n'use pas de sa faculté de remboursement anticipé, ce n'est pas la personne âgée elle-même qui aura à pâtir du remboursement du prêt, mais ses héritiers. C'est ainsi que sans être initialement parties au contrat, ces derniers, tenus d'en supporter les conséquences, en sont les victimes par ricochet. Certes, la dette est plafonnée à la valeur de l'immeuble au jour de l'ouverture de la succession. Mais le de cujus peut avoir contracté d'autres dettes que les héritiers envisageaient de payer en vendant l'immeuble, l'actif disponible au jour du décès se révélant insuffisant. Une telle aliénation étant juridiquement irréalisable, les héritiers pourront alors n'avoir d'autre choix que de renoncer à la succession.
Le choix de cet instrument de financement doit se faire, dès l'origine, et parfois sous l'?il attentif du notaire, à l'aune des intérêts respectifs, et susceptibles d'être divergents, au sein de la famille. Sauf à céder à une stricte logique individualiste, qui peut « confiner à l'égoïsme » , l'emprunteur qui entend se procurer des ressources pour faire face à sa vulnérabilité doit avoir conscience, lorsqu'il souscrit à ce crédit particulier, qu'il impose à ses héritiers la charge d'un prêt remboursable post mortem, qui peut s'avérer très lourde en raison de l'accumulation des intérêts, notamment dans le cas d'emprunteurs jeunes, au point de risquer d'aboutir de facto à leur exhérédation.

Proposition du 113 Congrès des notaires de France pour une promotion du prêt viager hypothécaire aux fins d'adaptation des logements

Qu'il nous soit permis de rappeler que, constatant qu'il convenait de rendre plus attractif le prêt viager hypothécaire en garantissant aux établissements de crédit et aux établissements financiers le remboursement de l'intégralité de leur créance lorsque les fonds prêtés servent à l'adaptation du logement à la perte d'autonomie, le 113e Congrès des notaires de France, par l'intermédiaire de sa commission « Solidarité » a proposé « que soit créé un fonds de garantie de l'État dont le rôle serait de prendre en charge la différence entre le montant total de la créance (en principal et intérêts) et la valeur du bien immobilier donné en garantie, afin d'assurer aux établissements de crédit et aux établissements financiers le remboursement total de la dette de l'emprunteur lorsque les fonds prêtés, au titre d'un prêt viager hypothécaire, ont servi à financer l'adaptation du logement à la perte d'autonomie ». En l'état, cette proposition n'a pas été suivie d'effet.

La création du prêt avance mutation

Pour remédier à cet inconvénient, et accessoirement pour impulser une nouvelle dynamique au prêt viager hypothécaire (PVH), la loi no 2015-992 du 17 août 2015 a créé le prêt avance mutation (PAM), « titre mystérieux et vide de sens » , qui, fondamentalement est un PVH classique, à la seule différence que l'emprunteur peut rembourser progressivement les intérêts selon une périodicité convenue (C. consom., art. L. 315-1, al. 2). L'objectif est de limiter le montant dû par les héritiers et donc la charge potentiellement considérable qu'ils peuvent avoir à supporter. Force est de constater que cette évolution n'a cependant rien changé : le nombre de PVH n'a pas décollé et les PAM sont rarissimes. Les raisons de ce flop sont connues. Outre l'interdiction de démarchage, très liée à la perception « amorale » du viager, qui s'applique aussi au PAM , le fait que les intérêts soient remboursables et non obligatoirement capitalisés est apparu comme une source de complexité pour les banques, notamment en ce que cela conduit à accroître l'incertitude sur la durée du prêt, ce qui perturbe la gestion du refinancement et donc la fixation du taux d'emprunt. Par ailleurs, cette faculté nouvelle est venue brouiller la compréhension des emprunteurs sur la nature du PVH, l'argumentaire commercial reposant sur le fait que le prêt viager n'a pas à être remboursé du vivant de l'emprunteur.
- Une articulation imparfaite avec les règles successorales. - Au-delà de ces considérations pragmatiques qui expliquent le peu d'engouement suscité par ce produit, on constate, à l'analyse, que le prêt viager hypothécaire est doté d'un régime juridique lacunaire en ce qu'il se caractérise, tout particulièrement, par l'absence regrettable d'un véritable effort d'articulation avec le droit successoral. Outre les interrogations soulevées par l'exercice de l'option offerte aux héritiers au décès de l'emprunteur, qui ont déjà été révélées, plusieurs difficultés en témoignent.
La première se manifeste lorsqu'un emprunteur marié contracte seul, sur le logement de la famille, un prêt viager hypothécaire avec la bénédiction de son époux (C. civ., art. 215). En pareille occurrence, et dans le silence malencontreux des textes, comment combiner les droits du conjoint survivant de demeurer dans les lieux avec la créance hypothécaire de la banque devenue exigible au décès ? S'agissant du droit temporaire au logement (C. civ., art. 763), on peut certainement considérer, sous l'impulsion d'un auteur , que son caractère d'ordre public semble impliquer « une suspension du prêt viager hypothécaire » pendant la durée de la jouissance gratuite conférée au conjoint . En revanche, la question est plus délicate, et la doctrine partagée, concernant le droit viager au logement (C. civ., art. 763). « Parce qu'il serait choquant de voir le droit viager au logement s'appliquer à une richesse déjà « consommée » par le défunt » , il semble bien toutefoisque le droit viager ne puisse être opposé au prêteur titulaire d'une hypothèque antérieure . Cette solution n'est pas anormale. Si le prêt a été, et c'est généralement le cas compte tenu de l'âge des emprunteurs, octroyé en cours de mariage, l'époux survivant a nécessairement autorisé son conjoint à contracter le prêt litigieux (C. civ., art. 215, al. 3). On peut légitimement considérer que, ce faisant, il a sciemment et nécessairement renoncé à la protection attachée au logement de la famille . En conjuguant les deux solutions, celle prépondérante, relative au droit temporaire, et celle, sacrifiée, inhérente au droit viager, on constate que le mécanisme du prêt peut contraindre le conjoint survivant, passé l'année qui suit le décès, à libérer les lieux avant la vente de l'immeuble ou sa saisie. Destiné à protéger l'un des époux du besoin, le « dispositif déshabille son conjoint en le privant de son toit » , sauf à espérer que les autres actifs successoraux soient suffisants pour régler la dette.
La seconde difficulté, également identifiée par la doctrine, est celle, peu probable mais néanmoins envisageable, du legs du bien hypothéqué par voie testamentaire à un tiers, lequel va alors choisir de payer la dette ou, faute de moyens d'en accepter la saisie par la banque. Dans tous les cas, le légataire aura réglé la dette d'autrui, de sorte qu'il pourra exercer en toute logique un recours contre les héritiers acceptants , qui seront alors soumis à une double peine : celle de voir sortir un immeuble du patrimoine familial et d'avoir à supporter la dette qui le grève !
- L'avenir du prêt viager hypothécaire. - Devant pareils inconvénients, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur l'avenir du prêt viager hypothécaire en France. Alors que certains lui prédisent un avenir radieux au regard de la proportion croissante des personnes âgées dans la population et des difficultés à financer leurs besoins dans un contexte budgétaire contraint , d'autres, à l'inverse, réclament sa suppression . Peut-être la solution, comme souvent, est à rechercher entre ces deux extrêmes : elle consisterait, conformément à la proposition de M. Riffard, à repenser cet instrument non pas tant dans son fonctionnement mais dans sa finalité et à préconiser « une restriction drastique, mais salutaire, de son domaine d'intervention en abandonnant toute référence au crédit à la consommation et en le transformant en un crédit affecté à un but déterminé » . Et l'auteur de rappeler, au soutien de cette idée, que le Conseil économique et social, allant dans ce sens, avait d'ailleurs proposé dès 2008 de limiter le recours au prêt viager hypothécaire au seul financement de l'aménagement du logement grevé, de manière à permettre l'accompagnement du handicap.
Les pouvoirs publics ont amorcé une réflexion en ce sens, puisque le récent rapport Libault sur le grand âge et l'autonomie a proposé d'adapter le prêt viager hypothécaire au cas de la dépendance, en proposant la création d'un prêt viager dépendance réservé aux personnes en dépendance lourde (GIR 1 et 2). Ce prêt serait destiné à fonctionner comme un prêt viager hypothécaire classique, mais ne serait proposé que dans les cas de perte d'autonomie avérée nécessitant un choix de famille .
En attendant de connaître le sort éventuellement réservé à cette piste de réflexion dans le cadre de la loi grand âge et autonomie, il faut constater que ce produit destiné, de manière ingénieuse, à transformer la « pierre » en liquidités immédiatement consommables afin d'accroître le pouvoir d'achat des seniors en quête de compléments de retraite, occupe une place marginale à cette fin. Loin derrière les dispositifs de prévoyance liés à l'assurance, il souffre même de la comparaison avec des mécanismes, pourtant considérés comme désuets, comme la vente en viager , pour ne constituer aujourd'hui, et c'est regrettable, qu'une solution de dernier recours .