L'article L. 526-1 du Code de commerce s'applique aux droits sur l'immeuble (§ I) où est fixée la résidence principale de l'entrepreneur (§ II).
Les conditions relatives à la résidence principale
Les conditions relatives à la résidence principale
Un droit sur un immeuble
La loi utilise le terme assez large de « droits sur l'immeuble », mais on s'interrogera également sur les droits qui ne portent pas directement sur celui-ci.
- Un immeuble. - Le droit visé par le texte est le droit réel et plus particulièrement le droit de propriété. Le droit au bail d'habitation n'étant pas saisissable n'est pas concerné par cette disposition.
Le logement de l'entrepreneur, qu'il lui appartienne à titre personnel ou qu'il dépende de la communauté avec son conjoint, est intégralement protégé. À ce titre, le fait que le conjoint ne soit pas un entrepreneur individuel est sans conséquence. Si le logement est une propriété indivise, seule la quote-part détenue par l'entrepreneur individuel bénéficie de cette protection à l'encontre des créanciers professionnels.
Si le droit fait l'objet d'un démembrement, il pourra également échapper à la saisie, que l'entrepreneur possède l'emphytéose, l'usufruit ou même seulement la nue-propriété.
On assimilera à un droit sur l'immeuble la propriété des parts d'une société d'attribution (CCH, art. L. 212-1) et les conventions de location-accession (en secteur libre et en secteur HLM).
La valeur des droits concernés avait été discutée lors des débats préalables à l'adoption de la loi, mais la complexité de définir un plafond avait fait renoncer les parlementaires à une telle condition.
- Les droits indirects. - Les droits qui ne portent pas sur un immeuble ne sont pas visés par ce texte. Les péniches, mobil-home et autres biens meubles sont d'évidence écartés, mais la question est plus épineuse pour les parts de la société civile qui détient l'immeuble dans lequel l'entrepreneur à sa résidence principale. Le droit fiscal assimile la détention des parts de la société civile qui assure la résidence principale à la détention directe de celle-ci au regard de l'imposition à la plus-value immobilière et il ne paraît pas illégitime de faire de même en matière d'insaisissabilité.
Aujourd'hui le débat n'est pas tranché, mais les tenants de l'exclusion pourront invoquer une réponse ministérielle de 2005 précisant que « lorsqu'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale a établi sa résidence principale dans un immeuble appartenant à une société civile et qu'elle n'est titulaire que de parts sociales de cette société, elle ne peut pas bénéficier des dispositions des articles L. 526-1 et L. 526-2 » du Code de commerce
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Un immeuble affecté à l'habitation principale
La loi n'a pas cherché à définir ce qu'il faut considérer comme une habitation principale, mais elle a apporté des précisions lorsque l'immeuble n'est pas entièrement utilisé pour la résidence de l'entrepreneur.
- La résidence principale. - En l'absence de règles légales sur la notion de résidence principale, notamment en termes de durée, des auteurs indiquent que, faute de précision, il faut donc s'en référer au bon sens et considérer qu'il s'agit de l'immeuble occupé plus de six mois par an, de manière habituelle
. Faute de précision légale et de jurisprudence sur ce point, nous considérons ce critère comme recevable.
La date à laquelle il faudra se placer pour déterminer la résidence principale ne sera pas celle de la naissance de la créance, qui peut être très antérieure, mais celle à laquelle le créancier en demandera le recouvrement.
Le lieu de cette résidence peut également amener à s'interroger. Si l'habitation principale est en France, le texte a vocation à s'appliquer, mais qu'en est-il si la résidence est située à l'étranger ? Cette législation protectrice n'étant pas réservée aux nationaux (V. supra, no ), on peut légitimement penser que l'entrepreneur qui a sa résidence principale hors de France bénéficie de la protection de l'article L. 526-1 du Code de commerce, même si la législation du pays concerné ne connaît pas l'équivalent.
Enfin, il y a lieu de préciser que ce texte prévoit expressément que la domiciliation de la personne dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du Code de commerce ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable.
- L'affectation partielle. - Avant l'entrée en vigueur de la loi no 2015-990 du 6 août 2015, qui déclare applicable de plein droit l'insaisissabilité à la résidence principale, les textes précisaient que c'était à l'entrepreneur lui-même d'effectuer cette déclaration par acte notarié. Il était alors prévu que, si l'immeuble n'était que partiellement affecté à l'habitation principale, la déclaration devait contenir un état descriptif de division permettant de délimiter la partie concernée en vue de sa publication au service de la publicité foncière.
Le nouvel article L. 526-1 du Code du commerce a balayé cette difficulté en énonçant que : « Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire ».
Deux observations sur ce nouveau texte : en premier lieu, ce sera au créancier poursuivant d'établir cet état descriptif de division pour lui permettre d'appréhender la partie affectée à usage professionnel, ce qui va compliquer la procédure. En second lieu, le texte ne vise pas à isoler la partie servant de résidence principale mais celle affectée à l'usage professionnel. Il s'agit donc d'un élargissement à la partie de l'immeuble qui ne répond ni à la notion d'usage professionnel, ni à celle d'habitation principale, du bénéfice de l'insaisissabilité. Dans l'hypothèse d'une propriété dont une partie des bâtiments est affectée à un usage professionnel, le surplus échappera au droit de gage des créanciers même si le terrain d'assiette possède une valeur importante.