Les conditions

Les conditions

- Deux types de conditions. - Le législateur soumet la formation du mandat de protection future à deux séries de conditions : des conditions de fond (§ I) et des conditions de forme (§ II).
Lors du renouvellement du contrat, le loyer ne donne lieu à réévaluation que s'il est manifestement sous-évalué .
Loyers de référence. Le texte ne définit pas la sous-évaluation manifeste, mais précise à l'alinéa 2 que le bailleur peut proposer au locataire « un nouveau loyer fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables ».
Les loyers servant de référence doivent être représentatifs de l'ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables, situés soit dans le même groupe d'immeubles, soit dans tout autre groupe d'immeubles comportant des caractéristiques similaires et situés dans la même zone géographique.
La notion de voisinage n'est pas définie et les réponses ministérielles peu éclairantes . La Cour de cassation considère que les juges du fond ne sont pas tenus de fonder leurs décisions uniquement sur les loyers pratiqués par le bailleur dans le même immeuble et qu'il n'importe pas que les références du bailleur concernent des appartements lui appartenant, dès lors qu'elles sont représentatives des loyers habituellement pratiqués dans le voisinage immédiat .
La notion de comparabilité s'étend, quant à elle, à l'ensemble des éléments qui caractérisent le logement. Ceci signifie que les références doivent être prises pour des logements de qualité proche, de caractéristiques comparables (nombre de pièces, confort, environnement…) . Les références retenues doivent concerner des loyers constatés dans le voisinage pour des logements comparables au cours des trois dernières années ayant précédé la date de renouvellement du bail .
- Types de références. - L'article 17-2, alinéa 3 de la loi de 1989 précise qu'un décret en Conseil d'État définit les éléments constitutifs de ces références. L'article 1er du décret du 31 août 1990 , tel que modifié par le décret no 2019-437 du 13 mai 2019 , prévoit que les références à fournir par le bailleur mentionnent au moins , pour chaque logement loué :
a) Le nom de la rue et la dizaine de numéros où se situe l'immeuble ;
b) Le type d'habitat, individuel ou collectif, et l'époque de construction de l'immeuble ;
c) l'étage du logement et la présence éventuelle d'un ascenseur ;
d) la surface habitable du logement et le nombre de ses pièces principales ;
e) l'existence éventuelle d'annexes prises en compte pour le loyer ;
f) l'état d'équipement du logement : notamment, w.-c. intérieur, salle d'eau, chauffage central ;
g) l'indication selon laquelle le locataire est dans les lieux depuis plus ou moins de trois ans ;
h) le montant du loyer mensuel hors charges effectivement exigé ;
i) l'année de constatation des éléments constitutifs de la référence.
L'article 1-1 du décret du 31 août 1990 prévoit que « les références doivent porter non seulement sur des baux conclus récemment, mais également sur des baux conclus depuis plus de trois ans », sans que leur proportion ne soit précisée. L'article 19 de la loi du 6 juillet 1989, abrogé par la loi Alur, prévoyait qu'au moins deux tiers de ces références doivent correspondre à des locations pour lesquelles il n'y a pas eu de changement de locataires depuis au moins trois ans.
- Nombre de références. - Le bailleur doit fournir :
  • au moins trois références dans les autres zones géographiques ;
  • au moins six références dans les communes dont la liste est fixée par décret , faisant partie d'une agglomération de plus d'un million d'habitants.
- Observatoires des loyers. - Des références (période de construction d'un immeuble, typologie des logements…) peuvent être obtenues auprès du réseau des observatoires locaux des loyers ou de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap) . Ces observatoires ont notamment pour mission de recueillir les données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée et de mettre à la disposition du public des résultats statistiques représentatifs sur ces données .
Les professionnels qui interviennent, à quelque titre que ce soit, lors de la conclusion du contrat de bail d'un logement, lors de la location ou pour en assurer la gestion locative, communiquent à l'observatoire local des loyers compétent des informations relatives au logement et au contrat de location. Tout bailleur possédant une part significative des locaux constituant le parc de référence , à l'échelle de la zone géographique d'un observatoire local des loyers, communique audit observatoire, des informations relatives au logement et au contrat de location .
Nous renvoyons à ce qui a été indiqué ci-avant.
Sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux .
Les époux étant colocataires, la procédure tendant à obtenir l'expulsion d'un locataire d'un logement conjugal doit être engagée contre les deux époux . Toutefois, aux termes de l'article 9-1 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, « les notifications ou significations faites en application du présent titre par le bailleur sont, de plein droit, opposables au partenaire lié par un pacte civil de solidarité au locataire ou au conjoint du locataire si l'existence de ce partenaire ou de ce conjoint n'a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur ». Par conséquent, un locataire à l'obligation d'informer le bailleur de son mariage, en cours de bail, pour le rendre opposable aux deux époux.

Les conditions de fond

- Dualité des conditions de fond. - Les textes posent des conditions tenant, d'une part, au mandant (A) et, d'autre part, au mandataire (B).

Les conditions relatives au mandant

- Capacité du mandant. - Le mandat de protection future étant un contrat, il ne peut être souscrit que par une personne dotée de la capacité juridique. Partant, et par principe, toute personne majeure dispose de la faculté de souscrire un tel mandat (C. civ., art. 414 et 1123). Qu'en est-il, en revanche, lorsque la personne majeure est placée sous un régime de protection ? Tout dépend alors de l'intensité de cette dernière.
Le placement sous sauvegarde de justice n'empêche pas le recours à un tel mandat, la capacité du majeur étant alors maintenue.
De la même manière, l'accès au mandat de protection future est ouvert au majeur sous curatelle, lequel ne peut toutefois conclure ce contrat qu'en étant assisté de son curateur (C. civ., art. 477, al. 2) . En cas de refus de celui-ci, le curatélaire peut solliciter l'autorisation du juge (C. civ., art. 469, al. 3 et CPC, art. 1213) . De prime abord, et en dépit du silence des textes, la solution a vocation à s'appliquer à l'habilitation familiale aux fins d'assistance, dont les règles sont calquées, par principe, sur la curatelle (C. civ., art. 494-1, al. 1er) .
En revanche, la personne majeure qui fait l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation familiale aux fins de représentation ne peut recourir au mandat de protection future (C. civ., art. 477, al. 1er). S'agissant de l'habilitation familiale, et en dépit de cette pétition de principe, il convient en réalité de distinguer selon que l'habilitation en cause est générale, auquel cas la personne protégée ne peut effectivement conclure un tel mandat (C. civ., art. 494-8, al. 2) ou spéciale, dans la mesure où dans cette hypothèse la personne protégée conserve la faculté de conclure un mandat de protection future, lequel pourra être mis en ?uvre après l'accomplissement du ou des actes pour lesquels l'habilitation a été délivrée ou pour l'accomplissement d'autres actes que ceux couverts par l'habilitation spéciale (C. civ., art. 494-8, al. 1er).
- Mandat tardif. - La loi laisse la faculté à la personne sauvegardée et à la personne en curatelle de signer un mandat de protection future. Il en va de même a fortiori lorsqu'une procédure en vue de l'ouverture d'une telle mesure est encore pendante devant le juge des tutelles.
En droit, ces préconisations semblent parfaitement justifiées. Le mandat peut intervenir tant que la personne a « la capacité mentale de faire un acte juridique » . Or, ni la mise en place d'une mesure de protection judiciaire sans représentation, ni a fortiori le seul dépôt d'une requête à cette fin ne remettent en cause la capacité de l'intéressé. La règle consacre à la fois le respect de la volonté de la personne protégée et le principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport au mandat de protection future (C. civ., art. 428, al. 1er). Et puis, le juge des tutelles, agissant ainsi comme une soupape de sécurité, est susceptible d'intervenir dans de telles circonstances, lorsque le mandat de protection future ne permet pas de garantir la préservation de la personne du mandant et de son patrimoine (C. civ., art. 483, 4o).
La justification en droit de la règle n'empêche pas de s'interroger en fait sur l'opportunité de mettre en place un mandat de protection future dans ces circonstances. En effet, la tardiveté du mandat semble alors de nature à jeter la suspicion sur les circonstances ayant présidé à sa conclusion et, par suite sur son aptitude à pourvoir suffisamment aux intérêts du mandant. Bien plus, si, placé sous curatelle, le mandant bénéficie de l'assistance de son curateur pour signer le mandat, il en va différemment de celui qui, sous simple sauvegarde en justice, est livré à lui-même avec le risque évident d'un mandat extorqué par des mandataires sans scrupules. À dire vrai, le mandat de protection future est une mesure d'anticipation qui semble mal s'accommoder, de prime abord, avec l'instruction ou la préexistence avérée d'une mesure judiciaire de protection. Les doutes sur le discernement du mandant sont, dans un cas, légitimes et, dans l'autre, démontrés. Or, « pour qu'il y ait autonomie de la volonté encore faut-il qu'il y ait volonté saine et libre » .
D'une manière générale, le risque de remise en cause du mandat est évident quand on constate une proximité de sa signature et de sa mise à exécution. C'est le cas a fortiori en présence d'un mandat purement « défensif » , conclu pendant la phase d'instruction d'une requête en vue de la mise en place d'une protection judiciaire ou lorsqu'une telle mesure est déjà en place, vraisemblablement sur la suggestion de son bénéficiaire, et pour faire échec à ladite mesure. Aussi la signature d'un mandat tardif suppose-t-elle pour le notaire rédacteur de respecter un principe de précaution accru, afin de s'assurer que le mandant, en dépit du contexte, bénéficiait d'un discernement suffisant pour comprendre le sens et la portée de son acte. Le notaire prendra soin de conserver la preuve de ces diligences, sous peine de voir sa responsabilité engagée. En cas de doute avéré sur le discernement du mandant, il doit bien évidemment refuser d'instrumenter.

La jurisprudence relative à l'articulation d'une mesure de protection judiciaire avec la conclusion d'un mandat de protection future

La Cour de cassation a rendu deux décisions concernant des mandats tardifs.
Dans la première espèce, la Cour de cassation a approuvé des juges du fond d'avoir écarté, au profit d'une curatelle, un mandat de protection future signé pendant la procédure devant le juge des tutelles par une personne sous sauvegarde de justice, au motif que celle-ci se trouvait sous l'emprise de son fils, désigné en qualité de mandataire de protection future, qui l'isolait du reste de sa famille contre sa volonté, et dont la gestion était entachée d'opacité .
Dans la seconde espèce, elle a pareillement approuvé la révocation d'un mandat conclu par un jeune autiste sous sauvegarde de justice désignant son père en qualité de mandataire de protection future, au profit d'une curatelle renforcée confiée à ce dernier .
Dans ces deux espèces, faisant manifestement fi du principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport au mandat de protection future (C. civ., art. 428, al. 1er), les hauts magistrats ont admis (trop) facilement la mise à l'écart du second au profit des premières. Il est toutefois difficile de tirer de véritables enseignements de ces décisions dans la mesure où la question épineuse de l'application ou non du principe de subsidiarité des mesures de protection judiciaire par rapport au mandat de protection future ne lui était pas clairement posée. C'est dire que l'on attend donc toujours avec impatience que la Cour de cassation ait une occasion de devoir se prononcer explicitement sur les conditions de l'application éventuelle ou non d'un mandat de protection future tardif, conclu et ayant pris effet au cours de l'instance aux fins d'ouverture d'une mesure de protection juridique.
- Annulation du mandat. - Une altération des facultés mentales du mandant au moment de la conclusion du mandat de protection future n'entraîne pas nécessairement son annulation puisque le texte permet à une personne sauvegardée ou sous curatelle, par hypothèse atteinte d'une telle altération, de conclure un tel mandat. En définitive, l'annulation ne peut être prononcée que s'il est établi que le mandant, en raison de l'importance de l'altération de ses facultés, n'était pas en mesure de s'engager valablement au moment de la conclusion. Aucune disposition ne donnant compétence au juge des tutelles pour statuer sur une telle demande d'annulation, celle-ci relève de la compétence de droit commun du tribunal de grande instance . Contrairement à une idée reçue, le juge des tutelles n'est donc pas le juge de la validité du mandat de protection future. Il peut simplement bloquer sa mise en ?uvre s'il est démontré que l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant (C. civ., art. 483, 4o) .

Les conditions relatives au mandataire

- Liberté de choix. - Le mandant procède librement à la désignation de la personne de son choix, sous réserve de certaines restrictions.
Ainsi le mandataire peut être une personne morale, laquelle doit cependant être choisie sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs prévue à l'article L. 471-2 du Code de l'action sociale et des familles (C. civ., art. 480, al. 1er).
Le mandataire peut également être une personne physique, ce qui est du reste généralement le cas dans les faits. Les textes imposent seulement, en pareille occurrence, que la personne choisie jouisse de la capacité civile pendant toute la durée du mandat (C. civ., art. 480, al. 2) et qu'il remplisse, pendant la même durée, les conditions requises pour l'exercice des charges tutélaires (C. civ., art. 395 et 445, al. 2 et 3).
Concrètement, ces conditions excluent la possibilité pour le mandant de désigner comme mandataire de protection future :
  • un majeur placé sous un régime de protection juridique ;
  • un mineur non émancipé ;
  • une personne à qui aurait été retirée l'autorité parentale ou à qui l'exercice des charges tutélaires aurait été interdit en application de l'article 131-26 du Code pénal (C. civ., art. 480, al. 2, qui renvoie à C. civ., art. 395) ;
  • les membres des professions médicales ou pharmaceutiques ainsi que les auxiliaires médicaux, lesquels ne peuvent être classiquement désignés mandataires de leurs patients (C. civ., art. 480, al. 2, qui renvoie à C. civ., art. 445) ;
  • enfin, le fiduciaire désigné par le contrat de fiducie (C. civ., art. 445, al. 3).
Outre ces restrictions égales, il va sans dire, au surplus, que le rédacteur de l'acte, qu'il s'agisse du notaire ou d'un avocat, ne saurait être concomitamment partie à l'acte et donc être investi de la qualité de mandataire, et ce d'autant plus, pour le notaire, que la loi lui confie au surplus la charge de contrôler a posteriori les actes de ce dernier (C. civ., art. 491).
- Pluralité de choix. - L'article 477 du Code civil autorise la nomination de plusieurs mandataires.
D'une part, la pluralité de mandataires peut être successive. Le mandant peut ainsi décider de procéder à la désignation d'un mandataire principal, normalement chargé d'exercer la fonction, et d'un ou plusieurs mandataires subsidiaires, chargés de suppléer le premier si celui-ci ne pouvait exercer sa mission pour un motif quelconque (décès, incapacité, révocation, renonciation, etc.). Il est vivement conseillé au mandant de prévoir une telle désignation en cascade, car il se pourrait qu'au moment du décès du mandataire désigné, ou de son incapacité, il ne soit plus en état lui-même de pourvoir à son remplacement. Or, dans ce cas, et parce qu'il ne lui appartient pas de pallier la volonté du mandant, le juge ne viendra pas au secours du mandat. Il ne restera plus qu'à abandonner le mandat pour en revenir aux solutions légales, ce qui serait regrettable .
D'autre part, la pluralité de mandataires peut être simultanée, ce qui appelle davantage de réserves. Le mandant peut ainsi confier la mission à plusieurs mandataires qui exerceront leur mission avec des pouvoirs alternatifs ou concurrents, en fonction des actes à accomplir. Le procédé peut être particulièrement utile lorsque des compétences spécifiques sont requises pour la gestion d'un bien déterminé ou en présence d'un patrimoine complexe. Une autre option consiste à désigner un mandataire attaché à la personne, tandis qu'un autre lui sera préféré pour la gestion du patrimoine. Le mandant peut aussi opter pour la désignation distributive d'un mandataire chargé de la gestion du patrimoine professionnel et d'un autre appelé à gérer le patrimoine personnel.
À vrai dire, toutes les formules sont envisageables. Le risque est toutefois évident en présence d'un collège de mandataires de voir naître des conflits entre eux, a fortiori lorsqu'ils se sont vu confier des pouvoirs concurrents sur les biens. C'est pourquoi, à notre sens, mieux vaut éviter la désignation simultanée de plusieurs mandataires. Si, toutefois, le mandant privilégie cette formule, il s'agit de l'encadrer strictement. Bien évidemment, et a minima, le mandant doit être attentif aux affinités de chacun et à leurs domaines d'intervention respectifs. Au-delà, le mandat doit contenir de clauses destinées à prévenir d'éventuelles situations de blocage, par exemple en donnant une prévalence à l'un des mandataires en cas de tiraillements. À défaut, et ce serait fâcheux, il appartiendra au juge des tutelles d'intervenir (C. civ., art. 484), qui n'aura d'autre choix vraisemblablement que d'ouvrir une mesure de protection judiciaire.

Conseil pratique

La double désignation d'un mandataire prioritaire et d'un mandataire subsidiaire constitue une précaution rédactionnelle élémentaire, car elle présente l'intérêt de sécuriser au maximum le contrat conclu par le mandant et de faire en sorte qu'il trouve exécution malgré les aléas qui pourraient survenir
.

- Opportunité du choix. - Bien que les textes ne l'exigent pas expressément, le choix du mandataire doit être guidé par l'aptitude particulière dont il dispose pour gérer efficacement le patrimoine du mandant. « Cette aptitude pourra être appréciée au regard de différents critères parmi lesquels la complicité qu'il entretient avec le mandant, sa qualification particulière, sa proximité géographique avec les biens objet du mandat, le fait qu'il ait été associé par le mandant à la gestion de ces biens » . Bien évidemment, les qualités requises pouvant être puisées chez divers intervenants, et en dépit des inconvénients de la formule, le choix d'une pluralité de mandataires peut parfois s'imposer au mandant.
En pratique, bien que la solution ne soit nullement imposée par les textes, et pour des raisons évidentes, c'est très souvent un proche, issu de l'environnement familial qui est choisi . On songe ici principalement aux enfants, même si l'on sait que la désignation de l'un d'entre eux peut créer des tensions et des suspicions au sein de la fratrie. Une répartition des rôles entre les uns et les autres, en fonction de leurs compétences respectives, tout en ayant conscience des risques de conflits qui en résultent, peut alors constituer une solution idoine.
La question du choix du mandataire présente une réelle particularité si le mandant est marié. Qui choisir en pareille occurrence ? De prime abord, de nombreux avantages postulent pour que le mandat de protection future soit confié au conjoint, lequel est naturellement « la personne la plus proche, la plus disponible, la plus attentive et la plus au fait, dans l'intimité du foyer, de la connaissance du mandant, de son patrimoine, de sa personne » . Au-delà, ne pas choisir le conjoint est risqué, car les pouvoirs du mandataire de protection future viendront alors en concurrence avec ceux que le conjoint tire des règles issues du régime primaire et des régimes matrimoniaux et pourront susciter autant de discordes entre les protagonistes. C'est dire que le principe de réalisme milite en faveur de la désignation du conjoint en qualité de mandataire. Les inconvénients liés à un tel choix ne doivent cependant pas être occultés. Que l'on songe principalement aux conflits d'intérêts qui peuvent surgir, d'une part, entre le mandant et son conjoint en cas de séparation et, d'autre part, entre le conjoint et les enfants du mandant, notamment, mais pas seulement, si ces derniers sont issus d'une autre union. Face à un tel risque, la désignation complémentaire d'un mandataire ad hoc peut s'avérer judicieuse. En tout état de cause, et sauf à prévoir un mandataire de substitution, le choix du conjoint est évidemment à proscrire si ce dernier a approximativement le même âge que le mandant, car le risque est alors évident que le mandataire ne voie sa santé physique et intellectuelle décliner concomitamment à celle du mandant et ne soit donc pas en mesure d'accomplir sa mission.
Dans l'hypothèse où le mandant privilégie un tiers au conjoint, et pour éviter les tensions éventuelles inhérentes à une mise à l'écart totale de ce dernier, il peut être opportun de combiner les dispositions concurrentes, en associant par exemple le conjoint dans les décisions à prendre, ou du moins certaines d'entre elles. Au rebours, dans l'hypothèse où le conjoint a été choisi comme mandataire, il est loisible de prévoir des clauses, certes contraignantes pour le conjoint, mais destinées à sécuriser et protéger les enfants, par exemple en subordonnant à leur accord tous actes de disposition à définir.
Bien évidemment, l'intérêt de toutes ces précautions rédactionnelles doit être apprécié à l'aune du contexte familial. Si ce dernier est déjà particulièrement tendu, le choix d'une personne totalement étrangère à ce contexte, tel un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, doit être privilégié.
La situation est globalement identique si le mandant entend choisir son partenaire ou son concubin en qualité de mandataire de protection future.

Une armée mexicaine? parfois indispensable !

Tout doit être prévu, c'est là toute la difficulté, afin que le mandat fonctionne harmonieusement, sans risques potentiels de conflits. Dans cette optique, et dans l'idéal, le mandat ne peut pas se contenter, dans la plupart des cas, de prévoir la seule désignation d'un mandataire, à qui l'on donnerait carte blanche.
Ainsi, outre la pluralité de mandataires, qui présente certains inconvénients, et avec des réserves globalement similaires, il peut être utilement envisagé la désignation d'un ou plusieurs tiers de confiance. Cette faculté n'est pas prévue par la loi, mais elle résulte des réflexions des praticiens qui y voient plusieurs intérêts, notamment celui d'associer, par ce biais, d'autres personnes de la famille ou d'autres proches - par exemple, les enfants - aux décisions concernant la personne protégée, pour qu'ils ne se sentent pas exclus par le mandataire .
Au-delà, parce qu'il s'agit de trouver dans le cadre du mandat de protection future des solutions qui permettent d'évacuer, autant que possible, le recours au juge, le mandant peut désigner un subrogé mandataire, qu'il s'agisse d'un autre enfant en présence d'une fratrie ou d'une tierce personne en l'absence d'enfants. Ce subrogé mandataire peut être investi, à l'instar de tout tiers de confiance, d'un pouvoir de surveillance du mandataire de protection future mais, à nos yeux, son rôle de contrepoids à l'action de ce dernier est davantage marqué. Dans la rédaction du contrat, le mandant peut évidemment s'inspirer de l'article 454 du Code civil qui prévoit le rôle alloué classiquement au subrogé curateur et au subrogé tuteur. Il peut aussi aller plus loin et prévoir que les actes de disposition soient soumis au consentement du subrogé mandataire, quitte même, on peut le suggérer, à se passer dans certains cas de l'autorisation du juge, pourtant requise par les textes .
Enfin, il peut être judicieux de désigner un mandataire ad hoc pour couvrir l'hypothèse de la survenance d'un conflit d'intérêts au cours de l'exécution entre le mandataire et le mandant, et ce d'autant plus que les textes n'offrent aujourd'hui au juge, dans le silence du mandat, qu'une faculté étroite de procéder à une telle désignation (C. civ., art. 485, 2o) .

Les conditions de forme

- Dérogation au droit commun. - Contrairement au droit commun du mandat, qui n'exige aucune forme particulière pour la conclusion d'un tel contrat, le mandat de protection future est soumis par la loi à un formalisme minutieux. Il s'agit, par ce biais, d'attirer l'attention du mandant sur la gravité de ce qu'il entreprend. Cependant, si elle n'est pas libre, la conclusion du mandat peut toutefois prendre deux formes, dont le choix est laissé aux parties : l'acte notarié ou la signature privée (C. civ., art. 489).
- Mandat notarié. - Les parties peuvent opter pour la forme authentique. Le mandat est alors reçu par le notaire choisi par le mandant et accepté par le mandataire dans les mêmes formes (C. civ., art. 489, al. 1er).
Une sous-section complète du code est consacrée au mandat notarié (C. civ., art. 489 à 491).
Les textes prévoient ainsi que le mandant a la faculté de modifier ou de révoquer le mandat donné, tant que celui-ci n'a pas pris effet. La modification du mandat doit respecter la règle du parallélisme des formes. Ainsi, par exemple, une modification des pouvoirs du mandataire nécessitera un nouvel acte notarié. En revanche, la révocation du mandat par le mandant ne nécessite pas un acte notarié, une simple lettre recommandée avec demande d'avis de réception au notaire et au mandataire suffit (C. civ., art. 489, al. 2). Quant au changement de mandataire, il nécessitera une notification de la révocation au premier mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'établissement d'un nouvel acte notarié qui devra être accepté par le nouveau mandataire.
De son côté, et là encore tant que le mandat n'a pas pris effet, le mandataire peut également y renoncer. Il doit alors simplement notifier sa renonciation au mandat et au notaire (C. civ., art. 489, al. 2).

Un mandat n'est jamais écrit une bonne fois pour toutes !

Une fois signé, et tant qu'il n'a pas été mis à exécution, le mandat de protection future n'est jamais figé dans le marbre ; il est susceptible d'être réécrit, complété et amendé. Aussi, durant cette période de latence du mandat, le notaire rédacteur doit-il être, dans la mesure du possible, en relation régulière avec son client, pour assurer un suivi personnalisé. De son côté, le mandant ne doit pas hésiter à venir le consulter pour vérifier l'adaptation constante du contrat à sa situation personnelle, familiale, patrimoniale, financière et géographique. Cette souplesse de révision du mandat tant qu'il n'est pas activé est caractéristique du mandat, qui est le produit d'une volonté, laquelle peut changer ou devoir s'adapter aux circonstances
. Ainsi le choix du mandataire ou encore les pouvoirs qui lui ont été conférés peuvent, au fil du temps, ne plus correspondre aux besoins et aux intérêts du mandant. Au rebours, c'est parfois le mandataire, eu égard à l'évolution de sa propre situation, notamment de son état de santé, qui peut désirer rompre un contrat dont il ne se sent plus d'assumer la charge. Cette liberté de mouvement des parties est d'autant plus indispensable ici qu'un laps de temps très long peut s'écouler entre la conclusion du mandat et sa prise d'effet.

- Mandat sous seing privé. - Les parties peuvent également conclure leur mandat sous seing privé. En pareille occurrence, le mandat peut être soit contresigné par un avocat, soit établi selon un modèle défini par décret en Conseil d'État (modèle Cerfa 13592-02) .
Quelle que soit la forme choisie, le mandat est alors « daté et signé de la main du mandant » (C. civ., art. 492, al. 1er). En revanche, il n'a pas à être écrit de la main du mandant si bien qu'il peut être dactylographié.
Le mandataire accepte le mandat en y apposant sa signature (C. civ., art. 492, al. 2).
Tant que le mandat n'a pas reçu exécution, le mandant peut le modifier ou le révoquer dans les mêmes formes et le mandataire peut y renoncer en notifiant sa renonciation au mandant (C. civ., art. 492, al. 3).
- Prévalence du mandat notarié. - Le grand principe qui domine l'écriture du mandat est celui de la liberté de rédaction. C'est la volonté du mandant qui fait le mandat. Mais, s'agissant d'un contrat aussi complexe, cette volonté doit être entourée et guidée. Utiliser un modèle type, tel que ceux publiés par la Chancellerie, ne permet en aucune manière de remplir l'objectif poursuivi. En présence d'un acte dont le contenu s'avère aussi étendu que celui du mandat de protection future, qui peut aller de la gestion de l'ensemble du patrimoine à la protection de la personne, il paraît « utopique » de penser qu'un cadre tout prêt, aussi précis et détaillé soit-il, peut apporter les informations nécessaires à un consentement de qualité. En réalité, le mandat de protection future est « l'exemple parfait du contrat cousu main » , c'est-à-dire élaboré très attentivement et particulièrement individualisé, pour coller au plus près à la volonté du mandant et à la configuration de son patrimoine. Le recours à un professionnel, qui fournit une information précise et adaptée aux besoins de son client, apparaît dès lors indispensable. Cette intervention remplit ici un rôle de protection, en constituant la meilleure garantie possible d'un consentement libre et éclairé.
Reste à choisir entre l'acte authentique et l'acte contresigné de l'avocat, dans la mesure où le choix entre les deux formes de mandat n'est pas neutre. À l'analyse, on constate que le mandat notarié présente a minima deux avantages par rapport au mandat sous seing privé . D'une part, et contrairement au mandat notarié, le mandat sous seing privé n'acquiert date certaine que dans les conditions prévues à l'article 1328 du Code civil (C. civ., art. 492-1), ce qui implique concrètement qu'il doive être enregistré à la recette des impôts à cette fin . D'autre part et surtout, le mandat sous seing privé confère au mandataire des pouvoirs bien inférieurs à ceux résultant du mandat notarié , ce qui limite de facto la portée du mandat de protection future et peut donc aboutir à nuire à son efficacité, au détriment des intérêts du mandant. C'est là le signe tangible de la faveur du législateur pour la forme notariée, qui se traduit du reste dans les faits, la plupart des mandats étant rédigés par acte authentique .