- Les incapacités à recevoir à titre gratuit. - Les personnes vulnérables qui ne font l'objet d'aucune mesure de protection juridique peuvent consentir un acte juridique, à titre onéreux comme à titre gratuit, même si leur compétence a disparu. Partant, le double risque de prendre des décisions préjudiciables pour elles-mêmes ou d'être conduites par des tiers à prendre des dispositions qui n'expriment pas leur volonté propre est palpable.
C'est pourquoi le législateur, bien qu'il ne soit pas question de priver une personne dotée de sa capacité de la faculté de disposer de ses biens, a cependant multiplié les précautions s'agissant des libéralités entre vifs ou à cause de mort. Parce que les libéralités constituent par nature des actes qui procurent un avantage au gratifié sans que le gratifiant attende de contrepartie (C. civ., art. 1107, al. 2), il faut admettre qu'elles sont en elles-mêmes constitutives d'un risque de captation, a fortiori lorsque les facultés personnelles du gratifiant sont altérées. C'est précisément pour lutter contre ce risque spécifique que les textes de droit civil empêchent depuis fort longtemps, et sauf exceptions (C. civ., art. 909, al. 3), certaines personnes de recevoir des dispositions entre vifs ou testamentaires. Il s'agit classiquement des « membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt » (C. civ., art. 909, al. 1er). Il en est de même des « mandataires judiciaires à la protection des majeurs et [d]es personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions » ou encore « des ministres du culte » (C. civ., art. 909, al. 2 et 4). Avec l'augmentation du nombre d'auxiliaires de vie et d'aides-ménagères, liée à la politique du maintien à domicile des personnes dépendantes, les risques d'abus d'influence et de captation d'héritage du fait de ces aidants sont devenus particulièrement sensibles, au point que la loi du 25 décembre 2015 a étendu la liste des personnes frappées d'une incapacité à recevoir à titre gratuit à celles qui interviennent au domicile d'une personne dépendante, au titre d'une prise en charge sociale ou médico-sociale. La loi vise ainsi « les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d'un établissement ou service soumis à autorisation ou à déclaration (?), ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité » (C. action soc. et fam., art. L. 116-4, al. 1er).