Les actions de droit civil

Les actions de droit civil

- Les incapacités à recevoir à titre gratuit. - Les personnes vulnérables qui ne font l'objet d'aucune mesure de protection juridique peuvent consentir un acte juridique, à titre onéreux comme à titre gratuit, même si leur compétence a disparu. Partant, le double risque de prendre des décisions préjudiciables pour elles-mêmes ou d'être conduites par des tiers à prendre des dispositions qui n'expriment pas leur volonté propre est palpable.
C'est pourquoi le législateur, bien qu'il ne soit pas question de priver une personne dotée de sa capacité de la faculté de disposer de ses biens, a cependant multiplié les précautions s'agissant des libéralités entre vifs ou à cause de mort. Parce que les libéralités constituent par nature des actes qui procurent un avantage au gratifié sans que le gratifiant attende de contrepartie (C. civ., art. 1107, al. 2), il faut admettre qu'elles sont en elles-mêmes constitutives d'un risque de captation, a fortiori lorsque les facultés personnelles du gratifiant sont altérées. C'est précisément pour lutter contre ce risque spécifique que les textes de droit civil empêchent depuis fort longtemps, et sauf exceptions (C. civ., art. 909, al. 3), certaines personnes de recevoir des dispositions entre vifs ou testamentaires. Il s'agit classiquement des « membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt » (C. civ., art. 909, al. 1er). Il en est de même des « mandataires judiciaires à la protection des majeurs et [d]es personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions » ou encore « des ministres du culte » (C. civ., art. 909, al. 2 et 4). Avec l'augmentation du nombre d'auxiliaires de vie et d'aides-ménagères, liée à la politique du maintien à domicile des personnes dépendantes, les risques d'abus d'influence et de captation d'héritage du fait de ces aidants sont devenus particulièrement sensibles, au point que la loi du 25 décembre 2015 a étendu la liste des personnes frappées d'une incapacité à recevoir à titre gratuit à celles qui interviennent au domicile d'une personne dépendante, au titre d'une prise en charge sociale ou médico-sociale. La loi vise ainsi « les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d'un établissement ou service soumis à autorisation ou à déclaration (?), ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité » (C. action soc. et fam., art. L. 116-4, al. 1er).
- Un régime spécifique à deux têtes. - Au-delà de cette mesure de prévention, préconisée en application du principe de précaution, plusieurs dispositions ont vocation après coup à corriger les effets préjudiciables des actes accomplis par la personne vulnérable de fait. Ainsi, bien évidemment, lesdits actes demeurent toujours susceptibles d'être annulés, en invoquant, conformément au droit commun, les vices du consentement (C. civ., art. 1130). Mais on sait qu'il faut une bien grande maladresse de la part du cocontractant pour laisser des traces d'un vice, constitutif de dol ou de violence, sachant que celle-ci ne se limite pas à des contraintes physiques, mais peut prendre aussi la forme de pressions psychologiques, souvent insidieuses, et donc difficiles à démontrer. Aussi les textes de droit civil prévoient-ils deux actions spécifiques destinées à protéger plus efficacement la personne vulnérable : l'une est générale et sanctionne les actes passés par une personne insane (Sous-section I), l'autre est spéciale et appréhende les actes conclus par l'insane dans les deux ans précédant la publicité du jugement qui ouvre une mesure de protection judiciaire (Sous-section II), étant ici souligné que ces deux textes ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, si bien qu'ils peuvent être invoqués, le cas échéant, de manière concurrente ou cumulative .

L'action fondée sur l'insanité d'esprit

- Nullité relative. - Le Code civil présume que toute personne physique majeure est saine d'esprit et, partant, capable de contracter. Aux fins de protéger la personne vulnérable, il frappe toutefois de nullité relative l'acte juridique effectué par un contractant atteint d'un trouble mental au moment de sa conclusion . L'action en nullité pour insanité d'esprit, régie par les articles 414-1 et suivants du Code civil, a ainsi notamment pour objet de protéger a posteriori, c'est-à-dire après la passation de l'acte juridique, la personne vulnérable qui n'est pas encore ou qui ne sera jamais placée sous un régime de protection juridique. Nous allons successivement traiter des conditions (§ I) puis de l'exercice de cette action en nullité (§ II).

Les conditions de l'action

- L'existence d'un trouble mental. - L'article 414-1 du Code civil énonce le principe suivant selon lequel : « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit » et que tout acte passé au rebours par une personne insane encourt la nullité pour autant que soit rapportée la preuve « d'un trouble mental au moment de l'acte » .
Le trouble mental dont il s'agit peut se définir comme une faiblesse physique, psychique ou psychologique de nature à empêcher une personne d'exprimer une volonté consciente. Peu importe l'origine du trouble : il peut tout aussi bien s'agir d'un excès que d'une maladie. Ainsi l'insanité d'esprit comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles la faculté de discernement de l'auteur de l'acte a été altérée. Cela étant, l'état dépressif, la vieillesse ou les infirmités physiques ne sauraient révéler systématiquement une insanité d'esprit. Il convient en sus de démontrer qu'ils ont empêché l'auteur de l'acte d'exprimer une volonté consciente . De manière générale, la jurisprudence est du reste relativement stricte, afin d'éviter que l'action ne serve de voie de rétractation à tous ceux pouvant invoquer, à un titre ou un autre, une défaillance. C'est pourquoi le trouble mental doit être suffisamment grave pour priver complètement le majeur de sa faculté de discerner le sens et la portée de l'acte querellé. La jurisprudence donne de nombreux exemples de cette notion : l'absorption excessive d'alcool, de drogue ou de médicaments, certaines maladies comme des troubles psychiatriques graves entraînant des dépenses inconsidérées, l'infirmité et l'affaiblissement dû à l'âge, le moment de folie, un état de déficience intellectuelle, etc.
Peu importe la durée du trouble mental : il peut s'agir d'une longue maladie ou d'un état passager, pourvu qu'il existe au moment précis où l'acte litigieux est passé . Ainsi, par exemple, en matière de vente immobilière, il est nécessaire de vérifier l'existence du trouble mental allégué non seulement au stade de l'avant-contrat, mais également au stade de l'acte authentique réitératif . Il en résulte que, même lorsqu'il est établi qu'une personne se trouvait dans un état habituel d'altération de ses facultés mentales, il appartient à celui qui conteste la validité d'un acte de prouver qu'au moment précis de la confection de l'acte, son auteur souffrait d'un trouble affectant ses facultés mentales . Dans ces conditions, la proximité d'un suicide survenu quatre jours après l'acte argué de nullité ne suffit pas à établir le trouble mental affectant l'auteur de cet acte au moment de sa signature . De même, l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire ne permet-elle pas, à elle seule, de présumer le trouble mental. En revanche, la condamnation pénale du bénéficiaire de l'acte pour abus de faiblesse sur la personne de son auteur caractérise l'insanité d'esprit au sens de l'article 414-1 du Code civil . Reposant sur la règle de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, la solution vaut lorsque le trouble mental de la victime, au moment de l'acte, a été constaté par le juge pénal pour la caractérisation de l'infraction.
- Les actes susceptibles d'annulation. - Le champ d'expression de l'action en nullité pour insanité d'esprit est très large. Les actes juridiques susceptibles d'être annulés sur le fondement de l'article 414-1 du Code civil peuvent indifféremment présenter un caractère extrapatrimonial (la reconnaissance d'un enfant, par exemple) ou patrimonial (vente, location, transaction, etc.).
S'agissant de ces derniers, il peut d'agir d'actes conclus à titre onéreux ou à titre gratuit. Une particularité tient toutefois au fait que, concernant les libéralités, le principe de sanité d'esprit est énoncé spécialement à l'article 901 du Code civil, disposant que : « Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ». Sans surprise, tant on sait qu'ils aiguisent les appétits de captation, on constate du reste que le contentieux est abondant concernant les demandes d'annulation pour insanité d'esprit relatives aux donations et aux testaments. Sont également susceptibles d'être annulés aussi bien des contrats, étant ici rappelé que les dispositions de l'article 414-1 ont été expressément reprises à l'article 1129, que des actes unilatéraux, tels qu'une mainlevée hypothécaire ou une quittance de loyer, par exemple .
Par ailleurs, il convient de noter, nous y reviendrons , que l'action en nullité pour insanité d'esprit ne se limite pas à frapper les actes d'une personne qui n'est pas placée sous un régime de protection, mais qu'elle peut également appréhender, de manière plus large, les actes accomplis par un majeur qui fait l'objet d'un régime de protection ou dont le mandat de protection future a été activé.

Insanité d'esprit et testament authentique

La rigueur jurisprudentielle ne suffit pas toujours à écarter les risques d'annulation et la tentation peut être grande pour l'insane de vouloir s'entourer de toutes les précautions afin de s'assurer de la pérennité de l'acte qu'il souhaite conclure. Dans cette optique, la personne qui entend consentir un legs doit naturellement privilégier le recours à la forme authentique pour rédiger son testament. Lorsque ce dernier comporte une mention s'appuyant sur les constatations personnelles du notaire instrumentaire, celle-ci vaut jusqu'à inscription de faux, ce qui confère une indéniable sécurité au legs consenti . Cela étant, le plus souvent, l'acte notarié se contente de relater une déclaration du testateur aux termes de laquelle ce dernier précise qu'il est sain d'esprit et qu'il comprend le sens et la portée de son acte. Or, si cette déclaration constitue sans nul doute un indice contraire au trouble mental, il n'en reste pas moins que jurisprudence considère « lorsque le testament ne fait que relater les déclarations du testateur », qu'il est toujours possible, sans recourir à la voie de l'inscription de faux, de prouver, « en dépit des énonciations du testament authentique, que le testateur n'était pas sain d'esprit » . En ce sens, et même si l'acte est indubitablement plus sûr qu'un testament olographe, il faut admettre que le recours au testament authentique ne constitue pas un obstacle rédhibitoire à d'éventuelles actions en nullité pour insanité d'esprit intentées par les héritiers.
- Un acte passé dans les deux années qui précèdent l'ouverture d'une mesure de protection. - La remise en cause d'un acte conclu pendant la période suspecte est subordonnée à plusieurs conditions. Elle suppose notamment, c'est sa raison d'être, que la personne vulnérable qui a passé l'acte ait fait l'objet, peu de temps après, d'une mesure de protection judiciaire.
Tout d'abord, concernant l'acte, malgré l'usage du mot « cocontractant », l'article 464 du Code civil doit être interprété comme permettant une sanction de tous les actes juridiques, qu'il s'agisse des actes synallagmatiques, à titre onéreux, ou des actes unilatéraux, à titre gratuit. L'application du texte à ces derniers notamment s'explique aisément si l'on songe que les libéralités dans leur ensemble sont, par définition, des actes déséquilibrés, particulièrement sujets aux appétits de captation et donc potentiellement dangereux pour leur auteur ; c'est d'ailleurs l'une des principales raisons de leur traitement singulier en droit.
Ensuite, s'agissant de la condition liée au temps, le texte encadre, dans un souci de sécurité juridique, la durée de la période suspecte dans un délai de deux ans à compter de la publicité du jugement d'ouverture de la mesure. La règle présente l'inconvénient de soumettre le point de départ de ce délai à l'aléa de la durée de la procédure judiciaire. Concrètement, et l'on peut le regretter, le retard dans l'émargement de l'acte de naissance du majeur protégé a pour effet de diminuer la durée (sinon l'existence même) de la période suspecte, ce qui affaiblit la protection dont bénéficie a posteriori la personne vulnérable. Pour cela, il eût été préférable de faire courir ce délai à compter de la demande de placement sous un régime de protection .
Enfin, en ce qui concerne la mesure de protection qui rend rétroactivement suspects les actes passés dans les deux années qui la précèdent, il convient de noter que l'action, autrefois limitée à la tutelle, a étendu son empire à la curatelle, au dépit de sérieuses critiques , et, plus récemment encore, à l'habilitation familiale (C. civ., art. 494-9, al. 3). En revanche, rien de tel n'existe pour les actes faits précédemment au déclenchement d'un mandat de protection future. De lege ferenda, on pourrait sérieusement songer à combler cette lacune .

Intérêt du testament authentique

La forme du testament n'est certainement pas indifférente lorsqu'il s'agit d'apprécier si le testateur a été ou non sous influence : « incontestablement, un testament authentique a plus de chances de sortir indemne du contrôle judiciaire qu'un testament olographe qui peut donner libre cours à toutes les pressions »
. Même si le notaire n'est qu'un témoin ordinaire au sujet de l'état mental du testateur, sa simple présence et ses précautions rendent l'acte plus sûr. Il y a là un atout majeur du testament authentique, <em>a fortiori</em> s'il est reçu par deux notaires (C. civ., art. 971).

- Altération notoire des facultés mentales. - Pour être accueillie, la remise en cause de l'acte passé pendant la période suspecte suppose que l'auteur dudit acte ait souffert d'un trouble mental exclusif d'un consentement éclairé et libre, de sorte que son discernement et sa volonté n'ont pas été suffisants pour lui permettre d'exprimer ses véritables intentions.
Cela étant, en comparaison avec l'action en nullité pour insanité d'esprit, la preuve se trouve ici doublement facilitée. En droit, d'une part, dans la mesure où le demandeur n'a pas à démontrer l'existence d'une insanité au moment précis de la conclusion de l'acte juridique, mais simplement celle d'une inaptitude à l'époque entourant la passation de l'acte, c'est-à-dire pendant une période plus large. Dans les faits, d'autre part, puisque, par définition, après cet acte controversé, l'auteur a nécessairement fait l'objet d'une mesure de protection judiciaire de sorte qu'il suffit, arguant de la période suspecte, de démontrer que les causes qui ont justifié l'ouverture de la mesure existaient déjà au jour de l'acte. Sous cet angle, nul doute que l'article 464 du Code civil offre des conditions d'action plus favorables que celles qui découlent de l'action fondée sur l'article 414-1 du même code.
L'acte préalable à une mesure de protection judiciaire est a priori suspect, mais il l'est d'autant plus que l'altération des facultés mentales était notoire. C'est pourquoi, une fois que l'inaptitude de l'auteur de l'acte à défendre ses intérêts est acquise, il reste à vérifier que cette situation était connue des tiers ou, à tout le moins, du cocontractant. Plus encore, la supposition que le bénéficiaire de l'acte profiterait d'une situation connue de lui - ou censée être connue de lui - constitue en effet le ressort de l'article 464. En outre, si le législateur prend le risque d'une remise en cause de l'acte en l'absence de toute publicité organisée qui résulterait de l'existence d'un régime judiciaire de protection, c'est précisément parce que la notoriété, qu'elle soit générale ou liée à la connaissance personnelle que le bénéficiaire de l'acte litigieux avait, réduit, voire annihile la nécessité d'une protection des tiers. « En ce sens, la notoriété est à la fois le facteur créateur du risque combattu et le substitut d'une publicité normalement protectrice des tiers » . Appréciée souverainement par les juges du fond , la notoriété constitue concrètement le butoir au-delà duquel il est impossible de remonter dans le temps pour rechercher la nullité de l'acte.
- Préjudice subi par la personne vulnérable. - Une sanction duale est prévue, nous le verrons, à l'encontre des actes passés pendant la période suspecte : la réduction pour excès ou l'annulation de l'acte litigieux . Lorsqu'elle est recherchée, la seconde est subordonnée, au rebours de la première, à la justification d'un préjudice subi par la personne protégée (C. civ., art. 464, al. 2). Certains auteurs ont pu souligner que cette condition n'est pas exempte de difficulté d'interprétation . Elle peut consister, en effet, soit à tenir compte, pour prononcer la nullité, de divers éléments susceptibles de caractériser un préjudice subi par l'intéressé, soit vouloir signifier que l'annulation de l'acte demeure facultative, même en présence d'un tel préjudice, le juge pouvant prendre en considération différents critères, tels que la fortune de la personne vulnérable, la bonne ou mauvaise foi de ceux qui auront traité avec elle, l'utilité ou l'inutilité de l'opération , pour le maintenir. Les rapports parlementaires ne fournissent pas d'éléments sur ce point et la jurisprudence demeure, pour l'heure, peu fournie.
En tout état de cause, sur le terrain des principes, on constate que les conditions posées pour aboutir à l'annulation de l'acte passé pendant la période suspecte sont plus strictes de ce point de vue là que celles envisagées pour obtenir une sanction similaire pour insanité d'esprit, laquelle, étant de droit, s'impose au juge sans qu'il soit nécessaire d'établir un préjudice.

L'exercice de l'action

- Plan. - Il convient de distinguer selon que l'action en nullité pour insanité d'esprit est intentée du vivant de l'auteur de l'acte (A) ou après son décès par ses héritiers (B).

L'exercice de l'action du vivant de l'auteur de l'acte

- Titulaire de l'action. - Tant qu'il est vivant, seul l'intéressé peut former l'action en nullité (C. civ., art. 414-2). La règle constitue une conséquence du caractère relatif de la nullité. Cette dernière ne peut être invoquée par le contractant de la personne insane. Si une mesure de protection a été ouverte, le tuteur peut intenter seul une telle action (C. civ., art. 475 et 504, al. 2) , contrairement au curateur qui est privé du droit d'agir seul en nullité, sauf à saisir le juge pour y être autorisé. En revanche, si le curatélaire entend agir pour insanité d'esprit, le curateur doit alors l'assister (C. civ., art. 468, al. 3). Enfin, sauf si le contrat contient une clause contraire, l'action est ouverte au mandataire de protection future.
- Administration de la preuve. - En pratique, la difficulté essentielle à laquelle se heurte celui qui veut agir en nullité pour insanité d'esprit est probatoire. Pour obtenir une telle nullité, il appartient au demandeur d'apporter une double preuve : il doit établir, d'une part, l'existence d'un trouble mental, et démontrer, d'autre part, que ce trouble mental existait au moment même de la conclusion de l'acte. À vrai dire, on le sait, ce n'est pas tant la première preuve que la seconde qui pose difficulté.
S'agissant d'une question de fait, la preuve tant de la nature du trouble mental que du moment où il intervient peut être rapportée par tous moyens. Naturellement, la Cour de cassation laisse aux juges du fond le pouvoir souverain d'apprécier l'existence de l'insanité d'esprit, tout en veillant scrupuleusement à ce que cette appréciation ne repose pas sur de simples indices et s'appuie sur des éléments médicaux précis. En effet, si les modes de preuve sont nombreux, ce compris les présomptions du fait de l'homme qui peuvent être utilisées pour établir la concomitance entre le trouble mental et l'échange des consentements, on constate, sans surprise, que la part belle est faite en la matière aux certificats médicaux. Concrètement, la preuve s'appuie, le plus souvent, sur une expertise psychiatrique, le médecin spécialiste étant amené à dire, eu égard au dossier médical de la personne et après l'examen de ce dernier, si le trouble mental existait au moment de l'acte. Il est également possible d'utiliser le témoignage du médecin traitant, pourvu qu'il ne soit pas contredit par l'expertise médicale demandée par le juge. C'est dire, a contrario, qu'en l'absence de document médical pertinent établissant les périodes pendant lesquelles le contractant n'aurait pas été en mesure de comprendre la portée des actes critiqués, les juges seront difficiles à convaincre . La mise en ?uvre de leur pouvoir d'appréciation prend donc appui, nécessairement, sur des constatations médicales. Un tel pouvoir ne prend de l'ampleur qu'en cas de doute médical provoqué par une démonstration défaillante ou de sa contestation lors du débat contradictoire auquel se livrent les experts ou les parties au procès .
Les conditions du régime probatoire de la nullité de l'acte pour insanité d'esprit sont rigoureuses. Néanmoins, la jurisprudence a assoupli quelque peu cette exigence en opérant un renversement de la charge de la preuve lorsque l'insanité d'esprit existe à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l'acte litigieux . En pareil cas, il revient au défendeur, qui revendique la validité de l'acte, d'établir l'existence d'un intervalle lucide au moment où l'acte a été passé, ce qui s'avère en pratique largement illusoire.
Enfin, notons que l'acte peut aussi parfois porter en lui-même cette preuve, ce qui est le cas, par exemple, s'il est complètement incohérent.
- Délai pour agir en nullité. - Le dernier alinéa de l'article 414-2 du Code civil renvoyant aux dispositions de droit commun de l'article 2224 du même code, l'action en nullité est soumise à une prescription quinquennale, que l'acte litigieux soit un acte à titre onéreux ou à titre gratuit.
Ce délai commence à courir au jour où l'acte est passé, sauf à l'insane à démontrer qu'il se trouvait alors, du fait de son trouble mental, dans l'impossibilité d'agir. En pareil cas, il pourra faire jouer l'article 2234 du Code civil qui, consacrant une solution prétorienne bien assise , fondée sur le principe Contra non valentem agere, non currit praescriptio , prévoit que « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir ». Lorsque l'insane d'esprit a fait ultérieurement l'objet d'une mesure de protection, ces délais ne recommencent à courir que « du jour où il (?) a eu connaissance [des actes] alors qu'il était en situation de les refaire valablement » (C. civ., art. 1152, 2o). En revanche, s'il fait l'objet spécifiquement d'une mesure de tutelle, la prescription demeure suspendue jusqu'à la mainlevée de la mesure (C. civ., art. 2235), ce qui est compréhensible puisque la personne en tutelle est privée du droit d'agir en justice.
Bien évidemment, l'ensemble de ces délais peuvent s'additionner, au point d'aboutir à une véritable élasticité de la prescription, perpétuant le risque d'insécurité juridique . Toutefois, dans l'ensemble de ces cas, aucune action ne peut être introduite plus de vingt ans après la conclusion de l'acte querellé (C. civ., art. 2232).

L'exercice de l'action après le décès de l'auteur de l'acte

- Cas d'ouverture de l'action. - C'est, au premier chef, après la mort de l'auteur de l'acte que s'illustre le durcissement des conditions d'exercice de l'action en nullité. Par une « dérogation inhabituelle et grave au droit commun » , les héritiers ne sont pas ici autorisés à agir comme le défunt lui-même, mais seulement dans trois cas : d'abord, si l'acte litigieux porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ; ensuite, si cet acte a été fait alors que son auteur était placé sous sauvegarde de justice ; enfin, si une action a été introduite avant le décès de l'auteur de l'acte aux fins d'ouverture d'une habilitation familiale, d'une curatelle ou d'une tutelle ou alors qu'un mandat de protection future avait été déclenché préalablement (C. civ., art. 414-2, al. 2).
Ces restrictions, jugées conformes à la Constitution , reposent classiquement sur un double fondement : elles sont liées, d'une part, à la difficulté de preuve de l'insanité d'esprit, déjà vivace du vivant de l'intéressé, qui s'avère davantage encore aléatoire en cas de décès et, d'autre part et surtout, au souci d'éviter de multiples contestations, quelque peu scandaleuses et de nature à porter atteinte à la mémoire du défunt, les héritiers pouvant avoir tendance à invoquer l'insanité d'esprit dès qu'un acte juridique est contraire à leurs intérêts . Sans nul doute, elles sont également destinées à préserver la sécurité des actes conclus par le défunt.
Leur champ d'application est cependant délimité puisqu'elles ne concernent que les actes autres que les donations entre vifs et les testaments. Pour ces derniers, compte tenu des risques traditionnels de captation d'héritage et de la défiance traditionnelle du Code civil envers les actes d'appauvrissement, il est admis que les successeurs universels, légaux ou testamentaires, recouvrent la pleine faculté de faire annuler des actes passés par leur ayant droit pour cause d'insanité d'esprit (C. civ., art. 901).
À vrai dire, cette distinction selon la nature de l'acte incriminé apparaît, selon nous, comme une source de complexité, dont la justification prête au surplus à discussion. Si l'on songe qu'en pratique, faute pour l'auteur de l'acte lui-même, par essence fragile, ou ses représentants d'avoir agi de son vivant, l'action est souvent diligentée par les héritiers, il nous semble que la protection de la personne vulnérable milite pour un assouplissement des conditions d'ouverture de l'action au bénéfice de ces derniers. On pourrait ainsi envisager de lege ferenda à ouvrir librement, sans restriction - sauf celles factuelles, qui sont réelles, rencontrées dans l'administration de la preuve -, l'action en nullité aux héritiers. La solution, guidée par le souci prioritaire de préserver les intérêts de la personne vulnérable et de ses héritiers, présenterait l'avantage d'être en conformité avec le droit commun des successions, en même temps qu'elle aboutirait, dans une logique louable de simplification, à soumettre toutes les actions en nullité pour insanité d'esprit, que l'acte incriminé soit à titre onéreux ou à titre gratuit, mais aussi l'action fondée sur la période suspecte (C. civ., art. 464), à un régime uniforme.
- Administration de la preuve. - Pour les héritiers, comme pour leur ayant droit, la preuve de l'insanité d'esprit est en principe libre. Quelques subtilités doivent cependant être soulignées selon la nature de l'acte visé, lesquelles témoignent de ce que la rigueur dans la charge de la preuve, dont souffre déjà l'auteur de l'acte, se trouve encore accentuée lorsqu'il est décédé.
S'agissant des donations entre vifs et des testaments, et pour faciliter l'administration de la preuve pour les héritiers, la Cour de cassation est venue trancher en leur faveur la question du secret médical que certains médecins, ayant connu l'auteur de son vivant, croyaient pouvoir leur opposer pour refuser d'établir un certificat médical. Ainsi, selon la Haute juridiction, les règles relatives au secret médical ne font pas obstacle à ce que les héritiers du testateur se prévalent d'un certificat médical du médecin traitant . Du reste aujourd'hui, cette levée du secret est expressément prévue par l'article L. 1110-4 du Code de la santé publique.
En revanche, concernant les autres actes, l'acte litigieux ne peut être annulé pour insanité d'esprit que s'il porte en lui-même la preuve d'un trouble mental : c'est le système dit « de la preuve intrinsèque » (C. civ., art. 414-2, 1o). Cette exigence probatoire, redoutable en ce qu'elle restreint clairement les chances de succès des héritiers dans leur tentative d'annulation de l'acte litigieux , n'a cependant pas vocation à s'appliquer lorsqu'une sauvegarde de justice ou un mandat de protection future était mis en ?uvre au moment de sa conclusion ou qu'une action aux fins d'ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle était pendante. Dans ces hypothèses, et parce que le trouble mental de leur auteur apparaît alors probable, la preuve redevient libre (C. civ., art. 414-2, 2o et 3o). Soulignons toutefois qu'en pareille occurrence, le demandeur en nullité n'est pas dispensé de prouver l'existence du trouble mental au moment de l'acte ; simplement cette preuve sera sans aucun doute facilitée par l'existence ou l'instruction en cours d'une mesure de protection. Ainsi le certificat médical utilisé pour demander l'ouverture de la mesure spécifiera certainement depuis combien de temps le majeur a ses facultés altérées, si bien qu'il sera possible d'établir clairement qu'au moment de la conclusion de l'acte contesté l'auteur de l'acte était insane .
Compte tenu, dans ces circonstances, de la difficulté d'administrer la preuve de l'insanité d'esprit de leur auteur, certains héritiers ont cherché à fonder artificiellement leur action en nullité sur les vices du consentement, afin d'échapper aux rigueurs de l'article 414-2 du Code civil. Cette pratique a toutefois été expressément condamnée par la Cour de cassation . S'ils sont alternatifs , les cas énoncés par le texte sont, en revanche, limitatifs .
En tout état de cause, cette difficulté rencontrée de facto par les héritiers dans l'administration de la preuve, qui rend souvent illusoire leur tentative nécessairement tardive de remise en cause des actes passés par leur auteur, tend à justifier la proposition visant à accroître, à leur bénéfice, les conditions d'ouverture de l'action en nullité. Irréductiblement attachée à leur faculté à agir, cette difficulté constitue sans nul doute un véritable contrepoids de nature à écarter les risques liés à des actions abusives et donc à garantir la stabilité des actes, et par suite, la sécurité juridique des tiers.
- Délai pour agir en nullité. - À l'instar de l'auteur de l'acte, ses héritiers sont soumis pour agir à une prescription quinquennale. Toutefois, dans la mesure où ils ne peuvent introduire l'action avant le décès de l'auteur de l'acte, le point de départ de ce délai ne court à leur encontre qu'à compter du décès de leur ayant droit. La solution est étendue à toutes les libéralités, qu'elles soient consenties entre vifs ou à cause de mort .

L'action fondée sur la période suspecte

- Fondement de l'action. - Bien qu'elle n'ait, en droit, aucun effet rétroactif, l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire consacre naturellement, dans les faits, un état préexistant. Ce constat d'évidence a pour effet d'initier le doute sur tous les actes accomplis par la personne vulnérable dans la période qui les précède. En effet, il est particulièrement à craindre que des tiers peu scrupuleux aient alors profité de la faiblesse et du caractère influençable de la personne dont les facultés sont atteintes, et ce d'autant plus qu'aucun régime de protection n'a encore déployé ses effets protecteurs à son égard. Cette crainte justifie que, dans une certaine mesure, une sanction des actes antérieurs à la mise en ?uvre de la mesure de protection soit aménagée, en complément des possibilités fondées sur l'insanité d'esprit ou sur les vices du consentement. C'est pourquoi la loi instaure une « période suspecte » au cours de laquelle les engagements pris par la personne vulnérable ultérieurement protégée pourront être passés au crible pour être ensuite, le cas échéant, plus facilement remis en cause. La règle trouve son siège à l'article 464 du Code civil, lequel dispose que : « Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés ». Nous allons successivement envisager les conditions (§ I) puis le régime de l'action fondée sur la période suspecte (§ II).

Les conditions de l'action

Le régime de l'action

- Titulaires de l'action. - L'article 464 du Code civil n'attitre pas l'action en nullité. Toutefois, dans la mesure où il s'agit ici à l'évidence d'une nullité relative, il convient d'en déduire que seuls peuvent agir l'intéressé, si la mesure de protection est levée, et ses héritiers après son décès. Parmi les héritiers ayant qualité pour agir, il y a lieu de comprendre, ce qui va de soi, non seulement les successeurs universels légaux, mais aussi ceux qui tirent leurs droits d'un testament du défunt, c'est-à-dire les légataires universels ou à titre universel . Notons que, contrairement à l'action en nullité pour insanité d'esprit, qui n'est recevable au bénéfice des héritiers que dans la mesure où est satisfait l'un des trois cas d'ouverture strictement énumérés par les textes (C. civ., art. 414-2, al. 2), l'article 464 du Code civil ne prévoit aucune restriction à la faculté d'action de ces derniers.
S'agissant de la qualité pour agir durant la durée de la mesure de protection, il convient de se reporter aux règles de capacité gouvernant l'exercice des actions en justice. Sous la curatelle, celui-ci requiert l'assistance du curateur (C. civ., art. 468, al. 3), cependant que, sous la tutelle, le tuteur peut exercer l'action sans l'autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille (C. civ., art. 504, al. 2). Quant à l'habilitation familiale, elle donne lieu à une application distributive des deux solutions ci-dessus exposées pour la curatelle et la tutelle, selon que la personne habilitée s'est vu confier une mission d'assistance ou de représentation.
- Prescription de l'action. - L'action en nullité de la période suspecte est soumise à une prescription quinquennale, laquelle part de la date du jugement d'ouverture de la mesure. Un tel point de départ n'est pas conforme à l'article 2235 du Code civil. Selon ce texte, l'ouverture d'une mesure de tutelle empêche la prescription de courir pour les actes conclus après le jugement d'ouverture, car la personne en tutelle est privée du droit d'agir en justice. La prescription ne devrait pas courir non plus à l'égard des actes conclus avant le jugement d'ouverture de la tutelle, car l'article 1152, 2o du Code civil dispose que le droit d'agir en nullité de tout majeur protégé court dans les cinq ans qui suivent le « jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement ». Cela dit, l'article 464 du Code civil refuse expressément la suspension de la prescription quinquennale à l'égard des actes antérieurs à la mesure de protection. Il s'agit par cette règle dérogatoire de garantir la stabilité des actes, et par suite, la sécurité juridique des tiers, sans nuire pour autant à la protection de la personne vulnérable.
- Sanctions des actes accomplis. - Les textes prévoient une dualité de sanctions, en établissant leur gradation. L'article 464 du Code civil désigne, en premier lieu, la réduction pour excès, laquelle repose sur la démonstration d'une disproportion entre l'engagement souscrit et les ressources ou les besoins du majeur. Il envisage, en second lieu, l'annulation de l'acte, laquelle, on le sait, est subordonnée à la justification d'un préjudice subi par la personne protégée (C. civ., art. 464, al. 2). La nullité porte un trouble grave à la sécurité juridique, d'autant que l'absence de régime judiciaire de protection a pour corollaire l'absence de publicité officielle pour les tiers cocontractants : il faut donc que la nullité soit limitée aux cas où elle est strictement utile. C'est, au moins en apparence, le but de l'exigence d'un préjudice pour la personne protégée : sinon pourquoi faudrait-il sacrifier l'intérêt des tiers et la sécurité juridique ?
Cela étant, comme a pu l'exprimer un auteur , qu'il y ait disproportion (réduction) ou préjudice (nullité), c'est toujours, en réalité, le déséquilibre de l'acte qui, en signalant le risque, justifie le contrôle du juge. L'acte d'emblée équilibré n'a pas à être remis en question, quand bien même il aurait été passé dans une période suspecte. Autrement dit, « l'équilibre de l'acte (ou son déséquilibre) est le véritable critère d'un texte destiné à lutter contre la forte probabilité d'une exploitation de la situation de faiblesse, connue du bénéficiaire de l'acte » . Par ailleurs, on soulignera que la gradation opérée par le texte n'est pas toujours utilisable : recourir à la réduction pour excès n'a pas grand sens concernant les actes dont l'objet est indivisible : que l'on songe, par exemple, au testament. Il ne reste alors que la nullité. Tout ceci conduit naturellement à s'interroger sur l'opportunité de prévoir une double sanction aux actes accomplis pendant la période suspecte .
- Pouvoir souverain des juges du fond. - La réunion des conditions exigées par l'article 464 du Code civil ne conduit pas systématiquement à une remise en cause de l'acte accompli pendant la période suspecte. Autrement dit, la sanction n'est pas de droit : une fois cette démonstration faite, le juge dispose toujours d'un pouvoir d'appréciation qui lui permet non seulement de faire le tri dans les situations, mais aussi d'apprécier ensuite l'opportunité de la sanction demandée, réduction ou nullité , en tenant compte, par exemple, de la bonne foi du contractant ou, en matière de libéralité, de la forme notariée de la donation du testament.
- Conclusion sur les sanctions civiles : l'abus de vulnérabilité est mort-né. - On a cru benoîtement, durant quelques mois, que le régime primaire de protection des vulnérables s'était enrichi d'un nouvel outil. On se souvient, en effet, que l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations avait introduit, en droit français, le vice d'abus de dépendance, dont le siège se situait à l'article 1143 du Code civil. Dans l'intention des rédacteurs de l'ordonnance, cette disposition avait vocation à protéger les contractants vulnérables. L'« état de dépendance » visé par le texte pouvait donc s'entendre aussi bien de la dépendance d'un contractant vis-à-vis de l'autre (dépendance économique, affective, technologique, etc.) que de sa fragilité intrinsèque (maladie, âge, etc.).
L'espoir a été de courte durée dans la mesure où la loi du 20 avril 2018, destinée à ratifier l'ordonnance de 2016, a ajouté une précision interprétative, et donc rétroactive, au texte initial, qui en a considérablement limité la portée . En effet, il est désormais prévu qu'une partie abuse de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant « à son égard ». Fruit d'un compromis entre le Sénat qui voulait restreindre le domaine d'application du texte à la seule violence économique et de l'Assemblée nationale qui souhaitait au contraire maintenir l'esprit du texte initial, ce malheureux ajout aboutit à ce que la seule situation de faiblesse n'est pas en soi constitutive de violence : encore faut-il que la partie forte en ait profité pour imposer un accord particulièrement désavantageux. C'est dire que seule la dépendance d'un contractant vis-à-vis de l'autre relève désormais de l'article 1143 du Code civil, à l'exclusion de la fragilité intrinsèque. Cela ne veut pas dire que le texte ne peut pas s'appliquer à une personne vulnérable. Nul doute que la preuve d'un abus de dépendance peut être (plus facilement) rapportée lorsque l'âge et/ou l'état de santé d'un contractant restreint drastiquement sa capacité de choix, annihile son pouvoir de négociation, et le pousse à accepter des conditions contractuelles éminemment défavorables. Mais il s'agit d'une protection non plus spécifique à la personne vulnérable, mais simplement périphérique, dont elle peut bénéficier, le cas échéant, et dont on ne perçoit guère l'intérêt au regard des textes existants.