- Le principe général d'irrévocabilité des contrats. - L'article 1103 du Code civil dispose que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Cette disposition, issue de la réforme du droit des obligations par l'ordonnance du 10 février 2016, n'est qu'une reformulation de l'ancien article 1134 du même code. Ce principe fondamental signifie que les contrats engagent les parties et qu'elles ne peuvent se défaire de leurs obligations ainsi souscrites.
L'énoncé du principe
L'énoncé du principe
L'irrévocabilité générale
- Les exceptions au principe. - Tout d'abord, il est admis en droit des obligations que le contrat lui-même puisse contenir des clauses de dédit qui autorisent l'une ou l'autre des parties à se défaire de l'engagement qu'elle a pris. Ensuite, il est également possible que dans une convention les mêmes parties conviennent de revenir sur le contrat initial pour défaire leur accord par mutuus dissensus
. C'est ainsi que le nouvel article 1193 du Code civil prévoit que : « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties (…) ». Le principe d'irrévocabilité des conventions est fortement tempéré par l'idée que les parties elles-mêmes peuvent prévoir des dérogations à ce principe soit dans le contrat initial, soit dans un contrat postérieur.
Le renforcement de l'irrévocabilité pour les donations
Les donations échappent à ce droit commun de l'irrévocabilité des conventions. Considérées comme des contrats bien particuliers, elles doivent bénéficier d'un régime particulier : on parle du principe d'irrévocabilité spéciale des donations
. Ce principe, particulièrement puissant, justifie en lui-même bon nombre de règles spéciales des donations. Aussi nous ne pouvons faire l'économie de rappeler ce principe fondamental (A) et d'en préciser ses fondements, orientés vers l'idée de protéger les parties à l'acte (B).
L'énoncé du principe de l'irrévocabilité spéciale des donations
- « Donner et retenir ne vaut ». - Dans les cours d'école, les enfants disent « donner c'est donner, reprendre c'est voler ». Le donateur ne peut, après l'avoir donné, prétendre à reprendre le bien qu'il avait volontairement abandonné. Il est vrai qu'il peut être tentant de vouloir récupérer la chose que l'on a donnée soit parce qu'elle nous manque ou que son utilité fait défaut, soit parce que celui à qui on l'a donnée nous déçoit ou ne nous montre pas la reconnaissance que l'on était supposé recevoir. En tant que contrat, la donation est irrévocable mais cette irrévocabilité est renforcée en raison de sa nature toute particulière
. L'article 894 du Code civil énonce que : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ». Ce principe ancestral
interdit donc tout procédé contractuel qui permettrait au donateur de reprendre le bien qu'il a donné, et ce même avec l'accord du donataire. Ce principe d'irrévocabilité exclut donc tout droit de repentir. Il ne permet pas non plus l'insertion dans les actes de donation d'une condition simplement potestative. Cet ancien principe a été contesté
. Toutefois, dans un dessein protecteur, il semble important de le conserver
.
Les fondements du principe d'irrévocabilité spéciale des donations
- Protection du donateur. - Le principe d'irrévocabilité spéciale des donations protège en premier lieu le donateur
, celui qui s'appauvrit. Il le protège contre toutes les influences, les pressions dont il pourrait faire l'objet pour revenir sur une donation qu'il aurait consentie.
- Protection du donataire. - C'est souvent à la protection du donataire que l'on pense lorsque l'on parle de ce principe d'irrévocabilité des donations
. Ce principe évite le chantage permanent qui pourrait être fait par le donateur sur le donataire de faire jouer une clause de dédit qui deviendrait discrétionnaire. À défaut de cette règle impérative, le donateur pourrait imposer à son donataire tel ou tel service, ou pire encore telle ou telle attitude. La pression pourrait être permanente et les relations naturelles seraient gâchées par des calculs ou la peur de se voir reprendre un bien. Le principe d'irrévocabilité des donations, comme celui de l'existence d'une réserve héréditaire, est protecteur de la liberté des donataires. Libres d'agir, libres de penser, libres de conviction, les donataires, grâce à ce principe fondamental, ne sont pas inféodés à leurs donateurs.
- Protection des tiers. - Le principe d'irrévocabilité des donations est aussi protecteur des tiers qui peuvent également acquérir des droits sur des biens qui avaient fait l'objet de donation ; par l'exercice d'une révocabilité qui anéantirait l'acte de donation, ces droits seraient eux-mêmes anéantis. Le principe d'irrévocabilité des donations est une composante évidente de sécurité juridique.