- La forme authentique obligatoire. - L'article 812-1-1 du Code civil dispose que le mandat à effet posthume doit être « donné et accepté en la forme authentique ». Il constitue donc un contrat solennel, car cette condition de forme est exigée à peine de nullité
. Cette exigence s'explique aisément par la gravité des conséquences du mandat qui permet de dessaisir les héritiers, portant ainsi une atteinte majeure à leurs droits successoraux et leur droit de propriété. Le devoir de conseil du notaire lui impose d'expliquer et de s'assurer de la compréhension par les parties de la nature et de la portée des engagements qu'ils souscrivent. Le notaire qui engage sa responsabilité est garant du respect des conditions de forme et de fond du mandat.
L'économie générale du mandat à effet posthume
L'économie générale du mandat à effet posthume
- Le mandant. - L'article 812 du Code civil énonce que toute personne peut conclure un mandat posthume. Elle doit naturellement avoir la capacité de s'engager. Une partie de la doctrine s'interroge sur la nature de cette capacité
. S'agit-il de la capacité de droit commun de contracter ou, en raison de la nature particulière de ce mandat, de la capacité de tester ? Cette question ne semble pas avoir été tranchée et dans l'attente, par prudence, il convient de vérifier la capacité de contracter du mandant
.
- Le mandataire. - Le mandataire peut être une personne physique, héritier ou non du mandant, ou une personne morale. Il peut s'agir d'un professionnel. Le mandant a toute latitude pour choisir son mandataire. Ce dernier doit jouir de la pleine capacité civile. Il doit donc être majeur ou mineur émancipé et ne pas faire l'objet d'une mesure légale de protection en raison d'une altération de ses facultés personnelles. Par ailleurs, le mandataire posthume ne doit pas être frappé d'une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral. Enfin le mandataire ne peut pas être le notaire chargé du règlement de la succession.
Pour les mêmes raisons que celles énoncées pour le tuteur testamentaire ou le mandataire de protection future, il peut être opportun de désigner plusieurs mandataires posthumes. Ainsi, en cas d'incapacité d'un mandataire par suite d'un décès ou d'une altération de ses facultés, la désignation d'un ou de plusieurs autres mandataires permet de garantir l'exécution du contrat. Selon la complexité du patrimoine transmis aux héritiers, la désignation de plusieurs mandataires dotés de compétences spécifiques peut constituer un gage de bonne gestion pour les héritiers.
Le mandant dispose donc d'une grande liberté pour désigner le mandataire. Cependant, pour que le mandat à effet posthume soit réellement une technique qui facilite le règlement d'une succession, il convient de choisir une personne qui bénéficie d'une certaine légitimité. Elle doit, d'une part, avoir une compétence technique avérée dans le domaine de la gestion de patrimoine. La Cour de cassation a considéré que la compétence du mandataire ne relevait que de la seule appréciation du mandant
. Le mandataire doit, d'autre part, être d'une certaine façon accepté par les héritiers dans l'intérêt desquels le mandat doit être exécuté. Le mandataire posthume n'est pas un exécuteur testamentaire. Il doit administrer les biens dont la gestion lui a été confiée dans l'intérêt des héritiers. Par conséquent, si le mandataire n'est pas dans les faits agréé par les héritiers, le mandat posthume risque d'être vécu par les héritiers comme une intrusion inappropriée d'un tiers dans le règlement d'affaires purement familiales.
- L'étendue du mandat. - L'étendue du mandat à effet posthume doit être précisée quant aux biens sur lesquels il porte et quant aux personnes au profit desquelles il est conclu.
La mission confiée par le défunt au mandataire peut porter sur tout ou partie des biens composant la succession. Le défunt a toute latitude pour définir le périmètre d'intervention du mandataire : l'ensemble du patrimoine successoral ou certains biens déterminés. Notons que le mandat peut porter sur les biens constituant la réserve héréditaire. La Cour de cassation a sanctionné les juges du fond qui avaient retenu, afin de justifier la révocation du mandat, que celui-ci privait l'héritier de son droit à la réserve libre de charges
.
Le mandat à effet posthume doit être consenti pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers identifiés (C. civ., art. 812). Pour l'application de ce texte, la notion d'héritier s'entend largement et s'applique tant aux héritiers légaux qu'aux légataires universels, à titre universel, voire particuliers. L'article 812-1 du Code civil précise que : « Le mandataire exerce ses pouvoirs alors même qu'il existe un mineur ou un majeur protégé parmi les héritiers ». Ce texte confirme implicitement mais certainement qu'il est possible de conclure un mandat à effet posthume dans l'intérêt d'un incapable, majeur ou mineur. La cour de Poitiers a ainsi confirmé la possibilité de désigner un mandataire posthume concomitamment aux règles de l'administration légale des biens du mineur dévolus en cas de décès de l'autre parent
.
- L'intérêt légitime et sérieux. - Pour être valable, le mandat à effet posthume doit être justifié par un intérêt légitime et sérieux. Le législateur subordonne la validité du mandat à l'existence d'un tel intérêt qui doit en constituer la cause. Cet intérêt doit toujours exister lors de l'exécution du contrat. Son absence ou sa disparition entraîne la nullité ou la cessation du mandat.
Cet intérêt doit être apprécié conformément à l'article 812-1 du Code civil, au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral. Cet intérêt légitime et sérieux peut consister en la présence d'un héritier nécessitant une protection, notamment un mineur, d'une situation familiale délicate ou encore d'un patrimoine complexe nécessitant des capacités de gestion que les héritiers ne possèdent pas, notamment une entreprise. Le mandat devra donc préciser le ou les biens sur lesquels il porte ainsi que l'identité des héritiers au profit desquels il est conclu. L'intérêt sérieux et légitime devra être mis en évidence à cet égard.
- Les pouvoirs du mandataire. - Le mandataire posthume reçoit mandat d'administrer ou de gérer tout ou partie des biens composant la succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers. Les pouvoirs qui lui sont transférés doivent être déterminés aux termes du contrat
, mais ils ne peuvent excéder les missions d'administration et de gestion. Le mandataire posthume ne peut disposer des biens dépendant de la succession. Cette prérogative demeure réservée aux héritiers et le mandataire ne peut s'opposer à cette décision qui met fin au mandat
.
La question des pouvoirs du mandataire met en évidence la contradiction et la faiblesse du mandat à effet posthume, ce qui explique peut-être son manque d'intérêt pratique. Par certains aspects, les pouvoirs du mandataire sont importants. Ils peuvent porter sur tous les biens de la succession, y compris la réserve. Ils provoquent le dessaisissement des héritiers. Ces deux effets conjugués du mandat portent une atteinte majeure au droit de propriété et aux droits successoraux des héritiers.
Paradoxalement, le mandataire n'est titulaire que de pouvoirs de gestion et d'administration. Son intervention reste limitée car il est réduit à une mission de gestionnaire du patrimoine successoral. Il n'est pas le chef d'orchestre de la succession titulaire de prérogatives lui permettant d'en assurer le règlement. Cela demeure l'affaire des héritiers.
Considéré sous cet angle, on peut s'interroger sur l'intérêt pratique de ce mandat. Les pouvoirs du mandataire portent une atteinte grave aux droits des héritiers, sans que pour autant, en raison de leur faiblesse, ces pouvoirs ne permettent de faciliter le règlement successoral. Le mandataire et les héritiers sont condamnés à s'entendre sous peine de se neutraliser mutuellement. À titre d'illustration, rappelons que l'article 812-4, 5o du Code civil dispose que le mandat prend fin par l'aliénation par les héritiers des biens mentionnés au mandat. Le droit de disposer du bien demeure une prérogative des héritiers et la jurisprudence a précisé que le mandataire ne peut s'y opposer
.
Cette question des pouvoirs du mandataire nous amène à rappeler deux points essentiels pour établir un mandat à effet posthume qui soit pertinent et efficace le jour de sa mise en ?uvre. D'une part, il doit être motivé par un intérêt qui soit réellement légitime et sérieux. D'autre part, le mandataire doit bénéficier d'une légitimité et d'une certaine reconnaissance auprès des héritiers. Ne pas respecter ces deux éléments de bon sens, c'est prendre le risque de créer les conditions d'un contentieux à l'ouverture de la succession du mandant, car l'intrusion d'un tiers dans les affaires familiales pourra être vécue comme illégitime par les héritiers.
- Le contrôle de l'exécution du mandat. - Le transfert des pouvoirs d'administration et de gestion au mandataire implique nécessairement un contrôle. L'article 812-7 du Code civil dispose que : « Chaque année et en fin de mandat, le mandataire rend compte de sa gestion aux héritiers intéressés ou à leurs représentants et les informe de l'ensemble des actes accomplis ». Selon la composition des biens à administrer, le mandat peut organiser de manière adaptée la reddition des comptes. Ainsi lorsque le patrimoine le justifie, la nomination d'un contrôleur du mandataire, notamment un expert-comptable, peut s'avérer judicieuse
.
- La rémunération du mandataire. - En principe, le mandat est gratuit. Cependant, il peut prévoir une rémunération qui doit alors être déterminée ou déterminable aux termes du mandat.
- La durée du mandat. - Le mandat à effet posthume est consenti, en principe, pour une durée de deux ans. Néanmoins, il peut être conclu pour une durée de cinq ans en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers, ou de la nécessité de gérer des biens professionnels. Cette durée est prorogeable une ou plusieurs fois par décision de justice.
Aux termes de l'article 812-4 du Code civil, le mandat prend fin par :
- l'arrivée du terme ;
- la renonciation du mandataire ;
- la révocation judiciaire ;
- la conclusion d'un mandat conventionnel par les héritiers ;
- l'aliénation des biens mentionnés au mandat ;
- le décès ou la mise sous protection du mandataire ou la dissolution de la personne morale ;
- le décès de l'héritier intéressé ou la décision du juge de mettre fin au mandat.
Après cette présentation succincte du mandat à effet posthume, il convient d'en préciser l'utilité pratique pour la protection des mineurs.