Le régime juridique de la société civile avec un associé mineur

Le régime juridique de la société civile avec un associé mineur

Le régime juridique de la société civile est défini aux articles 1845 et suivants du Code civil. Sa réglementation demeure assez sommaire et laisse une grande part à la liberté statutaire pour organiser son fonctionnement. Aucune disposition ne prévoit d'adaptation spécifique à la présence d'un associé mineur. Pourtant deux questions se posent : l'articulation du droit des incapacités et du droit des sociétés et le régime de l'obligation illimitée au passif social.

L'écran de la personnalité morale

La société civile constitue une personne morale distincte de ses associés, titulaire d'un patrimoine qui lui est propre et organisée par des règles de fonctionnement qui lui sont également propres. La présence d'un associé mineur pose la question de l'articulation du droit des sociétés et du droit de l'administration légale et la tutelle.

La représentation de l'associé mineur

- L'exercice des droits d'associé par l'administrateur ou le tuteur. - La qualité d'associé d'une société civile donne vocation à exercer les droits attachés aux parts : droits politiques (information, droit de demander une expertise de gestion, participation aux assemblées générales et droit de vote), droits financiers (droit au dividende) et droits patrimoniaux (droit de céder ses parts). L'ensemble de ces droits sont exercés pour le compte du mineur, soit par l'administrateur soit par le tuteur, selon les règles applicables à chaque régime de protection. Deux questions méritent d'être approfondies.
- Le droit de vote exercé pour le compte de l'associé mineur. - Avant la réforme mise en ?uvre par la loi no 2007-308 du 5 mars 2007, l'exercice du droit de vote en assemblée générale était qualifié d'acte d'administration. Le décret no 2008-1484 du 22 décembre 2008 a modulé cette qualification en fonction de la décision à prendre par l'assemblée générale. Ce décret précise dans son annexe 2, colonne 2, que certaines décisions prises en assemblée constituent des actes de disposition : reprise des apports, modification des statuts, prorogation et dissolution du groupement, fusion, scission, apport partiel d'actifs, agrément d'un associé, augmentation et réduction du capital, changement d'objet social, emprunt et constitution de sûreté, vente d'un élément d'actif immobilisé, aggravation des engagements des associés. Depuis cette modification, les modalités d'exercice du droit de vote varient selon la nature de la décision soumise à la délibération et au vote de l'assemblée générale. Dorénavant, pour déterminer qui a la qualité pour exercer le droit de vote pour le compte de l'associé mineur, il convient de qualifier préalablement la décision.
Si elle ne relève pas de la liste ci-dessus, elle constitue un acte d'administration et le droit de vote peut être exercé par le tuteur seul ou un administrateur légal seul même si l'administration légale est exercée par les deux parents.
Cependant, si la décision relève de la liste ci-dessus, elle constitue un acte de disposition. Si le mineur est placé sous le régime de la tutelle, son tuteur doit préalablement obtenir l'autorisation du conseil de famille. Si le mineur est sous le régime de l'administration légale, il convient de distinguer deux catégories d'actes de disposition. Si la décision soumise au vote de l'assemblée générale relève de la liste des actes visés à l'article 387-1 du Code civil, le ou les administrateurs doivent préalablement obtenir l'autorisation du juge des tutelles. Il s'agit notamment de la vente d'un immeuble ou de l'apport en société d'un immeuble, de l'emprunt ou de la réalisation d'un acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers. La liste de l'article 387-1 n'est pas reprise dans sa totalité et il convient de s'y reporter. Nous signalons les cas qui peuvent se produire le plus fréquemment dans les sociétés civiles. Si la décision soumise au vote de l'assemblée générale ne relève pas de la liste des actes visés à l'article 387-1 du Code civil, l'exercice de ce vote constitue un acte de disposition dit « libre » que les administrateurs peuvent réaliser sans l'autorisation préalable du juge des tutelles. Si l'administration légale est exercée par un administrateur unique, il pourra agir seul, et si elle est exercée par les deux administrateurs, ces derniers devront agir conjointement.

L'autorisation préalable du juge des tutelles est-elle obligatoire pour autoriser la vente ou l'emprunt par la SCI lorsque l'un des associés est mineur ?

Comme nous venons de le voir, le décret du 22 décembre 2008 impose la saisine préalable du juge des tutelles pour autoriser le tuteur ou l'administrateur légal à voter lors d'une assemblée générale réunie à l'effet de statuer sur la vente d'un actif de la société ou l'emprunt au nom de la société. Ces règles de procédure qui imposent un contrôle au fond dans l'intérêt du mineur alourdissent le fonctionnement de la société civile. Selon les juridictions, la décision du juge des tutelles peut intervenir plusieurs mois après la requête des administrateurs. Ces délais sont souvent incompatibles avec la vie des affaires et les contraintes du marché. La souplesse de fonctionnement qui est souvent mise en valeur dans la société civile est totalement ruinée par cette disposition. La prise de décision collective en assemblée générale se trouve soumise à l'intervention du juge des tutelles. La société civile perd ici l'un de ses plus beaux atours.
Est-il possible de contourner cet obstacle en attribuant au gérant tous les pouvoirs y compris celui de disposer des biens de la société ou de souscrire tout type d'engagement, notamment des emprunts ? La souplesse du régime juridique de la société civile permet effectivement d'attribuer à la gérance les pouvoirs les plus étendus. Cette attribution à la gérance, au sein des statuts, de tous les pouvoirs y compris tous les actes de disposition, est licite. Nous verrons au paragraphe suivant que la jurisprudence fait prévaloir le droit des sociétés. La minorité ne crée pas une catégorie spéciale d'associé. Le droit des sociétés et les statuts sociaux s'appliquent à tous les associés de façon identique, quand bien même ils seraient mineurs. Cette clause d'attribution de pouvoir à la gérance est donc opposable au mineur et à son administrateur.
L'articulation de ces deux règles révèle cependant un paradoxe. Le décret précité impose la saisine du juge pour autoriser l'administrateur à voter en assemblée générale, mais les statuts pourraient librement écarter cette saisine en attribuant tous les pouvoirs à la gérance. Il est en effet paradoxal que la liberté contractuelle exprimée dans des statuts puisse dispenser, aussi simplement et sans aucune autre garantie, de respecter des dispositions d'ordre public destinées à protéger les personnes vulnérables. La responsabilité est le corollaire nécessaire et indispensable de la liberté. Les parents administrateurs et leurs conseils doivent être prudents avant d'engager des enfants mineurs dans des sociétés qui ne leur offrent pas des garanties et des protections suffisantes. Nous recommandons une certaine tempérance et un esprit de responsabilité dans l'utilisation de telles clauses statutaires en présence d'associé mineur.
- Le conflit d'intérêts. - Nous avons déjà évoqué l'hypothèse d'un conflit d'intérêts entre le mineur et son administrateur lors de la souscription au capital d'une société civile familiale. Les hypothèses de conflit d'intérêts pendant la vie de la société sont également multiples. Pour assurer l'équilibre des pouvoirs dans le fonctionnement de la société civile, la loi prévoit que la collectivité des associés contrôle la gérance. Ce contrôle s'exerce de plusieurs manières. Chaque année le gérant doit rendre compte de sa gestion par la production de documents comptables et d'un rapport de gestion, l'ensemble étant soumis au vote de la collectivité. Par ailleurs, les associés peuvent être amenés à autoriser la gérance à réaliser des actes particuliers qui excèdent ses pouvoirs. Enfin, les associés ont la possibilité de consulter les archives de la société, de poser des questions écrites à la gérance, voire de requérir une expertise de gestion.
Dans les sociétés civiles de famille dans lesquelles l'administrateur de l'associé mineur pourrait être désigné gérant, les hypothèses de conflit d'intérêts sont nombreuses. En cas de mauvaise gestion des affaires sociales par la gérance, les droits de l'associé mineur permettant de contrôler cet organe de direction sont alors illusoires. De la même manière, au sein de la collectivité des associés réunissant les parents et les enfants, il peut arriver que leurs intérêts d'associé soient opposés. Dans ce cas l'administrateur légal, qui peut être associé majoritaire, se trouve en conflit d'intérêts avec son enfant mineur, associé minoritaire. Un administrateur ad hoc devrait donc être désigné, ce qui complique sensiblement le fonctionnement de la société.

La gouvernance de la société civile

- La liberté d'organiser la gouvernance de la société civile. - La liberté d'organiser la gouvernance de la société est l'une de ses qualités essentielles largement recherchée par les praticiens. Les statuts répartissent librement les pouvoirs et les compétences de la gérance et de la collectivité des associés. Ainsi la combinaison des clauses relatives à l'objet social et aux pouvoirs du gérant permet d'attribuer à ce dernier de larges pouvoirs : acquérir, vendre, emprunter, constituer des garanties. Les pouvoirs du gérant peuvent s'étendre bien au-delà de la simple administration courante et lui permettre d'engager le patrimoine social et indirectement le patrimoine personnel des associés.
Cette utilisation de la société civile permet d'une certaine façon de constituer, de fait, une fiducie en démembrant la propriété d'une manière originale : distinction de la propriété en tant qu'élément de richesse et en tant que droit exercé sur un bien. Le gérant se trouve investi des pouvoirs les plus larges sur le patrimoine social, qu'il administre pour le compte des associés.
- La collision avec l'administration légale et la tutelle. - L'article 387-1 du Code civil dispose que l'administrateur légal ne peut, sans l'autorisation préalable du juge des tutelles, réaliser un certain nombre d'actes de disposition (notamment disposer d'un immeuble, emprunter, constituer une sûreté pour garantir la dette d'un tiers). Les conséquences de ces actes peuvent être extrêmement graves pour le mineur et le législateur a donc estimé qu'ils ne pouvaient être réalisés sans contrôle judiciaire préalable.
Sur ce point, la collision entre la liberté du droit de la société civile et l'ordre public de la protection des mineurs est frontale. Selon les statuts, la collectivité des associés, voire le gérant seul, peut vendre ou acquérir des biens immobiliers, emprunter et constituer des garanties réelles ou personnelles engageant le patrimoine social et les associés personnellement.
- La primauté du droit des sociétés sur le droit des incapacités. - La question de l'articulation de ces deux corpus juridiques ou de la primauté de l'un se pose. Au nom de la protection du mineur, le juge des tutelles doit-il s'inviter dans le fonctionnement de la société et passer outre l'écran de la personnalité morale ? Au contraire, est-ce que l'être moral annihile cette protection au nom de l'autonomie de ses règles de fonctionnement ? Une doctrine a estimé que si « l'objet de la société civile est (?) d'acquérir un immeuble, il ne serait pas absurde de soutenir que par voie d'analogie, il conviendrait de recueillir l'accord du juge des tutelles, obligation qui s'imposerait d'autant plus lorsqu'il y a lieu de contracter un emprunt pour cette acquisition » . En effet, le mineur étant tenu indéfiniment des dettes de la société et donc de l'emprunt contracté, une telle autorisation semblerait requise. Cette analyse, qui se fonde davantage sur l'esprit des textes que sur leur lettre, n'a pas été suivie par la Cour de cassation.
Par une décision du 14 juin 2000, la cour a tranché. L'accord du juge des tutelles n'est pas nécessaire pour la souscription d'un emprunt par une société civile même si un mineur est associé majoritaire . Il s'agit d'une stricte application des textes. En droit, l'emprunteur est la société civile et non le mineur. Il en résulte que l'article 387-1 précité ne s'applique pas et que la société civile peut emprunter librement, sans autorisation judiciaire. Imposer l'autorisation préalable du juge reviendrait à nier la personnalité morale. Si la solution posée par la Cour de cassation est conforme à la lettre de la loi, elle n'est cependant pas à l'abri de critique, car l'écran de la personnalité morale est faiblement opaque en matière de société civile, spécialement en raison de l'obligation illimitée au passif social.
- Équilibre et responsabilité. - La jurisprudence a indiqué que les règles de fonctionnement de la société civile prévalent sur les règles de l'administration légale et de la tutelle. Elle n'a pas validé les opérations faisant prendre des risques inconsidérés à un mineur, source de dommage pour lui. Il convient, à notre sens, de conserver une certaine mesure dans l'utilisation des sociétés civiles avec des mineurs pour deux raisons. Les montages destinés à empêcher l'application d'une protection légale au profit d'une personne vulnérable peuvent être constitutifs d'une fraude. Par ailleurs, la responsabilité illimitée de l'associé mineur pose réellement une difficulté dans le fonctionnement de la société civile. Si un associé mineur subissait un préjudice par l'utilisation mal maîtrisée de cette société, des responsabilités devront être établies. L'administrateur et le tuteur devront rendre des comptes. Il en sera de même de leurs conseils dont la responsabilité pourra être recherchée pour défaut de conseil.

L'obligation illimitée au passif social

- Le régime de l'obligation illimitée aux dettes sociales. - L'article 1857 du Code civil dispose qu'« à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ». Les associés d'une société civile sont responsables du passif social au-delà de leurs apports et de façon illimitée sur leurs biens personnels. Cette obligation n'est cependant pas solidaire et les associés peuvent opposer aux créanciers les bénéfices de discussion et de division.
D'une part, l'obligation à la dette des associés est subsidiaire. Un créancier social ne peut agir personnellement contre les associés que s'il a « préalablement et vainement poursuivi la personne morale » (C. civ., art. 1858). Cela suppose au minimum une mise en demeure de la société et une tentative d'exécution, notamment une saisie, demeurée infructueuse. La jurisprudence est globalement protectrice des intérêts des associés : un commandement de payer ne suffit pas , l'inscription d'une hypothèque ou un procès-verbal de recherches infructueuses non plus . Une sauvegarde ou un plan de redressement ne rend pas non plus nécessairement vaine la poursuite. Cependant, « dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser ».
D'autre part, cette obligation à la dette est conjointe, proportionnelle à la part de chaque associé dans le capital social à la date de l'exigibilité de la dette sociale ou au jour de la cessation des paiements. Ainsi un créancier qui doit recouvrer une dette sociale à l'encontre des associés personnellement doit les poursuivre tous individuellement. Les créanciers sociaux ont donc intérêt à doubler la garantie légale d'un cautionnement contractuel.
- Le fondement de l'obligation aux dettes sociales. - L'engagement indéfini des associés d'une société civile demeure attaché à la qualité d'associé. Cet engagement imposé par la loi aux associés est, bien que proche par ses effets d'un cautionnement, d'une nature distincte. Elle résulte de la nature particulière des sociétés de personnes. Cependant, l'étude de la jurisprudence démontre une évolution du fondement et de la nature de cette obligation au passif social. La jurisprudence a admis qu'un associé puisse former tierce opposition au jugement qui avait fixé une créance dans une instance engagée contre une société civile avant l'ouverture de sa liquidation judiciaire mais alors que cette société était précisément représentée par un liquidateur judiciaire . Elle a même reconnu la faculté de former tierce opposition à l'associé d'une société civile in bonis . Selon une doctrine , cette jurisprudence accrédite l'idée que c'est la qualité de garant qui fonde la possibilité de mettre en ?uvre cette voie de recours, qui devrait lui être refusée si l'on ne prenait en compte que sa qualité d'associé.
Si cette analyse était validée, on devrait considérer que l'obligation au passif social n'est pas simplement un effet légal de la qualité d'associé. L'acquisition de la qualité d'associé, quel que soit le mode, emporte la souscription d'un engagement de garantie des dettes de la société considérée comme un tiers. Pour un mineur, cela signifierait que l'autorisation préalable du juge des tutelles soit obligatoire en toutes hypothèses d'acquisition de la qualité d'associé.
- Un risque aggravé pour le mineur. - Les hypothèses de mise en ?uvre de l'obligation au passif des associés en société civile sont multiples. La doctrine envisage habituellement la dette bancaire contractée pour financer un investissement immobilier, mais il en existe bien d'autres. Une société civile immobilière est amenée à construire, louer et vendre des biens immobiliers. Ces activités peuvent être génératrices d'obligations à l'égard d'un locataire (obligation de réaliser des travaux, de verser une indemnité d'éviction), à l'égard d'un acquéreur (obligation de livraison, obligation de garantie et d'éviction, voire une garantie décennale lorsque la société a la qualité de maître d'ouvrage). Ces activités immobilières génèrent par ailleurs quelques impôts et taxes et donc une responsabilité fiscale. Enfin, il peut arriver que le schéma d'organisation patrimoniale du chef d'entreprise ne se déroule pas tout à fait comme prévu. Il est courant de séparer le fonds de commerce, exploité dans une société commerciale, et les locaux professionnels détenus par une société civile immobilière et loués à la société commerciale. La procédure de liquidation judiciaire qui frappe la société commerciale peut être étendue à la société civile, notamment dans l'hypothèse d'une confusion de patrimoine. Ce risque n'est pas théorique et la jurisprudence récente l'a encore démontré .
Les activités d'une société civile, souvent présentée comme simplement patrimoniale, peuvent en réalité être source d'obligations à la charge de la société et indirectement de ses associés. L'entrée d'un associé mineur dans une société civile lui fait donc courir un risque aggravé de responsabilité de nature à entraîner sa ruine avant de prendre en main sa vie d'adulte.
- La limitation jurisprudentielle de la responsabilité du mineur. - Pour limiter les effets ravageurs de la responsabilité illimitée d'un associé à l'égard d'un mineur, la jurisprudence a posé quelques tempéraments.
Elle a d'abord sanctionné la fraude. La création d'une société civile ne saurait en effet être motivée par une volonté de contourner les règles de protection des mineurs, en particulier lorsqu'un emprunt est contracté. Le procédé révèle la fraude sanctionnée par la nullité de la société . Dans ce cas, la responsabilité du prêteur pourra être engagée s'il a participé au montage frauduleux et l'associé mineur pourrait ne pas répondre de la dette ainsi contractée par la société .
La jurisprudence a également limité la portée de l'emprunt bancaire contracté par une société civile à l'égard des associés mineurs . La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d'avoir retenu la responsabilité d'une banque ayant consenti un prêt à une société civile immobilière constituée avec des enfants mineurs sans s'être assurée que ces derniers, encourant un risque élevé de se retrouver personnellement débiteurs, avaient bénéficié de la protection qui leur était due en raison de leur état de minorité. C'est donc sur le terrain du devoir de conseil du banquier qu'est assurée la protection du débiteur. Cette obligation impose au banquier de vérifier la situation de l'emprunteur, notamment par la consultation des statuts et de l'extrait Kbis de la société. Il convient de préciser que la responsabilité du banquier n'est engagée qu'en raison des risques d'endettement pesant sur le mineur. Par conséquent, l'appréciation de la faute du banquier dépendra notamment du montant emprunté et de la proportion du capital détenu par le mineur.
- Les aménagements statutaires de la responsabilité de l'associé mineur. - La responsabilité indéfinie aux dettes sociales est attachée légalement à la qualité d'associé, mais les statuts peuvent aménager ses modalités.
Les statuts sociaux peuvent d'abord aménager le régime de l'obligation à la dette, c'est-à-dire les rapports des associés vis-à-vis des créanciers, en limitant ou supprimant la responsabilité d'un associé mineur. Les statuts peuvent contenir une clause stipulant que le gérant ne pourra conclure un acte qu'après avoir obtenu la renonciation du créancier à poursuivre un associé mineur. Cette limitation des pouvoirs du gérant est inopposable aux tiers et sa violation entraînera uniquement la mise en jeu de la responsabilité du gérant.
Les statuts sociaux peuvent également aménager le régime de la contribution à la dette, c'est-à-dire dans les rapports entre associés, en modulant le principe de la répartition des pertes proportionnellement à la participation au capital. La seule limite demeure la prohibition des pactes léonins. Une répartition des pertes non proportionnelle aux apports, voire une responsabilité limitée aux apports au bénéfice d'un associé mineur est donc envisageable. Cette clause a cependant une portée limitée aux relations entre associés et demeure inopposable aux créanciers qui pourront toujours poursuivre un associé mineur.
- La renonciation des créanciers à poursuivre un associé mineur. - Ces clauses statutaires destinées à limiter, voire supprimer la responsabilité de l'associé mineur sont totalement inefficaces car inopposables aux créanciers. On pourrait conclure qu'elles ont tout de même le mérite d'exister. On peut également supposer qu'elles induisent les administrateurs de l'associé mineur en erreur en leur faisant croire que le problème est résolu et leur enfant protégé. Il n'en est rien. La seule protection efficace du mineur consiste en la renonciation des créanciers à le poursuivre individuellement. Cette renonciation résulte de la négociation et dépend des conditions particulières de chaque affaire. Elle reste donc rare en pratique et elle ne peut concerner que les dettes contractuelles et prévisibles.
- Une évolution de la loi ? - La question de la responsabilité illimitée du mineur associé d'une société civile inquiète la doctrine et les praticiens depuis longtemps. Le 80e Congrès des notaires de France avait en son temps dénoncé les lacunes du droit des incapacités devant les dangers pesant sur l'associé d'une société civile . Trente-cinq ans plus tard, la question demeure entière. Avec un brin d'audace, un auteur a proposé de solutionner cette épineuse question par un remède drastique : déclarer l'associé mineur irresponsable des dettes sociales sur son patrimoine personnel . Cette proposition est intéressante et devrait être approfondie afin de faire évoluer la loi dans le sens de la protection de l'associé mineur.