- Les mesures judiciaires provisoires : l'article 255 du Code civil. - La loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice poursuit le mouvement initié par la loi de modernisation de la justice du xxi
e siècle
. Son article 22 supprime la phase de conciliation et abroge les articles 252-1 à 253 du Code civil relatifs à la procédure applicable aux divorces judiciaires à l'exception des divorces par consentement mutuel judiciaire
. Notons que dans le divorce par consentement mutuel judiciaire, l'article 250-2 du Code civil prévoit que le juge, en cas de refus d'homologation de la convention, peut valider les mesures provisoires au sens des articles 254 et 255 du Code civil sur lesquelles les parties se sont accordées.
L'article 22 entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État et au plus tard le 1er septembre 2020. Par dérogation à l'article 2 du Code civil et au principe de l'application immédiate des lois aux instances en cours, le législateur a décidé que les requêtes en divorce et en séparation de corps présentées préalablement à son entrée en vigueur seront jugées conformément au droit ancien et produiront les effets prévus par lui
.
La suppression de la procédure de conciliation entraîne avec elle celle de l'ordonnance de non-conciliation dans laquelle le juge prenait un certain nombre de mesures provisoires prévues notamment aux articles 255 et 256 du Code civil.
Le nouvel article 254 du Code civil, issu de la loi du 23 mars 2019, lui substitue une audience ayant pour objet de fixer les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants, de la date de l'introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée. Il appartient au juge de prendre en considération les accords éventuels passés entre les époux
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L'audience doit se tenir dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent. Afin d'alléger la charge des juridictions, cette audience devient donc facultative et peut même résulter de la renonciation de la partie seule constituée. Même si l'on peut le regretter, le caractère facultatif de cette audience n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel, lequel a considéré que les dispositions du Code civil protègent suffisamment l'intérêt de l'enfant
. Le notaire sera prudent de conseiller à ses clients de consulter sans attendre un avocat afin de pouvoir, si besoin est, solliciter la tenue d'une telle audience et ainsi bénéficier de mesures provisoires.
Est également supprimé l'article 257 du Code civil qui prévoyait que le juge pouvait prendre, dès la requête initiale, des mesures d'urgence.
La disparition de l'ordonnance de non-conciliation induit également la modification de l'article 262-1 du Code civil qui définit la date à laquelle le divorce prend effet dans les rapports entre les époux. Désormais, lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, le divorce prend effet entre les époux à la date de la demande de divorce. À la requête de l'un des époux, le juge peut toujours fixer les effets du divorce dans les rapports entre époux, à la date où ils ont cessé de cohabiter ou de collaborer, cette demande ne pouvant être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce.
La loi du 23 mars 2019 n'apporte aucune modification aux articles 255 et 256 du Code civil qui traitent des mesures provisoires, lesquelles ont toujours vocation à s'appliquer, mais dans le cadre de cette nouvelle procédure simplifiée.
L'article 255, alinéa 3 du Code civil autorise le juge dans le cadre de ces mesures provisoires et s'agissant du logement à :
- statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;
- attribuer, pendant la durée de l'instance, à l'un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou même de partager entre eux cette jouissance. Il statue sur le caractère gratuit ou onéreux de cette jouissance.
Ainsi le fait que le logement familial ait été bâti sur le terrain propre de l'épouse ne fait pas obstacle à ce que la jouissance provisoire du logement familial soit accordée au mari
. A fortiori la règle s'applique si le logement dépend de leur communauté ou de leur indivision.
Le juge n'admet quasiment jamais une jouissance partagée sauf dans l'hypothèse où l'immeuble possède une chambre séparée
ou si le conjoint exerce une activité professionnelle dans une annexe
. Il peut également l'ordonner dans l'intérêt des enfants, les parents venant séjourner dans le logement chacun par alternance
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Notons que l'expulsion d'un époux de sa résidence principale faisant suite à une ordonnance de non-conciliation attribuant la jouissance du logement à l'autre conjoint n'échappe pas aux textes relatifs à l'expulsion
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Par ailleurs, l'alinéa 4 de l'article 255 du Code civil n'a pas vocation à s'appliquer à une résidence secondaire. Toutefois le juge, conformément à l'alinéa 8 du même article, peut statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4o de l'article 255, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial.