La publicité de l'état de surendettement et ses limites

La publicité de l'état de surendettement et ses limites

Compte tenu des conséquences attachées à l'état de surendettement du débiteur, notamment la possibilité d'annulation par le juge d'instance de tout acte ou paiement effectué par le débiteur en violation de ses obligations, la connaissance de cet état est indispensable pour les professionnels et spécialement pour les notaires. Nous distinguerons la publicité de l'état de surendettement avant la décision de recevabilité de la demande par la commission de surendettement (§ I) et celle après la décision de recevabilité de cette demande (§ II).

Avant la décision de recevabilité de la demande par la commission de surendettement

Pendant les trois mois compris entre la saisine de la commission et la notification de la recevabilité de la demande, l'information des tiers est limitée à une publicité réservée à certains professionnels et même couverte par le secret professionnel.
- La publicité de la saisine. - L'article L. 752-2 du Code de la consommation prévoit que « dès qu'une commission de surendettement des particuliers est saisie par un débiteur, elle en informe la Banque de France aux fins d'inscription au fichier ». Il s'agit du Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), créé par un arrêté du 26 octobre 2010, sur lequel les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels sont maintenus pendant toute la durée de la procédure sans pouvoir excéder sept ans.
Tout notaire qui souhaite connaître la situation de son client, n'ayant pas accès au FICP, doit interroger les parties sur leur situation et de leur faire déclarer, comme il est d'usage dans les « déclarations générales » qui figurent habituellement en fin d'acte, « qu'ils ne font pas et ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un dispositif de traitement du surendettement des particuliers ».
Toute personne a un droit d'accès auprès de la Banque de France aux informations recensées à son nom . Cette pratique est rapide et semble très répandue sans que les services de la Banque de France ne sachent pourquoi et à quelle occasion les particuliers procèdent à cette demande .
Les notaires n'ont pas accès à ce fichier, alors que ces vérifications préalables permettraient de corroborer les déclarations des parties et de renforcer la sécurité juridique. Il nous semble que, sur le modèle de l'article L. 551-1 du Code de la construction et de l'habitation qui impose au notaire de demander la consultation du bulletin no 2 du casier judiciaire en cas d'acquisition d'un logement, un texte spécial doive le prescrire.
- Le secret professionnel et le respect de la vie privée. - Pour faire face à ce manque de publicité, un auteur s'est interrogé sur la possibilité pour le notaire de contacter directement la commission de surendettement. Il précise « qu'une telle entreprise s'avérera le plus souvent inutile. En effet, cette institution s'estime généralement astreinte à un secret vis-à-vis du notaire chargé d'actes ayant une incidence importante sur le patrimoine du débiteur ». D'autant que les membres de la commission de surendettement et les personnes qui participent à ses travaux sont tenus de ne pas divulguer à des tiers les renseignements dont ils ont eu connaissance, sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du Code pénal, en cas de violation du secret professionnel. La loi du 17 mars 2014 prévoyait la constitution d'un registre national des crédits aux particuliers, qui devait permettre de contribuer à prévenir le surendettement. La mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel, lequel a estimé « qu'eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur du traitement, à la fréquence de son utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d'y avoir accès et à l'insuffisance des garanties relatives à l'accès au registre, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi » .

Après la décision de recevabilité de la demande par la commission de surendettement

Une fois la procédure initiée, la publicité de la situation du surendettement fait l'objet d'une inscription au Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) et dans certaines hypothèses au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
- L'inscription au FICP. - La commission de surendettement des particuliers procède à une inscription au FICP . Toutefois, l'accès à ce fichier est réservé aux seuls établissements de crédit. L'article 2 de l'arrêté du 26 octobre 2010 précise que les informations figurant dans le FICP sont réservées à l'usage exclusif des établissements et organismes mentionnés à l'article 1er, qui ne peuvent consulter ce fichier à d'autres fins que celles liées à l'octroi d'un crédit.

Pratique

Le notaire en charge de la vente d'un bien immobilier, de la constatation d'un prêt ou d'une donation n'aura pas accès à ce fichier malgré le risque de nullité que fait peser l'article L. 761-2 du Code de la consommation.

- Inscription au BODACC . - L'autre mesure de publicité prévue par la législation sur le surendettement est la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
Toutefois, cette publication n'existe que dans les hypothèses de rétablissement personnel.
Il peut s'agir d'un rétablissement personnel sans liquidation au cas où les mesures de redressement ne permettent pas de rétablir la situation d'endettement du débiteur. La publication de l'avis de la commission est alors prévue par l'article R. 741-3 du Code de la consommation.
Il peut s'agir d'un rétablissement personnel avec liquidation judiciaire si le patrimoine du débiteur est composé de biens dont la vente peut couvrir le remboursement d'au moins une partie des dettes. La publication de l'avis est alors prévue par l'article R. 742-9 du même code.
Plus délicate est celle du plan conventionnel visé à l'article L. 732-1 du Code de la consommation. Certes, durant toute la durée d'exécution de ce plan, qui, dans l'hypothèse d'un prêt ayant servi à financer l'habitation principale, peut avoir une durée bien supérieure à sept années , le débiteur conserve sa capacité. Il n'est ni assisté, ni représenté, ni dessaisi de l'administration de ses biens et seuls les actes et paiements effectués en violation de ses obligations peuvent être annulés par le juge d'instance à la demande de la commission, présentée pendant le délai d'un an à compter de l'acte ou du paiement de la créance , mais aucune publication au BODACC n'est prévue par cette législation protectrice.
Comme l'indique un auteur : « S'il a connaissance du dépôt d'un dossier auprès de la commission de surendettement, le notaire chargé de recevoir un acte de disposition ou de prêt doit rester vigilant. Il est recommandé de solliciter, selon la phase de la procédure, les autorisations prescrites par les textes. Si le débiteur est condamné pour aggravation frauduleuse de son insolvabilité, le notaire pourrait être considéré comme complice ».