La publicité

La publicité

- Une publicité nécessaire. - Indispensable au moment de son activation , la publicité du mandat de protection future s'avère également nécessaire dès sa rédaction.
Il s'agit notamment d'éviter qu'un notaire puisse être sollicité par un mandant qui a déjà signé un premier mandat dans un autre office notarial. Il est vrai que le risque d'un double mandat peut être aisément évacué si le notaire rédacteur prend soin dans le second, par le biais d'une clause de style, de révoquer le premier.
Il s'agit surtout, au travers la mesure de publicité, d'assurer l'effectivité du principe de subsidiarité des mesures judiciaires. La publicité des mandats signés est destinée à permettre au juge des tutelles saisi d'une requête afin d'ouvrir une mesure de protection de s'assurer de l'existence d'un tel mandat. À défaut, le risque est évident que le juge ignore l'existence du mandat conclu et prononce l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire, en contrariété avec le choix pourtant exprimé par la personne à protéger .
- Une publicité prévue. - À l'origine, et alors que le notariat avait pourtant insisté sur la nécessité d'une telle publicité et proposé d'utiliser à cet effet le Fichier central des dispositions de dernières volontés, la loi n'avait mis en place aucune publicité permettant de connaître l'existence des mandats conclus. Au soutien de sa position, la Chancellerie a longtemps considéré qu'une « publicité automatique [apparaissait] incompatible avec la nature même du mandat de protection future qui présupposerait que l'on traite ce mandat comme un régime privant la personne concernée de sa capacité juridique. La mise en place de cette publicité serait par ailleurs vécue comme stigmatisante par les intéressés et pourrait ainsi constituer un frein au développement de cet instrument » . À vrai dire, l'argumentation factuelle apparaissait surprenante lorsque l'on sait que c'est précisément ce défaut de publicité, parmi d'autres raisons, qui a freiné et freine toujours le développement du mandat . Quant au motif de droit, sans doute le temps est-il venu pour les pouvoirs publics de sortir de la contradiction dans laquelle se trouve le mandat de protection future, tout à la fois dispositif de représentation de la personne vulnérable et mesure non attentatoire à sa capacité juridique.
Toujours est-il que cette lacune a été comblée par la loi du 28 décembre 2015 , qui a créé un nouvel article 477-1 du Code civil, aux termes duquel ce mandat « est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État ». À ce jour, on peut toutefois constater - et déplorer - que le décret annoncé n'ait jamais été publié et l'on ne peut, à l'instar du rapport Caron-Déglise, qu'espérer la mise en place prochaine d'un « répertoire civil unique, national et dématérialisé assurant la publicité de toutes les mesures de protection judiciaire et des dispositions anticipées, accessibles aux juridictions, aux notaires et aux avocats » .
- Une publicité confiée au notariat ? - Il convient, une nouvelle fois, de souligner que la profession notariale propose, depuis de nombreuses années, d'assurer la publicité du mandat de protection future par l'instauration de registres dédiés. C'est une option qui a déjà été choisie par certains pays en Europe, comme l'Allemagne, la Belgique ou encore l'Autriche. Il est vrai que les notaires ont l'expérience depuis longtemps des fichiers et disposent des outils nécessaires pour assurer une publicité dématérialisée et généralisée des mandats de protection future. Ce sont des officiers publics qui pourraient sans difficulté assurer une telle mission, ce qui éviterait de faire reposer sur la collectivité publique une charge susceptible d'alourdir le travail des greffes, si la tenue du registre leur était confiée, et de répondre aux objectifs des récentes réformes visant à recentrer les juridictions et leurs services sur leurs domaines propres de compétence, à savoir les activités juridictionnelles.

Proposition du Conseil supérieur du notariat relative à la création, la tenue et le fonctionnement par la profession notariale d'un registre des mandats de protection future

La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a inséré après l'article 477 du Code civil relatif au mandat de protection future un nouvel article 477-1 qui prévoit que : « Le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État ».
La profession notariale propose d'apporter son expertise dans la création, la tenue et le fonctionnement de ce registre.
I. L'enregistrement
A. Quel mandat ?
Pour assurer la pleine efficacité du registre, il devrait enregistrer tous les mandats de protection future conclus, quelle que soit leur forme.
B. La notion d'enregistrement
L'enregistrement est une mesure de publicité (et non de validité ou de prise d'effet de l'acte) et consiste en l'inscription d'un mandat de protection future conclu (et non ayant pris effet) sur le registre central et automatisé.
C. La mesure d'enregistrement du mandat
Le registre devrait permettre l'inscription :
  • de la convention initiale ;
  • des modifications apportées à la convention ;
  • de la révocation du mandat par le mandant ;
  • de la renonciation du mandataire.
NB : Il s'agit de l'inscription de l'existence de l'acte (et des événements ultérieurs qui le modifient ou y mettent fin) et non de son contenu.
D. L'enregistrement du mandat par le notaire
Le mandat serait enregistré par :
  • le notaire instrumentaire du mandat de protection future. L'enregistrement pourrait alors avoir lieu sans délai après la conclusion de l'acte notarié.En cas de modification du mandat : si le notaire qui reçoit l'acte modificatif n'est pas celui qui a rédigé le mandat initial, la modification devrait être notifiée à ce dernier afin qu'il procède à l'enregistrement de l'acte modifié ;
  • un notaire quel qu'il soit, en cas de mandat sous seing privé, sur demande du mandant uniquement. La forme de cette requête doit être fixée et les mentions qui y sont incluses doivent être déterminées.
À ce sujet, trois propositions alternatives peuvent être faites :
  • la première est d'exiger, pour accomplir la formalité de l'enregistrement, que le mandat sous seing privé (et les modifications, révocation et renonciation) soit déposé au rang des minutes d'un notaire (dépôt simple).L'avantage est que le notaire assurera la conservation du mandat (ce qui évitera les risques de perte ou de destruction) ainsi que son enregistrement. Cette formalité de dépôt ne serait pas une condition de validité de l'acte ou de prise d'effet, mais seulement une modalité de conservation,
  • la deuxième est que le mandant requière du notaire de son choix d'enregistrer le mandat conclu (et les modifications, révocation et renonciation), sans procéder à une formalité de dépôt.Pour ce faire, le mandant adresserait au notaire un formulaire comprenant les mentions suivantes :
  • la troisième est que le mandant adresse directement le seul formulaire susvisé à l'Association pour le développement du service notarial (ADSN) aux fins d'enregistrer directement le mandat conclu (et les modifications, révocation et renonciation).
C'est notamment le cas en Allemagne où le registre central et automatisé peut être saisi en ligne de la demande du mandant aux fins d'enregistrement.
E. Les mentions au registre
Le registre devrait comporter au minimum les mentions suivantes :
  • l'identification du notaire procédant à l'enregistrement (informations obtenues par le biais de sa clé Real) ou au moins de l'étude notariale (par le numéro CRPCEN) ;
  • la date de conclusion de l'acte ;
  • le numéro d'enregistrement attribué à l'acte (et cela pour permettre un meilleur suivi du mandat notamment en cas de modifications ou de révocation/renonciation) ;
  • la date de l'enregistrement de l'acte sur le registre ;
  • l'identité du mandant (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) en cas de mandat pour soi-même ;
  • l'identité du mandant et du bénéficiaire du mandat (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) en cas de mandat pour autrui ;
  • l'identité du mandataire (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile) et du ou des mandataires subsidiaires en cas de désignation ;
  • s'il s'agit de l'enregistrement de la convention initiale, d'une convention modificative ou d'une révocation/renonciation (la date de ces événements devra à chaque fois être mentionnée).
NB : Pour des raisons liées au respect de la vie privée et à la confidentialité des informations, seule l'existence du mandat (et des événements ultérieurs qui le modifient ou y mettent fin) est enregistrée, et non son contenu.
Il est ainsi évident que le registre ne doit enregistrer aucune information sur les dispositions prises par le mandant, qu'elles soient patrimoniales ou extrapatrimoniales (comme les actes à caractère personnel, la nature des soins à apporter ou d'éventuelles dispositions liées à la fin de vie, etc.).
F. Le coût de l'inscription
À l'instar des registres mis en place à l'étranger, il conviendrait que le coût de l'inscription soit minime, entre 10 ? et 15 ?.
G. Un registre centralisé et automatisé
Le registre devrait être centralisé et automatisé.
H. Un registre à caractère confidentiel
Il est nécessaire de prévoir que les notaires sont seuls habilités à enregistrer, conserver, modifier ou traiter les informations relatives aux mandats conclus, et ce afin de préserver l'intimité de la vie privée des parties à l'acte.
En ce sens, il faudrait que toute interconnexion du registre avec d'autres fichiers soit interdite.
Enfin, il faut prévoir que le droit d'accès et de rectification prévu aux articles 39 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 pourra s'exercer auprès de l'office notarial ayant enregistré le mandat.
I. Preuve de l'enregistrement
Il serait opportun de prévoir que le notaire procédant à l'enregistrement remette au mandant un récépissé d'enregistrement.
Ce récépissé serait remis ou adressé à l'occasion de l'enregistrement de la convention initiale, de la convention modificative, de la révocation et de la renonciation du mandataire.
Reste à déterminer si cette formalité doit se faire sans délai ou avec un délai.
II. L'interrogation du registre
A. Les personnes habilitées à interroger le registre
Le registre ne devrait être consulté que par les personnes suivantes :
  • le juge des tutelles et le greffe du tribunal d'instance compétent ;
  • le procureur de la République ;
  • un notaire.
S'agissant du notaire, l'interrogation du registre lui permettra de savoir si un mandat a déjà été rédigé dans le passé, et s'il s'agit uniquement pour lui d'y apporter une modification. L'interrogation lui permettra également de savoir si un mandat a été révoqué dans l'hypothèse où il n'a pas instrumenté la convention initiale.
En définitive, il faut prendre ici en considération le fait que le notaire consulté pour modifier ou établir, après révocation, un nouveau mandat, n'est pas le même que le notaire instrumentaire de la convention initiale.
Pour information, en Belgique, le registre peut être consulté par le juge, le procureur et le notaire, mais aussi par le mandant.
B. Le coût de l'interrogation
L'interrogation du registre serait gratuite.
C. La forme de l'interrogation
Reste à déterminer sous quelle forme l'interrogation sera faite lorsqu'elle émanera d'un magistrat (courrier simple, télécopie, voie électronique?).
Le mieux serait que l'interrogation par les magistrats se fasse par le biais :
  • soit d'une interconnexion entre le réseau Real et le réseau Justice, sous condition que la Commission nationale de l'informatique et des libertés l'autorise ;
  • soit d'un portail de consultation internet avec une liste de personnes ayant un accès réservé (accès aux greffiers, par login/mot de passe). Ce serait le mode d'interrogation le moins sécurisé quant à l'échange des données.
La demande d'interrogation devra comporter au moins les informations suivantes :
  • le nom et la fonction du demandeur ;
  • la date de la demande d'interrogation ;
  • l'identité du mandant (nom, prénoms, date et lieu de naissance et domicile).