La prévalence et la persistance de la protection du logement au cours de la procédure

La prévalence et la persistance de la protection du logement au cours de la procédure

Antérieurement à une décision de la Cour européenne des droits de l'homme , les textes qui régissaient l'expulsion des logements distinguaient entre ceux qui constituaient la résidence principale de la personne expulsée et les autres logements.
Depuis cette décision, rendue au vu de l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile) de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 412-1 du Code des procédures civiles d'exécution a été modifié et le régime de protection de l'expulsion porte sur tout « lieu habité par une personne expulsée ou par tout occupant de son chef ».
En conséquence, la saisie immobilière, dès l'instant qu'elle nécessite la mise en œuvre de la procédure d'expulsion d'un local ou d'un terrain servant à l'habitation , est soumise aux articles L. 412-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution étudié en détail ci-après (V. infra, no ).
La protection de la résidence apparaît aux différents stades de la procédure de saisie, que ce soit avant l'adjudication (§ I) ou après le prononcé du jugement d'adjudication (§ II).

Les formalités préalables à l'adjudication

- La signification du commandement de saisie. - Il s'agit de la formalité, prévue à l'article L. 321-1 du Code des procédures civiles d'exécution, qui engage la procédure de saisie. Elle est notifiée par l'huissier de justice au débiteur et, si l'immeuble est propre à l'un des époux et constitue le logement de la famille, le commandement de payer valant saisie devra être dénoncé au conjoint au plus tard le premier jour ouvrable suivant la signification du commandement au conjoint .
L'article L. 321-2 du même code énonce que l'acte de saisie rend l'immeuble indisponible et que le débiteur saisi est constitué séquestre du bien. Il en résulte que le débiteur et sa famille conservent l'usage de l'immeuble, sous réserve de n'accomplir aucun acte matériel susceptible d'en amoindrir la valeur.
Si l'immeuble est occupé par un locataire, celui-ci ne peut être séquestre du bien puisqu'il dispose de droits opposables au créancier poursuivant, qui sont inconciliables avec les règles du séquestre . C'est au titre du bail que le locataire est tenu d'une obligation de conservation. Si le créancier poursuivant considère que le locataire ne respecte pas cette obligation il peut, par le biais de l'action oblique, obtenir le respect de cette règle, voire la résiliation du bail.
- Expulsion du propriétaire. - Lorsque l'immeuble est occupé par son propriétaire, l'article L. 321-2, alinéa 3 du Code des procédures civiles d'exécution indique que les circonstances peuvent justifier l'expulsion du débiteur qui fait l'objet de la saisie. Le texte prévoit que seule une faute grave peut justifier une telle demande (il ne s'agit pas de permettre de valoriser à un prix supérieur le bien en procédant à l'expulsion du débiteur). La faute sera constituée par le non-respect des obligations du séquestre qui pèsent maintenant sur lui en qualité de débiteur saisi. Ainsi la volonté de détruire ou même de dégrader le bien sera contraire à l'obligation de conservation prévue à l'article 1962 du Code civil et justifiera une expulsion. Celle-ci sera demandée au juge en charge de la procédure de saisie sous forme d'une assignation complémentaire pour permettre le respect de la contradiction.
- Information spécifique de l'occupant d'un local à usage d'habitation. - Les textes ne prévoient pas de droit de préemption au profit du locataire lors de la saisie de son logement ; néanmoins, la loi du 31 décembre 1975 , spécialement son article 10, II, rend obligatoire l'information du locataire en cas d'adjudication d'un local à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel. Dans cette hypothèse, l'avocat du créancier doit convoquer à l'adjudication, par lettre recommandée, le locataire ou l'occupant de bonne foi. La notification est effectuée au moins un mois avant la date prévue pour l'adjudication et doit indiquer le montant de la mise à prix, les jours, lieu et heure de l'audience d'adjudication ainsi que le tribunal ou le notaire devant lequel elle se fera. Elle indique en outre que les enchères sont portées devant le tribunal par le ministère d'avocat et reproduit les termes du paragraphe II de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Lorsque l'adjudication est reportée, il est procédé à une nouvelle convocation dans les délais et formes prévus ci-dessus.
À défaut de recevoir cette notification, le locataire ou l'occupant de bonne foi peut, pendant un délai d'un mois à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l'adjudication, déclarer se substituer à l'adjudicataire. Le texte ne précise pas les détails de cette substitution, notamment le délai pour le paiement du prix ou la manière dont doit être actée cette substitution. On peut penser que cette sanction est suffisamment grave pour dissuader l'avocat poursuivant de toute négligence en la matière. Reste qu'en cas d'omission, il n'est pas prévu de délai de prescription ou de mécanisme de régularisation de cet oubli.

Conseil pratique

Le notaire qui aura à revendre le bien acquis lors d'une adjudication aura l'obligation de vérifier que le droit d'information du locataire ou de l'occupant de bonne foi aura été respecté. À défaut ce dernier pourrait contester cette revente en se prévalant de son droit de substitution.

- Information du maire. - En cas de vente sur saisie immobilière d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble constituant la résidence principale d'une personne qui remplit les conditions de ressources pour l'attribution d'un logement à loyer modéré, il est institué, au bénéfice de la commune, un droit de préemption destiné à assurer le maintien dans les lieux du saisi . La commune peut déléguer ce droit à un office public de l'habitat.
Le texte renvoie au Code de l'urbanisme sur les modalités d'exercice de ce droit, notamment en matière de notification avant la date d'adjudication (trente jours), d'exercice de la notification de la décision de préemption (trente jours), d'établissement de l'acte (trois mois) et de paiement du prix (six mois).
Ainsi, même dans l'hypothèse où le droit de préemption ne peut s'appliquer, la commune dispose tout de même de la possibilité de préempter, mais dans l'unique but d'assurer le maintien dans les lieux du saisi.
On relativisera toutefois la portée de ce texte puisque la Cour de cassation a indiqué, dans un arrêt publié au bulletin , que le non-respect des dispositions de l'article L. 616 du Code de la construction et de l'habitation n'est pas sanctionné par la nullité de la procédure de saisie immobilière.

L'adjudication

L'adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l'adjudicataire. Cette sentence comporte des effets vis-à-vis du débiteur, mais également sur les baux en cours.
- Effets du jugement d'adjudication. - La circulaire du 14 novembre 2006 précise que le débiteur est tenu de la garantie de la délivrance du bien et de la garantie d'éviction. En cas de surenchère, le surenchérisseur ne devient propriétaire du bien que par l'effet de l'adjudication sur surenchère ; jusqu'à cette date, l'immeuble demeure aux risques et périls du débiteur. L'adjudication emportant transfert de propriété à sa date, l'adjudicataire a tout intérêt à assurer le bien dès que l'adjudication est définitive (expiration du délai de surenchère) ; par précaution, il peut aussi le faire assurer dès l'adjudication intervenue .
Le jugement d'adjudication doit encore être signifié au débiteur par le créancier poursuivant, mais ce jugement n'est susceptible d'appel que si celui-ci a tranché une contestation. En l'absence de contestation, il n'y a pas d'appel possible, ni de tierce opposition .
La garantie de délivrance à laquelle est tenu le débiteur l'oblige à libérer son logement. À défaut de libération amiable, l'adjudicataire devra engager une procédure d'expulsion.
- L'expulsion du débiteur. - L'article L. 322-13 du Code des procédures civiles d'exécution, applicable depuis le 1er janvier 2007, énonce que le jugement d'adjudication constitue un titre d'expulsion à l'encontre du saisi (préalablement il fallait passer par le tribunal d'instance pour obtenir une ordonnance d'expulsion). La partie réglementaire précise que cet effet est produit à compter du versement du prix ou de sa consignation et du paiement des frais taxés, sauf si le cahier des conditions de la vente prévoit le maintien dans les lieux du débiteur saisi . L'adjudicataire aura tout intérêt à vérifier le cahier des conditions de la vente sur ce point.
Le départ du débiteur ou de tout occupant de son chef n'ayant aucun droit qui lui soit opposable doit intervenir sans délai. Ainsi l'article L. 613-1 du Code de la construction et de l'habitation qui permet, par renvoi à l'article L. 412-3 du même code, de demander au juge des délais pour permettre le relogement n'a pas été retenu applicable dans l'hypothèse d'un débiteur de soixante-neuf ans aux ressources modestes . Toutefois, une cour d'appel a refusé d'assortir d'une astreinte la condamnation du saisi à libérer les lieux.
L'expulsion est ensuite menée par un huissier de justice qui, si l'occupant n'obtempère pas, dresse un procès-verbal de tentative d'expulsion, puis un procès-verbal de réquisition de la force publique adressé au préfet qui le transmet au commissaire de police. Le commissariat de police, mandaté par le service logement/expulsion de la préfecture, est alors chargé d'effectuer une enquête ; la préfecture autorise ou bloque l'expulsion en examinant les possibilités de relogement. Celle-ci dispose de deux mois pour donner sa réponse. À la fin de ces deux mois, l'adjudicataire dispose d'un recours pour le cas où l'administration bloque cette expulsion. Cette procédure consiste à demander à la préfecture (ou au tribunal administratif si celle-ci ne répond pas) le paiement d'indemnités d'occupation, qui sont équivalentes au montant du loyer.
Reste que les dispositions de l'article L. 412-6 du Code de la construction et de l'habitation, qui prévoient un sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, s'appliquent à notre situation (trêve hivernale).
- Incidence de la saisie sur les baux. - L'article L. 321-4 du Code des procédures civiles d'exécution énonce : « Les baux consentis par le débiteur après l'acte de saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l'acquéreur ». Il précise également que la preuve de l'antériorité du bail peut être faite par tout moyen. Il en résulte que les baux en cours continuent et que l'adjudicataire se substitue à l'ancien propriétaire dans ses droits et ses obligations.
On rappellera que le locataire titulaire d'un droit d'information peut se substituer à l'adjudicataire s'il n'a pas été informé de celle-ci (V. supra, no ).