La donation avec réserve d'usufruit

La donation avec réserve d'usufruit

- Avantages. - La technique la plus répandue consiste, pour le disposant, à ne transmettre que la nue-propriété d'un bien, en se réservant l'usufruit soit pour une durée temporaire, soit à titre viager . Les avantages de ce mécanisme sont bien connus. Sur un plan civil, la réserve d'usufruit permet au donateur, lorsqu'elle porte sur son logement, de rester à son domicile et de conserver son cadre de vie, et quand elle concerne un bien frugifère, de lui assurer des revenus pour ses vieux jours. Sur le terrain fiscal, l'opération entraîne, s'agissant des droits de mutation à titre gratuit, une réduction de l'assiette taxable, les droits dus n'étant calculés que sur la valeur de la nue-propriété des biens donnés après déduction de la valeur de l'usufruit évalué selon le barème fiscal (CGI, art. 669). Par ailleurs, aucun droit n'est dû lors de la réunion de l'usufruit à la nue-propriété lorsque cet usufruit s'éteint par l'arrivée du terme ou par le décès de l'usufruitier (CGI, art. 1133).
Si la donation porte sur des biens consomptibles au premier usage, la protection de la dépendance peut s'exercer par le biais d'une donation avec réserve de quasi-usufruit . Celle-ci offre une protection accrue à l'usufruitier, qui conserve l'entière disposition du capital comme s'il en était resté propriétaire, à charge de le restituer soit en nature, soit en valeur, à l'extinction de l'usufruit (C. civ., art. 587). Le mécanisme respecte la règle de l'irrévocabilité spéciale des donations entre vifs puisque le nu-propriétaire se retrouve dans la situation immédiate et définitive d'un créancier de somme d'argent exigible au décès du débiteur. Il convient simplement de rappeler que le fait d'y procéder sans que le donateur possède les liquidités suffisantes l'expose à un abus de droit.
- Inconvénients. - En dépit de ses avantages certains, l'usage d'une donation avec réserve d'usufruit n'est pas toujours approprié. Il convient, en effet, d'avoir à l'esprit que les difficultés classiquement rencontrées en présence d'un droit de propriété démembré sont d'autant plus fâcheuses ici que la constitution de l'usufruit s'effectue sur la tête d'une personne, dont le risque de vulnérabilité est évident. Cette vulnérabilité va inévitablement créer des difficultés d'ordre pratique, lesquelles sont vouées à s'accentuer au fur et à mesure de l'avancée en âge de l'usufruitier.
Si la donation porte sur le logement, celui-ci risque, dans un avenir plus ou moins prévisible, de ne plus être adapté aux besoins de ce dernier. Il faudra alors envisager des travaux importants ou la mise en vente du bien, pour financer le placement dans un établissement spécialisé. Dans le premier cas, on sait l'impression de flou qui entoure les textes du Code civil relatifs à la répartition de la charge des travaux entre usufruitier et nu-propriétaire (C. civ., art. 605 et 606), dont les prétoires se font régulièrement l'écho. Le risque est alors évident de parvenir à des situations de blocage qui pourraient s'avérer dramatiques pour l'usufruitier vieillissant. En ce qui concerne la vente du bien, elle supposera, bien entendu, l'accord du nu-propriétaire. À supposer celui-ci acquis, ce qui n'est jamais une certitude, il s'agira de s'entendre sur la répartition du prix de vente. Si la donation est ancienne, le donateur ayant avancé en âge, son usufruit aura perdu une grande partie de sa valeur. L'aliénation du bien risque donc d'être très décevante pour lui.
S'agissant d'un bien frugifère, le risque existe que l'usufruitier soit confronté, au fil du temps, à l'incapacité et/ou à la perte de volonté de gérer les rapports avec les locataires. De la même façon, s'agissant d'actifs financiers démembrés, les difficultés rencontrées peuvent être nombreuses, entre la gestion d'un portefeuille titres qui séduisait le jeune retraité, heureux de pouvoir enfin gérer lui-même ses actifs financiers et qui risque fort de devenir une source d'inquiétudes avec l'avancée en âge, jusqu'aux sollicitations diverses et variées pour investir sur des supports dont l'utilité peut s'avérer douteuse et auxquels l'usufruitier vieillissant aura de plus en plus de mal à faire face .
Bien entendu, toutes les donations en démembrement de propriété n'engendrent pas de telles conséquences. Mais il serait tout aussi inconséquent d'ignorer ces situations et conflits possibles dont la probabilité augmente avec la durée du démembrement . Censés se protéger en conservant un droit d'usufruit, les potentiels donateurs doivent être conscients qu'ils pourraient se trouver en état de subir des effets secondaires annihilant tout ou partie des bénéfices attendus. Les conseils avisés du notaire sont ici primordiaux pour que le choix vers une donation avec réserve d'usufruit soit opportun et pris en pleine connaissance de cause.

L'insertion de clauses salutaires dans l'acte de donation

La pratique notariale a envisagé des parades pour pallier ces difficultés.

S'agissant des travaux, il appartient au notaire, rédacteur de l'acte, de ne pas se contenter d'un renvoi pur et simple aux règles supplétives prévues par la loi mais, au rebours, de mettre en place avec les parties des règles personnalisées et adaptées. Ainsi, et sous réserve d'une éventuelle requalification fiscale, il peut être prévu la prise en charge par le nu-propriétaire de certains travaux dans le logement, y compris ceux qui incombent par principe à l'usufruitier en vertu de l'article 605 du Code civil, voire l'obligation d'y procéder, aux fins d'anticiper les divergences de vues entre les parties
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S'agissant de la vente, il peut être prévu de reporter le démembrement de propriété sur le prix, afin de conférer un quasi-usufruit à l'usufruitier. Cette solution lui laissera la disposition du produit de la vente, à charge toutefois de restituer à son propre décès une somme semblable (C. civ., art. 587)
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Enfin, il peut-être judicieusement prévu <em>ab initio</em> la conversion de l'usufruit en une rente viagère, si l'usufruitier se trouve dans l'obligation de quitter le bien.